Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/22992/2015

ACPR/991/2023 du 20.12.2023 sur OCL/1428/2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 29.01.2024, rendu le 28.02.2024, IRRECEVABLE, 7B_106/2024
Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;GESTION DÉLOYALE;TRAVAILLEUR;TÉMOIN
Normes : CPP.319; CP.158

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22992/2015 ACPR/991/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 20 décembre 2023

 

Entre

LA COOPERATIVE A______, dont le siège est sis ______, représentée par
Me Philippe JUVET, avocat, rue de la Fontaine 2, 1204 Genève,

recourante,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 19 octobre 2023 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 2 novembre 2023, la COOPÉRATIVE A______ recourt contre l'ordonnance du 19 octobre précédent, notifiée le 23 suivant, par laquelle le Ministère public a classé la procédure à l'égard de B______.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il entende C______ et D______ et poursuive B______ pour gestion déloyale.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 2'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. La COOPÉRATIVE A______ (ci-après: la coopérative) bénéficie depuis 2003 d'un droit de superficie distinct et permanent sur un site industriel à E______ [GE], dont elle met les locaux à disposition de ses membres.

B______ en a été le directeur du 1er juin 2003 au 31 mai 2012.

b.a. Depuis lors, les relations entre le prénommé et des membres de la coopérative se sont dégradées et ont donné lieu à plusieurs procédures, civiles et pénales.

b.b. Dans le cadre de l'une des procédures civiles (C/1______/2013), le Tribunal de première instance (ci-après: TPI) a procédé, les 26 février 2014 et 29 octobre 2015, à l'audition d'employés de la coopérative, à savoir C______, F______, frère de ce dernier, et D______.

En substance, C______ a déclaré avoir effectué des travaux privés pour B______, en particulier dans les restaurants la "G______" et la "H______". Il avait facturé une partie de ces heures supplémentaires, réalisées parfois sur son temps de travail ordinaire, à la coopérative, qui les avaient réglées.

D______ a expliqué avoir construit et installé une mezzanine pour un tiers, à la demande de B______, qui lui avait donné CHF 200.- en espèces, sans que ses heures supplémentaires ne soient rémunérées en sus. Il n'avait pas effectué d'autres travaux semblables.

F______ a confirmé avoir exécuté, en 2007 ou 2008, des travaux dans le restaurant "H______", sans avoir été payé. Avec D______, ils avaient également réalisé quelques travaux dans l'appartement de B______.

c. Le 30 novembre 2015, la coopérative, représentée par ses administrateurs I______ et J______, a porté plainte contre B______ pour gestion déloyale (art. 158 CP) notamment.

En substance, il était reproché au prénommé d'avoir fait réaliser par des employés de la coopérative, sur leurs heures de travail alors qu'ils étaient rémunérés par cette dernière, des travaux en sa faveur ou celle de connaissances. Il lui était également reproché d'avoir, en sa qualité de directeur de la coopérative, acquis, en Italie, des moteurs pour fenêtre au prix d'EUR 50.- l'unité, qu'il avait ensuite revendus à la coopérative à CHF 486.- pièce, en dissimulant au comité de direction la réalité du bénéfice réalisé par lui-même sur cette opération, leur faisant croire que le montant précité correspondait au prix d'achat.

d. Entendu par la police le 3 mars 2016, B______ a contesté les faits et expliqué que des employés de la coopérative, soit F______ et C______, avaient bien effectué des travaux pour lui mais à la condition stricte que les heures ne soient pas facturées à leur employeuse.

e. Lors de l'audience du 17 mai 2016 par-devant le Ministère public, B______ a affirmé avoir obtenu l'aide de C______, de F______ et de leur troisième frère, K______ pour réaliser des travaux privés. Ce dernier n'était pas un employé de la coopérative; pour les deux autres, ils devaient déduire le temps consacré à ces chantiers de leurs heures supplémentaires avec la coopérative car il les payait directement.

f. Par courrier du 8 juillet 2016, B______, sous la plume de son conseil, a contesté avoir fait travailler des employés de la coopérative pour son compte en laissant celle-ci les rémunérer à sa place. C______, F______ et D______ avaient, certes, effectué certains travaux à sa demande (chez lui à R______ [GE], dans ses restaurants ou pour un tiers), mais il les avait toujours personnellement et directement rémunérés.

