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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7305/2021

ACPR/997/2023 du 22.12.2023 sur OCL/1156/2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 07.02.2024, 7B_146/2024
Recours TF déposé le 05.02.2024, 7B_133/2024
Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;MISE EN ACCUSATION;NE BIS IN IDEM;USURE(DROIT PÉNAL);TRAITE D'ÊTRES HUMAINS
Normes : CPP.16; CPP.319; CPP.325; CP.157; CP.182

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7305/2021 ACPR/997/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 22 décembre 2023

 

Entre

A______, représentée par Me Laïla BATOU, avocate, BOLIVAR BATOU & BOBILLIER, rue des Pâquis 35, 1201 Genève,

B______, représentée par Me Olivier PETER, avocat, Peter & Moreau, rue des Pavillons 17, case postale 90, 1211 Genève 4,

recourantes,

 

contre les ordonnances de classement partiel rendues le 22 août 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 4 septembre 2023, A______ recourt contre les ordonnances du 22 août 2023, notifiées le lendemain, par lesquelles le Ministère public a classé la procédure visant les époux C______ et D______, en tant qu'elle concernait les faits constitutifs de traite d'êtres humains, faux dans les titres et injure.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, chiffrés à CHF 2'207.85 TTC, au constat de la violation de son droit à une enquête effective découlant de l'interdiction de travail forcé (art. 4 CEDH), à l'annulation de ces ordonnances s'agissant de l'infraction de traite d'êtres humains et au renvoi de la cause au Ministère public pour mise en accusation de C______ et D______ de ce chef.

b. Par acte expédié le 4 septembre 2023, B______ recourt elle aussi contre ces ordonnances, concluant à leur annulation, au constat de la violation des art. 4 et 6 CEDH et au renvoi des époux C______/D______ en jugement pour traite d'êtres humains par métier (art. 182 al. 2 CP).

c. Les recourantes ont été dispensées du versement des sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et sa cousine, B______, ressortissantes nicaraguayennes, sont arrivées en Suisse respectivement en février 2019 et novembre 2019 pour y trouver un emploi. Bien que dépourvues d'autorisations de séjour et de travail, elles y ont développé une activité lucrative dans le secteur de l'économie domestique pour divers employeurs.

b. En 2020, elles ont appris que C______ et D______ étaient à la recherche de personnes pour s'occuper de la mère du premier nommé, E______, alors âgée de 96 ans, des deux enfants du couple (11 et 8 ans) et des tâches ménagères, tant au domicile de la famille à Genève que dans leur résidence secondaire à F______ (France).

c. A______ et B______ ont débuté leur activité chez les époux fin mai 2020.

d. En mars 2021, à la suite d'un différend financier, A______ et B______ ont contacté un collectif de soutien aux sans-papiers, soit pour celui-ci son coordinateur, G______, en expliquant être exploitées par le couple et avoir été victimes de viol de la part de C______.

À cette suite, le cas a été dénoncé aux autorités pénales.

e. Le témoin H______ a expliqué à la police qu'elle avait gardé une ou deux semaines E______, lorsque C______ était en vacances, et que sa sœur avait également travaillé durant six ou sept mois pour les époux en 2019 ou 2020. Tout s'était bien passé. Lorsque C______ lui avait demandé si elle connaissait quelqu'un pour travailler chez eux, elle avait pensé à A______ et B______, dont elle savait qu'elles recherchaient un emploi. Lors du premier entretien, elle avait officié comme interprète. Les parties s'étaient mises d'accord sur les tâches à effectuer (s'occuper de la maison et de la "mamie", en alternance) et la rémunération (entre CHF 1'000.- et CHF 2'000.- par mois, à son souvenir), ainsi que sur un congé de deux jours par semaine. Il s'agissait plus ou moins d'une activité identique à celle de sa sœur, celle-ci ne dormant cependant pas sur place et n'effectuant donc pas de travail nocturne. Ce dernier (essentiellement accompagner la vieille dame aux toilettes) avait été évoqué lors de l'entretien; il en allait de même des contraintes liées au Covid-19, compte tenu de l'état de santé de E______ – dont C______ était très soucieux – et de la limitation des contacts avec l'extérieur qui leur serait imposée. Il lui semblait qu'un contrat avait été signé. Après deux semaines, elle avait envoyé un message aux cousines pour savoir si tout se passait bien et il lui avait été répondu que tel était le cas. Elle n'avait plus eu de contact après.

f. Entendue par la police, puis à plusieurs reprises par le Ministère public, A______ a expliqué qu'elle était mère célibataire d'un enfant de six ans et travaillait au Nicaragua comme ouvrière, pour un salaire mensuel équivalent à USD 150.-. Ayant perdu son poste, elle avait décidé de venir à Genève, où sa belle-sœur lui avait dit qu'elle pourrait trouver un emploi. Elle avait contracté un emprunt pour financer le voyage.

À son arrivée en Suisse, elle avait été hébergée par sa belle-sœur, puis avait trouvé un poste dans une famille, où elle avait gardé trois enfants durant environ six mois, de 7h00 à 17h00, cinq jours par semaine, pour un salaire de CHF 800.- par mois. Elle avait ensuite travaillé pour des Colombiens pour un salaire horaire de CHF 15.-. En mai 2020, par le biais d'une personne qui fréquentait la même église, elle avait entendu parler d'un travail pour deux personnes à la montagne. Avec B______, qui partageait la petite chambre qu'elle louait et était sans emploi, elle avait été mise en contact avec les époux C______/D______.

Lors de l'entrevue qui avait eu lieu au domicile de ces derniers, C______ leur avait expliqué que l'une d'elles devrait s'occuper de sa mère et l'autre du ménage et des enfants, qu'elles resteraient quelques jours à Genève, puis iraient au chalet en France. En contrepartie, elles recevraient CHF 2'500.- par mois chacune, nourries et blanchies, et auraient les week-end libres, ou dûment compensés en cas de travail durant ces périodes; la question des horaires n'avait pas été abordée. Aucun contrat n'avait été signé. Elle ignorait d'ailleurs ce qu'était un contrat de travail et les démarches pour régulariser sa situation. D______ lui avait dit qu'en cas de contrôle, elle devrait dire qu'elle travaillait en France.

