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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10620/2023

ACPR/106/2024 du 13.02.2024 sur ONMMP/3985/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;VOL(DROIT PÉNAL);PLAINTE PÉNALE;DÉLAI
Normes : CPP.310; CP.139; CP.31

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10620/2023 ACPR/106/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 13 février 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 10 octobre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 18 octobre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 octobre 2023, notifiée le 12 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et à l'ouverture d'une instruction contre B______ du chef de vol. Il demande également à être exonéré des frais de la procédure.

b. Le recourant a été dispensé du versement des sûretés (art. 383 al.1 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par courrier du 16 mai 2023, A______ a déposé plainte contre son épouse, B______, lui reprochant d'avoir dérobé, à leur domicile, des "originaux de lettres et des documents officiels", ainsi que "personnels", parmi lesquels figurait notamment la "totalité de ses archives" (à lui).

Une partie de ces documents (vingt-deux) avait été produite par son épouse dans le cadre de la procédure de divorce qui les opposait – alors que ces pièces avaient été obtenues "illicitement" et, partant, étaient inexploitables –, tandis qu'une autre partie était conservée par l'intéressée sur son lieu de travail, à C______ [GE].

À l'appui de sa plainte, A______ a produit une copie des deux pages de garde du bordereau de vingt-deux pièces déposé par son épouse le 7 décembre 2022 auprès du greffe du Tribunal de première instance de Genève, comportant, notamment, le livret de famille des époux, plusieurs documents liés à une procédure pénale les ayant opposés en 2022, ainsi que divers autres actes et courriers concernant le plaignant, datés entre 1994 et 2022.

b. Entendue le 29 septembre 2023 par la police, B______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés. Elle a exposé que son époux et elle avaient emménagé dans leur logement actuel le 15 décembre 2021. S'étant chargée, seule, de déménager leurs affaires – accumulées durant leurs vingt années de vie commune –, elle avait rangé les archives de son époux dans le garage de leur nouvel appartement. Elles s'y trouvaient d'ailleurs toujours, aucun document n'ayant été emporté sur son lieu de travail (à elle).

Son époux, avec lequel elle était en instance de divorce, avait quitté le domicile conjugal le 23 août 2023, mais demeurait libre de venir récupérer ses affaires – qui étaient à sa disposition – à tout moment. En réalité, ce dernier avait déposé plainte contre elle dans le seul dessein de lui nuire.

c. À teneur du rapport de renseignements de la police du même jour, deux autres procédures pénales avaient été ouvertes, à la suite des plaintes déposées les 29 avril et 17 août 2022 par B______ contre son époux, des chefs de menaces, injures, violation de secrets privés, soustraction d'une chose mobilière et enregistrement non autorisé de conversations.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public retient que les déclarations des parties étaient contradictoires et qu'aucun élément objectif ne permettait d'appuyer les accusations portées par A______ contre son épouse. Par ailleurs, le contexte conflictuel de divorce dans le cadre duquel la plainte s'inscrivait imposait de considérer avec une certaine prudence les allégations des deux protagonistes. Dans ces circonstances, il était décidé de ne pas entrer en matière sur les faits dénoncés (art. 310 al. 1 let. a CPP).

D. a. Dans son recours, rédigé en personne, A______ réitère que son épouse lui aurait dérobé des documents personnels, dans le but de se les approprier sans droit et de les utiliser comme éléments à charge contre lui dans le cadre de leur procédure de divorce. Contrairement à ce qu'alléguait la mise en cause, les documents litigieux n'avaient pas été rangés dans leur garage, puisqu'ils étaient conservés depuis le jour de leur emménagement dans leur appartement – soit le 15 décembre 2021 – sur le lieu de travail de l'intéressée. En effet, son épouse les avait "fait entreposer" dans un local mis à disposition par son "chef", lequel pouvait être "cité comme témoin". Par ailleurs, ses propres déclarations relatives au déroulement des faits dénoncés n'étaient pas contradictoires, mais, au contraire, constantes. Il s'ensuivait que les éléments constitutifs de l'infraction de vol étaient réunis. Partant, la décision querellée consacrait une violation des art. 139 CP, 309, 310 et 319 CPP.

Pour le surplus, il demandait à être exonéré des frais judiciaires, exposant percevoir une rente AVS mensuelle, à l'exclusion de tout autre revenu.

À l'appui, il produit une attestation établie le 22 juin 2023 par l'Office cantonal des assurances sociales (OCAS), confirmant qu'il bénéficiait, en 2023, d'une rente mensuelle AVS de CHF 1'167.-.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La pièce nouvelle produite est également recevable (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

3.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

4.             La Chambre de céans constate que le recourant ne revient pas sur les préventions d'appropriation illégitime et de suppression de titres, évoquées dans sa plainte, dès lors qu'aucun argument visant à démontrer la réalisation de ces infractions n'est développé dans son recours. Ces points n'apparaissant plus litigieux, ils ne seront pas examinés plus avant dans le présent arrêt (art. 385 al. 1 let. a CPP).

5.             Le recourant considère qu'il existe une prévention suffisante, contre B______, d'infraction à l'art. 139 CP.

