Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/26/2025 du 10.01.2025 sur ONMMP/5056/2024 ( MP ) , RETRAIT DECISION MP
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/14315/2024 ACPR/26/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 10 janvier 2025 |
Entre
A______, représenté par Me B______, avocat,
recourant
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 15 novembre 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé
EN FAIT :
A. Par acte déposé le 28 novembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance de
non-entrée en matière du 15 novembre 2024, notifiée le 18 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte pénale déposée contre lui par C______, sans se prononcer sur ses prétentions en indemnisation fondées sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP.
Le recourant conclut, principalement, à l'annulation de l'ordonnance querellée, subsidiairement, au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision et, cela fait, à l'octroi d'une indemnité en CHF 5'102.32 pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure avant le prononcé litigieux, ainsi que d'une indemnité en
CHF 2'578.18 pour l'exercice raisonnable de ceux-ci dans le cadre du présent recours.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 7 juin 2024, C______, née le ______ 1932, a déposé plainte contre son fils A______ et sa belle-fille D______ pour usure (art. 157 CP), escroquerie (art. 146 CP) et contrainte (art. 181 CP) et, s'agissant de cette dernière, également pour abus de confiance (art. 138 CP).
Elle a expliqué que sa belle-fille avait profité, potentiellement avec la complicité de son fils, de son inexpérience des affaires, de sa méconnaissance de la langue française et de la confiance qu'elle avait placé en eux pour obtenir la vente, par acte notarié du 25 mai 2020, de son appartement genevois, sis no. ______ rue 1______, à un prix manifestement inférieur à sa valeur. Son fils avait par ailleurs exploité sa dépendance à son égard et la relation de confiance qu'ils entretenaient et usé de chantage affectif afin de la contraindre à procéder à des virements bancaires, des paiements de factures et des remises d'argent liquide. Les virements effectués en faveur de sa belle-fille et de son fils l'avaient été, non pas afin de couvrir les frais de santé de ce dernier, comme il l'avait prétendu, mais de financer son train de vie dispendieux. Il n'était par ailleurs pas exclu que sa belle-fille se fût rendue coupable d'abus de confiance, dès lors qu'elle ignorait si D______ avait véritablement eu l'intention d'utiliser la somme de CHF 10'010.- qu'elle lui avait versée en 2020 pour couvrir ses frais de funérailles ou si sa belle-fille l'avait utilisée d'une autre façon.
b. Entendus par la police en qualité de prévenus le 24 septembre 2024, en présence de leurs avocats respectifs, A______ et D______ ont contesté les faits reprochés.
c. Deux autres recours ont également été interjetés contre l'ordonnance querellée, par C______, d'une part, qui reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte, et par D______, d'autre part, qui fait grief à cette autorité de ne pas lui avoir octroyé d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public a fait application de l'art. 310 al. 1 let. a CPP. Les éléments constitutifs des infractions d'usure et d'escroquerie n'étaient manifestement pas réalisés, aucun élément du dossier ne permettant de douter de la régularité de la procédure de conclusion de l'acte notarié. Eu égard aux infractions reprochées à A______ et D______, il n'était pas pertinent de savoir à quoi étaient destinés les virements bancaires effectués en leur faveur par C______, aucun acte préjudiciable aux intérêts de cette dernière ne pouvant par ailleurs être retenu. On ne voyait en outre pas en quoi les agissements de A______ auraient entravé C______ dans sa liberté d'action. Une non-entrée en matière s'imposait également au vu de la nature purement civile du litige (ATF 137 IV 285, consid. 2.3).
D. a. À l’appui de son recours, A______ fait valoir que l'assistance d'un avocat était justifiée pour défendre ses intérêts dans le cadre de la procédure préliminaire, dès lors qu'il n'avait aucune connaissance juridique et qu'il s'agissait d'une affaire complexe pour une personne non rompue au droit pénal, son avocat s'étant par ailleurs limité à l'essentiel sans accomplir de démarches superflues ou excessives. La question de son indemnisation devait être examinée d'office, conformément à l'art. 429 al. 2 CPP, et le Ministère public se devait de l'interpeller, afin qu'il fasse valoir ses prétentions en indemnisation, puis l'indemnise à cet égard.
b. Dans ses observations, le Ministère public annonce retirer "intégralement" son ordonnance de non-entrée en matière. Il demande que la cause soit rayée du rôle, précisant avoir l'intention d'interpeller "les parties" sur leur état de frais sitôt la cause retournée.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner, si ce n'est un point d'une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 310 al. 2, 322 al. 3 et 393 al. 1 let a CPP), du moins le refus implicite d'indemniser un défenseur et émaner du prévenu, qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
La solution ne serait pas différente s'il fallait considérer que l'omission, reprochée, de statuer (d'office) sur une prétention en indemnisation constituait un déni de justice (art. 393 al. 2 let. a et 396 al. 2 CPP).