Elles avaient finalement travaillé du lundi au dimanche, sans jour de congé et sans pauses; leur salaire leur était donné en espèces, en plusieurs tranches. Leurs tâches consistaient à faire le ménage dans toute la maison et à s'occuper de E______, elle-même s'occupant plutôt du ménage et de faire à manger pour toute la famille. Elles accompagnaient aussi la vieille dame tous les après-midi pour une promenade. Durant la journée, E______ les sollicitait trois ou quatre fois par heure, notamment pour aller aux toilettes. Il fallait être aussi présentes durant ses repas, surveiller son oxygène, parfois plusieurs fois par heure, l'accompagner au moins trois fois par nuit aux toilettes – bien qu'elle portât des couches –, puis la laver et changer son pyjama, la ramener au lit, la remettre sous oxygène, vérifier la saturation, lui préparer de l'eau et la télécommande de la télévision. Il fallait être deux pour le faire, de même que pour l'aider à faire ses exercices de marche. Elle avait noté les tâches dans un calepin, car au début, elle oubliait certaines choses, ce qui avait énervé D______. Elles mangeaient après la famille, qui leur achetait en principe de quoi se cuisiner les repas. Il était toutefois arrivé à quelques reprises qu'elles n'aient pas le temps de manger, lors des départs en week-ends par exemple, les époux C______/D______ les avertissant au dernier moment.

À la police, elle a indiqué qu'elle était logée dans une chambre avec salle de bains au rez-de-chaussée, qu'elle considérait comme confortable, mais devant le Ministère public, elle a ajouté que les conditions de logement n'étaient pas bonnes, car la chambre était en réalité un salon traversé par E______ pour aller aux toilettes. Le lit n'en était pas un, mais un canapé-lit. Il y avait une chambre d'amis, mais elle devait être toujours bien rangée et elles n'avaient pas l'autorisation d'y demeurer.

Durant toute la durée de leur emploi, elles n'avaient pas eu le droit de recevoir du monde, ni de sortir, à cause du Covid-19 et de leur statut de sans-papiers, les époux C______/D______ craignant qu'elles ne contaminent la vieille dame si elles contractaient la maladie ou qu'elles se fassent "attraper" par la police et leur attirent des ennuis. Elle-même ne possédait pas le code de la porte, mais une autre porte, qui s'ouvrait avec une clé (dont elle a affirmé au Ministère public que ses employeurs ne la lui donnaient que lorsqu'il s'agissait de sortir avec E______). Son téléphone portable ne fonctionnant plus, C______ lui en avait acheté un quelques mois auparavant; la carte SIM lui avait été apportée par le compagnon de B______. Elle-même avait un compagnon depuis une année, mais elle ne l'avait pas revu depuis qu'elle travaillait pour les époux C______/D______ et ne communiquait avec lui que par téléphone.

Au fil du temps, C______ était devenu tactile, lui touchant les seins et lui donnant des tapes sur les fesses, tant à Genève qu'au chalet en France. Trois à cinq mois après le début des rapports de travail, il l'avait violée; cela s'était passé deux fois à Genève, et il y avait eu une tentative en France. Il lui avait intimé l'ordre de se laisser faire sous peine d'être renvoyée, et lui avait imposé le silence en lui affirmant qu'en tant que sans-papiers, elle n'avait aucun droit. Elle n'avait pas fait l'objet de menaces autrement, mais avait eu peur de s'adresser à la police, craignant d'avoir des ennuis, vu son absence de documents.

D______, pour sa part, l'insultait lorsqu'elle oubliait quelque chose ou que le travail confié n'était pas bien fait. Les époux ne les laissaient jamais tranquilles et étaient toujours derrière elles.

Lorsque D______ avait surpris une amie sud-américaine en train de pénétrer dans l'immeuble, elle les avait insultées, puis leur avait dit que si quelque chose disparaissait dans la maison, ce serait de leur faute, et leur avait dit qu'elles ne seraient plus payées. Un solde de CHF 800.- restant dû pour le mois de février, elles s'étaient décidées à quitter leur emploi et faire appel au collectif de défense des sans-papiers.

Elle avait appris l'existence de ce collectif la semaine précédente, grâce au groupe de "latinos" dont elle faisait partie sur Facebook. Elle voulait que le collectif l'aide à quitter cet emploi et obtenir l'argent du mois de février qui lui était dû. Elle ne s'était pas adressée à la police, car elle craignait d'être expulsée. Elle ne pensait pas qu'il existait des lois pour la protéger. Elle supportait par ailleurs son travail en raison de sa situation familiale. Elle n'avait pas appelé sa belle-sœur, car elle ne la connaissait pas avant d'arriver à Genève et n'avait pas confiance. Elle ne se rappelait pas non plus que H______ lui ait dit qu'elle pouvait la contacter en cas de besoin.

g. À la police et au Ministère public, B______ a expliqué qu'au Nicaragua, elle travaillait dans un supermarché pour un salaire de l'ordre de USD 100.- à 150.- par mois. C'était A______ qui lui avait conseillé de venir en Suisse pour travailler. Le voyage avait été financé par un prêt que son père avait contracté auprès d'une banque.

À son arrivée à Genève, elle avait trouvé un emploi de garde d'enfant, 4 à 5 heures par jour, deux à trois jours par semaine, pour un salaire horaire de CHF 5.-.

Lors du premier rendez-vous, C______ leur avait décrit les tâches qui leur seraient demandées, et qui leur convenaient. Il avait précisé qu'il faudrait avoir de la patience avec sa mère et prendre soin d'elle. Elles n'avaient jamais signé de contrat de travail, mais uniquement une copie de leurs documents d'identité, le paraphe apposé sur le document produit n'étant pas le leur. Les époux leur avaient dit que "peut-être ils allaient leur faire un permis", au cas où ils auraient des problèmes avec les autorités; il n'avait pas été question des charges sociales ou de la conclusion d'éventuelles assurances. Il leur avait été recommandé, en cas de contrôle, de dire qu'elles travaillaient pour E______. Leur salaire leur était donné de la main à la main, une moitié à la fin du mois, et l'autre le quinze du mois suivant; à l'exception du dernier mois, il avait toujours été versé.

Le couple occupait à Genève une maison sur trois étages à I______. Elle y partageait avec sa cousine une chambre au rez-de-chaussée, au même étage que E______. Celle-ci devait la traverser lorsqu'elle se rendait à la salle de bains commune. Toutes trois devaient également partager les toilettes ainsi que la cuisine qui s'y trouvait. Le reste de la famille logeait dans les étages supérieurs, où elle ne se rendait que dans le cadre de son travail. Elle ne considérait pas ces conditions comme bonnes, mais elles étaient meilleures que celles qu'elles avaient connues précédemment. Elles avaient accès au réseau internet de la famille.

