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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/1701/2023

ACPR/117/2024 du 15.02.2024 sur ONMMP/3069/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;ABUS DE CONFIANCE;INJURE;CAS BÉNIN
Normes : CPP.310; CP.138; CP.177; CP.52

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1701/2023 ACPR/117/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 15 février 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______, représentée par Me Alexandre J. SCHWAB, avocat,
Schwab Flaherty & Ass., rue De-Candolle 7, 1205 Genève,

recourante,


contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 4 août 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 10 août 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 4 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 17 janvier 2023.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à ce que la cause soit renvoyée au Ministère public pour que, d'une part, il complète l'instruction sous l'angle de l'art. 138 CP, notamment en identifiant et auditionnant la personne à qui B______ avait vendu l'objet confié et, d'autre part, condamne cette dernière pour injure au sens de l'art. 177 CP.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par pli du 17 janvier 2023, reçu le 23 suivant au Ministère public, A______ a déposé plainte contre B______ pour abus de confiance (art. 138 CP), diffamation (art. 173 CP), calomnie (art. 174 CP), subsidiairement injure (art. 177 CP), menace (art. 180 CP), tentative de contrainte (art. 22 cum 181 CP) voire contrainte (art. 181 CP).

Elle avait rencontré B______ en 2011 et s'était liée d'amitié avec elle. Elles travaillaient toutes deux pour C______ SA, la prénommée depuis onze ans et elle-même depuis juin 2022.

En mai 2021, alors qu'elle rencontrait des difficultés avec son époux, B______ lui avait suggéré de mandater un de ses amis, Me D______, lequel exerçait en tant qu'avocat au sein d'une Étude à E______ [VD]. Mécontente des conseils reçus, elle avait toutefois mis fin au mandat. Le 16 mai 2022, l'avocat lui avait adressé une facture de CHF 20'000.- correspondant à ses honoraires, facture qu'elle avait contestée.

Dès août 2022, B______ avait fait "pression" sur elle, notamment par le biais de nombreux messages, pour qu'elle s'acquitte de ladite facture. Malgré ses explications selon lesquelles ledit litige était réglé par le biais de son nouvel avocat, la prénommée continuait de la "harceler", tant sur son lieu de travail que par téléphone, lui disant notamment "d'utiliser son argent pour payer la facture de Me D______ au lieu d'acheter des bijoux".

Le 23 septembre 2022, elle s'était vu notifier un commandement de payer de CHF 20'000.- de la part de l'avocat, auquel elle s'était opposée.

Le 27 septembre 2022, elle avait confié à B______ une paire de boucles d'oreilles de la marque "F______", à charge pour cette dernière de trouver un acheteur pour un prix compris entre CHF 10'000.- et 15'000.- et de lui remettre le prix de la vente afin qu'elle puisse subvenir à ses besoins. La prénommée avait toutefois vendu le bijou sans l'informer de l'identité de l'acheteur, de la date ni du prix de vente. Cette dernière ne lui avait pas non plus remis le produit de la vente. Interrogée le 20 octobre 2022, B______ lui avait dit avoir vendu le bijou pour CHF 6'000.-, somme qu'elle avait remise à Me D______. Cette dernière avait agi sans droit, ce d'autant qu'elle savait que la note d'honoraires avait été contestée et qu'une opposition avait été formée contre le commandement de payer. Enfin, elle ignorait pour quel prix les boucles d'oreilles avaient "réellement" été vendues.

Se référant à des messages échangés les 26 et 27 novembre 2022 (lesquels sont reproduits ci-après sous B.c.), A______ a expliqué que, confrontée quant à l'utilisation du produit de la vente, B______ s'était montrée virulente et l'avait sommée, d'une manière menaçante, de payer la note d'honoraires litigieuse, l'accusant d'être "malhonnête et adepte de tromperie par le biais de manœuvres fourbes". La prénommée l'avait traitée d'"escroc" ["crook"] et tenté de l'effrayer en lui disant qu'elle avertirait leur employeur.

Fin novembre 2022, ses employeurs, G______ et H______, lui avaient dit qu'ils entendaient la licencier au motif que, selon B______, elle avait "escroqué un avocat et qu'elle [était] poursuivie pour non-paiement de ses dettes". Depuis lors, elle craignait de perdre son emploi.

b. Entendue le 21 juin 2023 par le police, B______ a contesté les faits reprochés.

