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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/2990/2024

ACPR/343/2024 du 08.05.2024 sur OTDP/496/2024 ( TDP ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.06.2024, 6B_448/2024
Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;FICTION DE LA NOTIFICATION;DÉLAI
Normes : CPP.356; CPP.85.al4.leta

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2990/2024 ACPR/343/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 8 mai 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, agissant en personne,

recourant,


contre l'ordonnance rendue le 5 mars 2024 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715,
1211 Genève 3,

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, 1227 Carouge,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 20 mars 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 5 mars 2024, notifiée le 14 suivant, par laquelle le Tribunal de police a constaté l’irrecevabilité, pour cause de tardiveté, de l’opposition qu’il avait formée à l’ordonnance pénale du 9 octobre 2023.

Le recourant, sans prendre de conclusions formelles, déclare former recours contre cette décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 11 août 2023 à 10h59, un accident de la circulation s'est produit à la hauteur du numéro ______ de la route du Pas-de-l'Échelle à Veyrier, impliquant deux véhicules conduits respectivement par A______ et B______.

b. Selon le rapport de renseignements du 17 août 2023, venant de Collonges-sous-Salève, A______ circulait sur la départementale 1206 en direction d'Étrembières (France). Arrivé au croisement de la douane de Veyrier, le conducteur avait tourné à gauche sur la route du Pas-de-l'Échelle (Suisse), sans prêter gare à B______ qui, circulant en sens inverse, s'était également engagée sur ladite route.

Au vu de ces éléments, A______ n'avait pas gardé une distance latérale suffisante avec B______ et un heurt s'était produit entre le flanc droit du véhicule du premier et l'avant de l'aile gauche de l'automobile de la seconde. A______ avait ensuite quitté les lieux de l'accident sans remplir ses devoirs. B______ l'avait donc suivi jusqu'à la station-service se trouvant à proximité, où le prénommé avait refusé toute communication.

Contacté par téléphone, A______ a confirmé avoir été impliqué dans un accident survenu plus tôt dans la journée. Il a insisté sur le fait qu'il s'était déjà engagé dans le carrefour lorsque B______ était arrivée et qu'il n'était pas parti sans remplir ses devoirs puisqu'il avait laissé cette dernière prendre une photographie de sa plaque d'immatriculation lorsqu'elle l'avait rejoint à la station-service.

C______, piétonne ayant assisté à l'accident, a expliqué que le véhicule conduit par A______ avait "coupé" la route à la voiture conduite par B______ avant de la percuter au niveau du flanc gauche.

c. Par ordonnance pénale n° 1______ du 9 octobre 2023, envoyée le jour-même par pli recommandé, le Service des contraventions (ci-après: SdC) a condamné A______ à une amende de CHF 2'210.-, émoluments compris, pour "devoirs en cas d'accident non remplis" et "distance latérale insuffisante, avec accident et dégâts matériels légers" (art. 26, 34 et 90; 51 et 92 LCR et art. 56 OCR).

d. D'après le suivi postal, le précité en a été avisé pour retrait le 10 octobre 2023; faute d'avoir été retiré dans le délai de garde, venu à échéance le 17 octobre 2023, le pli a été retourné à son expéditeur avec la mention "non réclamé".

e. Un rappel a été adressé à A______ le 30 novembre 2023.

f. Par lettre du 13 décembre 2023, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale du 9 octobre 2023. Il affirmait ne pas avoir reçu le pli recommandé contenant l'ordonnance litigieuse ni l'avis de la poste.

Il contestait avoir su qu'un rapport de police avait été rendu. Il s'était uniquement entretenu téléphoniquement avec un policier, à qui il avait expliqué ne pas avoir vu la voiture en face car il avait été ébloui par le soleil, admettant ainsi "un refus de priorité". Cela étant, la conductrice, qui l'avait vu arriver, avait "forcé le passage" de sorte que c'était elle qui l'avait percuté, et non l'inverse. La photographie de l'impact transmise au policier prouvait ses dires. Puis, comme il n'arrivait pas à se "faire entendre" de la conductrice et que seul son véhicule à lui avait été endommagé, il avait dit à cette dernière qu'il prendrait le coût des réparations à sa charge. Comme il avait tort, il n'avait pas vu l'utilité de faire un constat à l'amiable ni d'appeler la police.

