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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/3089/2024

ACPR/329/2024 du 06.05.2024 sur OMP/6558/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉLAI DE RECOURS;DÉFENSE D'OFFICE;COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.396; CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3089/2024 ACPR/329/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 6 mai 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 27 mars 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte daté du 8 avril 2024 mais comportant un sceau postal daté du lendemain, A______ recourt contre l'ordonnance du 27 mars 2024, notifiée le jour suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner sa défense d'office.

Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance et à l'octroi de l'assistance juridique.

b. Sur l'enveloppe contenant le recours figurent les mentions manuscrites: "déposé par témoin le 8 avril 2024 à 23h57" et "cause: Bug My post 24", suivies, au dos, du nom, de l'adresse et de la signature d'un témoin.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Il est reproché à A______, né le ______ 2001, d'avoir, au guidon d'un motocycle pour lequel il ne disposait pas du permis de conduire de la catégorie requise, remonté une file de véhicules à l'arrêt et heurté le flanc droit d'une voiture, engagée sur la route, conduite par C______, causant de la sorte un accident avec des dégâts matériels, lors duquel lui-même et son passager ont été légèrement blessés.

b.a. Entendu par la police, hors présence d'un avocat, A______ a admis avoir conduit le motocycle sans avoir le permis requis. Concernant l'accident, il avait démarré au feu vert avant C______ pour aller tout droit mais ce dernier était venu le percuter sur le flanc droit au moment de tourner.

b.b. C______ a déclaré qu'au moment de démarrer, il n'y avait personne à sa hauteur. Lors du passage du feu au vert, il avait signalé son intention d'obliquer à droite, vérifié son angle mort et commencé son virage lorsque le scooter conduit par A______ était venu s'encastrer dans sa portière avant droite.

c. Lors de l'audience par-devant le Ministère public le 1er février 2024, A______ a, derechef, renoncé à être assisté d'un avocat et confirmé ses précédentes déclarations. Pour lui, C______ était responsable de l'accident.

d. Par ordonnance pénale du même jour, le Ministère public a déclaré A______ coupable de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR) et de conduite sans permis de conduire (art. 95 al. 1 let. a LCR), l'a condamné à une peine privative de liberté de soixante jours et a renoncé à révoquer le sursis accordé le 31 mai 2021 par le Tribunal de police, en prolongeant le délai d'épreuve d'un an.

e. Dans un courrier reçu par le Ministère public le 9 suivant, A______ a formé opposition à cette ordonnance. Il ne contestait pas les faits reprochés mais sa condamnation car, étant étudiant à la Haute école D______, une telle sanction mettrait fin à son bachelor.

f. Par ordonnance du 5 mars 2024, le Tribunal de police a – à la suite du maintien, par le Ministère public, de son ordonnance pénale – renvoyé le dossier au Ministère public pour complément d'instruction. A______ devait être confronté à C______.

g. Le 7 mars 2024, Me B______ a informé le Ministère public avoir été constitué à la défense des intérêts de A______.

h. Le 22 suivant, A______ a adressé au Ministère public une demande de désignation de défenseur d'office.

Il ressort du formulaire ad hoc rempli et signé par A______ qu'il vit avec sa mère et ses deux sœurs. Son revenu annuel serait de CHF 7'200.- et il toucherait en sus CHF 8'328.- par an du Service des prestations complémentaires. Sa mère percevrait des allocations familiales (CHF 415.-) et une rente de CHF 357.-. Concernant ses charges, il paierait mensuellement CHF 1'563.- de loyer, CHF 1'200.- de frais annuels de scolarité, CHF 1'800.- par an pour son abonnement téléphonique et son adhésion à un fitness, et, enfin, CHF 2'400.- par an de participation aux frais du ménage.

Selon son bordereau de taxation d'office pour l'année 2022, son revenu imposable était de CHF 12'000.-.