Alors qu'il avait été convenu qu'elles auraient congé le dimanche, tel n'avait pas été le cas. Elles avaient en effet été contraintes de travailler tous les jours, de 7h00 à 21h00 ou 22h00, sans interruption, voire davantage, lorsque leurs employeurs avaient des invités. Cela consistait à s'occuper de E______ dès son réveil (soins corporels, repas, gymnastique, parfois à l'intérieur, parfois à l'extérieur), à faire le ménage au rez-de-chaussée, la lessive et le repassage pour toute la famille; A______ s'occupait pour sa part de la préparation du repas de la vieille dame. Elles devaient ensuite assurer une permanence la nuit, pour s'occuper de cette dernière. Elles suivaient la famille lorsque celle-ci se rendait dans sa résidence secondaire de F______, où la famille avait passé les deux mois d'été ainsi que plusieurs week-ends. Là-bas, elles devaient dormir à tour de rôle avec E______.

Elles avaient l'interdiction d'inviter du monde ou de voir des gens à l'extérieur. Seuls leurs étaient autorisés les contacts téléphoniques. Les époux C______/D______ leur ouvraient la porte lorsqu'elles sortaient avec E______; parfois, ils en confiaient la clé à A______. Pour envoyer de l'argent à sa famille, elle le remettait soit à une compatriote, "J______", soit à son compagnon, devant la porte ou à travers la fenêtre. Elle avait l'impression d'être séquestrée, car elle ne pouvait sortir.

D______ ne les traitait pas bien. Elle les humiliait beaucoup, en criant, en leur disant qu'elles étaient bêtes et en leur parlant mal dès qu'elles ne faisaient pas quelque chose exactement comme elle l'avait demandé. Elle leur disait également de ne parler à personne, ni révéler quoi que ce soit sur la famille ou le lieu où elles travaillaient, sous peine d'avoir des problèmes avec la police et d'être expulsées de Suisse.

À l'approche de Noël, C______, qui la harcelait sexuellement continuellement en lui touchant la poitrine et les parties intimes – en lui disant de ne rien dire, car personne ne la croirait – l'avait violée. Elle avait le soir-même parlé de cette agression, par téléphone, à son compagnon, rencontré à Genève début 2020. Celui-ci s'était beaucoup énervé et lui avait dit de quitter son travail et de déposer plainte, ce qu'elle n'avait pas fait, car elle avait besoin de ce revenu.

Le conflit avait éclaté lorsque, la semaine précédente, D______ avait surpris dans l'immeuble "J______", à qui elles avaient donné le code d'entrée pour venir chercher la part de leur salaire à envoyer à leur famille. Elles avaient en effet laissé des vivres dans un sac poubelle à son attention, pour la remercier, et les époux C______/D______ les avait accusées de vol.

Ayant appris, par le biais d'un groupe Whatsapp dont elles faisaient partie, réunissant des Sud-Américains, l'existence d'un collectif de soutien aux sans-papiers, elles s'étaient finalement résolues à le contacter, car elles n'en pouvaient plus de la situation et étaient très fatiguées.

h. À la suite des plaintes déposées par A______ et B______, C______ et D______ ont été prévenus d'usure (art. 157 CP), contrainte (art. 180 CP), traite d'êtres humains (art. 182 CP), faux dans les titres (art. 251 CP) et infractions aux art. 116 et 117 LEI, 87 LAVS et 76 LPP.

C______ a en outre été prévenu de contrainte sexuelle (art. 189 CP) et de viol (art. 190 CP).

i. Les époux C______/D______ ont contesté les accusations portées contre eux.

Lorsque la pandémie avait éclaté, ils avaient décidé d'accueillir à demeure E______, qui jusqu'alors résidait en France, et avaient fait des recherches auprès d'amis et de proches pour trouver des personnes pour s'en occuper.

Par ce biais, ils étaient entrés en contact avec A______ et B______ et un entretien avait eu lieu à Genève, en présence de H______, qui officiait comme interprète. Selon ce qui avait été convenu, A______ et B______ devaient s'occuper de E______, du lever au coucher, dormir près d'elle, préparer les repas de la famille et s'occuper du ménage, de la lessive et du repassage, étant précisé que leur appartement avait une surface de l'ordre de 300 m2. Il leur avait été clairement expliqué qu'elles ne pourraient pas sortir durant la période de Covid-19, de peur de contaminer E______. Celle-ci bénéficiait d'un apport d'oxygène, se déplaçait à l'aide d'un déambulateur et avait besoin de l'aide d'une personne pour se doucher et aller aux toilettes; il fallait l'y amener souvent, car elle était un peu incontinente.

Un contrat de travail avait été établi au nom de E______, au service de laquelle A______ et B______ devaient être employées. Elles avaient en outre été déclarées en France, où la vieille dame était officiellement domiciliée, à hauteur de 130 heures de travail par mois, pour un salaire horaire net de EUR 8.75, congés payés inclus. Un montant mensuel de CHF 2'500.- chacune – moins les deux ou trois premiers mois – leur avait été versé.

Le rez-de-chaussée comportait trois chambres, l'une occupée par la grand-mère et deux autres, pourvues d'une salle de bains et d'une télévision. Il leur avait été proposé de prendre chacune une chambre, mais elles avaient préféré dormir ensemble, sur un canapé convertible. Elles disposaient aussi d'une cuisine équipée et chaque semaine, elles établissaient une liste de leurs besoins, notamment en nourriture, qu'ils leur fournissaient. À F______, une grande chambre était à leur disposition, où elles dormaient à tour de rôle, l'autre dormant avec E______.

Aucun horaire n'avait été déterminé, ni aucune vacance convenue, car il s'agissait en priorité de s'occuper de E______. Cela représentait un gros travail, mais les horaires annoncés par les plaignantes étaient largement exagérés. Leurs deux employées travaillaient effectivement sept jours sur sept, mais en alternance: pendant que l'une s'activait, l'autre se reposait. Elles commençaient vers 7h00 ou 8h00 et terminaient vers 20h00 – eux-mêmes se couchant à ce moment-là – en bénéficiant de multiples pauses durant la journée, dont elles pouvaient choisir le moment. Elles ne travaillaient pas plus de huit heures par jour; E______ ne se réveillait pas toutes les nuits et une seule personne pouvait l'accompagner aux toilettes. Eux-mêmes allaient vérifier plusieurs fois par nuit que tout se passait bien, et chaque fois la vieille dame dormait. Les couches n'étaient changées que trois fois par jour, matin, midi et soir. Leurs employées ne s'étaient jamais plaintes de leurs horaires.