Il a produit en annexe un décompte, manuscrit, d'heures vraisemblablement effectuées par diverses personnes pour le restaurant "H______", avec le montant "payé" à chacun, dont CHF 1'000.- à un dénommé "L______" [prénom].

g.a. Entendue par le Ministère public le 11 octobre 2016, M______, comptable de la coopérative entre 2004 et 2011, a déclaré n'avoir pas connaissance d'employés qui déduisaient de leurs heures supplémentaires du temps consacré à des travaux privés. Elle savait toutefois que de tels travaux se faisaient et avait vu, à ce titre, B______ remettre, à plusieurs reprises, des sommes d'argent en espèces à certains employés. Ces montants n'étaient pas comptabilisés dans les fiches de salaire car ils ne concernaient pas la coopérative. Tout le monde se rendait compte que C______ et F______ effectuaient des heures pour des membres de la direction en plus de leur emploi, sans que cela ne soulevât un quelconque problème à ce sujet.

g.b. Au cours de cette même audience, C______ a expliqué qu'entre 2007 et 2009, il avait réalisé plusieurs travaux pour B______, parfois avec l'aide de F______. Dans un premier temps, il avait été rémunéré en espèces; par la suite, B______ avait déclaré qu'il appartenait à la coopérative de le payer. De nombreuses personnes, dont le précité, l'appelaient "L______". Il n'avait jamais vu le décompte d'heures produit par B______ et n'avait jamais rien reçu de ce dernier. En réalité, il n'avait reçu de l'argent en espèces de l'intéressé qu'à deux reprises, mais jamais en lien avec le restaurant "H______". Les prénoms figurant sur ce décompte correspondaient aux personnes ayant travaillé sur ce chantier, à l'exception de F______ dont le nom n'apparaissait pas.

g.c. F______ a affirmé avoir effectué des heures supplémentaires pour B______, d'abord à la ""G______" puis la "H______". Ces heures avaient été facturées à la coopérative; il n'avait jamais reçu d'argent de B______. Les heures et les dates inscrites sur le décompte d'heures manuscrit correspondaient à celles où lui et son frère avaient travaillé au "H______" mais il n'était pas concerné par ce document. Avec ses deux frères, ils s'étaient également rendus dans l'appartement de B______ au printemps 2009 pour notamment enlever de la moquette. Contrairement à ce qu'il avait déclaré au TPI, D______ n'était pas présent pour ces travaux.

h. Le 28 novembre 2016, le Ministère public a reçu un courrier, daté du même jour, d'un dénommé "N______", lequel demandait à être entendu pour dénoncer "des faux témoignages de la part de certains témoins manipulés par une des parties en cause".

i. Deux autres courriers ont été versés à la procédure, adressés le 18 juillet 2016 à la coopérative:

- le premier, provenant de F______, se lit comme suit: "Messieurs, j'ai pris connaissance du courrier du 28 juin 2016 aujourd'hui. Je suis concierge à la Coopérative A______ depuis 2003, mon neveu n'a jamais été employé de la Coopérative ni locataire. J'ignore les raisons qui l'ont poussé à écrire cette lettre. Néanmoins, je me dois de refuser complètement ces propos qui ne correspondent pas à la vérité";

- le second, provenant de C______, avait la teneur suivante: "Messieurs, je me réfère à la lettre du 28 juin 2016. Je refuse de croire que mon neveu seul ait pu écrire cette lettre. Ses propos sont à la fois mensongés et offensants. Je conteste formellement ces dires".

j. Le 9 février 2017, le Ministère public a procédé à l'audition de N______, fils de O______ et neveu de F______ et P______.

