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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/12195/2023

ACPR/821/2024 du 07.11.2024 sur ONMMP/2825/2024 ( MP ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 19.12.2024, 7B_1423/2024
Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ;INFRACTIONS CONTRE LA SÉCURITÉ DES RAPPORTS JURIDIQUES;INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE;DOMMAGE PATRIMONIAL
Normes : CPP.310; CPP.382; CPP.118; CPP.115; CP.251

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12195/2023 ACPR/821/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 7 novembre 2024

 

Entre

A______, représentée par Me Etienne ARNAUD, avocat, MAZON ARNAUD DECONINCK, rue Henri Monnier 5, 75009 Paris, France,

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 25 juin 2024 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 12 juillet 2024, complété le 15 suivant, A______, par la plume de son conseil, recourt contre l'ordonnance du 25 juin 2024, notifiée le 4 juillet 2024, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur ses plaintes.

La recourante conclut à l'annulation de ladite ordonnance, l'ouverture d'une instruction "contre toute personne physique ou morale que l'enquête déterminera comme responsable des faits dénoncés, dans le respect du principe d'indivisibilité (art. 32)", ainsi qu'à ce que soit entrepris "tout acte utile à la manifestation de la vérité de la justice, et que les mesures conservatoires imposées par la protection de ses droits soient immédiatement mises en place".

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. B______, ressortissant jordanien, a eu trois enfants, nés entre 1974 et 1983 : A______ et C______, domiciliés au Liban, ainsi que D______, demi-frère de ces derniers, résidant en Espagne.

b. B______ a fondé différentes entités, lesquelles détiennent plusieurs actifs, soit notamment E______ LIMITED (ci-après: E______ LTD) et F______ (ci-après : F______).

Cette dernière consiste en "une Anstalt" liechtensteinoise créée en 1988. Son conseil de fondation est composé, outre de deux résidents liechtensteinois, de G______ INC. (ci-après: G______), titulaire d'un droit de signature individuelle depuis 2010.

D'après les statuts de F______, G______ est l'organe compétent pour désigner (art. 10), dans un règlement ("by laws"; art. 11, 2ème paragraphe), les bénéficiaires de la fondation, texte qui peut ensuite être modifié à l'unanimité (art. 11, 3ème paragraphe).

À teneur des "by laws" adoptés en 2009, lesdits bénéficiaires étaient B______, puis, à son décès, ses trois enfants (à raison de 33.3% chacun; point II); ce règlement pouvait être modifié en tout temps par le conseil de fondation, spontanément ou sur instruction écrite du fondateur (point V).

c. B______ s'est établi en Belgique, pays d'origine de H______, sa compagne depuis plusieurs années. Il y a résidé dès août 2013 et jusqu'à l'été 2015.

d. Durant la période précitée, I______ SA– société active dans l'ingénierie patrimoniale et fiscale – a prodigué divers conseils/services à F______, en particulier via l'une de ses employées, J______, domiciliée à Genève.

e. G______ est une filiale de I______ SA.

f. En automne 2014, les autorités judiciaires libanaises ont, sur requête de A______, prononcé l'interdiction provisoire de B______ – dans l'attente d'une décision à rendre ultérieurement, sur le fond – et désigné sa fille en qualité de tutrice; cette dernière ne pouvait toutefois procéder à l'acquisition/au transfert de biens/valeurs sans l'autorisation préalable du tribunal.

g. Courant novembre 2014, B______ et H______ se sont mariés sous le régime de la séparation de biens, chacun ayant, par ailleurs, renoncé à ses droits dans la succession de l'autre.

h. Selon un document daté du 10 décembre 2014, B______ a requis du I______ SA le transfert d'USD 3'250'000.- en faveur de son épouse, au titre de cadeau ("gift").