Elle avait transmis à A______ les coordonnées de Me D______. Le 10 mai 2022, la prénommée lui avait dit qu'elle devait CHF 20'000.- à ce dernier, lui assurant toutefois qu'elle le payerait.

À plusieurs reprises, A______ lui avait demandé de vendre des affaires de luxe lui appartenant, afin de payer les honoraires de son avocat.

Par message du 27 septembre 2023, elle avait dit à A______ qu'elle pouvait trouver un acheteur pour une paire de boucles d'oreilles "F______", bijou qu'elle avait elle-même vendu à cette dernière en juin 2021 pour CHF 4'900.-. Le 29 suivant, elle avait informé la prénommée avoir reçu une offre pour CHF 6'000.-; A______ lui avait confirmé que cette proposition lui convenait. L'intéressée lui avait demandé oralement de remettre cette somme à Me D______, ce qu'elle avait fait. Elle n'avait pas donné le nom de l'acheteur ni la date de la transaction car rien ne lui avait été demandé. Puis, par message du 13 octobre 2022, A______ s'était inquiétée de savoir si ladite somme avait bien été remise à l'avocat afin qu'elle puisse la déduire du montant total qu'elle devait à ce dernier.

Le 9 novembre 2022, A______ lui avait, une nouvelle fois, demandé de remettre, à l'avocat précité, de l'argent provenant de la vente d'un sac à main. Le 26 suivant, elle avait écrit à A______ car, sans nouvelles de sa part, elle s'était retrouvée en porte-à-faux par rapport à son ami. Elle considérait que le comportement de l'intéressée n'était pas correct. Elle reconnaissait avoir dit à celle-ci qu'elle était une "escroc" mais considérait qu'il ne s'agissait pas d'une insulte.

Enfin, elle était d'avis qu'il était de son devoir d'avertir ses employeurs comme elle leur avait recommandé A______. Ces derniers étaient toutefois déjà au courant des faits, la prénommée leur en ayant parlé.

c. B______ a produit des échanges de messages avec A______. Il en ressort notamment ce qui suit:

·           les 27 et 28 septembre 2022:

- B______: "Dear how are you?", "R u in the shop tomorrow? Someone I know wants to buy F______ earrings", "Can you bring yours?"

- A______: "Yes yes", "I am here darling in case you wanna come for F______";

·           le 29 septembre 2022:

- B______ : "Had a proposition at 6K for the earrings"

- A______: "ok" [émoticône pouce en l'air];

·           le 13 octobre 2022:

- A______: "Hun, you gave all 6K to D______?"

- B______: "Yes why?"

- A______: "Just we have to exclude from the rest I have to give him)"

- B______: "Ok write to him" [émoticône qui fait un clin d'oeil]

- A______: "Yeap )" [émoticône "bisous-cœur"];

·           les 9, 14 et 19 novembre 2022, B______ relance à plusieurs reprises A______ pour savoir quand elle doit venir chercher quelque chose pour l'avocat ["So when should I come to pick up? Tomorrow?", "Any think for D______?", "*thing", "Hi dear how are you? Any news ?"]. A______ lui répond qu'elle l'appellerait, qu'elle avait vendu un sac mais que l'acheteur devait venir le récupérer. L'on comprend qu'elle n'a pas encore reçu l'argent.

·           les 26 et 27 novembre 2022:

- B______: "Hi A______ how are you? You told me 2 weeks ago you would give me att for D______ ! I still didn't have anything! I think you need now to give his money back", "I saw you bought a new ring @C______ I I believe it would be preferable to pay your debt maybe" [émoticône qui se pose une question], "And puts me in a bad position so I am not very happy".

