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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16205/2021

ACPR/926/2023 du 29.11.2023 sur OTMC/3209/2023 ( TMC ) , REFUS

Recours TF déposé le 14.12.2023, rendu le 11.01.2024, REJETE, 7B_1000/2023
Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;RISQUE DE FUITE
Normes : CPP.221; Cst.29

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16205/2021 ACPR/926/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 29 novembre 2023

 

Entre

A______, actuellement détenue à la prison de B______, représentée par Me Magali BUSER, avocate, Etter & Buser, boulevard Saint-Georges 72, 1205 Genève,

recourante,

 

contre l'ordonnance de refus de mise en liberté rendue le 25 octobre 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 6 novembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 octobre 2023, notifiée le même jour, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a refusé d'ordonner sa mise en liberté.

La recourante conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette ordonnance et à sa mise en liberté immédiate sous mesures de substitution qu'elle énumère.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Selon le rapport de renseignements du 21 octobre 2021, la police a procédé à de nombreuses interpellations le 18 août 2021 dans le cadre d'une enquête liée à la mendicité organisée.

C______ et ses fils, D______ et E______, F______ ainsi que son neveu – et le fils de A______ –, G______, ont été prévenus de traite d'êtres humains par métier et de blanchiment d'argent dans la P/1______/2021 (disjointe pour G______ sous la P/2______/2022).

Leurs auditions à la police ont été versées à la présente procédure, tout comme celles des mendiants H______, I______ et J______. Il en ressort notamment ce qui suit :

a.b. Entendu les 19 août 2021 et 21 janvier 2022, C______ a déclaré qu'en 2020, H______ et J______ mendiaient pour sa belle-sœur A______ et lui remettaient leur argent qui leur était ensuite restitué en Bulgarie. Le 10 août 2021, G______ était parti en Suisse avec "ses trois mendiants", soit les deux précités et I______.

a.c. Lors de son audition du 11 octobre 2021, F______ a déclaré que H______ avait été "acheté" par A______ et J______ par son défunt mari. G______ s'occupait des mendiants lorsque sa mère se trouvait en Bulgarie.

a.d. Le 23 novembre 2021, E______ a déclaré que J______ travaillait pour A______, c'est-à-dire qu'elle "mendiait pour elle", tout comme H______. Ils lui remettaient tout leur argent en échange de nourriture.

a.e. Les 19 août, 27 et 29 septembre 2021, D______ a déclaré que les mendiants H______, J______ et I______ travaillaient pour le compte de son cousin G______. Durant quatre mois, il avait vu qu'ils remettaient tous les jours à G______ ou à la mère de celui-ci leur argent provenant de la mendicité. H______ devait mendier pour eux car ils l'avaient "acheté" en Bulgarie. Il en était de même pour J______, laquelle avait été "achetée" à K______ [Bulgarie] par le défunt mari de A______. Ces deux mendiants avaient travaillé pour ce dernier jusqu'à son décès en janvier 2021.

a.f. Entendu les 18 et 19 août 2021, G______ a déclaré que lorsque sa mère mendiait à Genève, elle récupérait l'argent des mendiants, mais "ne le faisait pas méchamment". Il a confirmé qu'elle "gér[ait] les gens de manière générale" et en son absence, c'était lui qui s'en occupait. Sa mère avait un accord avec H______ et lui-même avec I______, étant précisé que J______ faisait partie de la famille.

a.g. Entendu les 18 et 19 août 2021, H______ a déclaré que A______ avait payé son voyage pour le faire mendier à Genève, qu'elle l'avait "acheté" au dénommé "L______" et qu'elle était "la grande cheffe". Il remettait son argent à G______ qui était "son chef" et qui remplaçait A______ lorsqu'elle était en Bulgarie. J______ et I______ mendiaient aussi pour A______ et son fils. Il a réitéré ses explications devant le Ministère public.

a.h. Entendu le 18 août 2021, I______ a déclaré être venu à Genève avec G______ pour mendier. Celui-ci lui avait acheté son billet d'avion et l'entretenait. Il restait tout le temps avec lui et ils mendiaient ensemble.

a.i. J______ a déclaré le 18 août 2021 que A______ avait financé ses voyages à Genève en 2019 et en 2021. Celle-ci lui avait dit que "c'était bien en Suisse pour gagner de l'argent".