A______ n'a fourni aucun décompte de salaire, ni quittances concernant ses charges mensuelles.

i. À teneur de son casier judiciaire, A______ a été condamné par le Tribunal de police, le 31 mai 2021, à une peine privative de liberté de huit mois, assortie d'un sursis avec délai d'épreuve de trois ans, pour violation grave des règles de la circulation (art. 90 al. 2 LCR) et conduite sans permis (art. 95 al. 1 let. a LCR).

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que A______, francophone et étudiant, était à même de se défendre seul, la cause étant de peu de gravité et ne présentant pas de difficultés juridiques particulières.

D. a. Dans son recours, A______ souligne être sous la menace d'une peine ne pouvant être assortie du sursis. Sa cause présentait dès lors une certaine gravité. Par ailleurs, le sursis octroyé par le Tribunal de police dans son jugement du 31 mai 2021 était toujours susceptible d'être révoqué et il encourrait alors une peine privative de liberté pouvant aller jusqu'à dix mois. En outre, les circonstances de l'accident n'étaient pas établies et l'audition à venir de C______ apparaissait centrale et déterminante pour établir les responsabilités de chacun. Il était donc dans son intérêt d'être assisté d'un avocat pour procéder à un contre-interrogatoire de manière efficace. Compte tenu encore de son jeune âge, son incapacité à se défendre seul était manifeste.

b. Par courriel du 9 avril 2024, l'Étude du conseil de A______ a adressé à la Chambre de céans des photographies de l'enveloppe contenant le recours et de son dépôt dans une boîte aux lettres postale, ainsi que les métadonnées tirées du téléphone ayant pris ces images, datées du 8 avril 2024 à 23:57.

c. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. À teneur de l’art. 396 al. 1 CPP, le délai de recours est de dix jours. La partie qui doit accomplir un acte de procédure doit démontrer qu'elle l'a entrepris à temps. L'expéditeur doit ainsi prouver que son envoi a été expédié le dernier jour du délai à minuit au plus tard; peu importe que l'acte ait été remis au guichet de la Poste ou déposé dans une boîte aux lettres. Dans l'un et l'autre cas, la date de la remise ou du dépôt est présumée coïncider avec celle du sceau postal. La partie qui prétend avoir déposé son acte la veille de la date attestée par le sceau postal a cependant le droit de renverser cette présomption par tous moyens de preuve appropriés (arrêt du Tribunal fédéral 6B_397/2012 du 20 septembre 2012 consid 1.2; cf. aussi ACPR/203/2024 du 18 mars 2024 consid. 3.2.2).

1.2. En l'espèce, si le sceau postal indique que le pli contenant le recours a été posté le 9 avril 2024, soit après l'échéance du délai de recours - tombant le 8 avril 2024 -, l'attestation signée d'un témoin – dont les coordonnées et le nom ont été fournis – figurant au dos de l'enveloppe confirme que le recours a été déposé dans une boîte aux lettres de la Poste la veille, soit dans le délai prévu à l'art. 396 al. 1 CPP, indépendamment des précisions apportées par la suite par l'Étude du conseil du recourant.

La recevabilité du recours sous cet angle sera ainsi admise, sans qu'il ne soit nécessaire d'investiguer davantage.

1.3. Pour le surplus, le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de ceux-ci (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche à l'autorité précédente de ne pas l'avoir mis au bénéfice d'une défense d'office.

2.1. En dehors des cas de défense obligatoire, l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur d'office aux conditions que le prévenu soit indigent et que la sauvegarde de ses intérêts justifie une telle assistance.

2.2. Une personne est indigente lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 141 III 369 consid. 4.1). Il incombe au requérant de prouver les faits qui permettent de constater qu'il remplit les conditions de la mesure qu'il sollicite. S'il ne fournit pas des renseignements suffisants (avec pièces à l'appui) pour permettre d'avoir une vision complète de sa situation financière, la requête sera rejetée (ATF 125 IV 161 consid. 4).

2.3.1. La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP). 

Pour déterminer si l'infraction reprochée au prévenu est ou non de peu de gravité, ce n'est pas la peine-menace encourue abstraitement, au vu de l'infraction en cause, qui doit être prise en considération mais la peine raisonnablement envisageable, au vu des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 143 I 164 consid. 2.4.3 et 3).

La désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 164 consid. 3.5; arrêt 1B_157/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.2). 

2.3.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure (arrêts 1B_276/2022 du 23 septembre 2022 consid. 3.1; 1B_591/2021 du 12 janvier 2022 consid. 2.1).

2.3.3. S'agissant de la difficulté objective de la cause, à l'instar de ce qu'elle a développé en rapport avec les chances de succès d'un recours (cf. ATF 139 III 396 consid. 1.2; 129 I 129 consid. 2.3.1), la jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat (ATF 140 V 521 consid. 9.1). La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, que ce soit de manière générale ou dans le cas particulier. 

2.3.4. Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure, ainsi que des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (arrêt du Tribunal fédéral 1B_591/2021 du 12 janvier 2022 consid. 2.1).

2.4. En l'espèce, la réalisation de la condition de l'indigence pourrait déjà être remise en doute.

Le revenu annuel déclaré par le recourant dans son formulaire ne correspond pas à celui retenu par les autorités fiscales et l'absence de toute autre information empêche de connaître le montant exact de son salaire. En outre, ses charges alléguées ne sont pas étayées par pièces, de sorte qu'il est impossible de les établir avec certitude.

Point n'est toutefois besoin d'examiner plus en avant cette condition, compte tenu de ce qui suit.

Le Ministère public a condamné le recourant – par ordonnance pénale frappée d'opposition – à une peine privative de liberté de soixante jours, laquelle, seule, ne dépasse de loin pas le seuil prévu à l'art. 132 al. 3 CPP. Cependant, si l'on tient compte d'une éventuelle révocation du sursis antérieur, la peine encourue par le recourant pourrait dépasser les limites de ce que l'on qualifie de cas de peu de gravité.

Ce nonobstant, la seconde condition – cumulative – de l'art. 132 al. 2 CPP n'est pas réunie.

Le recourant est prévenu de deux infractions, soit conduite sans permis (art. 95 al. 1 let. a LCR) et violation grave des règles de la circulation (art. 90 al. 2 LCR).

Pour le premier volet, il a admis les faits et ne les discute pas. Au sujet du second, il a déjà été entendu à deux reprises – à la police et devant le Ministère public – sans exiger la présence d'un avocat. Lors de ces auditions, il a donné sa version circonstanciée des faits en lien avec l'accident, en déclarant sans ambages que la responsabilité incombait à l'autre conducteur.

On peine ainsi à comprendre, compte tenu de ce qui précède, quelle difficulté particulière soulèverait l'audience de confrontation à venir nécessitant l'assistance d'un conseil, dès lors que le recourant a démontré jusqu'ici être en mesure de se défendre seul. D'ailleurs, il a formé seul son opposition à l'ordonnance pénale, avant que son conseil ne s'annonce pour la première fois auprès du Ministère public.

Au demeurant, dans son opposition, le recourant n'a pas contesté les faits retenus mais seulement la quotité de la peine. À cet égard, il apparaît capable d'exposer seul les éléments pertinents pour la fixation de celle-ci, y compris les risques allégués pour la suite de ses études.

Plus généralement, les dispositions légales applicables sont circonscrites et, compte tenu de sa défense, le recourant semble en avoir compris les enjeux, étant rappelé qu'il a déjà fait l'objet d'une précédente condamnation pour les mêmes infractions.

À cela s'ajoute encore que le recourant parle et comprend parfaitement le français.

Partant, la condition de la complexité de la procédure n'étant pas réalisée, l'art. 132 al. 2 CPP ne trouve pas application. Il s'ensuit que c'est à juste titre que le Ministère public a considéré que les conditions d'une défense d'office n'étaient pas réunies. Le refus de désigner un défenseur d'office à l'intéressé ne viole ainsi pas l'art. 132 CPP.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait être traité d'emblée sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             La décision de refus de l'assistance judiciaire sera rendue sans frais (art. 20 du Règlement sur l'assistance juridique [E 2 05.04; RAJ]); arrêt du Tribunal fédéral 6B_215/2018 du 14 juin 2018 consid. 1.2.).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).