 

Dans la suite de l'échange, A______ explique que cela n'avait rien à voir avec elle, que le paiement devait se faire par le biais des avocats et non d'amis, qu'elle souhaitait que la poursuite intentée contre elle soit retirée avant de payer l'avocat, ce d'autant que la somme de CHF 6'000.- n'avait pas été déduite du montant total. B______ lui répond: "I think you are playing with both of us", "And think you are not very honest", "You wouldn't be at poursuit if you paid your debts" et lui explique qu'il fallait d'abord qu'elle paie pour que la poursuite soit retirée. B______ ajoute "And I[f] I weren't here you would have paid a penny and this is also why you are in pousite now" (sic). A______ maintient que malgré le paiement effectué par le biais de B______, elle s'était retrouvée aux poursuites. L'échange se poursuit comme suit:

- B______: "I think you don't understand anything sorry", "If you want a reciept of you payment then go to his office and ask for it", "And pay your debts", "Because you are the one who is not honest", "And you were the one who didn't pay from the beginning", "But now I understand better the situation", "And how you act with people"

- A______: "Let me call him, cause it has nothing to do with you"

- B______: "Yes because I present him to you and the correct way would be that you simply pay your debts", "As easy as that", "I found you a lawyer, I found you a job… and this is how you ACT with me?! This is really not correct"

- A______:"Dear, it has nothing to do with you, he shall speak to me", "Not to put you in this position"

- B______:"Pay him. THATS IT"

- A______: "I will", "Are you in the office on Monday"

- B______: "Yes";

·           le 29 novembre 2022:

- B______: "Hi [émoticône signe de la main] do you have the money?", "You didn't come on Monday in the office", "Always lies…"

- A______: "B______, to avoid this conversation, Me D______ has to contact my lawyers for the payment"

- B______: "You never contacted him", "I think if the story continues I will speak to G______ and H______ about it sorry", "By the way, you never got in contact with D______…", "I think we cannot trust someone who doesn't pay its debts", "Not in the jewellery business"

- A______: "If you want to be his representative – please contact my lawyers as well to pick up money from them for your friend."

- B______: "Amd anyway we usually don't employ people who are in poursuites"

- A______: "Please go ahead"

- B______: "I will tomorrow", "It is so simple to pay what you owe to people", "But I believe this is not your culture", "…", "Crook", "Pls send me all the details of your "lawyer"", "Just regret having done so much for you", "You don't worth it".

C. Dans l'ordonnance querellée, s'agissant de l'abus de confiance, le Ministère public relève que les versions des parties étaient contradictoires: il y avait manifestement eu un désaccord ou une incompréhension sur les termes et l'étendue de leur accord oral. Aucun document écrit ne permettait toutefois de déterminer quelles instructions avaient été données par A______ à B______ concernant les modalités de vente de la paire de boucles d'oreilles et l'affectation du produit de la vente. En tout état, l'échange de messages entre les parties du 13 octobre 2022 attestait que B______ avait remis en espèce le produit de la vente de la paire de boucles d'oreilles, soit CHF 6'000.-, à Me D______ conformément aux instructions de A______, et qu'elle n'avait donc pas conservé cette somme par-devers elle.

En l'absence d'élément objectif permettant de déterminer ce qui avait été convenu entre les parties, il n'était pas possible de privilégier l'une des versions et, partant, d'établir la culpabilité de B______

En outre, si B______ avait reconnu avoir parlé à son employeur du non-paiement des honoraires de Me D______ par A______ et de sa mise aux poursuites, il n'était pas établi qu'elle eût, à cette occasion, tenu des propos diffamatoires ou calomnieux, notamment en traitant la prénommée d'"escroc".

B______ avait reconnu avoir traité A______ de "personne pas honnête". Bien que déplacé et désagréable, ces propos n'atteignaient pas l'intensité suffisantes pour être constitutif d'injure. En revanche, en traitant A______ d'"escroc", B______ s'était rendue coupable d'injure. Toutefois, cette insulte s'inscrivait dans un contexte très précis et en réaction à un évènement bien particulier. Il ne ressortait pas de la procédure que le comportement répréhensible se soit répété par la suite de sorte que tant la culpabilité que les conséquences de l'acte de B______ paraissaient peu importantes et ne justifiait pas la poursuite de la procédure à son encontre (art. 52 CP).