b. G______ a été condamné le 3 février 2023 par le Tribunal correctionnel pour traite d'êtres humains par métier et blanchiment d'argent à une peine privative de liberté de 30 mois avec sursis partiel – dont 15 mois ferme – et à une peine pécuniaire de 60 jours-amende avec sursis dans le cadre d'une procédure simplifiée (P/2______/2022). Il lui était reproché d'avoir, à tout le moins entre le 26 janvier et le 17 août 2021, de concert avec sa mère A______, recruté des ressortissants bulgares afin de les faire mendier pour leur compte et de se faire remettre la totalité de leurs gains alors qu'ils avaient promis le versement d'un pécule à leur retour en Bulgarie, et d'avoir utilisé ces gains pour subvenir à leurs besoins. Il lui était reproché d'avoir agi de la sorte notamment avec H______ et I______.

c.a. A______, sous l'objet d'un mandat d'arrêt international délivré le 11 février 2022 par le Ministère public, a été arrêtée le 8 janvier 2023 par les autorités roumaines et extradée à Genève le 2 février 2023.

c.b. Elle a été placée en détention provisoire le 3 février 2023 jusqu'au 2 mai 2023, laquelle a été régulièrement prolongée depuis lors, la dernière fois jusqu’au 2 février 2024. Ses demandes de mise en liberté ont été refusées les 25 juillet et 25 octobre 2023.

c.c. Elle est prévenue de traite d'êtres humains par métier (art. 182 al.1 et 2 CP) et de blanchiment d'argent (art. 305bis CP) pour avoir à tout le moins en 2020 et 2021, notamment de concert avec son fils, G______, en Bulgarie, recruté des personnes de condition économique très précaire, ressortissants bulgares appartenant pour la plupart à la communauté rom, les achetant parfois, et d'avoir organisé, tantôt depuis la Bulgarie tantôt depuis la Suisse, leur voyage à destination de la Suisse où elle leur fournissait un hébergement et où ils mendiaient pour son compte, sous sa surveillance et selon ses indications, dans les cantons de Genève et Vaud, se faisant remettre la totalité ou quasi-totalité de leurs gains.

Il lui est notamment reproché d'avoir de concert avec son fils G______ :

- acheté pour une somme inconnue H______, né le ______ 1971, qu'elle savait souffrir de déficiences psychiques, dans le but de le faire mendier pour elle et sa famille, organisé son transfert vers la Suisse à deux reprises au moins entre 2020 et 2021 à Genève et surveillé son activité de mendiant, tenu des comptes de ce qu'il gagnait, récolté tous ses gains issus de la mendicité, ne lui rétrocédant qu'un faible montant après son retour en Bulgarie;

- acheté pour une somme inconnue J______, née le ______ 1995, aux environs de l'année 2013, étant précisé que celle-ci était jusqu'alors placée dans un orphelinat en Bulgarie, l'avoir hébergée à son propre domicile en Bulgarie et organisé ses transferts à plusieurs reprises vers la Suisse, à tout le moins en 2020 et 2021, et, à Genève, lui avoir procuré un logement dans un campement de fortune, surveillant son activité de mendiante, tenant des comptes de ce qu'elle gagnait, récoltant tous ses gains issus de la mendicité, se contentant de lui procurer les biens nécessaires à son entretien courant (alimentation, vêtements, produits d'hygiène);

- recruté dans des circonstances inconnues I______, né le ______ 1985, qu'elle savait être sans épouse ni enfants et n'avoir qu'un très faible revenu, organisé son transfert à Genève en 2021 où elle lui a procuré un logement dans un campement de fortune, surveillé son activité de mendiant, tenu des comptes de ce qu'il gagnait et décrété qu'elle ne lui rétrocéderait qu'une faible partie de ses gains à son retour en Bulgarie;

- à Genève, entre 2020 et 2021, de concert avec notamment son fils G______, récupéré les gains des personnes qu'elle exploitait, notamment des trois personnes précitées, et tantôt acheminé physiquement, tantôt envoyé, cet argent en Bulgarie où elle l'a utilisé notamment pour financer des travaux dans sa propre maison ou encore pour faire des achats en espèces, empêchant de la sorte la découverte de la provenance des fonds et leur confiscation.

c.d. Le 8 août 2023, A______ a également été prévenue d'avoir :

- en 2019 et 2020, de concert avec son défunt mari M______, organisé les voyages à Genève de N______, qu'elle savait avoir été loué par M______ au dénommé "L______" en Bulgarie, de lui avoir fourni un hébergement à Genève et P______ [France] afin qu'il mendie pour leur compte et selon leurs instructions, se faisant remettre la totalité ou quasi-totalité de ses gains;