Leurs contacts téléphoniques avec l'extérieur n'avaient jamais été restreints. En revanche, même s'ils ne le leur avaient pas interdit, ils étaient réticents à ce qu'elles sortent, de crainte qu'elles n'attrapent le Covid-19, ce qui avait été discuté dès le départ. Elles pouvaient néanmoins sortir quand elles le souhaitaient, puisqu'elles avaient un double des clés, qui se trouvait à leur disposition sur la porte d'entrée. Tous les jours, elles allaient faire une promenade, ou prendre un café ou un gâteau à l'extérieur avec E______, qui appréciait ce type de sorties. La note était réglée par leurs soins.

Ils ne s'étaient jamais intéressés à la situation personnelle de leurs employées et savaient uniquement qu'elles envoyaient de l'argent à leurs familles. Elles avaient l'air épanoui.

Ils admettaient leur avoir fait des remontrances, mais contestaient toute maltraitance, insultes et menaces de dénonciation. Les accusations d'agression sexuelle étaient mensongères et probablement liées au conflit les opposant.

Celui-ci avait éclaté la semaine précédente, lorsqu'une de leurs amies avait été surprise en train de s'introduire dans l'immeuble et que D______ avait trouvé, près des containers, un sac poubelle contenant des affaires leur appartenant, soit une ceinture et de la nourriture. En effectuant des recherches, ils avaient constaté que d'autres objets avaient disparu, notamment un collier, d'une valeur de l'ordre de EUR 2'500.-. D______ leur avait alors dit que pour recevoir le solde de leur salaire (EUR 800.-), elles devraient ramener ce qu'elles avaient volé.

Ils n'avaient pas eu d'autres employés à Genève, depuis leur arrivée, hormis une dame à l'essai, durant deux jours, et une amie italienne de E______, K______, qui était venue donner des coups de main de manière ponctuelle, en 2018 ou 2019, et habitait chez eux. Celle-ci était très contente de ses conditions de travail. Certes, elle s'était présentée à la police, en juin 2019, pour dénoncer celles-ci, et le non-paiement du salaire convenu de CHF 2'300.- (cf. pce C-166), mais le différend avait été réglé.

j.a. Le compagnon de B______, L______, a confirmé à la police et au Ministère public qu'il n'avait plus pu la voir, ainsi que A______, à dater de leur engagement chez les époux C______/D______ et qu'il échangeait avec les cousines par WhatsApp; à deux reprises, elles lui avaient donné de l'argent à envoyer à leurs familles, en le jetant par la fenêtre. Elles travaillaient tous les jours de 7h00 à 21h00, puis devaient s'occuper de la grand-mère, lui donner à manger, ses médicaments. A______ faisait la cuisine. B______ accompagnait aussi la vieille dame au parc, soit seule, soit avec sa cousine. Il n'avait pu saisir cette occasion pour la voir, car il travaillait. À Genève, elles dormaient ensemble et à la montagne, avec E______ à tour de rôle; celle-ci ne les laissait pas dormir la nuit. Elles ne mangeaient pas très bien, car les époux n'achetaient pas beaucoup de nourriture. Depuis que B______ avait quitté son emploi, il la voyait trois ou quatre fois par semaine. Lorsqu'il avait appris que C______ abusait des deux femmes, il leur avait dit qu'elles devaient le dénoncer à la police, mais elles avaient eu peur de le faire.

D______ était plus correcte; il lui arrivait de s'énerver, mais c'était tout.

Devant le Ministère public, L______ a précisé que selon lui, les deux cousines n'avaient pas dénoncé les faits à la police, car elles ne pouvaient pas sortir de la maison et que leurs employeurs conservaient leurs documents d'identité et leurs passeports.

j.b. L'ami de A______, M______ ("M______" [surnom]) l'a décrite à la police et au Ministère public comme joviale et motivée avant son emploi chez les époux C______/D______. Elle avait changé depuis lors, était triste et un peu fragile. Durant son emploi, ils n'avaient pu communiquer que par téléphone et vidéoconférence, et toujours rapidement, car elle était toujours stressée avec du travail à faire. À sa connaissance, le travail consistait à s'occuper d'une personne âgée impotente, mais D______ y avait ajouté toute une série de tâches (s'occuper des enfants, nettoyer la maison, faire la cuisine); elles n'avaient pas d'horaire, mais se levaient à 6h00 ou 7h00 et devaient faire tout ce qui figurait sur la liste, jusqu'à 21h00 ou 22h00, et parfois s'occuper de E______ – avec laquelle elles dormaient en alternance – jusqu'à tard dans la nuit, lorsqu'elle était malade par exemple. Quand A______ sortait avec cette dernière, C______ l'observait par la fenêtre, pour s'assurer que personne ne s'approche de la vieille dame. Elles n'avaient jamais eu de congé ni de vacances. Les époux C______/D______ avaient dit à A______ qu'en cas de contrôle, il fallait indiquer que les papiers étaient en train de se faire. Ils ne la traitaient pas bien, lui disant "pourquoi tu es venue de ton pays, tu ne sais rien faire".

Le 19 mars 2021, elle l'avait appelé en pleurs. En insistant, il avait appris que D______ la traitait mal, et que C______ se livrait régulièrement à des attouchements sur ses deux employées, lorsque son épouse était absente. Il avait aussi violé à plusieurs reprises A______. Peu après, elle s'était adressée au syndicat pour l'aider à "sortir de là".

k.a. Entendu par le Ministère public, G______ a exposé que la personne qui l'avait contacté lui avait dit être dans une situation très difficile, qu'elle travaillait à plein temps, de même que sa cousine, s'occupant de la maison et d'une personne âgée. Un conflit avait éclaté avec son employeur, concernant une problématique de salaire et de nombre d'heures travaillées – une disponibilité de 24 heures sur 24 était exigée –, qui ne correspondait pas à l'accord passé. Il leur était par ailleurs presque impossible de sortir et elles n'avaient eu aucun jour de repos. Vu son statut illégal, son interlocutrice avait peur d'être expulsée si elle révélait la situation. Le fait d'avoir été victime d'agression sexuelle, et la crainte que sa cousine, plus jeune, le soit aussi, l'avait aussi décidée à demander de l'aide. N'étant pas hispanophone, et pour être certain d'avoir bien compris la situation, il avait demandé à N______, qui représentait le syndicat O______ au collectif de défense des sans-papiers et était d'origine sud-américaine, de contacter sa correspondante. N______ lui avait ensuite confirmé les accusations relatives au salaire, aux contraintes sexuelles et à l'existence de menaces de dénonciation et de renvoi. Il avait ressenti, au ton de la voix et des messages reçus, une certaine urgence, qui l'avait amené à contacter la "helpline" de [l'association] P______, suite à quoi il lui avait été conseillé de dénoncer le cas à la police.

