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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/1032/2023

ACPR/434/2024 du 11.06.2024 ( TPM ) , REJETE

Descripteurs : AVOCAT D'OFFICE;REMPLACEMENT;MESURE THÉRAPEUTIQUE INSTITUTIONNELLE
Normes : CPP.134; CP.59

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/1032/2023 ACPR/434/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 11 juin 2024

 

Entre

A______, actuellement détenue à la prison de B______, représentée par MC______, avocate,

recourante,

 

contre l'ordonnance rendue le 2 novembre 2023, subsidiairement le 23 octobre 2023, par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimé.


Vu :

-       la mesure de traitement institutionnel au sens de l’art. 59 CP prononcée le 6 septembre 2016 par le Tribunal correctionnel, confirmée le 30 mars 2017 par la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice, à l'encontre de A______ [représentée par MD______];

-        l'examen annuel de la mesure institutionnelle lors de laquelle le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a, par ordonnance du 23 octobre 2023, notifiée le 25 suivant, ordonné la défense d'office en faveur de A______ et désigné à cet effet MD______;

-        la lettre du 26 octobre 2023 par laquelle Me C______, agissant au nom de A______, a demandé au TAPEM de lever la mesure de l'art. 59 CP, d'ordonner une nouvelle expertise et de la nommer d'office "dans le cadre de cette procédure qui devra être jointe à la procédure de réexamen annuel requise par le SAPEM";

-        la réponse du TAPEM du 30 octobre 2023, confirmant la nomination de MD______, sous réserve de l'application de l'art. 134 al. 2 CPP;

-        la lettre de Me C______ du 31 octobre 2023, sollicitant du TAPEM qu'il reconsidère sa décision, étant précisé que A______ n'avait pas les moyens "de payer un avocat" et que Me D______ n'aurait pas d'objection à ce qu'elle reprenne le dossier. Elle reprochait au TAPEM de ne pas respecter "les désirs de Mme A______, ni ses discussions avec le SAPEM pour qui elle [était] l'avocate d'office de Mme A______" car elle avait déjà assisté l'intéressée en recourant contre son placement en milieu fermé. En outre, elle lui avait rendu visite à la prison "durant 3h pour s'imprégner du dossier" et avait pu construire "un lien de confiance" avec elle et sa famille;

-        l'ordonnance du 2 novembre 2023, notifiée le 6 suivant, par laquelle le TAPEM – se référant au courrier susmentionné – a refusé de relever MD______ de sa mission, de nommer MC______ à sa place et d'accorder à celle-ci le bénéfice de l’assistance juridique;

-        le recours, expédié le 15 novembre 2023 par A______, principalement contre la décision du 2 novembre 2023, subsidiairement contre celle du 23 octobre 2023;

-        le recours formé, par acte séparé, par A______ contre le jugement du 1er décembre 2023 par lequel le TAPEM a ordonné la poursuite du traitement institutionnel jusqu'au prochain contrôle annuel;

-       la lettre de Me C______ du 5 décembre 2023 à la Chambre de céans, selon laquelle le jugement rendu par le TAPEM le 1er décembre 2023 montrerait que le conseil désigné d'office n'aurait pas "effectué son travail car il n'a[vait] nullement défendu [sa] cliente, s'en étant simplement remis à justice". Il aurait dû "poursuivre le travail qu'[elle] avait entamé". En rendant son jugement – avant qu'il ne soit statué sur le présent recours – le TAPEM avait "privé Mme A______ de toute défense efficace".

Attendu que :

-        dans sa décision querellée du 23 octobre 2023, le TAPEM retient que A______ relève du régime de la défense obligatoire et n'a pas désigné de défenseur privé dans le cadre de l'examen annuel de la mesure. En outre, MD______ a donné son accord pour la défendre dans cette procédure;

-        dans sa décision querellée du 2 novembre 2023, le TAPEM retient qu'aucun juste motif n'est allégué qui serait de nature à considérer que la relation de confiance avec Me D______ serait rompue;

-        dans son recours, A______, conclut à l'assistance judiciaire pour la procédure de recours, à l'annulation de l'ordonnance rendue le 2 novembre 2023 et à la nomination de MC______ en tant que défenseur d'office. Son avocate recevait toutes les informations relatives à l'exécution de la mesure et son mandat devait ainsi "nécessairement résulter du dossier du SAPEM". Le TAPEM avait ainsi "désigné arbitrairement MD______ sans consulter le dossier, ni la principale intéressée". Le refus du TAPEM de désigner son avocate à la place de MD______ était d'autant plus surprenant que celle-ci avait déposé une demande de levée de la mesure et sollicité, dans ce cadre, sa nomination d'office. Les courriers s'étaient croisés, raison pour laquelle elle n'avait pas recouru immédiatement contre la désignation de MD______, mais fait une demande de réexamen, avec l'accord de l’avocat précité. En outre, celui-ci n'avait pas commencé son mandat, alors que son avocate s'était rendue à la prison "pour préparer la procédure de réexamen, sur la base de la promesse de SAPEM de sa nomination comme défenseur d'office". Son avocate avait ainsi une meilleure connaissance du dossier et les compétences nécessaires [elle possède la spécialisation FSA en droit pénal, contrairement à MD______]. Au vu de ce qui précède, le TAPEM avait considéré, à tort, qu'il s'agissait d'une demande de changement de défenseur d'office (art. 134 al. 2 CP) alors qu'il s'agissait en réalité du choix initial du défenseur (art. 133 al. 2 CPP).