- en 2021, acheté H______ au dénommé "L______" en Bulgarie, pour qu'il mendie pour son compte et selon ses instructions, et organisé, pour ce faire, ses voyages à Genève et lui avoir fourni un hébergement, se faisant remettre la totalité de ses gains;

- entre 2018 et 2021, hébergé et organisé les voyages de J______, qu'elle savait avoir été achetée par son mari, pour qu'elle mendie pour leur compte et selon leurs instructions et pour qu'elle se prostitue, à Genève et en Bulgarie, également selon leurs instructions, étant précisé qu'elle prenait les contacts avec les clients et encaissait le produit de son activité;

- en 2019, de concert avec son défunt mari M______, recruté, organisé les voyages et fourni un hébergement à O______ pour qu'elle mendie pour leur compte et selon leurs instructions, se faisant remettre la moitié de ses gains, à tout le moins;

- en 2019, de concert avec G______, recruté, amené à Genève et fourni un hébergement à I______ dans le but qu’il mendie pour leur compte et selon leurs instructions, se faisant remettre tout ou partie de ses gains.

c.e. Lors de ses auditions des 3 février et 17 mars 2023 à la police et du 3 février au Ministère public, A______ a contesté l'intégralité des faits reprochés. Elle a expliqué avoir seulement mendié avec J______ qui était comme sa fille et habitait avec elle depuis neuf ans. Elle subvenait aux besoins de cette dernière et, lorsqu'elles mendiaient, elles mettaient leurs gains en commun. J______ se livrait en outre à la prostitution en Allemagne ou en Suisse.

c.f. À l'audience du 27 avril 2023 au Ministère public, elle a déclaré qu'en août 2021, H______ et I______ se livraient à la mendicité pour le compte de son fils. Elle a toutefois admis que J______ mendiait pour elle et qu'elle lui remettait ses gains en échange de son entretien. Elle a ajouté avoir prêté de l'argent à D______ et F______ – qu'ils n'avaient pas remboursé – et leur avoir aussi donné des voitures. Elle avait donné une maison à C______ qu'il avait intégralement remboursée.

c.g. À l'audience du 18 juillet 2023, elle a mis en cause son défunt mari pour avoir fait venir H______, J______, N______ et O______ en Suisse pour qu'ils mendient pour son compte (à lui) et lui remettent leur argent.

c.h. Lors de son audition du 8 août 2023, elle a contesté à nouveau avoir exploité les mendiants susmentionnés.

c.i. Entendue le 25 juillet 2023 par le TMC, elle a déclaré avoir été victime de violences conjugales de la part de son défunt mari. Son neveu D______ avait raconté des mensonges à son égard parce qu'il lui devait de l'argent. Elle n'entendait pas s'enfuir et voulait se présenter aux convocations.

c.j. Le 25 octobre 2023, elle a déclaré au TMC qu'elle souhaitait rentrer chez elle et s'occuper de ses enfants. Elle s'engageait toutefois à revenir en Suisse pour toutes les convocations. Elle a insisté sur le fait que, du vivant de son mari, elle n'avait aucune responsabilité dans ses affaires, qu'il gérait seul. Après sa mort, elle les avait reprises car son fils était trop jeune, étant toutefois précisé qu'avant son arrestation, en août 2021, c'était son fils qui s'en occupait, seul.

d. Lors de l'audience de confrontation du 27 juin 2023, G______ est revenu sur ses précédentes déclarations, affirmant que sa mère n'avait rien à voir avec les faits pour lesquels il avait été condamné.

e.a. En ce qui concerne C______, il a, lors de l'audience de confrontation du 27 avril 2023, affirmé que sa belle-sœur n'était pas du tout impliquée dans les faits reprochés.

e.b. À l'audience du 20 juin 2023, il a déclaré que A______ et son défunt mari avaient commencé à faire travailler des mendiants pour eux en novembre 2019, les premiers étant O______ et J______. En outre, N______ – qui avait été "acheté" par le défunt mari de la prévenue – mendiait aussi pour eux.

e.c. Confronté à nouveau à sa belle-sœur le 16 octobre 2023, il a ajouté avoir lui-même, pendant une dizaine de jours en 2019 – en l'absence de son frère et à la demande de celui-ci –, récolté l'argent de O______ et de J______ pour le remettre à son frère.

