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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/25513/2023

ACPR/483/2024 du 27.06.2024 sur ONMMP/1656/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : INFRACTIONS CONTRE L'HONNEUR;EXCRÉMENT;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);CONFLIT COLLECTIF DU TRAVAIL;ASSOCIATION DE TRAVAILLEURS
Normes : CPP.310; CP.173; CP.174; CP.181

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25513/2023 ACPR/483/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 27 juin 2024

 

Entre

A______ et B______ SA, représentés par Me Pascal PETROZ, avocat, De Boccard Associés SA, rue du Mont-Blanc 3, 1201 Genève,

recourants,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 15 avril 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 29 avril 2024, A______ et B______ SA recourent contre l'ordonnance du 15 avril 2024, notifiée les 17, respectivement 18 avril 2024, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur leur plainte pénale déposée pour calomnie (art. 174 CP), diffamation (art. 173 CP) et tentative de contrainte (art. 181 cum 22 CP) contre plusieurs personnes engagées dans une action syndicale visant B______ SA.

Les recourants concluent à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il ouvre une instruction, sous suite de frais et dépens.

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 1'800.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. B______ SA est une entreprise sise à Genève, notamment active dans la restauration au sein de C______ de la même ville, et dont A______ est l'un des administrateurs.

b. Par plainte datée du 17 novembre 2023, A______ et B______ SA ont dénoncé les comportements suivants :

B______ SA employait notamment D______, E______, F______ et G______.

Dans le cadre d'un conflit du travail mené par les syndicats H______ et I______ depuis plusieurs mois, une action avait eu lieu le 26 octobre 2023 à C______, lors de laquelle les deux syndicats étaient représentés par J______ et K______ et à laquelle ont participé les employés susmentionnés. Leur but affiché était de mettre fin au "non-respect des conditions de travail".

À cette occasion, comme en témoignent les photographies jointe à la plainte, les employés, entourés de banderoles des syndicats, avaient brandi des fioles remplies d'un liquide jaune. Ce geste était censé symboliser, selon les interprétations relatées dans le communiqué du syndicat H______ et dans la presse par les intéressés, l'urine des employés obligés de se soulager dans des gobelets sur le lieu de travail, car il ne leur était pas possible de se rendre aux toilettes en raison des horaires qui leur étaient imposés. Ainsi que le décrit le communiqué du syndicat H______ : "Les absences n'étant souvent pas remplacées, il arrive que les employé-e-s doivent assurer seuls le service et qu'ils ne soient pas relevé-e-s pour se rendre aux toilettes. Ils prennent du coup l'habitude de moins boire et de se retenir pendant des heures, étant des fois réduits-e-s à faire leurs besoins dans des gobelets sur les points de vente de C______ ! Un scandale !" Ce communiqué désigne A______, en faisant référence à son rôle de député.

Selon A______ et B______ SA, leur honneur avait été atteint parce qu'ils avaient été dépeints comme un employeur exploitant les employés et empêchant ceux-ci de se rendre aux toilettes. Or, ces faits étaient faux et la question du temps pour se rendre aux toilettes n'avait jamais été soumise précédemment dans les revendications avancées par les syndicats.

En outre, ces faits étaient constitutifs de tentative de contrainte : ces moyens de combat au sens du droit du travail étaient illicites.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a considéré que les actes dénoncés n'étaient pas de nature à rendre les plaignants méprisables. Tout au plus, ils portaient atteinte à leur honneur professionnel, qui n'était pas protégé par le droit. D'ailleurs, les mis en cause n'avaient aucune intention de porter atteinte à l'honneur des plaignants, mais visaient seulement de meilleures conditions de travail. Leur action relevait en outre d'un moyen de combat de droit du travail. Elle n'était donc pas constitutive de contrainte, car les mis en cause souhaitaient ici encore l'amélioration de leurs conditions de travail. Leur action était proportionnée. En tout état, leur culpabilité et les conséquences de leur acte étaient de trop peu d'importance pour justifier le prononcé d'une condamnation.