Il avait été engagé par son troisième oncle, K______, pour réaliser de nombreux travaux au sein de la coopérative, où il était chapeauté par F______ et B______ notamment. Il avait également effectué quelques tâches pour I______ et J______, qui devaient forcément le connaître. Il avait eu connaissance des "faux témoignages" de ses oncles, avec qui les relations étaient "normales". Il savait que ceux-ci avaient agi "sous pression", pour ne pas perdre leurs emplois au sein de la coopérative. Il avait rédigé le courrier daté du 28 novembre 2016 (cf. B.h. supra) et I______ et J______ étaient les auteurs des manipulations dénoncées. Il avait effectivement rédigé un courrier à la coopérative le 28 juin 2016 et la réponse apportée par ses deux oncles (cf. B.i. supra) confirmait que ceux-ci étaient "manipulés".

k. Le 16 février 2017, F______ a demandé au Ministère public d'être réentendu, en lien avec un SMS reçu de N______ la veille de l'audition de ce dernier et dont le contenu était "inacceptable".

Selon la traduction, le message en question avait la teneur suivante: "Demain j'irai pour te défendre à toi et à C______ [prénom], ce n'est pas pour défendre quelqu'un d'autre. J'irai jusqu'au bout, maintenant à vous deux d'arrêter d'être stupides, parce que vous vous faites manipuler […], vous savez bien que je connais toute l'histoire".

l. Le 29 juin 2018, la procédure a été suspendue compte tenu des procédures civiles pendantes, pour être reprise par ordonnance du 3 décembre 2020.

m. Le 16 juillet 2019, O______ a sollicité du Ministère public d'être entendu pour dénoncer "des faux témoignages de la part de personnes visiblement et violemment manipulés et, ou, menacés par une partie en cause".

n.a. À sa demande, K______ a été entendu par le Ministère public le 25 juin 2021.

Quelques temps auparavant, il avait été convié à une séance, à laquelle avaient assisté I______, J______, ainsi que ses deux frères C______ et F______. L'objet de la rencontre était la lettre rédigée par O______ le 16 juillet 2019 (cf. B.m. supra). I______ avait affirmé que, si le précité ne se présentait pas à la justice ou ne niait pas être l'auteur de cette lettre, ses frères perdraient leur emploi. À la suite de quoi, il avait contacté O______ pour lui relater la teneur de cet entretien; ce dernier avait alors changé sa version en rédigeant une deuxième lettre en novembre 2020, avant d'en écrire une troisième le 14 juin 2021, contestant le contenu de la deuxième et confirmant ses premières déclarations.

n.b. En marge de son audition, K______ a produit les courriers en question, tous adressés au Ministère public:

- le premier, du 16 juin 2019, est celui mentionné supra (cf. B. m.);

- dans le deuxième, du 18 novembre 2020, O______ revient sur ces déclarations, qualifiant le courrier précédent de "frauduleux";

- dans le troisième, du 16 juin 2021, O______ confirme l'authenticité de son premier courrier, souscrit aux déclarations de son fils N______ et explique que son courrier du 18 novembre 2020 a été rédigé sous la contrainte de I______, qui le menaçait, ainsi que ses frères, de licenciement.

n.c. Au cours de cette même audience, I______ a confirmé l'existence d'une réunion, tenue le 11 novembre 2020, en présence de K______. Il avait simplement voulu expliquer aux frères qu'il ne souhaitait plus passer pour un "tortionnaire". Il n'avait pas menacé de les licencier. C______ et F______, qui avaient déclaré, après la séance, comprendre la position du comité de direction, travaillaient toujours à la coopérative.

o. Par courrier du 30 juin 2021, F______ a fait savoir au Ministère public qu'il souhaitait être entendu pour "libérer [s]a conscience". Il avait notamment été obligé de déclarer ce qu'on lui disait avant chaque convocation au tribunal, et d'affirmer n'avoir pas été payé par B______ pour des heures effectuées en dehors de la coopérative.

p.a. Lors de l'audience du 4 novembre 2021, F______ a confirmé être l'auteur des déclarations du 11 octobre 2016 (cf. B.g.c. supra) et du courrier du 30 juin 2021 (cf. B.o. supra). S'il avait fait de fausses déclarations lors de sa première audition par le Ministère public, c'était parce qu'il y avait été forcé par plusieurs membres de la direction de la coopérative. En réalité, pour les heures consacrées aux travaux privés de B______, il déduisait son temps des heures supplémentaires facturées à la coopérative et le précité les lui payait directement. Il en allait de même pour ses frères. Compte tenu de sa situation personnelle, il ne pouvait pas se permettre de perdre son emploi à l'époque.

p.b. Entendu le même jour, O______ a déclaré être à l'origine des trois courriers à son nom (cf. B.n.b. supra). Il avait rédigé le deuxième pour éviter que ses frères ne perdissent leur emploi.

q. Le 4 novembre 2021 également, la coopérative a transmis divers documents au Ministère public, parmi lesquels figure un rapport, établi par une société fiduciaire, faisant état "de quelques fortes curiosités comptables" entre Q______ SÀRL, K______, associé gérant de cette société, et B______, à l'époque où ce dernier était encore directeur.

