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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7568/2022

ACPR/354/2024 du 10.05.2024 ( TCO ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : PLAIGNANT;MISE EN ACCUSATION
Normes : CPP.319; CPP.324.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7568/2022 ACPR/354/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 10 mai 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Linda LAVI, LAVI AVOCATS, rue Tabazan 9, 1204 Genève

recourant,

contre la "décision implicite de classement" rendue le 27 mars 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


 

Vu:

-      l'acte d'accusation du Ministère public du 28 mars 2023;

-      le procès-verbal de l'audience de jugement du 27 mars 2024 devant le Tribunal correctionnel et l'ajournement des débats;

-      le recours déposé le 5 avril 2024 par A______.

Attendu que :

-      le Ministère public a renvoyé en jugement B______, pour avoir, notamment, le 1er avril 2022 à 23h18, dans l'appartement d'un tiers, intentionnellement fait subir à A______ une atteinte à l'intégrité corporelle, en le frappant notamment à la tête au moyen d’une guitare espagnole et/ou d'une béquille, faits qualifiés d'infraction à l'art. 123 ch. 1 et 2 CP (chiffre 1.1.1. de l'acte d'accusation);

-      une instruction pénale avait préalablement été ouverte pour tentative de meurtre (art. 22 cum 111 CP), subsidiairement lésions corporelles graves (art. 122 CP) et B______ prévenu de ces infractions à l'audience du 3 avril 2022;

-      à l'ouverture des débats, le Tribunal correctionnel a rejeté la question préjudicielle de A______ visant à la requalification des faits susmentionnés, en tentative de lésions corporelles graves (art. 22 cum 122 CP), le Ministère public s'y étant opposé;

-     A______ recourt, sous suite de dépens chiffrés, contre le "classement implicite" par le Ministère public des faits constitutifs de tentative de meurtre, subsidiairement lésions corporelles graves, dès lors que B______ – en se saisissant d'une guitare, utilisée comme une arme, après lui avoir déjà asséné plusieurs coups au visage qui lui avaient fait perdre connaissance – "ne pouvait ignorer qu'il prenait le risque de mettre [sa] vie […] en danger", voire était, à tout le moins "pleinement conscient, qu'il risquait de [le] défigurer". Il conclut à l'annulation dudit "classement" et au renvoi de la cause au Ministère public;

-     à réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

 

 

Considérant en droit que :

-     la Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent;

-     selon l'art. 9 al. 1 CPP, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits;

-     l'acte d'accusation n'est pas sujet à recours (art. 324 al. 2 CPP);

-     la mise en accusation incombe au ministère public, qui l'assume seul. Le ministère public saisit le tribunal in rem et in personam, de telle sorte que la juridiction saisie ne peut pas connaître des faits ou des qualifications juridiques qui ne sont pas contenues dans l'acte d'accusation. À certaines conditions, les art. 329 et 333 CPP dérogent à la maxime accusatoire en permettant au tribunal saisi de donner au ministère public la possibilité de modifier ou de compléter l'acte d'accusation. Cette possibilité a été ouverte, d'une part, en raison de l'absence de recours possible contre l'acte d'accusation et, d'autre part, parce que ce dernier n'est pas un véritable jugement et doit décrire le plus brièvement possible les actes reprochés au prévenu et les infractions paraissant applicables (arrêt du Tribunal fédéral 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 1.3.2);

-     lorsque le ministère public décide de ne pas poursuivre certains faits, il doit prononcer un classement (art. 319 CPP);

-     la Chambre de céans s'est déjà posée la question de savoir si le Ministère public rendait une décision sujette à recours lorsqu'il "classait" une qualification juridique ou des faits complémentaires qui ne ressortent pas de son acte d'accusation, mais qui y sont si étroitement liés qu'ils pourraient être appréhendés par le tribunal de première instance conformément à la loi. Elle y a répondu par la négative (cf. ACPR/299/2014 du 18 juin 2014);

-     dans cet arrêt, elle a notamment statué qu'une demande de mise en prévention pour des faits qui sont connexes à ceux déjà poursuivis n'a pas à être traitée par une décision sujette à recours;

-     afin de délimiter les faits connexes de ceux qui ne le sont pas, il convient d'examiner si la requête de la partie plaignante peut être assimilée à une plainte pénale, auquel cas le ministère public doit statuer; dans le cas contraire, une décision formelle n'est pas nécessaire, le requérant ne disposant d'ailleurs d'aucun intérêt juridiquement protégé à recourir (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2019, n. 17 ad art. 311; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 16 ad art. 311);

-     en l'espèce, le Ministère public a décidé de renvoyer en jugement le prévenu pour lésions corporelles simples aggravées en lien avec les faits du 1er avril 2022. Nonobstant une requête en ce sens du recourant, il a rejeté la prévention de tentative de lésions corporelles graves, voire de tentative de meurtre;

-     les faits pour lesquels le recourant a demandé une nouvelle qualification juridique découlent du même complexe que celui pour lequel le prévenu a été renvoyé en jugement. La seule différence est l'intention de causer des lésions corporelles graves, voire de tuer;

-     le recourant n'a ainsi pas d'intérêt juridiquement protégé à voir sa requête traitée à l'égal d'une plainte pénale et à obtenir une décision de classement sujette à recours;

-     enfin, il ressort de la volonté claire du législateur de ne pas admettre de recours contre l'acte d'accusation;

-     reconnaître au ministère public la compétence de prononcer une ordonnance de classement partiel sujette à recours sur des faits qui sont essentiellement contenus dans l'acte d'accusation, reviendrait à créer, de manière détournée, une voie de recours contre l'acte d'accusation lui-même, partant à contourner la loi. En effet, cela permettrait à la partie plaignante de faire valoir des droits dans la rédaction de l'acte d'accusation, alors qu'une telle prérogative n'existe pas pour le prévenu, qui ne peut pas contraindre le ministère public à écarter des accusations qu'il estime infondées, mais doit attendre le prononcé du tribunal de première instance. La partie plaignante, en multipliant les demandes de mise en prévention pour des infractions connexes, pourrait donc, à supposer qu'on les considère sujettes à recours, façonner l'acte d'accusation à sa guise, ce qui ralentirait d'autant la procédure de renvoi en jugement. Or, c'est précisément pour des questions de célérité que le législateur a refusé d'ouvrir une voie de recours contre l'acte d'accusation (cf. ACPR/299/2014 précité; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1157/2019 du 12 novembre 2019 consid. 2.3);

-     la "décision" querellée est donc bien une partie de l'acte d'accusation et n'est, dès lors, pas sujette à recours;

-     aucune voie de droit n’étant ouverte contre celui-ci, le recours est irrecevable;

-     le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7568/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00