Le 12 suivant, un montant d'USD 3'250'000.- a été débité du compte [de la banque] K______ ouvert au nom de E______ LTD et crédité sur le compte de B______ auprès de I______ SA, puis transféré, sur un compte ouvert au nom de H______, au sein de ce même établissement (cf. documents intitulés "Portfolio valuation of 31.12.2014" concernant le compte de B______ auprès de I______ SA).

i. Le 9 février 2015, B______ a adressé une lettre d'intention ("letter of wishes"; ci-après: LOW) au conseil de fondation de F______. Il y requérait une modification du règlement; le cercle des bénéficiaires, dorénavant discrétionnaires, devrait comprendre les personnes suivantes : lui-même, H______, D______, la fille mineure de ce dernier et ses autres enfants biologiques, dont la filiation devrait être établie par un test ADN; les administrateurs obtenaient les "pleins pouvoirs"; la totalité des avoirs détenus par la fondation n'étaient plus distribuée à parts égales au décès du fondateur, mais restait en mains des administrateurs, sur le compte I______ SA de F______.

Ledit conseil a donné suite à cette requête, semble-t-il au printemps 2015.

j. Par testament olographe daté du 13 mars 2015, B______ a désigné comme héritiers ses trois enfants (selon un acte notarié établi en 2016).

k. Le 20 juillet 2015, un montant d'EUR 500'000.- a été transféré du compte du K______ ouvert au nom de F______ sur un compte ouvert auprès de la banque L______ en Belgique au nom de B______.

l. B______ est décédé le ______ 2015, en Belgique.

m.a. Le 27 mars 2018, A______ et C______, agissant en qualité d'héritiers de leur père, ont déposé une plainte pénale, à Genève, contre J______ du chef de gestion déloyale.

Ils lui reprochaient d'avoir, courant juin 2014, par le truchement de I______ SA, "orchestré" la vente "à vil prix" d'une propriété en Espagne appartenant à M______ En sa qualité d'unique "actionnaire" et bénéficiaire de M______, B______ avait subi un dommage du chef de cette transaction. Bien qu'averties de l'état de santé critique de leur père, I______ SA et J______ avaient laissé l'opération se poursuivre.

Par ailleurs, ils avaient appris l'existence du virement "d'EUR 3.25 millions" effectué en faveur de leur belle-mère, au sujet duquel il convenait d'enquêter (cf. let. B. h. supra).

Ces faits ont fait l'objet de la procédure P/1______/2018.

m.b. Par courrier du 18 juillet 2019, A______ et C______ ont expliqué avoir "récemment" appris leur éviction du cercle des bénéficiaires de F______. En effet, le conseil de la fondation (via G______) avait décidé de donner suite à la LOW du 9 février 2015 (cf. let. B. i.), rédigée à une époque où leur père se trouvait dans un "état quasi végétatif".

m.c. Par ordonnance du 11 août 2020, le Ministère public a classé cette plainte estimant que J______, faute de pouvoir de disposition autonome sur ladite villa, n'avait pas eu un rôle de gérant dans cette vente.

Selon le procureur, il ne faisait toutefois aucun doute qu'au regard des constats médicaux, l'état de B______ l'avait empêché, dès le 13 octobre 2014, de comprendre le sens de la "letter of wishes" du 9 février 2015 ou, du reste, de tout texte complexe, qu'il l'ait ou non signé.

m.d. Par arrêt du 2 mars 2021 (ACPR/130/2021), définitif et exécutoire, la Chambre de céans a rejeté le recours interjeté par A______ et C______ et confirmé le classement.

S'agissant du grief lié à la vente du bien immobilier en Espagne, la qualité pour agir devait leur être déniée (consid. 5.2.4).