À teneur dudit rapport, qui tient sur une page, cent cinquante et une factures émises par Q______ SÀRL entre 2007 et 2011 avaient été analysées. En raison de l'ancienneté des travaux concernés, il était "presque impossible, dix ans après, de procéder à une évaluation sérieuse des heures passées sur la plupart des tâches citées dans les factures". L'examen du calendrier de facturation et de paiement montrait néanmoins l'envoi de factures finales plusieurs jours avant la fin des travaux, le paiement avant la date d'envoi des factures ou encore des factures envoyées et payées durant le week-end. Il convenait de comparer ces pratiques avec d'autres prestataires pour "constater une inégalité de traitement".

r. En réponse à l'avis de prochaine clôture, la coopérative a sollicité du Ministère public l'audition de D______ et celle de C______.

s. Par ordonnance pénale du 20 octobre 2023 (P/2______/2021), le Ministère public a condamné F______ pour faux témoignage, en lien avec son audition du 11 octobre 2016.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public commence par rejeter les réquisitions de preuves. Les auditions déjà effectuées avaient permis de mettre en lumière les nombreux changements de versions, les déclarations contradictoires, voire ouvertement mensongères. Les deux nouvelles sollicitées n'étaient pas en mesure d'apporter d'éléments supplémentaires, étant précisé que C______ avait déjà été entendu sur les travaux effectués en faveur de B______.

Il ne pouvait pas être établi que le précité avait trompé la coopérative en lien avec l'achat des moteurs. Concernant le travail d'employés à des fins privées, prétendument rémunérées par la coopérative, la procédure s'était caractérisée par une "opacité et un mystère empêchant d'élucider les faits et d'établir la vérité de manière absolue". Les témoignages recueillis ne pouvaient dès lors être considérés comme probants. En tout état, il ne pouvait être exclu que B______ avait bien reçu l'aide d'employés de la coopérative pour certains travaux privés mais que les heures concernées lui furent directement facturées.

D. a. Dans son recours, la coopérative reproche au Ministère public d'avoir fondé son classement sur les déclarations de proches de B______, parmi lesquels comptaient F______, N______ et K______. L'autorité intimée ne s'était également pas prononcée sur les "curiosités comptables" mises en avant dans son courrier du 4 novembre 2021. "L'expertise comptable" annexée au recours permettait de comprendre que K______ ne pouvait pas être impartial dans ses déclarations, au vu de son amitié avec B______ et les nombreux travaux octroyés par celui-ci à Q______ SÀRL. Par ailleurs, l'instruction était incomplète. C______ devait être réentendu puisque lors de ses auditions, devant les autorités civiles et pénales, il avait affirmé avoir été payé par la coopérative pour des travaux effectués en faveur de B______. L'audition de D______ se justifiait également puisque, ne faisant pas partie de la famille C___/F___/K___/N___/O___/P______ et ne travaillant plus pour la coopérative, il présentait l'atout d'être impartial. En résumé, le Ministère public devait vérifier pour chaque employé si l'infraction de gestion déloyale était consommée ou non.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante conteste le classement de la procédure en tant qu'il porte sur la prétendue utilisation d'employés, par le prévenu et pour des travaux en sa faveur, à ses frais à elle.

Elle ne remet en revanche pas en cause l'ordonnance querellée en lien avec l'achat des moteurs; il ne sera donc pas revenu plus en avant sur le classement de ces faits.

2.1. La procédure doit être classée lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi, respectivement quand les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (art. 319 al. 1 let. a et b CPP). Ces conditions doivent être interprétées à la lumière de la maxime "in dubio pro duriore", selon laquelle un classement ne peut généralement être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_985/2020 du 23 septembre 2021 consid. 2.1.2). La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

2.2. Selon l'art. 158 ch. 1 1ère phrase CP, se rend coupable de gestion déloyale celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui et de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés.