k.b. N______ a confirmé ce qui précède. Il avait rapidement rappelé la plaignante, considérant la situation comme urgente, au vu de la description qui lui avait été faite, et avait eu une dizaine de conversations téléphoniques avec elle. Il avait à disposition un protocole d'interrogation pour les personnes sans-papiers, qui incluait des questions de nature sexuelle. Son interlocutrice paraissait affolée à l'idée de se faire surprendre en train de l'appeler. Elle lui avait dit qu'elle était payée de manière indécente et parlé, avec difficulté, "d'histoires de massages sur la personne de son patron toute nue". Il y avait eu la menace du dépôt d'une plainte pour vol et qu'elle perdrait son emploi. Il ne se rappelait pas qu'elle lui ait parlé de s'être occupée d'une personne âgée, mais avait dit qu'il lui était interdit de sortir, sans évoquer le Covid-19. Il était fréquent que les employeurs de personne sans statut légal usent de la menace d'un dépôt de plainte pour vol lorsqu'ils voulaient se débarrasser de l'employé ou que celui-ci commençait à se plaindre.

k.c. E______ n'a pu être interrogée, ne possédant plus la capacité de discernement nécessaire.

l. L'avocat de B______ a produit un courrier adressé par un syndicat aux époux C______/D______ le 18 juin 2019, après qu'une femme, Q______, se soit plainte d'avoir travaillé trois jours chez eux, de 7h30 à 22h00, sans pause, pour seulement CHF 300.-.

Ni Q______, ni K______ n'ont cependant pu être interrogées, ayant quitté la Suisse. J______ n'a pas non plus pu être contactée, faute de coordonnées connues.

m. Les déclarations fiscales des époux C______/D______ ont été versées au dossier et les informations relatives aux transferts de fonds faits directement ou indirectement par les parties plaignantes en faveur de leurs familles respectives sollicitées.

Les téléphones portables des plaignantes ont été analysés et ont confirmé qu'il leur était arrivé à plusieurs reprises de devoir travailler durant la nuit.

Les plans de l'appartement de 12 pièces en triplex occupé par les époux C______/D______ ont été produits.

n. L'expertise du CURML sollicitée par B______ en vue de déterminer la compatibilité de son état physique et psychique avec les faits dénoncés ainsi que l'étendue des séquelles en résultant, le séquestre des téléphones et ordinateurs portables des prévenus et le séquestre de leurs biens pour garantir ses prétentions civiles ont été refusés par le Ministère public.

o. Par avis du 19 mai 2023, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait rendre une ordonnance de classement, s'agissant des faits ayant trait aux infractions de traite d'êtres humains, faux dans les titres et injures, et dresserait un acte d'accusation pour les faits s'étant produits au domicile genevois des époux C______/D______ constitutifs de contrainte sexuelle, viol, menaces, usure, incitation au séjour illégal, emploi d'étrangers sans autorisation et délits aux lois fédérales sur l'assurance vieillesse et survivants et sur la prévoyance professionnelle.

La poursuite des faits survenus dans la résidence secondaire des époux C______/D______ en France et constitutifs de contrainte sexuelle, viol, menaces et désagrément causé par la confrontation à un acte d'ordre sexuel serait quant à elle déléguée aux autorités françaises.

p. B______ a fait valoir qu'elle considérait, au vu des éléments du dossier, que les éléments constitutifs de l'infraction de traite d'êtres humains à fins d'exploitation sexuelle et du travail, avec l'aggravante du métier, étaient établis.

Le respect des obligations internationales de la Suisse imposait donc de les inclure dans l'acte d'accusation et de soumettre la qualification proposée à l'autorité de jugement.

Au cas où le Ministère public devait considérer que les faits seraient exclusivement constitutifs d'usure par métier, il convenait que les éléments relatifs au recrutement, l'hébergement et l'exploitation sexuelle et du travail soient expressément mentionnés dans l'acte d'accusation, sans prononcer d'ordonnance de classement, afin de lui permettre de soumettre au juge du fond la qualification alternative de traite d'êtres humains, avec l'aggravante par métier (art. 344 CPP).

La volonté de déléguer les actes s'étant produit en France à l'autorité française, alors que l'autorité pénale suisse était également compétente pour poursuivre la commission de l'infraction de traite d'êtres humains commise à l'étranger était par ailleurs contraire au droit interne (art. 6 al. 1 et 182 al. 4 CP) et violait l'obligation internationale de procéder à une enquête effective (art. 4 CEDH).

Elle réitérait ses réquisitions de preuves tendant à ce qu'il soit procédé au séquestre et à l'exploitation des téléphones et ordinateurs des époux C______/D______, à ce qu'une expertise soit confiée au CURML et y a ajouté la mise sur pied d'une expertise visant à déterminer la dangerosité de C______, pertinente afin d'apprécier ses propres accusations et le risque de récidive.

q. A______ a elle aussi soutenu que l'abandon de la qualification juridique de traite d'êtres humains était contraire au droit, a fortiori à ce stade de la procédure.

Au vu des infractions sexuelles reprochées à C______, elle sollicitait également une expertise de dangerosité.

r. Les époux C______/D______ ont informé le Ministère public avoir procédé à la régularisation des heures de travail effectuées à leur service par A______ et B______ en Suisse. Ils n'avaient pas de réquisitions de preuve à formuler pour le surplus.

C. a. Dans ses décisions querellées, au contenu pour l'essentiel identique, le Ministère public a estimé que les circonstances ne permettaient pas de retenir que les éléments constitutifs de la traite d'êtres humains seraient réalisés. A______ et B______ étaient en effet venues en Suisse librement pour y trouver du travail, tout en sachant qu'elles n'y disposaient pas des autorisations nécessaires. Elles avaient été engagées par les époux C______/D______ après avoir discuté des modalités de leur travail. Elles disposaient chacune de leur propre chambre et recevaient quotidiennement de quoi se nourrir et se préparer à manger. Même si elles avaient été restreintes dans leurs mouvements en raison de l'épidémie de Covid-19 et du fait qu'elles s'occupaient d'une personne âgée, elles étaient libres à tout moment d'entrer en contact avec l'extérieur et ne prétendaient pas avoir été menacées si elles s'avisaient de le faire, ou avoir été privées de leurs passeports, afin de les contraindre à rester au service de leurs employeurs. Il n'était pas non plus établi qu'elles auraient été victimes de violences physiques ou verbales de manière à les empêcher de dénoncer les conditions auxquelles elles étaient soumises, ou qu'elles auraient été recrutées pour assouvir les pulsions sexuelles de C______.