Pour ce qui était de la modification, à leur détriment, du cercle des bénéficiaires de F______, A______ et C______ s'étaient plaints d'une atteinte causée, non pas au patrimoine de leur père, qu'ils auraient pu faire valoir en qualité d'héritiers, mais d'une lésion de leurs propres avoirs. Sur le plan de la recevabilité, il était douteux qu'ils eussent disposé, entre 2009 et 2014, d'une quelconque créance directe à l'égard de la fondation, leur père étant alors l'unique bénéficiaire de celle-ci jusqu'à son décès. Dès cet instant, ils devenaient bénéficiaires, statut qu'ils conservaient au regard du nouveau règlement (les prestations étaient octroyées dorénavant à bien plaire, les recourants devant se soumettre à un test ADN pour en bénéficier; partage du patrimoine de la fondation entre un nombre plus élevé de bénéficiaires qu'auparavant; etc.). Il semblait donc peu probable que le changement querellé eût touché leur patrimoine. Cette question souffrait toutefois de demeurer indécise (consid. 5.2.5). En effet, sur le fond, l'existence d'une infraction devait être niée. Même à supposer qu'ils eussent disposé, en leur qualité de bénéficiaires, de créances directes à l'égard de F______, le conseil de fondation ne se les était, aucunement appropriées, en modifiant le cercle desdits bénéficiaires de la manière incriminée. Une infraction d'abus de confiance (art. 138 CP) était donc exclue. Une escroquerie (art. 146 CP) n'était pas davantage concevable, à défaut pour les recourants d'avoir été déterminés à agir de façon préjudiciable à leurs intérêts en lien avec lesdites créances. Enfin, les conditions d'une gestion déloyale (art. 158 CP) n'était pas non plus réalisées. Le conseil de fondation était chargé de gérer le patrimoine de F______ et non les créances des bénéficiaires. Par ailleurs, cet organe était, à teneur des statuts, habilité à modifier le cercle des bénéficiaires, de sorte que l'on ne voyait pas qu'il aurait, en agissant de la sorte, violé ses devoirs (consid. 9.2).

Enfin, les recourants s'étaient prévalus, à plusieurs reprises, de la donation "d'EUR 3.25 millions" à H______ sans toutefois dénoncer d'infraction spécifique à cet égard. À considérer qu'ils entendaient, par-là, se prévaloir d'un acte d'usure, l'art. 157 CP supposait l'existence d'un contrat onéreux, de sorte que la personne qui "capt[ait] une donation" ne commettait pas un acte illicite à cette norme, faute de fournir une contreprestation (consid. 6.2).

n. Le 20 avril 2023, A______ a déposé plainte contre inconnu pour faux dans les titres (art. 251 CP), abus de confiance (art. 138 CP) et/ou gestion déloyale (art. 158 CP) et ou escroquerie (art. 146 CP), subsidiairement appropriation illégitime (art. 137 CP) et/ou soustraction d'une chose mobilière (art. 141 CP) et/ou utilisation sans droit de valeurs patrimoniales (art. 141bis CP).

Se référant à la procédure P/1______/2018, elle a, en substance, relevé que trois documents qui portaient la signature de B______ avaient été utilisés pour "dépouiller [ce dernier] de la quasi-totalité de son patrimoine". Or, son père était incapable de discernement depuis, à tout le moins, 2013. La signature de B______ sur les textes concernés était donc a priori contrefaite et le contenu de ces documents, sujet à caution (art. 251 CP).

Les documents en question étaient les suivants :

(1) a. la LOW adoptée le 9 février 2015 (cf. let. B. i. supra) – caviardée et signée –. Il s'agissait d'un faux aussi bien intellectuel, car la signature apposée n'était pas celle de B______, que matériel, puisque le contenu ne représentait aucunement la volonté du fondateur, "dont on ne saurait pas trop bien comment définir la participation [du fondateur] dans la création de ces documents et encore moins le bénéfice qu'il en tirait";

b. les LOW des 28 octobre 2014 et 9 février 2015 – soit pour cette dernière la version non caviardée et non signée – [qui n'ont jamais été exécutées];

(2) l'ordre de virement d'USD 3'250'000.- prétendument passé par B______ en faveur de H______, le 12 décembre 2014;

(3) [à bien comprendre la recourante] l'ordre de virement d'EUR 500'000.- de F______ intervenu le 15 juillet 2015 vers un compte ouvert auprès de la banque L______, au nom de B______, sur lequel H______ disposait d'une procuration générale. D'après la recourante, aucun document ne donnerait une telle instruction ou un motif à ce transfert. De plus, la quasi-totalité des sommes créditées sur le compte L______ de B______ avait été systématiquement retransférée sur le compte personnel de H______.

