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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/925/2023

ACPR/858/2023 du 03.11.2023 sur JTPM/663/2023 ( TPM ) , ADMIS

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE
Normes : CP.86

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/925/2023 ACPR/858/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 3 novembre 2023

 

Entre

 

A______, actuellement détenu à l'établissement de B______, ______, agissant en personne,

recourant,

 

contre le jugement rendu le 29 septembre 2023 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

 

et

 

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 23,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 4 octobre 2023, A______ recourt contre le jugement du 29 septembre 2023, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a refusé sa libération conditionnelle.

Le recourant demande le réexamen de son dossier et le prononcé d'une "décision juste et correcte".

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        A______, né le ______ 1989, originaire de Tunisie, se trouve actuellement en exécution des peines suivantes :

-                 une peine privative de liberté de substitution de 109 jours, en conversion d'une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 30.- le jour, sous déduction de 1 jour de détention avant jugement et de 10 jours déjà payés, pour séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation, prononcée le 14 janvier 2020;

-                 une peine privative de liberté de substitution de 3 jours, en conversion d'une amende de CH 300.-, pour contravention à l'art. 19a LStup, prononcée le 30 mai 2020;

-                 une peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction de 1 jour de détention avant jugement, pour vol et séjour illégal, prononcée le 16 octobre 2020;

-                 une peine privative de liberté de 150 jours, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement, pour séjour illégal et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, prononcée le 20 février 2021.

b.        L'extrait de son casier judiciaire, au 11 septembre 2023, montre qu'en sus des condamnations susmentionnées, A______ a été condamné à quatre reprises, entre 2013 et 2023, pour entrée illégale, séjour illégal, lésions corporelles simples (contre le partenaire), voies de fait à réitérées reprises (contre le partenaire), injure, menaces (contre le partenaire), contrainte (tentative), délit à la LStup, contravention à la LStup et voies de fait. Aucune enquête pénale n'est actuellement en cours à teneur de l'extrait.

L'intéressé n'a jamais bénéficié d'une libération conditionnelle.

c.         Il a été incarcéré à la prison de C______ du 26 octobre 2022 au 31 juillet 2023, puis dès cette date à l'établissement B______.

d.        Les deux tiers des peines que A______ exécute actuellement sont intervenus le 1er octobre 2023, tandis que la fin des peines est fixée au 6 février 2024.

e.         Selon le plan d'exécution de la sanction (ci-après : PES), validé le 1er mars 2023, A______, né en Tunisie, est arrivé en Suisse en 2010. Son frère vivrait en Allemagne et sa mère en Italie. Il entretenait des contacts réguliers avec sa famille, laquelle était venue lui rendre visite à plusieurs reprises. Il ne les avait cependant pas informés de sa détention et n'avait pas eu de leurs nouvelles depuis son incarcération. Il aurait de nombreux amis qui pourraient, notamment, l'héberger et lui fournir un emploi. Il avait suivi l'école obligatoire en Tunisie, puis en Italie jusqu'à ses 16 ans. Il avait ensuite effectué un apprentissage de coiffeur en Italie et exercé comme tel jusqu'à son départ pour la Suisse. À Genève, il avait occupé plusieurs emplois non déclarés, tels que déménageur, coiffeur et videur. À sa libération, il souhaitait régulariser sa situation et demeurer sur le territoire helvétique. Si cela n'était pas possible, il envisageait de rejoindre son frère et son cousin en Allemagne. Il reconnaissait la majeure partie des infractions qui lui sont reprochées. Le risque de récidive en lien avec des infractions à la LStup et à la LEI apparaissait non négligeable, dans la mesure où il habitait en Suisse depuis 2010, que son cercle social y résidait et que les condamnations antérieures n'ont pas suffi à lui faire quitter le territoire. Il ne possèderait pas d'autorisation de séjour en Allemagne, de sorte qu'il risquerait de se trouver à nouveau dans une situation irrégulière, l'empêchant en outre de trouver un emploi déclaré. Il était invité à réfléchir à un plan d'avenir concret, tenant compte de sa situation administrative. S'agissant de la progression dans l'exécution de la peine, seul un maintien en milieu fermé était prévu.

f.         Selon le courriel du 7 février 2023 de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après; OCPM), A______ fait l'objet d'une décision de refus d'octroi d'autorisation de séjour en vue de mariage depuis 2015 et d'une interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 6 juin 2025, notifiée le 25 octobre 2022.

g.        Dans le formulaire en vue de l'examen de sa libération conditionnelle du 27 janvier 2023, A______ déclare être célibataire et sans enfant. Il voulait rester en Suisse, au motif qu'il n'existerait pas d'interdiction de séjour contre lui, et prévoyait de travailler dans le domaine de la coiffure, à la rue 1______, chez un ami. Il mentionne une personne susceptible de l'aider à Genève, ainsi que sa famille en Suisse et en Allemagne.

h.        Selon le préavis favorable du 26 juillet 2023 de la direction de la prison de C______, A______ s'est bien comporté en détention. Il avait donné satisfaction au sein de l'atelier conditionnement.

i.          Selon le préavis du 11 septembre 2023 de B______, A______ n'avait fait l'objet d'aucune sanction et ne posait pas de problème particulier. Depuis le 4 août 2023, il est affecté à l'atelier "Évaluation" où il effectuait correctement les tâches confiées, respectait les consignes et se montrait concentré et motivé. Il était dépeint comme une personne polie et discrète. Les relations avec ses codétenus ainsi qu'avec le personnel de l'établissement étaient correctes.

