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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/9822/2022

ACPR/422/2024 du 07.06.2024 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;DOMMAGE IRRÉPARABLE;PROCÈS DEVENU SANS OBJET;INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ;SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);CONFISCATION(DROIT PÉNAL);CRÉANCE;INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE
Normes : CPP.393.al1.leta; CPP.394.letb; CPP.382; CPP.263; CP.70; CP.71; CP.138; CP.158; CP.251

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9822/2022 ACPR/422/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 7 juin 2024

 

Entre

A______, représentée par Me Christophe GAL, avocat, rue du Rhône 100, 1204 Genève,

recourante,

 

contre l'ordonnance rendue le 21 décembre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 2 janvier 2024, A______, partie plaignante, recourt contre l'ordonnance du 21 décembre 2023, communiquée par pli simple, à teneur de laquelle le Ministère public a rejeté certaines de ses requêtes tendant à l'administration de preuves et au prononcé de mesures de contrainte.

Elle conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, au constat que cette décision a été notifiée en violation de l'art. 85 al. 2 CPP et, principalement, à l'annulation de celle-ci, le Procureur devant être invité à ordonner les actes d'instruction énumérés dans son mémoire.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. A______ est propriétaire de cinquante-deux appartements, situés à Genève.

a.b. B______ est l'unique administrateur de C______, société active dans la location et la gérance de biens immobiliers.

b.a. A______ et C______ ont conclu, en 2009, un contrat non écrit en lien avec les logements susvisés.

En exécution de cet accord, la seconde a régulièrement versé à la première, entre 2018 et l'automne 2021, une somme de CHF 16'000.- par semaine.

À cette dernière époque, C______ a cessé tout paiement [sous réserve de trois versements isolés, intervenus début 2022]. Depuis lors, les parties sont en conflit.

b.b. Leur désaccord porte, notamment, sur la qualification juridique de la convention les liant.

Du point de vue de A______, il s'agirait d'un contrat innommé, contenant des aspects des contrats de gérance immobilière et de société simple. Elle aurait confié à C______ la tâche d'exploiter et de gérer, de manière discrétionnaire, ses appartements ainsi que d'encaisser les loyers y relatifs, à charge pour cette dernière de lui reverser une participation forfaitaire hebdomadaire, au titre de bénéfice d'exploitation locative, le solde étant acquis à la société, en rémunération des services accomplis.

D’après C______, les parties seraient liées par un contrat de bail. Elle-même serait locataire des cinquante-deux appartements concernés, qu'elle serait libre d’exploiter pour son propre compte, notamment en les sous-louant à des tiers. La somme de CHF 16'000.- versée à A______ correspondrait à des avances hebdomadaires sur les loyers encaissés/à encaisser par ses soins auprès des sous-locataires. Toutes deux auraient convenu que, dans l'hypothèse où ladite somme excéderait, à certaines échéances, les états locatifs, la précitée lui rembourserait la différence.

c.a. Le 3 mars 2022, A______ a informé C______ résilier, pour la fin du même mois, le contrat [innommé] conclu par leurs soins.

c.b.a. Le 20 avril suivant, elle a déposé, contre cette société, une demande en paiement et en reddition de comptes devant le Tribunal de première instance, concluant, entre autres, au versement de CHF 496'000.-, somme correspondant, pour l’essentiel, aux participations forfaitaires dues au 31 mars 2022 (C/1______/2022).

c.b.b. La défenderesse s'est opposée à cette demande, aux motifs, notamment, que la juridiction précitée était incompétente ratione materiae pour en connaître – vu le contrat de bail liant les parties – et qu’elle-même disposait d'une créance de l'ordre de CHF 1.4 million à l’égard de A______ – équivalant à la différence entre les avances hebdomadaires de CHF 16'000.- versées par ses soins de 2011 à 2021 et les loyers effectivement encaissés auprès des sous-locataires durant cette période –, qu'elle entendait opposer en compensation.

c.c.a. Par ordonnances des 21 avril et 6 juillet 2022, le Tribunal de première instance a rejeté les conclusions sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles formulées par la demanderesse.

c.c.b. La cause est actuellement pendante sur le fond.

d.a. Le 27 septembre 2022, A______ a adressé à C______ des avis de résiliation pour l'ensemble des baux afférents à ses appartements, avec effet au 31 octobre suivant.