Enfin, les éléments constitutifs de l'infraction de tentative de contrainte et de menaces n'étaient pas réunis.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public d'avoir procédé à une instruction incomplète sous l'angle de l'art. 138 CP. En effet, après avoir relevé qu'il n'existait pas d'élément objectif permettant d'établir la volonté des parties et donc de privilégier l'une ou l'autre des versions, l'autorité était partie du principe que le prix de vente de CHF 6'000.- était établi. Or, l'abus de confiance ne portait pas seulement sur le contrat la liant à B______, mais aussi – et surtout – sur celui liant cette dernière à la personne ayant acheté le bijou qui lui avait été confié. La plainte pénale était "claire" à cet égard, laissant sous-entendre que l'objet avait été vendu pour un prix plus élevé que la somme remise à son ancien avocat. Ainsi, en conservant la différence entre le prix de vente et la somme remise à l'avocat, les conditions de l'abus de confiance pouvaient être réalisées. Avant de refuser d'entrer en matière, le Ministère public devait donc, à tout le moins, s'assurer que tel n'était pas le cas, en obtenant une copie du contrat de vente de l'objet confié, de l'identité de l'acheteur ainsi qu'en procédant à l'audition de ce dernier.

En outre, B______ devait être condamnée pour injure, le Ministère public ayant fait une mauvaise application de l'art. 52 CP. Cette dernière, qui avait admis l'avoir traitée d'"escroc", avait conscience du contexte dans lequel ce propos avait été tenu, soit celui du "monde du luxe", dans lequel elles travaillaient et duquel tout "escroc" était immédiatement exclu. Ladite injure ne pouvait donc être considérée comme anodine. B______ avait sciemment remis en cause son intégrité morale et son honnêteté, ce afin qu'elle paie son ancien avocat au-delà des CHF 6'000.- qu'elle lui avait déjà versés.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

Aucun élément ne permettait de retenir que B______ aurait vendu les boucles d'oreilles pour une somme supérieure à CHF 6'000.- et qu'elle aurait conservé la différence. Même à admettre que tel aurait été le cas, aucun élément au dossier ne permettait de déterminer les modalités d'exécution de la vente convenue entre les parties de sorte qu'il n'était pas possible de privilégier l'une ou l'autre des versions. En conséquence, l'obtention de la copie du contrat de vente et l'audition de la personne ayant acquis le bijou ne modifierait pas la conviction du Ministère public.

c. A______ réplique.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             À titre liminaire, la Chambre de céans constate que la recourante ne remet pas en cause l'ordonnance de non-entrée en matière en tant qu'elle concerne les infractions de diffamation, calomnie, tentative de contrainte et menaces reprochées à B______. Ces points n'apparaissant plus litigieux, ils ne seront pas examinés plus avant dans le présent arrêt (art. 385 al. 1 let. a CPP).

3.             3.1. Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (arrêt 6B_196/2020 précité ; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1).

3.2. Une non-entrée en matière doit également être prononcée lorsqu'il peut être renoncé à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (art. 310 al. 1 let. c cum 8 al. 1 CPP). Tel est notamment le cas si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes (art. 52 CP).

3.3. Se rend coupable d'abus de confiance quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, s’approprie une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui a été confiée (art. 138 ch. 1 al. 1 CP), ou emploie à son profit ou au profit d’un tiers des valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées (art. 138 ch. 1 al. 2 CP).

Une chose est confiée au sens de cette disposition lorsqu'elle est remise ou laissée à l'auteur pour qu'il l'utilise de manière déterminée dans l'intérêt d'autrui, en particulier pour la garder, l'administrer, la livrer ou la vendre selon des instructions qui peuvent être expresses ou tacites (ATF 120 IV 117 consid. 2b p. 115; 118 IV 32 consid. 2a p. 33).

D'un point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime, lequel peut être réalisé par dol éventuel (ATF 118 IV 32 consid. 2a p. 34). Celui qui dispose à son profit ou au profit d'un tiers d'un bien qui lui a été confié et qu'il s'est engagé à tenir en tout temps à disposition de l'ayant droit s'enrichit illégitimement s'il n'a pas la volonté et la capacité de le restituer immédiatement en tout temps. Celui qui ne s'est engagé à tenir le bien confié à disposition de l'ayant droit qu'à un moment déterminé ou à l'échéance d'un délai déterminé ne s'enrichit illégitimement que s'il n'a pas la volonté et la capacité de le restituer à ce moment précis (ATF 118 IV 27 consid. 3a p. 29 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1268/2018 précité consid. 2.2).

3.4. Se rend coupable d'injure quiconque qui aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur (art. 177 al. 1 CP).