D. a. À l'appui de leur recours, les recourants soutiennent que brandir des flacons d'urine revenait à les dépeindre comme des auteurs d'un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises. Ces actes démontraient une volonté d'atteindre à l'honneur, au moins par dol éventuel. Les moyens utilisés étaient illicites et réunissaient aussi les éléments constitutifs de la contrainte : les mis en cause avaient tenté d'obtenir des avantages indus.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des plaignants qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. S'agissant de la qualité de lésé, elle a été admise par le Ministère public pour A______. Il n'est certes pas l'employeur - puisqu'il s'agit de la personne morale homonyme distincte - mais, dans son communiqué, un syndicat l'a nommément cité. Il s'ensuit que A______ doit effectivement être considéré comme lui aussi visé par les propos litigieux, bien que, formellement, il ne soit pas contractuellement lié aux employés syndiqués.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Les recourants soutiennent qu'une infraction contre l'honneur a été commise.

3.1. Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1 ; ATF 137 IV 219 consid. 7).

3.2. L'art. 173 ch. 1 CP (diffamation) punit celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération et celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon. L'art. 174 ch. 1 CP (calomnie) punit celui qui, connaissant la fausseté de ses allégations, aura, en s'adressant à un tiers, accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération.

L'honneur protégé par ces dispositions est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'être humain. En revanche, la réputation relative à l'activité professionnelle ou au rôle joué dans la communauté n'est pas pénalement protégée ; il en va ainsi des critiques qui visent comme tels la personne de métier, l'artiste ou le politicien même si elles sont de nature à blesser et à discréditer. Dans le domaine des activités socio-professionnelles, il ne suffit pas de dénier à une personne certaines qualités, de lui imputer des défauts ou de l'abaisser par rapport à ses concurrents. En revanche, il y a atteinte à l'honneur, même dans ces domaines, si on évoque une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises (ATF 148 IV 409 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_767/2023, 6B_773/2023 du 29 novembre 2023 consid. 4.1.1).

Jouit du droit à l'honneur non seulement toute personne physique, mais toute personne morale ou entité capable d'ester en justice, à l'exception des collectivités publiques et des autorités. Une personne morale est atteinte dans son honneur lorsqu'il est allégué qu'elle a une activité ou un but propre à la rendre méprisable selon les conceptions morales généralement admises, ou lorsqu'on la dénigre elle-même, en évoquant le comportement méprisable de ses organes ou employés (arrêt du Tribunal fédéral 6B_777/2022 du 16 mars 2023 consid. 2.2 non publié aux ATF 149 IV 170).

Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut procéder à une interprétation objective selon le sens que le destinataire non prévenu devait, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer. Les mêmes termes n'ont donc pas nécessairement la même portée suivant le contexte dans lequel ils sont employés. Selon la jurisprudence, un texte doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_767/2023, 6B_773/2023 du 29 novembre 2023 consid. 4.1.1).

Les membres d'un syndicat doivent pouvoir exprimer devant l'employeur leurs revendications tendant à améliorer la situation des travailleurs au sein de leur entreprise. C'est pourquoi, en vue d'assurer le caractère réel et effectif des droits syndicaux, les autorités doivent veiller à ce que des sanctions disproportionnées ne dissuadent pas les représentants syndicaux de chercher à exprimer et défendre les intérêts de leurs membres. Une distinction claire doit cependant être faite entre critique et insulte, cette dernière pouvant, en principe, justifier des sanctions. Par conséquent, lorsque l'autorité est appelée à examiner des propos tenus par des responsables d'un syndicat, en rapport avec la situation professionnelle de l'un de ses membres, elle devra rechercher si les propos en cause ont revêtu un caractère vexatoire et blessant qui aurait excédé les limites convenables de la polémique syndicale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_15/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.2 ; 6B_1020/2018 du 1er juillet 2019 consid. 5.1.3 ; arrêts de la CourEDH Palomo Sanchez et autres c. Espagne du 12 septembre 2011, §§ 56 et 67 et Vellutini et Michel c. France du 6 octobre 2011, § 39).