Elle précisait, dans les missives accompagnant ces congés, ne reconnaître en aucun cas l'existence de contrats de bail entre elles, mais procéder ainsi pour sécuriser ses droits.

d.b.a. Le 27 octobre 2022, C______ a contesté lesdits congés devant la juridiction des baux et loyers (C/2______/2022).

d.b.b. Les parties à cette procédure en ont requis la suspension jusqu'à droit jugé, par le Tribunal de première instance, sur la demande sus-évoquée. L'on ignore la suite donnée à cette requête.

e.a. Parallèlement, au printemps et en été 2022, A______ a déposé deux plaintes pénales contre B______, en sa qualité d'organe de C______, pour "à tout le moins" abus de confiance (art. 138 CP) et faux dans les titres (art. 251 CP).

En substance, elle reprochait au mis en cause d'avoir, entre autres actes : dans le cadre du contrat innommé [susvisé], encaissé des loyers pour son compte à elle, sans lui verser la part du produit d'exploitation convenue, s'enrichissant ainsi à son détriment; produit, au nom de C______, devant le Tribunal de première instance, de faux documents, dont certains étaient destinés à "fabriquer une créance contre [elle, pour] ne plus avoir à [lui] payer ce qui [lui] rev[enai]t"; fait signer, dès le mois de mars 2022 – soit postérieurement à la naissance du litige les opposant –, divers contrats, intitulés "sous[-]location" et/ou "contrat de bail", aux personnes qui occupaient actuellement ses appartements, alors qu'il n'avait aucun droit de le faire, matérialisant ainsi une volonté d'induire non seulement la justice [civile] en erreur, mais aussi ces personnes en les incitant à payer des loyers en mains de C______ plutôt qu'en les siennes.

e.b. Entre avril 2022 et mai 2023, A______ a sollicité du Ministère public, à réitérées reprises, le séquestre des comptes bancaires détenus par C______ et B______ auprès de D______, cela afin de garantir la réparation de son dommage. Celui-ci ne cessait de croître, les précités continuant à encaisser et à conserver indûment les loyers de ses appartements.

e.c.a. Le 10 octobre 2023, le Procureur a ouvert une instruction contre B______ des chefs d'infractions aux art. 138 CP et/ou 158 CP (gestion déloyale) ainsi que 251 CP.

e.c.b. Le même jour, il a ordonné la saisie des relations bancaires sus-évoquées ainsi que la production de la documentation y relative.

Les avoirs en comptes totalisaient, au jour du prononcé de ces séquestres, CHF 22'400.- et EUR 65.- environ.

e.d. Par missives des 23 octobre et 30 novembre 2023, A______ a informé le Ministère public avoir constaté, à la lecture des relevés produits par D______, les éléments suivants : B______ et C______ disposaient de relations bancaires auprès de E______ (à teneur de certaines opérations comptabilisées); plusieurs montants avaient été crédités, au titre de loyers, sur la relation personnelle du prévenu [auprès de D______]; diverses sommes avaient été versées en espèces [via un bancomat] sur les comptes saisis – ce dont elle-même inférait que certaines des personnes occupant ses appartements s'acquittaient de leurs loyers au moyen d'argent liquide, en mains de B______ ou C______ –.

Ces éléments justifiaient que soient ordonnées, sans délai, entre autres mesures probatoires et de contrainte : le séquestre des relations bancaires susmentionnées auprès de E______ SA; la saisie des sommes détenues en espèces par B______; la perquisition des locaux de C______ et le séquestre des avoirs s’y trouvant; la saisie de l'argent liquide en possession des personnes occupant ses appartements, destiné à payer leurs loyers; le séquestre des "créances" en paiement de loyers, dont C______ s’estimait titulaire contre lesdites personnes, celles-ci devant être invitées à s’acquitter de leur dû en mains de l'État; enfin, prémisse indispensable à l’exécution de ces deux dernières mesures, l’identification des locataires qui payaient directement leurs loyers en mains de B______ ou C______.

C. Dans son ordonnance déférée, le Ministère public s’est prononcé sur certaines de ces requêtes.

L'urgence alléguée de faire procéder à la perquisition des locaux de C______ était relative, puisque cette société, à l'instar de son administrateur, connaissaient, via la procédure civile C/1______/2022, les reproches formulés par A______ à leur égard; il était donc peu vraisemblable que des éléments utiles à l'enquête y soient découverts.

L’identification des locataires qui réglaient leurs loyers en espèces n’avait pas lieu d’être, à défaut, pour les sommes détenues par ces derniers, de constituer le produit d'une infraction, susceptible d’être séquestré. La saisie des "créances" en paiement de loyers ne serait pas ordonnée, pour les mêmes motifs, étant ajouté que ces "créances" ne semblaient pas appartenir à C______, puisque la plaignante s’en prétendait titulaire.

