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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14323/2023

ACPR/90/2024 du 08.02.2024 sur ONMMP/3124/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;VOIES DE FAIT;INJURE;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.310; CP.126; CP.177; CP.181

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14323/2023 ACPR/90/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 8 février 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], représentée par Me Stéphane GRODECKI, avocat, Merkt & Associés, rue Général-Dufour 15, case postale, 1211 Genève 4,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 10 août 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 21 août 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur sa plainte contre B______.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il ouvre une instruction et procède à divers actes d'instruction.

Elle sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le vendredi 2 juin 2023, A______ s'est présentée à la police pour porter plainte contre son mari, B______.

Depuis septembre 2021 et à la suite de la dégradation de leur relation, ils vivaient séparés et se partageaient la garde de leurs deux enfants, C______ (née en 2013) et D______ (né en 2016). Ces derniers étaient chez leur père la semaine courante et le cadet, en course d'école, n'avait pas son sac d'écolier pour le lundi à venir. Elle s'était alors rendue à l'école pour l'amener à D______. Au moment de redescendre les escaliers, B______ s'était interposé, lui demandant de discuter, ce qu'elle avait refusé. Il s'était alors rapproché d'elle, lui ordonnant de sortir par l'autre porte. Elle ne se souvenait plus des mots précis mais il l'avait également injuriée et l'avait saisie par les bras, en serrant "assez fort". Elle lui avait ordonné de ne pas la toucher, ce à quoi il avait répondu "je ne te touche pas mais par contre, je vais te filmer", avant de s'interposer entre elle et le seul passage disponible et de sortir son téléphone pour la filmer. Alors qu'elle souhaitait partir, il l'avait derechef attrapée par le bras. Elle s'était libérée en le repoussant, car il lui faisait peur, et avait appelé la police. Elle n'avait pas établi de constat médical et n'avait pas de traces sur les bras. Elle allait réfléchir à obtenir un tel constat.

À l'issue de l'audition, la police a photographié les bras de A______. Aucune marque ni rougeur n'était visible à l'œil nu.

b. À teneur d'un constat médical établi le 3 juin 2023, A______ s'est plainte de douleur au niveau des deux bras. L'examen n'avait mis en évidence aucune trace ou rougeur, ni limitation des mouvements, ce qui "n'exclu[ait] pas une agression physique". Sur le plan psychique, A______ présentait un état anxieux réactionnel avec une peur dirigée envers "l'agresseur".

c. Entendu par la police le 19 juin 2023, B______ a contesté l'intégralité des faits reprochés. Il avait décidé de filmer A______ pour attester de sa bonne foi mais, le temps de sortir son téléphone, celle-ci était partie.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public relève que ni le constat médical, ni les photographies prises par la police ne mettaient en évidence des marques ou des rougeurs sur les bras de A______. Aucun témoin n'avait assisté à la scène du 2 juin 2023 et B______ contestait intégralement les faits. Dès lors, aucun élément de preuve objectif ne permettait de fonder des soupçons à l'égard du précité.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public d'avoir retenu l'absence de preuve objective alors que des actes d'instruction complémentaires pouvaient apporter des éléments utiles à la cause. En particulier, une confrontation avec B______ s'avérait nécessaire, d'autant plus que les infractions d'injures, de voies de fait et de contrainte, "par essence", ne laissaient pas de traces. À ce propos, l'absence de marque constatée sur ses bras, étant précisé qu'elle était de "teinte foncée", ne permettait pas d'exclure une "agression physique". L'autorité précédente avait, en outre, omis de tenir compte de son état anxieux tel qu'il ressortait du constat médical.

Elle produit un certificat médical du 21 août 2023, faisant état d'une "exacerbation anxieuse, de troubles du sommeil, de troubles de la concentration/attention" et d'une crainte de recroiser B______.

b. Dans ses observations, le Ministère public maintient, en substance, les termes de son ordonnance. Une audience de confrontation n'apporterait aucun élément complémentaire susceptible d'étayer les charges contre B______.

c. Dans sa réplique, A______ résume les développements contenus dans son recours et souligne que le Ministère public n'avait pas tenu compte des attestations médicales produites.

E. Dans son rapport du 13 novembre 2023, le Greffe de l'assistance juridique a attesté de l'indigence de A______.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. La pièce nouvelle produite par la recourante est également recevable (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             La recourante reproche au Ministère public de n'être pas entré en matière sur sa plainte.

2.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a. CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, une procédure pénale peut être liquidée par ordonnance de non-entrée en matière lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_488/2021 du 22 décembre 2021 consid. 5.3; arrêts 6B_212/2020 du 21 avril 2021 consid. 2.2; 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1).

2.2.1. À teneur de l'art. 126 al. 1 CP, sera puni quiconque se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n'auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé. Selon la jurisprudence, la notion de voies de fait caractérise les atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles ni dommage à la santé, voire même aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 consid. 1.2).

2.2.2. Se rend coupable d'injure (art. 177 al. 1 CP) quiconque, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaque autrui dans son honneur.

2.2.3. Se rend coupable de contrainte au sens de l'art. 181 CP, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans la liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

2.3. En l'espèce, la recourante accuse le mis en cause de l'avoir injuriée, de l'avoir saisie, à deux reprises, par les bras en serrant "assez fort" et de s'être interposé sur son passage, pour la forcer à prendre un autre chemin.

Alors que les événements se sont déroulés le jour du dépôt de sa plainte, elle n'a pas su se souvenir des propos injurieux supposément proférés par le mis en cause. En outre, ni les policiers qui ont enregistré son procès-verbal, ni le médecin qui a signé le constat médical du lendemain, n'ont constaté de marque ou de rougeur sur sa peau. Enfin, aucun témoin n'a assisté à la scène.

Par ailleurs, les déclarations de l'intéressée sont contestées par le mis en cause et une nouvelle audition des parties, même sous la forme d'une confrontation, aboutira indéniablement au même résultat.

Force est alors de constater qu'aucun élément objectif ne permet d'étayer les accusations de la recourante. Son état anxieux à la suite de cet épisode, tel qu'il ressort des documents médicaux, ne s'avère pas probant. De surcroît, les seuls actes d'enquête proposés apparaissent d'emblée vains et nul autre n'est à envisager.

Il n'existe ainsi pas de prévention pénale suffisante à l'égard du mis en cause.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             La recourante sollicite l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

4.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). La cause ne devant pas être dénuée de toute chance de succès, l'assistance peut être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la position du requérant est juridiquement infondée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1 et les références citées).

4.2. En l'occurrence, si l'indigence de la recourante est attestée, le recours était voué à l'échec pour les motifs exposés plus haut, de sorte que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire ne sont pas remplies.

La demande sera, partant, rejetée.

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Le communique, pour information, à B______, soit pour lui son conseil.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/14323/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

-

CHF

Total

CHF

600.00