f. En ce qui le concerne, D______ a déclaré de manière constante – y compris lors des audiences de confrontation – que sa tante faisait mendier H______, J______, I______, N______ et O______, lesquels lui remettaient l'argent reçu ou à son défunt mari ou encore à G______. Il a ajouté que A______ faisait se prostituer J______ en Suisse ou en Bulgarie et percevait directement l'argent des clients. En outre, H______ – qui avait d'abord été "loué" par son oncle M______ au dénommé "L______" pour mendier pour lui et la prévenue – avait ensuite été "acheté" en 2021 par celle-ci et son fils G______. S'agissant de N______, il "avait été vendu de force par L______ à M______". Il considérait que A______ "savait très bien quoi faire" quand son mari était absent et qu'elle s'occupait des mendiants, étant précisé que son oncle M______ était "le chef" et qu'en son absence, c'était sa tante.

g.a. Confronté à la prévenue le 27 avril 2023, F______ a nié avoir dit précédemment que sa tante avait "acheté" H______, tout comme le fait que J______ avait été "achetée".

g.b. À l'audience du 20 juin 2023, il a confirmé les déclarations de son père et celles de son frère D______, y compris que J______ avait été "achetée" par la prévenue et utilisée comme une servante par elle. Il a en revanche déclaré que O______ ne mendiait pas pour la prévenue.

g.c. Il est revenu en partie sur ses déclarations à l'audience du 18 juillet 2023, déclarant ne pas savoir pour qui mendiait N______ en 2020. Il a toutefois confirmé que J______ donnait l'argent de la mendicité à la prévenue et que H______ et I______ donnait la moitié de leurs gains à G______.

h.a. Entendu également lors de l'audience de confrontation du 27 avril 2023, E______ a confirmé avoir dit que H______ et J______ mendiaient pour le compte de la prévenue et lui remettaient tout leur argent. En revanche, O______ mendiait pour elle-même et non pas pour la prévenue.

h.b. À l'audience du 20 juin 2023, il a ajouté que N______ avait été "acheté" au dénommé "L______" par le défunt mari de sa tante et avait mendié pour eux jusqu'en novembre 2020. En outre, sa tante faisait se prostituer J______ pour des personnes âgées et fortunées.

h.c. Lors de l'audience de confrontation du 18 juillet 2023, E______ a confirmé ses précédentes déclarations.

i. Selon la note du Procureur du 30 juin 2023, à l'issue de l'audience du 30 juin 2023 (recte probablement le 20 juin 2023), l'interprète a indiqué que F______ avait dit à son frère D______ "fais attention à toi, fais attention où tu vas, elle risque d'envoyer ses filles et les personnes autour d'elle pour te chercher. Les choses ne vont pas rester sans conséquence".

j. Confronté le 18 octobre 2023 à la prévenue, H______ a confirmé les déclarations qu'il avait faites à la police, confirmant qu'il était exploité par A______ et son fils. Après le décès de son mari, celle-ci était "la grande cheffe" et "donnait tous les ordres". En son absence, c'était G______ qui lui donnait des ordres.

k. Par courrier du 27 octobre 2023 au conseil de la prévenue, le Ministère public a indiqué être dans l’attente du résultat de la commission rogatoire en Bulgarie, lors de laquelle avaient été notamment effectuées les perquisitions des domiciles de la prévenue, de son fils et de ses filles ainsi que les auditions de J______ et N______.

l. S'agissant de sa situation personnelle, la prévenue, originaire de Bulgarie, est veuve, mère de cinq enfants et sans aucune attache avec la Suisse. Elle habite en Bulgarie avec J______ et s'occupe d'elle. Ses quatre filles vivent en Allemagne et son fils en Bulgarie. Elle est propriétaire de plusieurs maisons en Bulgarie, se disant toutefois démunie de moyens de subsistance et soutenue financièrement par ses filles.

Aucune inscription ne figure à son casier judiciaire suisse.

C.            Dans son ordonnance querellée, le TMC retient que les charges restaient suffisantes contre A______, eu égard aux constatations de police et aux nombreuses déclarations concordantes figurant à la procédure, lesquelles ne s'étaient nullement amoindries depuis la dernière décision.

L'instruction se poursuivait, notamment par l'attente du retour des documents d'exécution de la demande d'entraide, auxquels la prévenue devait encore être confrontée.