2. Cela étant, le retrait "intégral" de l'ordonnance querellée par le Ministère public a rendu le recours sans objet. En effet, l'action publique dirigée contre le recourant reprend. Celui-ci n'a donc pas bénéficié d'un abandon des poursuites qui eût pu lui donner droit à l'indemnisation de ses frais de défense, au sens de l'art. 429 CPP.
Cette question se posera si, à l'issue des nouvelles investigations, il bénéficie à nouveau d'une décision analogue.
3. 3.1. Lorsqu'un procès devient sans objet, les frais afférents à la procédure sont fixés en tenant compte de l'état de fait existant avant l'événement mettant fin au litige et de l'issue probable de celui-ci (cf. ATF 125 V 373 consid. 2a p. 375). Il ne s'agit pas d'examiner en détail les chances de succès du recours ni de rendre un jugement sur le fond par le biais d'une décision sur les frais, mais d'apprécier sommairement la cause (ATF 142 V 551 consid. 8.2. p. 568).
3.2. À cette aune, le recourant fait valoir, non sans chance de succès, que l'assistance d'un avocat était justifiée pour défendre ses intérêts dans le cadre de la procédure préliminaire, dès lors qu'il n'avait aucune connaissance juridique et qu'il s'agissait d'une affaire complexe pour une personne non rompue au droit pénal, son avocat s'étant par ailleurs limité à l'essentiel sans accomplir de démarches superflues ou excessives. La question de son indemnisation devait être examinée d'office, conformément à l'art. 429 al. 2 CPP, et le Ministère public se devait de l'interpeller, afin qu'il fasse valoir ses prétentions en indemnisation, puis l'indemnise à cet égard.
3.3. En l'occurrence, le Ministère public ne pouvait se dispenser d'interpeller le recourant sur ses prétentions en indemnisation, ce d'autant qu'il n'ignorait pas que celui-ci avait constitué un avocat, puisque le procès-verbal d'audition à la police mentionne la présence de son défenseur. Il devait donc s'enquérir d'une éventuelle indemnisation des frais de défense du recourant. On ne saurait admettre que son silence pur et simple sur cette question vaille refus implicite d'une indemnisation qui n'avait, par surcroît, pas été présentée ni chiffrée.
Pareille omission était constitutive d'un déni de justice (cf., pour l'omission de détruire ou effacer d'office des profils d'ADN, l'ACPR/842/2020 du 23 novembre 2020 consid. 2.3.).
L'admission probable du recours pour ce motif n'eût donc pas entraîné la perception de frais auprès du recourant.
4. Charge des frais et indemnité de procédure s'excluant l'une l'autre (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2 p. 211), le recourant a droit à une indemnité pour les honoraires de son avocat en instance de recours. Il l'a chiffrée à CHF 2'578.18 TTC, correspondant à
5h20 d'activité d'avocat stagiaire au tarif horaire de CHF 150.- (4h50 pour la rédaction du recours et 0h30 pour une vacation à la Chambre de céans) et 3h30 d'activité de chef d'étude au tarif horaire de CHF 450.- (1h15 pour la rédaction de courriers, 0h05 pour une conférence téléphonique, 1h20 pour une vacation et deux consultations au Ministère public, 0h40 pour la relecture et la modification du recours, 0h10 pour la préparation d'un chargé de pièces). Compte tenu du peu de difficulté de la cause et de l'ampleur de l'écriture de recours (soit quatorze pages, page de garde et conclusions comprises), l'indemnité réclamée apparait excessive. Partant, celle-ci sera réduite et seule une indemnité correspondant à 4h00 d'activité d'avocat stagiaire et 2h30 d'activité de chef d'étude lui sera allouée, soit CHF 1'725.-, plus TVA, soit un total de CHF 1'864.75 TTC.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare le recours sans objet et raye la cause du rôle.
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'864.75, (TVA 8.1% incluse) pour ses frais de défense en instance de recours.
Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.
La greffière : Séverine CONSTANS |
| Le président : Christian COQUOZ |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).