Cette norme suppose la réalisation de quatre conditions : il faut que l'auteur ait eu une position de gérant, qu'il ait violé une obligation lui incombant en cette qualité, qu'il en soit résulté un préjudice et qu'il ait agi intentionnellement (ATF 120 IV 190 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 6B_136/2017 du 17 novembre 2017 consid. 4.1; 6B_949/2014 du 6 mars 2017 consid. 12.1).

A ainsi été qualifié de violation du devoir de gestion au sens de l'art. 158 CP notamment l'emploi d'une partie du personnel de l'entreprise par le gérant pour son propre compte (ATF 81 IV 276; arrêt du Tribunal fédéral 6B_310/2014 du 23 novembre 2015, consid. 3.1.5).

2.3. En l'espèce, la recourante reproche au prévenu d'avoir utilisé, alors qu'il était directeur, certains de ses employés à des fins personnelles, tout en lui facturant les heures travaillées.

Il est vrai que C______ et F______, dans le cadre de l'une des procédures civiles parallèles et lors de leur première audition par le Ministère public, ont tenu des propos allant dans le sens de ces accusations. Cela étant, la suite de l'instruction a été marquée par de – très – nombreux revirements des témoins, que ce soit lors d'audiences ou par lettres.

Ainsi, F______ a admis avoir menti lors de ses premières auditions, ce qui lui a valu d'être condamné pour faux témoignage. Ses courriers des 18 juillet 2016 et 30 juin 2021 sont également antagoniques, étant précisé que, dans le dernier, il soutient avoir été contraint d'accuser le prévenu. Trois autres membres de la famille, à savoir K______, O______ et N______ ont également soutenu que les témoignages de leurs frères, ou ses oncles, à charge du prévenu, étaient en réalité commandés, sous la menace de licenciements, par des membres de la direction de la recourante, ce que les intéressés ont contesté.

Compte tenu de ce qui précède, il est impossible d'attribuer la moindre force probante aux éléments se fondant uniquement sur les affirmations – orales ou écrites – de tous les prénommés. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une nouvelle audition de C______ apparaît vaine, si bien que le Ministère public pouvait à bon droit la rejeter.

Dans ces circonstances, les seules preuves recueillies qui apparaissent un tant soit peu objectives laissent supposer que, certes, le prévenu a bénéficié de l'aide d'employés de la coopérative à des fins privées mais qu'il les a personnellement et directement rémunérés. M______ a ainsi déclaré avoir vu le prévenu remettre, à réitérées reprises et de main à main, de l'argent à des employés pour des travaux privés, sans que cela ne fût un problème au sein de la coopérative. Le décompte manuscrit, produit par le prévenu, d'heures effectuées pour le restaurant "H______" laisse également penser que les sommes énumérées selon ce document ont été remises par le précité aux tiers listés, y compris à "L______". Même D______ a affirmé avoir reçu CHF 200.- en espèces pour, selon lui, le seul travail effectué en faveur du prévenu.

Partant, il ne peut être établi que le prévenu aurait détourné du personnel de la recourante. L'infraction de gestion déloyale n'apparaît dès lors pas réalisée et le classement de la procédure pour ces faits ne prête pas le flanc à la critique.

Au demeurant, l'audition de D______ s'avère superflue et pouvait être rejetée par le Ministère public puisque, selon les dires de l'intéressé, il n'a pas réalisé d'autres tâches en faveur du prévenu que celle pour laquelle il a reçu CHF 200.-. Enfin, les "curiosités comptables" soulevées par la recourante dans son courrier du 4 novembre 2021 reposent sur une brève analyse qui souligne elle-même l'impossibilité d'évaluer avec certitude l'existence de malversations. Cette "expertise" – privée – n'est donc pas à même de faire naître des soupçons d'une quelconque infraction.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait être traiter sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 2'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne la COOPÉRATIVE A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Le communique, pour information, à B______, soit pour lui son conseil.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22992/2015

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'915.00

Total

CHF

2'000.00