S'agissant des infractions contre le patrimoine, elles étaient réalisées. Son père avait été prétérité par les différents actes effectués tant au sein de F______ (perte des "pleins pouvoirs" et transactions financières), en sa qualité de bénéficiaire, que ceux ayant permis la sortie d'argent de ses comptes personnels.

o. Le 21 juillet 2023, A______ a déposé un complément de plainte.

I______ SA continuait à dilapider le patrimoine de feu B______ et de ses "véritables" héritiers, en versant des mensualités régulières à D______, afin de financer la défense de ce dernier dans une procédure pénale en Espagne les opposant et dans laquelle il était inculpé de "falsification de fraude".

Elle a réitéré les actes d'enquête sollicités dans sa plainte et les a complétés.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a retenu que "les éléments d'une infraction" n'étaient manifestement pas réunis. Il apparaissait qu'une grande partie des faits visés par la plainte du 20 avril 2023 s'étaient déroulés à l'étranger, en particulier ceux qu'auraient commis H______, de sorte que "le canton de Genève" n'était pas compétent. En outre, les faits pour lesquels il serait compétent ratione loci avaient déjà, dans leur substance, fait l'objet de la procédure pénale P/1______/2018, laquelle s'était achevée par un classement.

En outre, un rapport de renseignements de la police faisait état de nombreux éléments redondants avec la première procédure pénale, ainsi que de multiples contradictions, difficilement vérifiables.

Au surplus, aucun élément au dossier ne justifiait une reprise de la procédure P/1______/2018, en application de l'art. 323 CPP.

D. a. Dans le recours et son complément, A______ estime que les faits dénoncés présentement, qui portaient sur des aspects distincts, n'avaient pas été instruits dans la première procédure (P/1______/2018).

Par ailleurs, le Ministère public avait constaté les faits d'une manière "fausse ou incomplète".

Elle se plaignait également d'une violation de son droit d'être entendue. D'une part, compte tenu de son domicile et de celui de son conseil à l'étranger, il aurait été "agréable" de lui octroyer un délai raisonnable pour prendre connaissance du rapport de police afin qu'elle puisse réagir. Elle n'avait pas pu faire valoir utilement ses droits de procédure, ce qui s'apparentait à une violation de son droit au recours effectif concernant "l'atteinte manifeste à son droit de propriété commis depuis la Suisse". D'autre part, ses droits découlant du "CPP" avaient été violés en lien avec "l'obligation de comparaître". Enfin, les instances suisses commettaient un déni de justice "continu" en refusant "de lui reconnaître ses préjudices et d'appliquer tout simplement le droit".

b. Le Ministère public conclut, sous suite de frais, au rejet du recours. La plainte du 20 avril 2023 visait en réalité la reprise de la procédure P/1______/2018, laquelle avait été définitivement classée et dont aucun motif ne justifiait la reprise. Le fait que cette plainte n'eût pas nommément mis J______ en cause n'y changeait rien, puisque le complexe de faits était, à quelques nuances près, bien le même. Du reste, à supposer que la plainte de la recourante fût instruite, les faits dénoncés "risqu[ai]ent fortement de se prescrire (ce qui constituerait un empêchement de procéder) avant qu'un jugement [ne] puisse être rendu au terme de la longue instruction qu'ils nécessiteraient".

c. Dans sa réplique, la recourante précise ne pas solliciter la reprise de la procédure P/1______/2018, sa plainte du 20 avril 2023 visant "la production et l'exécution sur le territoire Suisse de FAUX documents ayant servi à destituer Monsieur B______ et ses héritiers d'un héritage de plusieurs dizaines de millions d'euros protégé par la fondation F______, qui est aussi administrée depuis la Suisse, par [I______ SA] et/ou par le truchement de ses filiales".

