Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
PS/36/2024

ACPR/425/2024 du 10.06.2024 ( RECUSE ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : RÉCUSATION;MINISTÈRE PUBLIC
Normes : CPP.58
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/36/2024 ACPR/425/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 10 juin 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant en personne,

requérant,

et

B______, procureur, p. a. MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

cité.

 


 

EN FAIT :

A. Par acte expédié le 3 mai 2024 au Ministère public, qui l’a transmis à réception au greffe de la Chambre de céans, A______ demande la récusation du procureur B______, chargé, sous la référence P/1______/2023, d'une plainte pénale déposée contre lui par C______, ainsi que la récusation du Ministère public dans son ensemble.

B. Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

a. Par plainte du 22 août 2023, C______ reproche à A______ une tentative de contrainte, pour s’être vu notifier de sa part, le 10 mai précédent, un commandement de payer de CHF 3'000'000.-.

b. Au procureur B______, chargé de la cause, qui l’avait convoqué (le 29 février 2024) pour le 20 mars suivant, A______ a excipé d’un déplacement qui l’empêcherait de comparaître.

Livrant au passage ses réflexions sur un litige qui l’avait opposé, lui et un client, à C______ et à une cliente de celui-ci (procédure P/2______/2015), A______ énumérait des questions à ce sujet, estimant que l’absence de réaction du Ministère public dans les différents aléas procéduraux et judiciaires de cette affaire soulevait des questions sur l’indépendance de l’autorité de poursuite.

c. L’audience a été annulée. A______ en a remercié B______, ajoutant que, « évidemment », il se tenait « dorénavant » à sa disposition.

d. Le 9 avril 2024, A______ – dans une lettre intitulée « poursuite à ouvrir contre C______ » – a transmis à B______, « sous réserve de toute éventuelle demande de récusation », une lettre qu’il avait envoyée à l’avocat de C______ (le 31 août 2023). Il attendait une réponse du procureur sous cinq jours, faute de quoi il « agirait ».

e. Le 11 avril 2024, B______ l’a convoqué, en qualité de prévenu, pour le 6 mai 2024. Ce jour-là, il n’a pas comparu.

C. a. Dans sa requête, A______ invoque une procédure P/2______/2015 ouverte contre lui sur plainte de C______. Cette affaire [dans laquelle il sera condamné pour diffamation et injure, v. l’arrêt du Tribunal fédéral 6B_1254/2019 du 16 mars 2020 auquel il se réfère implicitement] lui avait valu d’être dénoncé à la Commission du barreau, alors que le Ministère public observait le mutisme sur les « mensonges » de celui-ci dans cette procédure et avait « manipulé » la loi. Dès lors, tant le Ministère public que B______ n’avaient plus ni impartialité ni indépendance.

b. À réception, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Partie à la procédure, en tant que prévenu (art. 104 al. 1 let. b CPP), le requérant a qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP), et la Chambre de céans est compétente pour connaître de sa requête, dirigée contre un membre du ministère public (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ).

2.             Le recourant ne s’exprime pas sur le délai dans lequel il a formé sa requête.

2.1.       Même si l'art. 58 al. 1 CPP ne prévoit aucun délai particulier, il y a lieu d'admettre que la récusation doit être demandée aussitôt, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3).

2.2. En l'espèce, le requérant a expédié sa requête le 3 mai 2024. Il avait préalablement contacté le cité par lettre nominative en date du 13 mars 2024, pour lui demander de reporter sa convocation. C’est donc qu’à cette date il savait le cité chargé de la procédure dirigée contre lui. Du reste, le mandat du 29 février 2024 qui lui était destiné n’en faisait pas mystère.

Or, si on le comprend bien, le requérant fait grief au cité de manquer d’impartialité et d’indépendance, mais sans mettre en lien cette critique avec une attitude ou des actes procéduraux concrets du cité entre le 29 février 2024 et le 3 mai 2024.