D. a. À l'appui de ses recours et réplique, A______ expose avoir reçu le 26 décembre 2023 la décision susvisée.

Dite décision était critiquable pour la raison qu’elle ne donnait pas suite à ses requêtes des 23 octobre et 30 novembre 2023, destinées à éviter que C______, respectivement le prévenu, ne "contournent" le séquestre d’ores et déjà ordonné, que ce soit en ouvrant des relations dans les livres d'autre(s) banque(s) que D______ ou "en augmentant les encaissements [d’argent] liquide". Elle devrait donc être annulée et le Procureur, invité à ordonner l’ensemble des mesures probatoires et de contrainte qu'elle demandait.

Concernant plus particulièrement le refus de séquestrer les sommes détenues en espèces par les locataires, respectivement les "créances" en paiement de loyers dont C______ s’estimait titulaire, il violait les art. 263 et ss CPP. Le fait que les montants desdits loyers lui appartenaient de plein droit, mais ne lui étaient pas versés, justifiait le prononcé de ces mesures, propres à éviter "l'évaporation" des sommes qui lui étaient illicitement soustraites. Si C______ n'était pas légitimement créancière des locataires, elle se comportait toutefois comme telle, n'hésitant pas à établir de faux contrats pour tenter de justifier cette qualité. À cela s'ajoutait que ces mêmes locataires s'estimaient fondés à payer leur dû à la société précitée ou à B______.

b. Invité à se déterminer, le Ministère public conclut à l’irrecevabilité du recours en tant qu’il porte sur le rejet des réquisitions de preuves de la plaignante et, s’agissant des mesures de contrainte traitées dans la décision déférée, à son rejet.

E. Le 17 mai 2024, le Procureur ayant repris la direction de la procédure a ordonné la perquisition des locaux de C______ ainsi que le séquestre des documents et valeurs s'y trouvant.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 CPP), par la plaignante, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP).

Il a été déposé dans le délai utile (396 al. 1 CPP), en l'absence de respect des réquisits de l'art. 85 al. 2 CPP – violation qu'il n'y pas lieu de constater formellement, le dies a quo dudit délai ayant été fixé à la date de réception alléguée de l'ordonnance attaquée –.

Il sied de déterminer si les conclusions qui y sont formulées sont recevables, respectivement conservent encore un objet.

1.2. La recourante sollicite, en premier lieu, qu’il soit ordonné au Ministère public de séquestrer aussi bien les relations bancaires dont B______ et C______ sont titulaires auprès de E______ SA que les sommes détenues en espèces par le prénommé.

1.2.1. Conformément à l’art. 393 al. 1 let. a CPP, la Chambre de céans traite uniquement les problématiques ayant fait l’objet d’une décision préalable du procureur.

1.2.2. En l'espèce, la recourante a requis du Ministère public, en automne 2023, qu'il prononce les mesures précitées.

L'ordonnance entreprise ne porte toutefois pas sur ces aspects.

Dans la mesure où il n’appartient pas à la juridiction de recours de statuer, pour la première fois, sur le bien-fondé des saisies réclamées, les conclusions y afférentes sont irrecevables.

L’on ajoutera que la plaignante, assistée d'un avocat, n'invoque ni déni de justice, ni violation de son droit d'être entendue, en lien avec lesdites saisies, de sorte qu'il n'y a pas lieu de traiter son recours sous l'un ou l'autre de ces angles.

1.3. La recourante requiert, en deuxième lieu, la perquisition des locaux de C______ et le séquestre des valeurs s’y trouvant.

1.3.1. Lorsque, avant que la Chambre de céans n'ait tranché le litige, l’autorité précédente rend une décision, qui, matériellement, va dans le sens des conclusions prises dans le recours, celui-ci devient sans objet (ACPR/15/2024 du 12 janvier 2024).

1.3.2. In casu, le nouveau Procureur en charge du dossier a ordonné les mesures sollicitées, postérieurement au dépôt du recours.

Les conclusions y relatives sont donc devenues sans objet.

1.4. La recourante conteste, en troisième lieu, le refus du Ministère public de séquestrer, d'une part, les avoirs détenus en espèces par les personnes occupant ses appartements, destinés à régler leurs loyers, et, d'autre part, les "créances" en paiement desdits loyers, dont C______ s'estime titulaire.

1.4.1. Seule la partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation d’un prononcé est habilitée à quereller celui-ci (art. 382 al. 1 CPP).