Il n'était pas en mesure de s'acquitter de la contravention et demandait à être entendu par un juge vu les inexactitudes contenues dans le rapport de police, étant précisé qu'il contestait les déclarations du témoin.

g. Par courriel du 20 janvier 2024, le policier signataire du rapport précité (cf. B.b.) a confirmé que A______ avait été averti par téléphone de l'établissement dudit document. Les faits et les fautes étaient basées sur les déclarations des parties et du témoin. Il précisait avoir informé les parties que l'établissement du rapport "mènerait à des sanctions financières pour les fautes de circulation".

h. Par ordonnance du 30 janvier 2024, le SdC, constatant la tardiveté de l'opposition, a transmis la procédure au Tribunal de police afin qu'il statue sur la validité de ladite opposition et de l'ordonnance pénale.

i. Dans sa détermination du 16 février 2024, après interpellation du 8 précédent par le Tribunal de police sur la question de la recevabilité de son opposition, A______ a réitéré ne pas avoir reçu d'avis relatif au pli recommandé contenant l'ordonnance litigieuse. Il ne pouvait s'attendre à recevoir une ordonnance pénale, ce qui, selon l'art. 85 al. 4 "[let a]" CPP, justifiait la validité de son opposition.

C. Dans la décision querellée, le Tribunal de police retient que l’ordonnance pénale rendue le 9 octobre 2023 avait été valablement notifiée à A______ à l'issue du délai de garde, le 17 octobre 2023. Le délai pour former opposition était venu à échéance le 27 octobre 2023. Expédiée le 13 décembre 2023, l'opposition formée par A______ était tardive, partant irrecevable.

D. a. Dans son recours, A______ invoque sa bonne foi, réitérant ne pas avoir reçu l'avis postal. Cependant, d'après l'enquête menée auprès de la poste, ledit avis avait bien été déposé dans sa boîte aux lettres. Il n'avait "aucune raison de ne pas aller chercher cette lettre, puisqu'[il] n'en attendait aucune", ajoutant croire que "c'est ce qu'expliquait l'art. 85 al. 4 CPP". La cause ne pouvait ainsi être écartée en raison d'un retard qui était justifié. Il tenait à être entendu sur les faits de la cause.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant soutient ne pas avoir reçu, dans sa boîte aux lettres, l'avis de passage du postier et conteste avoir dû s'attendre à la notification d'une décision.

2.1. À teneur de l'art. 354 al. 1 cum 357 al. 2 CPP, le délai pour former opposition contre une ordonnance pénale rendue en matière de contraventions est de 10 jours.

À défaut d'opposition valablement formée, l'ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force (art. 354 al. 3 et 357 al. 2 CPP);

2.2. Selon l'art. 356 al. 2 CPP, le tribunal de première instance statue sur la validité de l'opposition formée à une ordonnance pénale. L'examen de la validité de l'opposition a lieu d'office (arrêts du Tribunal fédéral 6B_910/2017 du 29 décembre 2017 consid. 2.4; 6B_848/2013 du 3 avril 2014 consid. 1.3.2). Lorsque l'opposition n'est pas valable, notamment parce qu'elle est tardive (cf. ATF 142 IV 201 consid. 2.2), le tribunal de première instance n'entre pas en matière (cf. Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification de la procédure pénale, FF 2006 1275 ad art. 360). En d'autres termes, le bien-fondé de la contestation n'est pas examiné.

2.3. Les autorités pénales notifient leurs prononcés par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l'entremise de la police (art. 85 al. 2 CPP). Le prononcé est réputé notifié si son destinataire ne l'a pas retiré dans les sept jours à compter d'une tentative de remise infructueuse, à condition qu'il ait dû s'attendre à une telle remise (art. 85 al. 4 let. a CPP).