À la vérité, le requérant se livre dans sa requête à des commentaires et supputations au sujet d’actes, omissions ou abstentions qu’il prête au Ministère public – mais non au cité – dans la procédure P/2______/2015, terminée par l’arrêt du Tribunal fédéral susmentionné, soit le 16 mars 2020. En particulier, il ne prétend pas que le cité aurait agi à un titre ou à un autre dans cette procédure. L’eût-il allégué qu’il n’aurait pas agi en récusation dans la période de six ou sept jours admise en jurisprudence (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2 et les arrêts cités), puisqu’il avait soulevé toutes ses critiques susmentionnées dans sa lettre du 13 mars 2024 (qui, elle-même, n’intervenait pas non plus dans les jours qui suivirent la réception du premier mandat de comparution).

À cette aune, la requête est tardive et, comme telle, doit être déclarée irrecevable (ACPR/364/2024 du 16 mai 2024 consid. 4.3.1. et les références).

3.             Ne le serait-elle pas qu’elle serait dénuée de tout fondement.

Le requérant ne formule strictement aucun grief en lien avec le traitement par le cité de la plainte pénale du 22 août 2023, seul objet de la procédure confiée à celui-ci. Pas même d’avoir été cité à comparaître en qualité de prévenu. Au contraire, il lui exprimera, le 27 mars 2024, sa reconnaissance d’avoir différé la première audience appointée.

Quant à sa lettre du 9 avril 2024, elle s’intitule « poursuite à ouvrir contre C______ ». Dès lors, si – ce qu’il ne prétend pas clairement – le requérant considérait injustifiée l’absence de réponse à cette démarche (qui pourrait s’assimiler à une plainte pénale), il avait à sa disposition le recours pour déni de justice, au sens de l’art. 393 al. 2 let. a CPP, voie de droit ordinaire qui l’emporte sur la récusation pour redresser d’éventuelles manquements ou erreurs d’un magistrat (ATF 143 IV 69 consid. 3.2.). Quant à exiger, comme l’a fait le requérant, une réponse sous la menace d’une demande de récusation, « qui dorénavant dépendra des décisions que vous prendrez », le procédé est contraire à la bonne foi (ACPR/890/2022 du 21 décembre 2022 consid. 2 ; ACPR/532/2022 du 5 août 2022 consid. 2 ; ACPR/539/2021 du 17 août 2021 consid. 2), et le cité pouvait à bon droit l’ignorer sans s’exposer au grief d’inimitié ou de partialité, au sens de l’art. 56 let. f CPP (que le requérant ne cite même pas).

Pour le surplus, la fonction occupée au sein du Ministère public par le cité, fût-ce avec la position et les responsabilités de procureur, ne rend pas celui-ci récusable dès lors qu’il est chargé d’instruire une plainte déposée contre le requérant.

4. Il n’y a par conséquent pas à entrer en matière, non plus, sur la récusation du Ministère public tout entier. Encore eût-il fallu, à peine d’irrecevabilité, que le requérant exposât à ce sujet, pour chacun des membres de cette autorité, quels motifs individuels et concrets appelaient leur récusation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_249/2015 du 29 septembre 2015 consid. 5.1 ; ACPR/207/2024 du 19 mars 2024 consid. 3. et les références), ce qu’il n’a pas fait.

5. Au vu de ce qui précède, il n’y avait pas à demander au cité de prendre position avant de statuer (arrêts du Tribunal fédéral 7B_1/2024 du 28 février 2024 consid. 5.2. et 1B_196/2023 du 27 avril 2023 consid. 4 et les références).

6. Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure, fixés en totalité à CHF 1'000.-, émolument compris (art. 13 al. 1 let. b. du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), seront mis à la charge du requérant (art. 59 al. 4, 2e phrase, CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare la requête irrecevable.

Condamne A______ aux frais de l’État, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie la présente décision, en copie, à A______ et au procureur B______.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

 


PS/36/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur récusation (let. b)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00