L'injure peut consister dans la formulation d'un jugement de valeur offensant, mettant en doute l'honnêteté, la loyauté ou la moralité d'une personne de manière à la rendre méprisable en tant qu'être humain ou entité juridique ou celui d'une injure formelle, lorsque l'auteur a, en une forme répréhensible, témoigné de son mépris à l'égard de la personne visée et l'a attaquée dans le sentiment qu'elle a de sa propre dignité. La marque de mépris doit revêtir une certaine gravité, excédant ce qui est acceptable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1149/2019 du 15 janvier 2020 consid. 5.1 ; 6B_557/2013 du 12 septembre 2013, consid. 1.1 et les références citées, publié in SJ 2014 I 293).

3.5. En l'espèce, la recourante reproche au Ministère public d'avoir retenu que la paire de boucle d'oreilles lui appartenant avait été vendue pour CHF 6'000.- par la mise en cause, soutenant qu'elle l'aurait été pour une somme supérieure et que cette dernière aurait conservé la différence.

Or, aucun élément ne permet de retenir un dessein d'enrichissement illégitime de la mise en cause au sens de l'art. 138 CP, ce d'autant eu égard aux échanges entre les parties.

En effet, il ressort des messages du 29 septembre 2022 que la mise en cause a informé la recourante avoir trouvé un acheteur pour CHF 6'000.-. L'acceptation de la proposition de vente, contenue dans la réponse de la recourante, est claire et sans équivoque ["ok" émoticône pouce en l'air]. À cela s'ajoute que le 13 octobre suivant, la recourante a demandé à la mise en cause si elle avait remis l'entièreté de ladite somme à son ancien avocat ["Hun, you gave all 6K to D______"], ce que cette dernière a confirmé. La recourante a ensuite expliqué la raison de son interrogation, soit de pouvoir déduire ce montant de la somme due à ce dernier. Ces éléments confortent donc la version de la mise en cause selon laquelle le bijou a été vendu pour
CHF 6'000.-, ce d'autant que la recourante n'a, à aucun moment, sollicité des informations complémentaires, à teneur desdits échanges.

En tout état, ainsi que l'a retenu le Ministère public, les versions des parties quant aux termes de leur accord, en particulier s'agissant de l'affectation du produit de la vente du bijou, sont contradictoires et aucun élément objectif ne permet d'en établir la teneur, ce que la recourante ne conteste pas. Partant, même à obtenir des informations sur l'acheteur et le prix de vente du bijou, ces éléments ne permettraient pas encore de retenir que la mise en cause aurait utilisé le produit de ladite vente contrairement aux instructions données. Le mémoire de recours ne comporte aucun développement à ce sujet.

Ainsi, à défaut d'indices objectifs, il n'est pas possible d'établir une prévention pénale suffisante d'abus de confiance à l'encontre de la mise en cause. Exempte de critique, la décision entreprise sera donc confirmée sur ce point.

3.6. La recourante considère que l'art. 52 CP ne pouvait trouver application en l'espèce, le terme "escroc", proféré par la mise en cause le 26 novembre 2022 constituant une injure, qui ne pouvait être considéré comme anodine dans le milieu de la joaillerie.

Si le caractère attentatoire à l'honneur de ladite assertion, directement liée à la commission d'une infraction pénale, n'est pas discutable, le terme incriminé ne semble pas avoir causé de dommage concret à la recourante. Elle ne prétend pas avoir été licenciée pour ce motif ni que ce propos aurait eu un impact négatif sur son avenir professionnel, étant relevé qu'il a été écrit dans un échange bilatéral, et non en présence de tiers. En outre, le propos litigieux a été rédigé sous le coup de l'émotion, lors d'un échange conflictuel. Enfin, il ressort de l'enchainement des messages que le terme litigieux se rapporte directement au litige "privé" opposant la recourante à son ancien avocat. L'environnement de travail des parties n'est donc pas pertinent en l'occurrence, ce d'autant qu'il n'est pas établi que la mise en cause aurait traité la recourante d'"escroc" auprès de ses employeurs. Dans ces circonstances, la culpabilité de la mise en cause apparaît de peu d'importance.

Partant, les faits ne revêtent pas un degré de gravité tel qu'il faille les sanctionner pénalement. C'est donc à bon droit que le Ministère public a renoncé à poursuivre cette infraction en vertu de l'art. 52 CP.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/1701/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

Total

CHF

1'200.00