EN DROIT :

I.     Recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière

1.             1.1. Le recours et son complément ont été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1, 90 al. 2 et 396 al. 1 CPP) et concernent une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2. Il convient de déterminer si son auteur dispose de la qualité pour recourir.

1.2.1. Seule la partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation d’un prononcé est habilitée à quereller celui-ci (art. 382 al. 1 CPP).

1.2.1. Selon l'art. 118 CPP, on entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au pénal ou au civil (al. 1); une plainte pénale équivaut à une telle déclaration (al. 2).

La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP; il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction, c’est-à-dire le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 147 IV 269 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_666/2021 du 13 janvier 2023 consid. 3.1).

1.2.2. L'infraction visée par l'art. 251 CP (faux dans les titres) est susceptible de porter atteinte à des intérêts privés si le titre litigieux vise à nuire à un particulier (ATF 140 IV 155 consid. 3.3). Tel est le cas lorsque le document est l'un des éléments d'une infraction contre le patrimoine, la personne dont le patrimoine est menacé ou atteint ayant alors la qualité de lésé (ATF 119 Ia 342 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 6B_666/2021 précité consid. 3.1.2. et 6B_1274/2018 du 22 janvier 2019 consid. 2.3.1).

1.2.3. Les infractions contre le patrimoine protègent le détenteur des biens/avoirs menacés (ATF 148 IV 170 consid. 3.3.1).

Quand ce détenteur est une société, seule celle-ci subit un dommage direct, à l'exclusion de ses actionnaires/associés, touchés par ricochet (ibidem; arrêt du Tribunal fédéral 6B_666/2021 précité).

Une "Anstalt" de droit liechtensteinois est dotée de la personnalité juridique (cf. art. 538 al. 2 de la Loi liechtensteinoise du 20 janvier 1926 sur les personnes et les sociétés; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 2C_564/2017 du 4 avril 2019 consid. 5.4.3).

La législation de cet État connaît la "Durchgriffshaftung" au même titre que le droit suisse. Le recours au principe de la transparence suppose qu'il y ait identité de personnes conformément à la réalité économique, et que la dualité entre personnes physique et morale soit invoquée de manière abusive. Seul un tiers peut invoquer l'application de ce principe, à l'exclusion de la société/de l'actionnaire unique, lesquels doivent se laisser opposer la forme d'organisation qu'ils ont choisie (arrêt du Tribunal fédéral 6B_122/2017 du 8 janvier 2019 consid. 7.1.; ACPR/130/2021 du 2 mars 2021 consid. 5.2.3).

1.3. En l'espèce, il convient tout d'abord d'examiner si la recourante dispose, pour chacun des documents dénoncés, de la qualité pour recourir en lien avec l'art. 251 CP.

1.3.1. La recourante dénonce les LOW comme des faux au sens de l'art. 251 CP. Or, pour qu'un intérêt juridiquement protégé soit reconnu à la recourante, dans ce contexte, les documents en question doivent viser à lui nuire spécifiquement. Il faut donc qu'ils constituent un élément d'une infraction contre le patrimoine sur lequel elle a des prétentions.

1.3.1.1. Les LOW des 28 octobre 2014 et 9 février 2015 – soit pour celle-ci la version non caviardée et non signée – constituent manifestement des projets/brouillons n'ayant aucune incidence, dès lors qu'elles n'ont pas été appliquées. Elles n'ont donc pas pu nuire à la recourante.

1.3.1.2. Pour ce qui est de la LOW du 9 février 2015 ayant été mise en œuvre, elle a eu pour conséquence de modifier le cercle des bénéficiaires. Or, il a déjà été jugé dans l'ACPR/130/2021 précité que cette modification n'était constitutive d'aucune infraction contre le patrimoine susceptible d'avoir lésé la recourante. Le document litigieux ne saurait donc lui nuire, sous cet angle.