Considérant en droit que :

-       la Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP), comme c'est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent;

-       le recours, en tant qu'il est dirigé contre le refus du 2 novembre 2023 de nommer Me C______ comme avocate d'office, est recevable, tandis que celui formé contre la décision de nomination d'office de Me D______ du 23 octobre 2023, notifiée le 25 suivant, est tardif – et partant irrecevable – dès lors qu'il a été expédié le 15 novembre 2023, soit largement après le délai de recours de dix jours, arrivant à échéance le 6 novembre 2023;

-       ce nonobstant, les deux recours visent en définitive le même objet, soit la nomination d'un autre avocat d'office aux motifs que la nouvelle avocate de la recourante bénéficiait de toute la confiance de cette dernière, l'avait déjà défendue dans le cadre du suivi de sa mesure, avait une meilleure connaissance du dossier et des meilleures compétences que son ancien avocat;

-       la recourante semble se plaindre de la violation de son droit d'être entendue. Or, quoi qu'elle en dise – même si Me D______ a été désigné comme avocat d'office, sans que son avis n'ait été requis préalablement – elle a fait connaître son opposition dans ses courriers des 26 et 31 octobre 2023, avant que le TAPEM ne statue sur sa demande de réexamen;

-       pour le surplus, elle a pu faire valoir ses arguments devant la Chambre de céans, laquelle dispose d'un plein pouvoir d'examen à cet égard (cf. art. 393 al. 2 CP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_666/2021 du 13 janvier 2023 consid. 3.3.2);

-       son grief doit ainsi être rejeté;

-       l'art. 133 CPP prévoit que le défenseur d'office est désigné par la direction de la procédure compétente au stade considéré (al. 1). Lorsqu'elle nomme le défenseur d'office, la direction de la procédure prend en considération les souhaits du prévenu dans la mesure du possible (al. 2);

-       l'art. 133 al. 2 CPP ne garantit pas au détenu le droit de choisir librement son défenseur d'office. Le droit du prévenu de proposer un avocat d'office ne fonde en effet pas d'obligation pour la direction de la procédure de désigner l'avocat proposé (arrêt du Tribunal fédéral 1B_387/2012 du 24 janvier 2013 consid. 4.3);

-       si la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur d'office est gravement perturbée ou si une défense efficace n'est plus assurée pour d'autres raisons, la direction de la procédure confie la défense d'office à une autre personne (art. 134 al. 2 CPP);

-       le simple fait que la partie assistée n'a pas confiance dans son conseil d'office ne lui donne pas le droit d'en demander le remplacement lorsque cette perte de confiance repose sur des motifs purement subjectifs et qu'il n'apparaît pas de manière patente que l'attitude de l'avocat d'office est gravement préjudiciable aux intérêts de la partie (ATF 138 IV 161 consid. 2.4 p. 164; 114 Ia 101 consid. 3 p. 104; arrêt du Tribunal fédéral 1B_375 2012 du 15 août 2012 consid. 1.1);

-       de simples divergences d'opinion quant à la manière d'assurer la défense des intérêts du prévenu dans le cadre de la procédure ne constituent à cet égard pas un motif justifiant un changement d'avocat. Il appartient en effet à l'avocat de décider de la conduite du procès; sa mission ne consiste donc pas seulement à endosser le rôle de porte-parole sans esprit critique de l'accusé, qui se limiterait à se faire simple interprète des sentiments et des arguments de son client (ATF 116 Ia 102 : JT 1993 IV 186 consid. 4b/bb p. 105; 105 Ia 296 consid. 1 p. 304; ACPR/518/2012 du 23 novembre 2012). Sont en revanche dignes d'être pris en considération des griefs précis touchant à la personne du défenseur ou à un comportement de ce dernier qui montre à l'évidence que toute relation de confiance avec ce dernier est exclue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_187/2013 du 4 juillet 2013 consid. 2.2 et 2.3; A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019. n. 20-22 ad art. 134);

-        la recourante allègue que Me C______ était de facto sa nouvelle avocate, ce que le TAPEM ne pouvait ignorer, et que seule celle-ci pouvait la défendre efficacement;

-        on peine à voir, dans ses affirmations péremptoires, un motif objectif de rupture du lien de confiance avec Me D______ – qui l'avait assistée durant toute la procédure pénale, y compris jusqu'à la procédure d'appel –, pas plus qu'une violation objective, par l'avocat, de son devoir d'assistance, étant souligné que le fait de s'en être rapporté à justice au TAPEM ne saurait constituer un juste motif de révocation du mandat;

-       aucun élément du dossier ne permet ainsi de retenir que la défense de la recourante n'aurait pas été assurée de manière suffisamment efficace jusqu'ici, ni même que la relation de confiance serait atteinte, a fortiori gravement;

-       on comprend surtout que la recourante aurait voulu être assistée de sa nouvelle avocate pour l'examen annuel de la mesure;

-       la présente demande apparaît ainsi motivée par des raisons uniquement subjectives qui ne justifient pas le changement du défenseur d'office, au regard des conditions strictes de l'art. 134 al. 2 CPP. Enfin, la recourante, qui bénéfice d'une défense d'office prise en charge par l'État, ne dispose pas d'un droit à la désignation de l'avocat de son choix, contrairement aux personnes qui rémunèrent leur avocat privé par leurs propres moyens;

-       au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le TAPEM a refusé de relever Me D______ de sa mission;

-       justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée;

-       la recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03);

-       le recours étant manifestement voué à l'échec, la demande d'assistance judiciaire pour le recours sera rejetée.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.

Rejette la demande d'assistance judiciaire.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ (soit pour elle, sa curatrice), à MC______, et au Tribunal d'application des peines et des mesures.

Le communique, pour information, à Me D______.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PM/1032/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

500.00

-

CHF

Total

CHF

585.00