Selon la jurisprudence, lorsque les propos concernent les conditions de travail, soit le cœur même des revendications syndicales, le lecteur non prévenu s'attend à ce que les éléments soient présentés de manière nécessairement partisane et avec une certaine dose d'exagération, ce d'autant plus dans le cadre d'un conflit actuel avec l'employeur. Ainsi, le fait qu'un syndicat, dans le contexte d'une résiliation d'une CCT, sous-entende, dans un tract identifiable comme tel, qu'un employeur ne respecte parfois pas les règles minimales du droit du travail ne rend pas celui-ci méprisable aux yeux du lecteur. Quant à une référence aux conditions de travail du 19ème siècle, le lecteur moyen comprend manifestement qu'elle fait partie de l'exagération propre à ce type d'écrit dans ce type de contexte (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1020/2018 du 1er juillet 2019 consid. 5.2.2).

3.3. En l'espèce, selon les recourants, le fait de brandir des flacons contenant un liquide censé représenter de l'urine revenait à leur attribuer un comportement dégradant, voire inhumain, à l'égard des travailleurs. Au vu des explications fournies dans la presse par les intéressés, ils auraient été présentés comme un employeur ne prenant pas même en compte les besoins naturels de ses employés.

Ainsi, les faits visés concernent une remise en cause de la réputation professionnelle des recourants, de sorte que le seuil pour admettre une infraction à l'honneur est placé plus haut que dans d'autres domaines de la vie en société.

Il est en outre incontesté que les employés de la recourante avaient, depuis plusieurs mois, entamé des négociations pour améliorer leurs conditions de travail et étaient à cette fin soutenus par des syndicats. Le contexte des faits dénoncés était donc celui d'un conflit du travail, ce qui influence encore leur appréciation.

De surcroît, pour les passants et les voyageurs de C______ présents le jour des faits et n'ayant pas bénéficié d'explication supplémentaire, la symbolique des flacons de liquide demeurait hermétique : il leur était impossible de comprendre à la simple vue des travailleurs et des membres du syndicat ce qu'ils entendaient signifier. À elle seule, l'action de brandir les flacons ne comporte aucun message, a fortiori pas de message attentatoire à l'honneur.

Seuls les lecteurs des journaux, voire des communiqués et éventuels tracts des syndicats, ont eu accès à cette signification. Ces lecteurs, qui ont pris connaissance simultanément des revendications des travailleurs, pouvaient donc placer cette action dans le contexte du conflit de droit du travail susévoqué. Quant aux potentiels passants, qui auraient pu, par impossible, comprendre la signification du message, la présence de banderoles des syndicats leur donnait à eux aussi le même contexte.

Il s'agit donc d'un message relevant de la polémique syndicale où une certaine tendance à l'exagération est de mise, ce que sait le public. L'intention des mis en cause était de dénoncer ce qu'ils considéraient comme des horaires de travail trop soutenus. Ils ont ainsi employé un mode de communication destiné à frapper les esprits, mais sans excéder les limites admises. Le communiqué, tout comme les journaux, précisent en effet que cette situation se présente parfois et non systématiquement.

Par conséquent, les recourants ont été présentés comme un employeur ne respectant certes pas toujours les droits de ses travailleurs, mais sans atteindre le seuil requis pour une atteinte à l'honneur. La commission d'une infraction pénale protégeant ce bien juridique est donc exclue, sauf à limiter la liberté de parole syndicale.

4.             Les recourants font grief au Ministère public d'avoir refusé de poursuivre les mis en cause pour contrainte.

4.1. Aux termes de l'art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Lorsque la victime ne se laisse pas intimider et n'adopte pas le comportement voulu par l'auteur, ce dernier est punissable de tentative de contrainte (art. 22 al. 1 CP; ATF 129 IV 262 consid. 2.7; 106 IV 125 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_191/2022 du 21 septembre 2022 consid. 5.1.1).