Les contrats de travail portant leurs signatures prétendument falsifiées n'étaient pas des titres au sens de l'art. 110 al. 4 CP, n'étant ni datés, ni signés par toutes les parties et ne mentionnant pas certains éléments essentiels, en particulier le salaire.

Les injures qui auraient été proférées par D______ ("sale pute de merde", "stupides") étaient niées et aucun élément ne permettait de privilégier l'une ou l'autre des versions des parties.

b. À ce jour, le Ministère public n'a pas rédigé son acte d'accusation.

D. a. Dans son recours, A______ conteste la non-réalisation des éléments constitutifs de l'art. 182 al. 1 CP et rappelle qu'en présence d'infractions commises "entre quatre yeux", où l'accusation reposait essentiellement sur les déclarations de la victime, le principe in dubio pro duriore imposait en principe un renvoi devant le juge du fond.

Sa situation d'extrême vulnérabilité, de même que son recrutement et son hébergement par les époux C______/D______ n'étaient pas contestés. Ceux-ci avaient renforcé son isolement en la privant, sous la menace de dénonciation aux autorités administratives et pénales, de toute sortie non accompagnée et de toute relation avec des proches sous prétexte d'épidémie de Covid-19, restrictions qu'ils ne s'appliquaient ni à eux-mêmes ou à leurs enfants – qui allaient à l'école – ni aux autres personnes, soignants notamment, qui intervenaient auprès de E______. Ses conditions de travail extrêmement éprouvantes étaient doublées de la crainte constante pour son intégrité sexuelle. Les circonstances de son recrutement, au sein de la communauté des sans-papiers plutôt que par le biais d'annonces ou d'une agence de placement, démontrait enfin que les époux C______/D______ étaient animés de l'intention d'exploiter leur personnel. Que de précédentes employées des époux se soient également plaintes de leurs conditions de travail constituait un indice supplémentaire de la véracité de leurs déclarations.

b. Dans son recours, B______ rappelle que lorsqu'il existe des motifs crédibles de soupçonner qu'une personne avait été victime de travail forcé, l'art. 4 CEDH imposait à l'autorité de procéder à une enquête effective, afin d'identifier et sanctionner les responsables, la victime devant être associée à la procédure dans toute la mesure nécessaire à la protection de ses intérêts. En cas de doute sur la qualification juridique des faits, la cause devait être renvoyée au juge du fond, à même de s'écarter de l'appréciation juridique proposée par le Ministère public (art. 344 et 350 al. 1 CPP). En l'occurrence, l'instruction avait confirmé l'abus de sa vulnérabilité (étrangère, en situation de précarité sociale et administrative, allophone), l'interdiction de quitter le domicile sans être accompagnée et la disproportion de la rétribution avec la prestation fournie. L'annonce de l'établissement d'un acte d'accusation démontrait en outre que le Ministère public considérait comme établis les viols, contrainte sexuelle et menaces dénoncés. Neuf des onze indicateurs de travail forcé proposés par l'Organisation Internationale du Travail (OIT), à l'exception de la confiscation du passeport et de la servitude pour dette, étaient remplis et les éléments constitutifs de l'infraction de traite d'êtres humains étaient dès lors manifestement réalisés, qualification que les juridictions genevoises avaient d'ailleurs retenue dans des cas similaires. Le procédé suivi par le Ministère public, renonçant à proposer une qualification alternative, la privait de la possibilité de soumettre la qualification de traite d'êtres humains à la juridiction de fond, portait atteinte à ses droits de victime et lui causait un dommage irréparable.

c. La cause a été gardée à juger à réception des recours, sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Les recours sont recevables pour avoir été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner des ordonnances sujettes à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des plaignantes qui, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Vu leur connexité, il y a lieu de les joindre.

3.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

4.             4.1. Conformément à l'art. 16 al. 2 CPP, il incombe au ministère public de conduire la procédure préliminaire, de poursuivre les infractions dans le cadre de l’instruction et, le cas échéant de dresser l’acte d’accusation et de soutenir l’accusation.

Le ministère public saisit le tribunal in rem et in personam, de telle sorte que la juridiction saisie ne peut pas connaître des faits ou des qualifications juridiques qui ne sont pas contenues dans l'acte d'accusation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 1.3.2).

Dans les situations dans lesquelles l'acte d'accusation expose un état de fait qui ne se rapporte qu'à une seule infraction, en faisant abstraction des éléments qui permettraient de conclure que le même état de fait est constitutif d'une autre infraction (requalification) ou, en cas de concours, d'une infraction supplémentaire, le tribunal peut toutefois donner la possibilité au ministère public de modifier l'accusation (art. 333 al. 1 CPP; Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1263 ad art. 334 al. 1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_688/2017 du 1er février 2018 consid. 2.3 et 6B_963/2015 du 19 mai 2016 consid. 1.5).

Cette possibilité a été ouverte, d'une part, en raison de l'absence de recours possible contre l'acte d'accusation et, d'autre part, parce que ce dernier n'est pas un véritable jugement et doit décrire le plus brièvement possible les actes reprochés au prévenu et les infractions paraissant applicables. Cette entorse à la maxime accusatoire ne doit pas devenir la règle. Il appartient au ministère public, en principe exclusivement, sous réserve des correctifs prévus par la loi, de décider quels faits et quelles infractions vont être renvoyés en jugement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_135/2022 du 28 septembre 2022 consid. 2.1.1).

4.2. Selon la jurisprudence, comme le tribunal de fond ne peut obliger le ministère public à modifier ou à élargir une accusation, mais seulement lui en donner l'occasion, l'acte d'accusation doit, en application du principe "in dubio pro duriore", refléter également le point de vue de la partie plaignante, si nécessaire par le biais d'une accusation principale et d'une accusation alternative (art. 325 al. 2 CPP). Le ministère public ne peut dès lors pas refuser arbitrairement de modifier ou de compléter l'acte d'accusation, dès lors que celui-ci n'est pas sujet à recours (art. 324 al. 2 CPP), puisqu'il convient de tenir compte de l'intérêt juridiquement protégé de la partie plaignante à pouvoir faire valoir son point de vue dans la procédure (ATF 148 IV 128 consid. 2.6.7).

4.3. En amont, si le ministère public décide de ne pas poursuivre certains faits, il doit prononcer un classement (art. 319 CPP), en rendant une ordonnance formelle, mentionnant expressément les faits qu'il renonce à poursuivre, de manière à en définir clairement et formellement les limites (ATF 138 IV 241 consid. 2.5; arrêt du Tribunal fédéral 6B_234/2022 du 8 juin 2023 destiné à la publication, consid. 3.2).