Tel est le cas lorsque le recourant est directement et immédiatement touché dans ses droits par l'ordonnance attaquée, à charge pour lui d'établir que celle-ci viole une règle qui a pour but de protéger ses intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1004/2022 du 23 mai 2023 consid. 3.1.1).

1.4.2. La partie plaignante peut contester la décision de refus d’ordonner un séquestre (art. 263 CPP), pour autant que celle-ci mette en danger ses expectatives tendant à se voir, en fin de procédure, soit allouer les valeurs patrimoniales confisquées (art. 263 al. 1 let. d CPP cum 70 al. 1 et 73 CP) ou restituer directement celles-ci (art. 263 al. 1 let. c CPP cum 70 al. 1 CP), soit attribuer la créance compensatrice ordonnée en faveur de l'État (art. 263 al. 1 let. e CPP cum art. 71 al. 1 et 73 CP; arrêts du Tribunal fédéral 6B_900/2018 du 27 septembre 2019 consid. 2.2.3 et 1B_100/2019 du 28 mars 2019 consid. 1.2).

Cela implique que le prononcé d'une future confiscation/restitution (cf. i. ci-après), respectivement d'une éventuelle créance compensatrice (cf. ii. infra), entre en considération.

i. Selon l'art. 70 al. 1 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d’une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.

Cette norme suppose la réalisation des conditions suivantes, notamment :

i.a. Une infraction doit avoir été commise ou, à tout le moins, tentée (ATF 125 IV 4 consid. 2b/aa).

En effet, le législateur a entendu opérer une "séparation nette" entre, d'une part, la mesure de sécurité préventive que constitue la confiscation d'objets dangereux au sens de l'art. 69 CP – norme qui autorise une telle confiscation lorsque ces objets doivent servir à la commission d'une future infraction – et, d'autre part, la confiscation de valeurs patrimoniales au sens de l'art. 70 al. 1 CP, mesure qui vise à absorber des profits illicites (Message du Conseil fédéral concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire [Révision du droit de la confiscation, punissabilité de l'organisation criminelle, droit de communication du financier] du 30 juin 1993, in FF 1993 III 297).

i.b. Les valeurs à confisquer/restituer doivent provenir de cette infraction, c'est-à-dire s'inscrire dans un rapport de causalité avec le comportement incriminé (arrêt du Tribunal fédéral 7B_191/2023 du 14 mars 2024 consid. 2.3.3).

Il faut, par conséquent, que l'obtention de celles-là apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de celui-ci (ibidem).

i.c. Pour être restituées au lésé, les sommes séquestrées doivent avoir été soustraites à ce dernier du fait de l’infraction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_17/2011 du 18 juillet 2011 consid. 2).

ii. Selon l'art. 71 al. 1 CP, lorsque les montants à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l’État d’un montant équivalent.

ii.a. En raison de son caractère subsidiaire, cette mesure ne peut être ordonnée que si, dans l'hypothèse où les valeurs patrimoniales auraient été disponibles, leur confiscation eût été prononcée; elle est donc soumise aux mêmes conditions qu'une telle confiscation (arrêt du Tribunal fédéral 7B_191/2023 du 14 mars 2024 précité, consid. 2.3.4).

ii.b. Lorsque l'auteur d’une infraction détient des créances (licites) à l'égard de tiers, celles-ci peuvent être séquestrées (cf. art. 266 al. 4 CPP) en vue de garantir l'exécution de la créance compensatrice (ATF 141 IV 360 consid. 3.4).

1.4.3. En l’occurrence, la recourante ne dispose pas d'un intérêt juridiquement protégé (art. 382 CPP) à voir saisir, en mains des personnes occupant ses appartements, les espèces destinées à payer leurs loyers, cela pour les quatre raisons qui suivent.

Premièrement, une confiscation/restitution fondée sur l'art. 70 CP suppose qu’une infraction ait été commise ou tentée, cette disposition n’ayant pas pour finalité de prévenir la commission d’un futur acte illicite. Or, les montants que la recourante souhaite voir séquestrés n'ont pas encore été versés à C______/au prévenu, de sorte que ces derniers n’ont pas pu les conserver/utiliser de manière indue.

Deuxièmement, une confiscation/restitution ne peut en aucun cas porter sur l’objet d’une infraction (comme semble le penser la recourante), mais uniquement sur les valeurs qui en sont le résultat. Dès lors que les sommes ici litigieuses ne proviennent pas d’un acte illicite, leur saisie conservatoire n’a point lieu d’être.