Il existait un risque de fuite concret et élevé, la prévenue étant de nationalité bulgare, domiciliée en Bulgarie, sans aucune attache avec la Suisse et ayant indiqué vouloir retourner dans son pays. Ce risque était renforcé par la peine-menace et concrètement encourue ainsi que par la perspective d'une expulsion de Suisse. Le risque de collusion restait concret vis-à-vis des prévenus dans la P/1______/2021 ainsi que des mendiants H______, O______ et N______. Le risque de réitération était concret, vu la durée des agissements reprochés et le nombre de victimes.

Aucune des mesures de substitution proposées n'était susceptible de pallier ces risques. Ainsi, le dépôt de sûretés de CHF 5'000.- n'était pas suffisant, vu l'intensité du risque de fuite en lien avec la peine à laquelle la prévenue s'exposait, étant précisé que les éléments au dossier ne permettaient pas de déterminer si cette caution versée par un tiers était suffisamment dissuasive. Par ailleurs, vu la nature des faits en cause, une interdiction de contact avec les parties était également insuffisante et concrètement invérifiable.

D a. À l'appui de son recours, A______ reproche au TMC d'avoir repris, jusqu'en page 6, l'ordonnance de refus de mise en liberté du Ministère public, en usant du "copier-coller" et donnant ainsi une impression de "préjugé".

Elle conteste les charges qui seraient selon elle insuffisantes. Contrairement à ce que retenait le Ministère public, seul D______ avait fait des déclarations à charge contre elle, étant précisé que celui-ci avait tout intérêt à l'accabler vu qu'il lui devait beaucoup d'argent et que ses relations avec elle étaient tendues. Les autres déclarations à charge faites par la famille D______/E______/F______/C______ l'avaient été hors confrontation. En outre, elle contestait la période pénale retenue par le Ministère public dès lors que, jusqu'au décès de son mari, le ______ 2021, elle n’avait pas eu son mot à dire dans les affaires de celui-ci et était victime de violences conjugales.

Les risques retenus pouvaient être palliés par les mesures de substitution qu'elle proposait, soit le paiement d'une caution de CHF 5'000.- fournie par le compagnon de sa fille – correspondant au montant de son salaire mensuel net, étant précisé que la caution pouvait être portée à CHF 10'000.- –, ainsi que l'obligation de se présenter aux audiences fixées et l'interdiction de contacter les personnes impliquées dans la présente procédure ou la procédure parallèle.

b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans autre observation.

c. Dans ses observations du 10 novembre 2023, le Ministère public conclut au rejet du recours sous suite de frais.

d. La recourante réplique.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante reproche au TMC d'avoir fait un "copier-coller" en reprenant seulement les faits exposés par le Ministère public, sans examiner les points soulevés par elle. Elle y voit la violation du droit à une décision motivée.

2.1. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 136 I 229 consid. 5.2; 135 I 265 consid. 4.3; 126 I 97 consid. 2b). Il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs fondant sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause; l'autorité peut se limiter à ne discuter que les moyens pertinents, sans être tenue de répondre à tous les arguments qui lui sont présentés (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183 ; 138 I 232 consid. 5.1; arrêts du Tribunal fédéral 1B_74/2014 du 7 avril 2014 consid. 2.1; 1B_62/2014 du 4 avril 2014 consid. 2.2).

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 135 I 187 consid. 2.2; 122 II 464 consid. 4a).

À titre exceptionnel, une violation du droit d'être entendu, pour autant qu'elle ne soit pas particulièrement grave, peut être considérée comme réparée lorsque la partie concernée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours disposant d'un pouvoir d'examen complet quant aux faits et au droit. Par ailleurs, même si la violation du droit d'être entendu est grave, une réparation du vice procédural devant l'autorité de recours est également envisageable si le renvoi à l'autorité inférieure constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; ATF 137 I 195 consid 2.3.2 = SJ 2011 I 347 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2; 133 I 201 consid. 2.2).

2.2. En l'espèce, si certains passages critiqués de l'ordonnance résultent certes manifestement de malencontreux "copier-coller", il n'apparaît pas que la motivation du premier juge sur les éléments topiques soit déficiente. Rien n'interdit en effet à l'autorité précédente de faire intégralement sienne la motivation présentée à l'appui d'une requête et n'a notamment pas à la reprendre sous une forme différente de celle présentée par le Ministère public (ACPR/280/2018 consid. 3). En tout état, la Chambre de céans disposant d'un plein pouvoir de cognition et la recourante ayant pu à nouveau faire valoir ses moyens ici, l'éventuelle violation du droit d'être entendu alléguée sera considérée comme réparée.