Un classement partiel n'entre en ligne de compte que si plusieurs faits ou comportements doivent être jugés et qu'ils peuvent faire l'objet de décisions séparées (ATF 144 IV 362 consid. 1.3.1). En effet, s'il est ordonné dans une procédure dans le cadre de laquelle il n'aurait pas dû l'être, mais qu'il entre néanmoins en force, le classement exclut toute condamnation à raison des mêmes faits. L'autorité de jugement ne peut alors plus se saisir des faits classés sans violer le principe "ne bis in idem" (ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3).

L'effet préclusif du principe ne bis in idem d'une ordonnance définitive de désistement partiel ne porte cependant que sur les faits concrètement touchés par ce désistement, et non sur les chefs d'accusation pour lesquels l'acte d'accusation a été déposé en même temps. Il est dès lors déterminant que la décision de classement partiel se réfère à l'acte d'accusation concomitant, qu'il ait été introduit ou qu'il soit déjà en cours, respectivement à l'émission concomitante d'un acte d'accusation, et qu'elle soit par conséquent déclarée comme telle. Il doit ressortir de la décision de classement que la procédure pénale n'est pas abandonnée dans son ensemble, mais seulement en ce qui concerne certaines circonstances factuelles aggravantes non alléguées dans l'acte d'accusation, telles que des actes supplémentaires allégués par la victime, des conséquences supplémentaires de l'acte (telles que des blessures supplémentaires), ou des éléments supplémentaires concernant le for intérieur (tels qu'une intention homicide de l'accusé dépassant les blessures causées; ATF
148 IV 128 consid. 2.6.6).

5.                  5.1. Conformément à l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

En principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 146 IV 68 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_516/2021 du 20 décembre 2022 consid. 2.4.1).

5.2. L'art. 157 CP réprime, du chef d'usure, quiconque aura exploité la gêne, la dépendance, l'inexpérience ou la faiblesse de la capacité de jugement d'une personne en se faisant accorder ou promettre par elle, pour elle-même ou un tiers, en échange d'une prestation, des avantages pécuniaires en disproportion évidente avec celle-ci sur le plan économique.

La réalisation de l'infraction réprimée à l'art. 157 ch. 1 CP suppose la réunion de cinq conditions objectives: une situation de faiblesse de la victime, l'exploitation de cette situation de faiblesse, l'échange d'une contre-prestation, une disproportion évidente entre l'avantage pécuniaire et la contre-prestation, ainsi que l'existence d'un rapport de causalité entre la situation de faiblesse et la disproportion des prestations. Sur le plan subjectif, l'intention est requise.

L'état de gêne s'entend de tout état de contrainte qui influe si fort sur la liberté de décision de la personne lésée qu'elle est prête à fournir une prestation disproportionnée (ATF 92 IV 132 consid. 2; cf. aussi pour l'exigence d'une contre-partie ATF 142 IV 341 consid. 2). Lorsque la gêne est de nature économique, il n'est pas nécessaire que l'on soit en présence d'une grande misère ou d'une extrême pauvreté; par contre, le simple mécontentement de ses conditions de vie ou l'espoir d'un gain ne constituent pas encore une gêne (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 8 ad art. 157). Il n'est pas non plus nécessaire que l'auteur ait pris l'initiative des tractations. Le consentement de la victime n'exclut pas non plus l'application de l'art. 157 CP. Il en est au contraire un élément (ATF
82 IV 145 consid. 2b). Se trouve par exemple dans une situation de gêne la personne en situation irrégulière qui paie le prix fort pour une location, car elle n'ose pas s'en plaindre, de peur d'être renvoyée dans son pays (arrêt du Tribunal fédéral 6S_6/2007 du 19 février 2007).

L'avantage pécuniaire obtenu doit être en disproportion évidente, sur le plan économique, avec la prestation fournie. L'évaluation doit être objective. Le rapport entre la prestation et la contre-prestation se mesure dans le cas normal selon le prix ou la rémunération usuels pour des choses ou des services de même espèce. La loi et la jurisprudence ne fournissent aucune limite précise pour déterminer à partir de quand la disproportion entre les prestations est usuraire. La disproportion doit néanmoins excéder sensiblement les limites de ce qui apparaît usuel et normal en regard de toutes les circonstances, doit paraître frappante et s'imposer comme telle à tout client. Pour les domaines réglementés, la limite se situe autour de 20%; dans les autres domaines, il y aurait usure, selon la doctrine, dans tous les cas, dès 35% (arrêt du Tribunal fédéral 6S.6/2007 du 19 février 2007 consid. 3.1.1).

5.3. L'art. 182 al. 1 CP punit quiconque, en qualité d'offreur, d'intermédiaire ou d'acquéreur, se livre à la traite d'un être humain à des fins d'exploitation sexuelle, d'exploitation de son travail ou en vue du prélèvement d'un organe. Le fait de recruter une personne à ces fins est assimilé à la traite.

La traite des êtres humains est définie à l'art. 4 let. a de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005 (CETH), entrée en vigueur en Suisse le 1er avril 2013. Selon cette disposition, l'expression "traite des êtres humains" désigne le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation. L'exploitation comprend, au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes. Cette définition correspond à celle de l'art. 3 let. a du Protocole additionnel du 15 novembre 2000 à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_483/2021 du 14 décembre 2021 consid. 7.1.1).

Il y a exploitation du travail, au sens de l'art. 182 CP, en cas d’activité forcée, d'esclavage ou de prestations accomplies dans des conditions analogues à l'esclavage. Il en va de même quand une personne est continuellement empêchée d'exercer ses droits fondamentaux, en violation de la réglementation du travail ou des dispositions relatives à la rémunération, la santé et la sécurité; concrètement, il peut s'agir notamment de privation de nourriture, de maltraitance psychique, de chantage, d'isolement, de lésions corporelles, de violences sexuelles ou de menaces de mort (arrêts du Tribunal fédéral 2C.483/2021 du 14 décembre 2021 consid. 7.1.2 et 1B_450/2017 du 29 mars 2018 consid. 4.3.1).

Le recrutement et l'engagement d'une personne sans autorisation de séjour et/ou de travail – même à des conditions défavorables ou violant manifestement la législation sur le travail et/ou les assurances sociales – ne viole pas en soi l'art. 182 CP, même si l'intéressée n'est pas dénuée de toute pression, en particulier quant à ses choix en matière d'activité lucrative. Cela vaut en particulier si cette personne continue à disposer de la capacité de refuser l'emploi proposé ou de le quitter (arrêt du Tribunal fédéral 1B_450/2017 du 29 mars 2018 consid. 4.3.3).