j.          Dans son préavis du 11 septembre 2023, le Service de l'application des peines et mesures (ci-après : SAPEM) relève que malgré trois antécédents, A______ n'avait jamais bénéficié d'une libération conditionnelle. Bien que son projet de sortie soit en inadéquation avec sa situation administrative, il avait également mentionné vouloir se rendre en Allemagne dans le cas où la régularisation de sa situation ne serait pas possible en Suisse. Bien que son pronostic pénal était réservé au vu notamment de ses antécédents, il ne pouvait encore être qualifié de définitivement défavorable. Il formulait de plus une volonté de réinsertion professionnelle susceptible de le détourner de la commission de nouvelles infractions. Enfin, un solde de peine de plus de quatre mois en cas de révocation pouvait être de nature à le dissuader de récidiver. Le SAPEM était dès lors favorable à la libération conditionnelle pour le 1er octobre 2023, assortie d'un délai d'épreuve d'un an, échéant au 1er octobre 2024, sans mandat d'assistance de probation, vu sa situation administrative.

k.        Par requête du 14 septembre 2023, le Ministère public fait siens les préavis et conclusions du SAPEM.

l.          Le TAPEM n'a pas ordonné de débats et a statué sur la base du dossier, le droit d'être entendu de A______ ayant été respecté par l'octroi d'un délai pour présenter ses observations écrites ou solliciter la tenue d'une audience, que l'intéressé n'a pas utilisé.

C. Dans la décision querellée, le TAPEM considère que le pronostic se présentait sous un jour fort défavorable au vu des huit inscriptions au casier judiciaire suisse de l'intéressé, lequel n'avait pas su tirer un enseignement des premières condamnations prononcées avec sursis et des courtes peines privatives de liberté successives prononcées à son encontre.

Sur la base des explications figurant dans le PES et sa demande de libération conditionnelle, il entendait demeurer en Suisse, ne semblant pas avoir pris conscience de son statut illégal. Il y avait ainsi des doutes sérieux sur une réelle prise de conscience et sur son amendement quant au comportement qu'il adopterait à sa sortie de prison. Par ailleurs, son projet alternatif d'aller en Allemagne n'était ni concret ni étayé, de sorte qu'il se retrouverait à sa sortie dans la même situation personnelle que celle ayant mené à ses dernières condamnations, à savoir sans document d'identité, sans travail et sans possibilité de subvenir légalement à ses besoins en Suisse, où il ne cessait de revenir alors même qu'il n'en avait pas le droit. Il n'avait aucune garantie de pouvoir séjourner en Allemagne et d'y travailler légalement, situation qui favoriserait la commission de nouvelles infractions.

D. a. Dans son recours, A______ estime mériter une chance s'agissant de sa première libération conditionnelle. Il s'agissait de sa seconde détention; il assumait ses erreurs, souhaitait tourner une page et se rendre en Allemagne dans sa famille.

b. Le TAPEM maintient les termes de son jugement et le Ministère public s'en rapporte à justice.

c. A______ réplique.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé devant l'autorité compétente contre une décision judiciaire ultérieure indépendante (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1; A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2019, n. 30 ad art. 363) sujette à recours, dans les délai et forme requis (art. 384 let. b, 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et par le condamné, disposant d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits. La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est plus nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2). Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement, ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées).

Un risque de récidive étant inhérent à toute libération, qu'elle soit conditionnelle ou définitive, pour déterminer si l'on peut courir ce risque, il faut, non seulement, prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé (ATF 125 IV 113 consid. 2a). Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 et les références citées).

2.2. En l'espèce, le recourant a subi les deux tiers de ses peines le 1er octobre 2023, de sorte que la première condition posée par l'art. 86 al. 1 CP est réalisée. Il s'est par ailleurs comporté correctement en détention.

S'agissant du risque de récidive, les condamnations du recourant, en particulier pour des infractions contre la LEI, dénotent effectivement une apparente absence de prise de conscience. Il doit toutefois être tenu compte du fait qu'il exécute l'intégralité des peines prononcées à son encontre depuis juin 2021 et n'a encore, dans ce cadre, jamais été libéré conditionnellement d'une peine.

S'il n'a certes pas d'avenir en Suisse, il a déclaré vouloir se rendre en Allemagne chez son frère.

Par conséquent, à l'instar du SAPEM, la Chambre de céans considère que les conditions de l'art. 86 al. 1 CP sont réalisées, le pronostic, bien que mitigé, n'étant pas encore défavorable, au sens des principes sus-évoqués.

3.             La libération conditionnelle du recourant sera dès lors ordonnée et assortie d'un délai d'épreuve d'un an.

4.             Fondé, le recours sera donc admis. Le jugement querellé sera annulé et la libération conditionnelle du recourant prononcée aux conditions sus-décrites.

5.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

 

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours et annule le jugement entrepris.

Ordonne la libération conditionnelle de A______.

Fixe à A______ un délai d'épreuve d'une année à compter de sa libération effective, en l'avertissant que s'il devait, durant ce délai, commettre un nouveau crime ou un délit, sa réincarcération pour le solde de sa peine pourra être ordonnée, nonobstant une nouvelle peine ou mesure (art. 89 CP).

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal d'application des peines et des mesures et au Ministère public.

Le communique, pour information, au Service de l'application des peines et mesures.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).