2.4. Il existe une présomption de fait – réfragable – selon laquelle, pour les envois recommandés, la date de remise d'un pli, telle qu'elle figure sur la liste des notifications, est exacte. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire. Si ce dernier ne parvient pas à établir l'absence de dépôt dans sa boîte ou sa case postale au jour attesté par le facteur, la remise est censée avoir eu lieu en ces lieu et date. Du fait notamment que l'absence de remise constitue un fait négatif, le destinataire ne doit cependant pas en apporter la preuve stricte. Il suffit d'établir qu'il existe une vraisemblance prépondérante que des erreurs se soient produites lors de la notification (arrêts du Tribunal fédéral 6B_314/2012 du 18 février 2013 consid. 1.4.1; 6B_281/2012 du 9 octobre 2012 consid. 2.1).

2.5. Une personne ne doit s'attendre à la remise d'un prononcé, au sens de l'art. 85 al. 4 let. a CPP, que lorsqu'il y a une procédure en cours, la concernant, qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, à savoir de faire en sorte, entre autres, que les décisions relatives à la procédure puissent leur être notifiées. Le devoir procédural d'avoir à s'attendre avec une certaine vraisemblance à recevoir la notification d'un acte officiel naît avec l'ouverture d'un procès et vaut pendant toute la durée de la procédure (ATF 134 V 49 consid. 4, 130 III 396 consid. 1.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_314/2012 du 18 février 2013 consid. 1.3.1). L'obligation pour la personne de prendre des dispositions pour être atteinte naît lorsqu'elle est clairement informée par la police qu'elle fait l'objet d'une poursuite pénale (ibidem). Ainsi, un prévenu informé par la police d'une procédure préliminaire le concernant, de sa qualité de prévenu et des infractions reprochées, doit se rendre compte qu'il est partie à une procédure pénale et donc s'attendre à recevoir, dans ce cadre-là, des communications de la part des autorités, y compris un prononcé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_880/2022 du 30 janvier 2023 consid. 2.1. et la jurisprudence citée).

2.6. En l'espèce, l'ordonnance pénale du 9 octobre 2023 a été envoyée par pli recommandé au recourant, qui ne l'a pas retiré à l'échéance du délai de garde. Les éléments du dossier ne permettent pas de douter que l’avis de retrait postal lui soit bien parvenu; d'ailleurs, après enquête auprès de la Poste, le recourant ne le conteste plus.

Le recourant devait s'attendre à recevoir une décision judiciaire, puisqu'il se savait impliqué dans un accident de la circulation survenu le 11 août 2023 et qu'il s'était entretenu le jour-même avec un policier à ce sujet. Celui-ci a exposé avoir expliqué au recourant que, sur la base des déclarations des parties et du témoin, les fautes de la circulation commises seraient établies, ce qui entraînerait des "sanctions financières". Par surcroît, le recourant, qui a reconnu avoir refusé la priorité à la conductrice venant en sens inverse et donc – à tout le moins – admis une part de responsabilité dans la survenance de l'accident, ne pouvait penser que la procédure serait terminée du seul fait que, selon lui, ladite conductrice était également fautive ou encore qu'il était le seul à avoir subi des dommages matériels. Deux mois après l’accident, le recourant pouvait et devait donc s’attendre à recevoir une communication des autorités pénales.

Au vu de ce qui précède, la fiction de la notification à l'échéance du délai de garde de l'art. 85 al. 4 let. a CPP lui est opposable. Il s'ensuit que c'est à juste titre, et sans violation du principe de la bonne foi, que le Tribunal de police a constaté que l'opposition du 13 décembre 2023 était tardive et n'est pas entré en matière sur le fond.

Partant, le recours, infondé, sera ainsi rejeté, ce que la Chambre de céans pouvait constater sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2, 1ère phrase, et al. 5 a contrario CPP).

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 300.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 300.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal de police et au Service des contraventions.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/2990/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

215.00

Total

CHF

300.00