5.1.  Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP) et signifie qu'en principe une non-entrée en matière ne peut être prononcée par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 ss).

5.2.  Une ordonnance de non-entrée en matière doit également être rendue lorsqu'il existe des empêchements de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), par exemple lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP n'a pas été respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).

Selon l'art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. La détermination du dies a quo se fait en tenant compte des circonstances du cas d'espèce. Le délai pour porter plainte ne commence à courir que lorsque le lésé a connu l'infraction et l'auteur de celle-ci (ATF 130 IV 97 consid. 2). Le titulaire du droit de porter plainte doit démontrer le moment à partir duquel il a eu connaissance de l’infraction et de son auteur (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 22 ad. art. 31 et les références citées).

5.3.  

5.3.1. L'art. 139 ch. 1 CP punit, du chef de vol, quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier. Si l'acte est commis au préjudice des proches ou des familiers, l'infraction n'est poursuivie que sur plainte (art. 139 al. 4 CP).

5.3.2. Les proches d’une personne sont son conjoint, son partenaire enregistré, ses parents en ligne directe, ses frères et sœurs germains, consanguins ou utérins ainsi que ses parents, frères et sœurs et enfants adoptifs (art. 110 al. 1 CP). Les conjoints séparés, mais pas encore divorcés, demeurent des proches au sens de cette norme (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), op. cit., n. 2 ad art. 110 al. 1).

5.3.3. Le comportement délictueux consiste à soustraire la chose. Autrement dit, une autre personne avait la possession de la chose (même non exclusive), l'auteur la lui enlève contre sa volonté et prend ainsi sa place. Le lésé devait être possesseur de la chose et l'auteur, par la soustraction, a acquis une possession qu'il n'avait pas auparavant (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, n. 2 ad art. 139 CP). L'auteur du vol doit soustraire la chose dans le but de se l'approprier. Ainsi, il ne suffirait pas que l'auteur ait le dessein d'utiliser temporairement la chose ou de la détruire, il faut qu'il veuille l'incorporer à son patrimoine en vue de la conserver ou de l'aliéner (B. CORBOZ, op. cit, n. 9 ad art. 139 CP).

5.4.  En l'espèce, le recourant reproche à la mise en cause de lui avoir volé des documents personnels à leur domicile, dans le but de se les approprier et de les produire dans le cadre de leur procédure de divorce.

Force est toutefois de constater qu'il n'allègue pas, ni a fortiori ne démontre, avoir eu connaissance des faits qu'il dénonce et de leur auteur moins de trois mois avant le dépôt de sa plainte, étant relevé que les parties doivent être considérées comme des proches, étant encore mariées au moment des faits litigieux.

Au contraire, il ressort du dossier que le bordereau – comportant les pièces prétendument volées par la mise en cause – a été déposé par cette dernière le 7 décembre 2022 auprès du Tribunal de première instance de Genève. De plus, le recourant affirme que son épouse aurait emporté ses documents personnels sur son lieu de travail à elle le 15 décembre 2021 déjà. Ainsi, sa plainte, déposée le 16 mai 2023, soit plus de dix-sept mois après les faits, apparaît tardive.

Quoi qu'il en soit, aucun élément concret ne permet d'établir que les documents litigieux auraient été dérobés par la mise en cause, laquelle conteste fermement tout vol. À cet égard, elle soutient avoir rangé les archives du recourant dans le garage de l'ancien domicile conjugal et les tenir à disposition de l'intéressé.

Même dans l'hypothèse où les documents litigieux se trouveraient sur le lieu de travail de la prénommée – comme allégué par le recourant dans son recours –, lesdites pièces y auraient été entreposées le 15 décembre 2021, sans que ce dernier prétende s'y être opposé, étant encore précisé qu'il n'allègue pas avoir été empêché de les récupérer depuis ou même en avoir réclamé la restitution. Ainsi, à défaut d'appropriation et/ou de soustraction, les éléments constitutifs de l'infraction de vol (art. 139 CP) ne sont pas réalisés.

C'est donc à bon droit que le Ministère public n'est pas entré en matière sur la plainte et aucune mesure d'instruction, en particulier l'audition du supérieur hiérarchique de la mise en cause, ne paraît être à même de modifier ce constat. La décision querellée ne prête dès lors pas le flanc à la critique.

6.             Justifiée, elle sera donc confirmée.

7.             Le recourant sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire, limitée à l'exonération des frais judiciaires.

7.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). L'assistance judiciaire comprend, notamment, l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

7.2. La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut donc être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou que la procédure pénale est vouée à l'échec
(arrêts du Tribunal fédéral 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.1 et 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1. et les références citées).

7.3. En l'espèce, quand bien même le recourant serait indigent, il a été jugé supra que ses griefs étaient juridiquement – et d'emblée – infondés. Dans ces circonstances, il ne saurait être exonéré des frais judiciaires.

8.             Le recourant assumera, par conséquent, les frais de la procédure de recours, qui seront réduits et fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03) pour tenir compte de sa situation financière.

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est rendu sans frais (art. 20 RAJ).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance juridique gratuite.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/10620/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00