3.             La recourante conteste l'existence de charges suffisantes.

3.1. À teneur de l'art. 221 al. 1 CPP, la détention provisoire suppose que le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit. Selon la jurisprudence, il n'appartient pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1 p. 333). L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention provisoire n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 143 IV 316 consid. 3.2 p. 318). En d'autres termes, les soupçons doivent se renforcer plus l'instruction avance et plus l'issue du jugement au fond approche. Si des raisons plausibles de soupçonner une personne d'avoir commis une infraction suffisent au début de l'enquête, ces motifs objectifs doivent passer de plausibles à vraisemblables. Il faut ainsi, pour reprendre la jurisprudence relative au degré de preuve requis dans un procès, que des éléments parlent en faveur de la culpabilité du prévenu, et ce même si le juge envisage l'éventualité que tel ne soit pas le cas (ATF 140 III 610 consid. 4.1 p. 613; arrêt du TF 1B_344/2017 du 20 septembre 2017 consid. 4.1).

3.2. En l'espèce, la recourante a été interpellée en Roumanie le 8 janvier 2023 sur la base du mandat d'arrêt international émis contre elle le 11 février 2022 dans le cadre de l'enquête de police liée à la mendicité organisée.

Elle est mise en cause par C______ et ses fils D______ et E______ et dans une moindre mesure par F______ pour avoir exploité les mendiants H______ et J______ – qui avaient été "achetés" au préalable par elle (pour le premier) et par son mari (pour la seconde) –, ainsi que les mendiants I______, O______ et N______ ("acheté" aussi par le défunt mari de la prévenue) et pour avoir fait se prostituer J______ pour son compte. En outre, son fils G______ a lui-même été condamné pour avoir agi de concert avec elle après le décès de son père. Les propres dénégations de la recourante ne sont pas de nature à amoindrir ces charges, retenues de manière constante par le TMC. Elles sont au demeurant contredites par les déclarations du mendiant H______ qui a affirmé de manière réitérée avoir mendié pour le compte de la recourante.

Enfin, même si les déclarations qui la mettent en cause émanent de personnes elles-mêmes prévenues – voire, de son fils, déjà condamné – pour des faits similaires, elles permettent de retenir qu'il existe des soupçons suffisants d'infractions graves à ce stade de la procédure, pour justifier sa détention provisoire, étant précisé qu'il appartiendra au juge du fond d'apprécier lesdites déclarations et les motivations/intérêts de chacun, y compris pendant la période pénale précédant le décès de son mari.

4. La recourante conteste l'existence du risque de fuite.

4.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).

4.2. En l’occurrence, le risque de fuite doit à l'évidence être retenu. La recourante – de nationalité étrangère et sans aucun lien avec la Suisse – ne le conteste au demeurant pas, étant précisé qu'à sa sortie de prison, elle a fait part de son souhait de rentrer dans son pays. Compte tenu des infractions graves qui lui sont reprochées, le risque qu'elle se soustraie à la justice suisse est très concret.

Ce qui précède rend superflu l’examen des autres risques (arrêt du Tribunal fédéral 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1. et les références).

5. La recourante estime que le risque de fuite pourrait être pallié par des mesures de substitution.

5.1. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention, par exemple la fourniture de sûretés (al. 2 let. a) et l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (al. 2 let. g). La liste des mesures de substitution énoncée à l'art. 237 CPP n'est pas exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 1B_654/2011 du 7 décembre 2011 consid. 4.2).

5.2. En l'espèce, le dépôt d'une caution – même augmentée à CHF 10'000.- – ne constitue pas une mesure de substitution efficace en tant qu'il n'empêcherait pas la fuite de l'intéressée – dont on a vu que le risque est très élevé – mais ne permettrait que de la constater a posteriori. En outre, on peut hautement douter de la volonté alléguée de la recourante de se présenter aux prochaines audiences et à son procès, alors même qu'elle conteste les charges à son encontre. Les autres mesures proposées (l'interdiction de contacter les personnes impliquées dans la présente procédure ou la procédure parallèle) se rapportent au risque de collusion, non examiné en l'état.

6. La durée de la détention, à ce stade, ne paraît pas excéder la peine concrètement encourue par la recourante (art. 212 al. 3 CPP), si elle était reconnue coupable des infractions reprochées par le Ministère public.

7. Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

8. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante (soit, pour elle, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président, Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges, Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/16205/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00