5.4.1. En l'occurrence, les recourantes considèrent que leur droit à une enquête effective a été violé. Le Ministère public les a toutefois entendues à plusieurs reprises, de même que les prévenus. Des auditions des compagnons des plaignantes, de la personne qui a servi d'intermédiaire et d'interprète entre les parties lors de la conclusion du contrat et des membres du collectif de défense des sans-papiers à qui elles se sont adressées, ont également été organisées. Deux précédentes employées des prévenus ont été identifiées, sans que leur témoignage puisse toutefois être recueilli, pour des motifs indépendants de l'autorité de poursuite. À cela s'ajoutent plusieurs ordres de dépôt de documents susceptibles d'étayer les accusations portées.

Dans ces circonstances, l'on ne discerne pas en quoi le Ministère public aurait failli. Ce grief des recourantes – qui ne formulent au demeurant, au stade du recours, aucune réquisition de preuve – sera dès lors écarté.

5.4.2. Les recourantes estiment que les conditions d'un classement n'étaient pas réunies, s'agissant de l'infraction de traite d'êtres humains.

Certes, les éléments du dossier doivent être analysés, à ce stade de la procédure, à la lumière du principe "in dubio pro duriore" plutôt que de celui qui veut que le doute profite à l'accusé. De jurisprudence constante, en présence d'infraction grave, le renvoi en jugement doit par ailleurs être privilégié. Tel n'est toutefois le cas que lorsque la situation probatoire n'est pas claire.

Or, dans le cas présent, le fait que les recourantes soient en situation illégale en Suisse et que leurs horaires de travail, respectivement le salaire y relatif, n'aient le cas échéant pas été conformes, ni à ce qui avait été convenu, ni à la législation, ne suffit pas à retenir, à lui seul, l'existence d'une infraction à l'art. 182 CP, l'exploitation de la vulnérabilité d'autrui n'étant pas propre à cette infraction.

Il est indéniable que la situation familiale et économique des recourantes au Nicaragua a pu les amener à accepter un emploi à des conditions particulièrement défavorables, sans leur laisser aucune marge de négociation, et que la précarité de leur statut a pu, le cas échéant, être exploitée par les différents employeurs pour lesquels elles ont travaillé avant les époux C______/D______. Il n'en demeure pas moins qu'elles sont venues librement en Suisse, parfaitement conscientes qu'elles n'étaient pas autorisées à y travailler et qu'en cas de contrôle de police, elles risquaient l'expulsion. Rien n'indique à cet égard que les prévenus auraient recherché des employées présentant un tel profil pour en abuser. Ni H______, ressortissante espagnole, ni K______, ressortissante italienne, n'étaient en effet "sans-papiers" et ce critère n'a a priori pas été communiqué à la première nommée, lorsque les prévenus se sont adressés à elle pour savoir si elle connaissait quelqu'un susceptible de travailler pour eux.

Les recourantes bénéficiaient en outre, chez leur employeur, d'une chambre, voire d'une chambre d'amis, que A______ a dans un premier temps qualifiée de confortable. Elles disposaient également de leur propre cuisine et ne prétendent pas que leurs employeurs ne leur aient pas fourni la nourriture nécessaire, quand bien même elles ont à quelques reprises dû sauter un repas en raison des tâches à effectuer. Cet élément n'a au demeurant été mentionné que par L______.

Quand bien même les activités confiées étaient peut-être plus difficiles que celles annoncées initialement, notamment eu égard à la dégradation de l'état de santé de E______, la description de ces tâches et la manière dont les recourantes étaient traitées par les différents membres de la famille ne permettent pas de retenir qu'elles étaient considérées comme une marchandise et que leur situation était assimilable à de l'esclavage. Le classement de l'infraction d'injure reprochée à D______ n'a d'ailleurs pas été contesté par les recourantes.

Quant aux agressions sexuelles dont elles allèguent avoir été victimes de la part de C______, elles ont été estimées suffisamment crédibles pour justifier une mise en accusation. Aucun élément ne permet en revanche de considérer que les recourantes auraient été engagées à des fins d'exploitation sexuelle: d'une part, elles ont toutes deux indiqué que les comportements inadéquats étaient apparus au fil du temps, d'autre part, elles ne soutiennent pas que D______ en aurait été informée et aurait accepté la situation.

Les recourantes mettent enfin en avant les limitations apportées à leur liberté de mouvement. La situation de pandémie et l'âge de E______ ne peuvent toutefois être occultés au moment d'analyser l'interdiction de contacts et de sortie qui leur avait été faite. Tant les prévenus que H______ ont affirmé que les contraintes liées au Covid-19 qui leur seraient imposées leur avaient été décrites et qu'elles avaient été d'accord avec celles-ci. Ces restrictions ne paraissent pas avoir été au-delà de ce qui était nécessaire pour préserver la vieille dame d'une contamination. Elles n'avaient en effet pas été privées de leurs documents d'identité; elles pouvaient aussi sortir quotidiennement pour s'aérer, en compagnie de E______, indépendamment de la question de savoir si elles possédaient en permanence une clé du domicile; elles étaient également libres d'avoir des contacts téléphoniques ou par vidéoconférence avec leurs proches à l'extérieur et d'envoyer de l'argent à leur famille à l'étranger. A______ a même reconnu que C______ lui avait offert un téléphone, le sien ne fonctionnant plus. L'on peut dès lors considérer comme établi que la liberté des recourantes n'a pas été limitée au-delà de ce qui était rendu nécessaire par la situation de pandémie, preuve en est qu'elles ont pu quitter leur emploi et chercher de l'aide dès que la situation leur a paru intenable, ce qui a été le cas lorsque leurs employeurs ont retenu une partie de leur salaire.

Les éléments font ainsi défaut pour retenir l'existence de soupçons suffisants de la commission de l'infraction de traite d'être humains.

C'est dès lors sans violer la loi que le Ministère public pouvait classer les éléments spécifiques à cette infraction et envisager la rédaction d'un acte d'accusation limité à celles liées aux conditions de travail réservées aux recourantes et aux atteintes à l'intégrité sexuelle dont elles soutiennent avoir été victime.

6.             Justifiée, les ordonnances querellées seront donc confirmées.

7.             Les recourantes, au bénéfice de l'assistance juridique gratuite, sont dispensées des frais de recours (art. 136 al. 2 let. b CPP).

8.             La procédure n'étant pas terminée, il n'y a pas lieu, à ce stade, d'indemniser les conseils juridiques gratuits (art. 138 al. 1 cum 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Joint les recours.

Les rejette.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux parties, soit pour elles leurs conseils respectifs, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).