Troisièmement, les montants des loyers concernés n’ont (en l’état) nullement été soustraits à la recourante, de sorte qu’ils ne sauraient lui être restitués au terme de la présente procédure.

Quatrièmement, le prononcé d’une future créance compensatrice (art. 71 CP) ne peut être envisagé, à défaut pour les conditions de l’art. 70 CP d’être réunies, comme relevé ci-avant.

1.4.4. L’existence d’un intérêt juridiquement protégé doit également être niée s'agissant du séquestre des "créances" en paiement de loyers, dont C______ s'estime titulaire.

Si, sur le plan théorique, une créance (licite), détenue par l’auteur de l'infraction, est saisissable – afin de garantir l'exécution d'une future créance compensatrice, ce qui implique que les valeurs d’ores et déjà séquestrées soient insuffisantes pour absorber les profits illicites provenant des actes exécutés/tentés –, encore faut-il toutefois qu’une telle créance existe, prémisse indispensable à la saisie de ce droit.

Or, in casu, la recourante dénie à C______ – que ce soit dans le cadre de la cause civile C/1______/2022 (initiée devant le Tribunal de première instance) ou dans la présente procédure – le statut de locataire, qualité qui est indispensable pour admettre l'existence de créances en paiement de loyers au titre de la sous-location.

De plus, elle a, afin de sécuriser ses droits, résilié avec effet au 31 octobre 2022 les éventuels contrats de bail qui pourraient la lier à la précitée, de sorte que si le Tribunal des baux et loyers, saisi par C______ (C/2______/2022), devait juger ces congés fondés, les contrats de sous-location litigieux prendraient fin à la même date; il en résulterait que C______ ne bénéficierait plus de créances de loyers contre les sous-locataires (cf. à cet égard arrêt du Tribunal fédéral 4A_524/2018 du 8 avril 2019 consid. 4.2).

Ainsi, la recourante échoue à établir l’existence des "créances" dont elle demande le séquestre. Que C______ et les occupants des appartements puissent s’estimer, respectivement, titulaire et débiteurs de telles "créances", n’y change rien.

1.4.5. Partant, le recours est irrecevable sur ce troisième aspect.

1.5. La recourante sollicite, en dernier lieu, que le Ministère public identifie, parmi les locataires de ses logements, ceux qui s’acquittent de leurs loyers en espèces.

1.5.1. Le recours n’est ouvert contre le rejet d’une réquisition de preuve que si ce refus est de nature à causer un préjudice juridique immédiat (art. 394 let. b CPP).

1.5.2. En l'occurrence, l'existence d'un tel préjudice doit être niée, le moyen de preuve litigieux, rejeté par le Procureur, tendant à permettre l’exécution des deux mesures de séquestre examinées au considérant 1.4 ci-dessus, mesures dont la recourante n’est pas habilitée à réclamer le prononcé.

Cette ultime conclusion est donc également irrecevable.

1.6. À cette aune, le recours est, pour partie, irrecevable et, pour partie, sans objet.

2. Reste à statuer sur les frais de la procédure de recours.

2.1.1. Lorsqu'un acte est sans objet, les frais sont fixés en tenant compte de l'état de fait existant avant l'événement mettant fin au litige et de l'issue probable de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_649/2019 du 11 juillet 2019 consid. 1.1.2). Il ne s'agit pas d'examiner en détail les chances de succès du recours, ni de rendre un jugement au fond par le biais d'une décision sur les frais, mais d'apprécier sommairement la cause (cf. ATF 142 V 551; ACPR/126/2024 du 19 février 2024, consid. 6.1.1).

2.1.2. In casu, s'agissant du volet du recours déclaré sans objet, la Chambre de céans aurait constaté – sur la base de l'état de fait existant avant le 17 mai 2024 (cf. à cet égard lettre E. supra) – que la conclusion de la plaignante tendant à la saisie des valeurs conservées dans les locaux de C______ était irrecevable, en l’absence de décision préalable rendue par le Ministère public sur ce point, sujette à contestation (cf. art. 393 al. 1 let. a CPP).

Elle serait parvenue au même constat à l’égard de la demande de perquisition desdits locaux, cette offre de preuve étant corrélée au séquestre sus-évoqué, non encore traité par le Procureur (cf. art. 394 let. b CPP).

2.2. Partant, la recourante succombe intégralement (art. 428 al. 1, 2ème phrase, CPP).

Elle supportera, en conséquence, les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'500.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), somme qui sera prélevée sur les sûretés versées.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable, dans la mesure où il conserve encore un objet.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

 

P/9822/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'415.00

Total

CHF

1'500.00