Au surplus, on ne voit pas quel autre préjudice la recourante subirait en raison de l'utilisation de ce document – elle n'en n'allègue aucun au demeurant –, étant rappelé qu'elle reste, à ce jour, encore bénéficiaire de F______.

1.3.2. S'agissant du virement d'USD 3'250'0000.-, le patrimoine potentiellement lésé est celui de B______ et non celui de la recourante. C'est donc, tout au plus, en qualité d'héritière de feu son père qu'elle pourrait se prévaloir d'une quelconque atteinte (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.4). Or, sur ce dernier point, il a été jugé dans l'ACPR/130/2021 précité que cette "donation" ne pouvait donner lieu à un acte pénalement répréhensible (consid. 6.2).

1.3.3. Il n'en va pas différemment pour le virement d'EUR 500'000.-. En effet, le compte débité est celui de F______, personne morale au patrimoine distinct de celui de son bénéficiaire.

1.3.4. Partant, le recours est irrecevable en tant qu'il porte sur des infractions à l'art. 251 CP.

1.4. Il sied désormais d'analyser la qualité pour recourir de A______ en lien avec les infractions financières invoquées.

1.4.1. On ne voit pas en quoi la perte des "pleins pouvoirs" – que B______ n'a jamais détenus, dès lors que la fondation était dirigée par un conseil indépendant –, par la LOW du 9 février 2015, aurait pu causer un dommage sur le plan financier au prénommé, ni a fortiori à la recourante en sa qualité d'héritière.

1.4.2. S'agissant de l'atteinte alléguée, par la recourante, au patrimoine de son père, via la fondation F______, celle-là ne possède la qualité pour recourir qu'en tant qu'héritière de son père, détenteur du patrimoine potentiellement lésé
(ATF 141 IV 380 consid. 2.3.4; cf. ACPR/130/2021 du 2 mars 2021 consid. 5.2.4).

Force est toutefois de constater que le patrimoine concerné appartenait, au moment de la signature et de l'application de la LOW, non au de cujus, mais à F______, établissement de droit liechtensteinois.

Pour cette raison, feu B______ – fondateur et unique bénéficiaire de cette entité, à l'époque – n'aurait pu, de son vivant, s'il l'avait souhaité, contester la modification en invoquant le principe de la transparence (Durchgriff); en effet, il aurait dû se laisser opposer la forme juridique choisie par ses soins (cf. notamment ACPR/130/2021 précité consid. 5.2.4). Il en va de même de sa descendante.

On ne voit d'ailleurs pas quel dommage il aurait subi et la recourante ne le quantifie nullement. Elle ne rend pas non plus vraisemblable la disparition de prestation, après la modification, dont le prénommé aurait, auparavant, pu bénéficier de la part de F______ et ce, de son vivant.

1.4.3. Pour ce qui est des USD 3'250'000.-, la recourante ne peut, conformément à ce qui a été retenu ci-dessus (consid. 1.3.3.), se prévaloir d'un préjudice, en sa qualité d'héritière, faute d'infraction pénale reconnue concernant cette transaction.

1.4.4. Pour le surplus, en l'absence d'infraction contre son patrimoine, B______ ne peut être lésé, ni a fortiori la recourante.

1.5. À cette aune, le recours est, en tant qu'il porte sur la non-entrée en matière, irrecevable.

Point n'est donc besoin d'examiner les griefs émis dans cet acte.

II.       Recours pour déni de justice

1.6. Enfin, s'agissant de cet aspect du recours, il est également irrecevable. La recourante se méprend sur la portée du déni de justice. En effet, ses plaintes et recours successifs ont systématiquement fait l'objet de décisions judiciaires, à tout le moins sur les points pertinents. Le fait que le contenu de ces dernières ne lui ait pas convenu ne saurait être qualifié de déni de justice.

2. La recourante succombe (art. 428 al. 1 2ème phr. CPP). Partant, elle supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), somme qui sera prélevée sur les sûretés versées.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/12195/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total (

CHF

1'000.00