Outre l'usage de la violence (hypothèse 1) ou de menaces laissant craindre la survenance d'un dommage sérieux (hypothèse 2), il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d'action (hypothèse 3). Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive. N'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1;
137 IV 326 consid. 3.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_191/2022 du 21 septembre 2022 consid. 5.1.2).

La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite (ATF 120 IV 17 consid. 2a et les arrêts cités), soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est contraire au droit, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux moeurs (ATF 137 IV 326 consid. 3.3.1; 134 IV 216 consid. 4.1). Savoir si la restriction de la liberté d'action constitue une contrainte illicite dépend ainsi de l'ampleur de l'entrave, de la nature des moyens employés à la réaliser et des objectifs visés par l'auteur (ATF 129 IV 262 consid 2.1; 129 IV 6 consid 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_191/2022 du 21 septembre 2022 consid. 5.1.3). Un moyen de contrainte doit être taxé d'abusif ou de contraire aux moeurs lorsqu'il permet d'obtenir un avantage indu (ATF 120 IV 17 consid. 2a/bb; 106 IV 125 consid 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_191/2022 du 21 septembre 2022 consid. 5.1.3).

La loi reconnaît aux personnes morales la capacité de former et d'exprimer, au travers de leurs organes, une volonté et d'agir en conséquence. Il en découle que la libre formation et le libre exercice de la volonté d'une personne morale doivent être protégés, au même titre que ceux d'une personne physique, par l'art. 181 CP. Ainsi, une personne morale qui est atteinte dans la libre formation ou le libre exercice de sa volonté doit être considérée comme lésée par l'infraction de contrainte (cf. art. 55 CC; ATF 141 IV 1 consid. 3.3.2).

Le Tribunal fédéral a retenu la commission d'une contrainte dans le cas du blocage d'une autoroute par des grévistes, étant donné que plus de deux milles personnes, qui n'avaient aucune influence sur les revendications des travailleurs et ne pouvaient même pas comprendre ce qui se passait, s'étaient retrouvées bloquées dans un embouteillage pendant une heure et demie en raison de l'action non autorisée des travailleurs (ATF 134 IV 216).

4.2. En l'espèce, les recourants soutiennent que les mis en cause avaient tenté, par un moyen illicite, d'obtenir des "avantages indus" et commis une tentative de contrainte.

S'agissant du prétendu moyen illicite, les recourants s'attachent à démontrer que la manifestation organisée par les syndicats était illicite et disproportionnée. Tel n'est pas le cas. Les recourants ne soutiennent pas que cette manifestation n'était pas autorisée. De plus, il vient d'être vu que les propos tenus et les gestes adoptés n'étaient pas contraires au droit sous l'angle d'une atteinte à l'honneur des recourants. Rien ne permet donc de retenir que cette manifestation, ayant d'ailleurs rassemblé quelques personnes seulement, est assimilable à de la violence ou à la menace d'un dommage sérieux, ni qu'elle aurait été disproportionnée, contraire aux mœurs ou illicite. Elle est bien loin de la situation évoquée dans la jurisprudence susdécrite en lien avec le blocage d'une autoroute.

Quant aux prétendus "avantages indus", les recourants sont muets sur leur nature et rien ne permet de retenir que les manifestants auraient pu obtenir, voire tenter d'obtenir, davantage que le respect de leurs droits.

Ainsi, l'action incriminée s'inscrit dans un conflit de droit du travail dans le cadre duquel chacune des parties emploie des moyens de pression propres, mais licites, ainsi qu'il en va lors de négociations de ce genre.

Par conséquent, la commission d'une infraction de contrainte, même avec l'atténuante de la tentative, n'entre pas en considération.

5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6. Les recourants, qui succombent, supporteront les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne solidairement A______ et B______ SA aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'800.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leur conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD, Monsieur Christian COQUOZ, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/25513/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'715.00

Total

CHF

1'800.00