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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/20415/2022

ACPR/837/2023 du 26.10.2023 sur OPMP/10803/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : JONCTION DE CAUSES;CONNEXITÉ;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION
Normes : CPP.29; CPP.30; CP.49

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20415/2022 ACPR/837/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 26 octobre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, France, agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance de jonction rendue le 22 mai 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 31 mai 2023, mis en conformité le 22 juin 2023 sur demande de la Chambre de céans, A______ recourt contre l'ordonnance du 22 mai 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a joint les procédures P/6748/2023 et P/20415/2022, sous ce dernier numéro.

Le recourant, qui agit en personne, déclare former "appel" contre la décision querellée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Selon le rapport de renseignements du 5 septembre 2022, le 16 avril 2022, à 2h20, un excès de vitesse de 41 km/h (marge de sécurité réduite), commis par un véhicule immatriculé en France, a été constaté au moyen d'un radar fixe, sur la route de Meyrin, en direction du carrefour du Bouchet, où la vitesse était limitée à 60 km/h. Le détenteur de la voiture a été identifié comme étant A______, ressortissant américain domicilié en France. Le 15 juin 2022, ce dernier a rempli et signé le formulaire intitulé "Reconnaissance d'infraction – procès-verbal d'audition", aux termes duquel il a reconnu être l'auteur de l'excès de vitesse en cause.

Une procédure pénale a été ouverte à son encontre, référencée sous le numéro P/20415/2022.

b. Par ordonnance pénale du 15 novembre 2022, le Ministère public l'a déclaré coupable de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR) et condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.- le jour, avec sursis pendant 3 ans, à une amende de CHF 540.-, ainsi qu'aux frais de la procédure, en CHF 260.-.

c. Par lettre reçue par le Ministère public le 6 février 2023, rédigée en anglais et traduite en français, A______ y a formé opposition, expliquant ne pas avoir été en mesure de réceptionner l'ordonnance pénale avant la fin de l'année 2022, dès lors qu'il était en déplacement. Par ailleurs, ce n'était qu'après qu'une connaissance lui eut traduit le contenu de cette décision qu'il en avait compris la teneur et la gravité de ses actes. À cet égard, il ignorait que les règles en matière de circulation routière étaient aussi sévères en Suisse. Depuis les faits, il avait modifié ses habitudes de conduite et respectait les règles en vigueur.

d. Par ordonnance sur opposition tardive du 13 février 2023, le Ministère public a conclu à l'irrecevabilité de l'opposition pour cause de tardiveté et a transmis la procédure au Tribunal de police afin qu'il statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition.

e. Le 5 avril 2023, cette autorité a constaté la validité de l'opposition formée par A______ et renvoyé le dossier au Ministère public pour qu'il statue sur l'opposition.

f. Parallèlement, le 27 mars 2023, une nouvelle procédure pénale (P/6478/2022) a été ouverte contre A______ pour violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR), pour avoir, le 11 octobre 2022, à 23h12, sur l'autoroute N1 à proximité du PK 1.245, à Genève, en direction de la France, circulé à une vitesse de 142 km/h sur un tronçon où la limite maximale autorisée était de 80 km/h.

Entendu par la police, le 19 janvier 2023, en présence d'une interprète en langue anglaise, il a expliqué avoir commis l'excès de vitesse reproché, au motif qu'il lui semblait avoir été menacé par un autre usager de la route, qui avait pointé un pistolet dans sa direction ; il n'était toutefois pas certain qu'il s'agissait d'une arme à feu. "Terrifié", il avait donc "accéléré" pour "trouver de l'aide" à la douane. Lorsqu'il y était parvenu, il avait constaté que le conducteur précité avait disparu, de sorte qu'il avait poursuivi sa route jusqu'à son domicile. Il était "désolé" et s'engageait à respecter "dorénavant" les règles de circulation.

C. La décision querellée est ainsi libellée :

"Vu la procédure P/6748/2023 et la procédure P/20415/2022 ;

Vu les art. 29 et 30 CPP ;

Le Ministère public ordonne la jonction des procédures pénales P/6748/2023 et P/20415/2022 sous ce dernier numéro de procédure".

D. a. Dans son recours, A______ se plaint de l'absence de motivation de l'ordonnance querellée. Celle-ci ne comportait pas la moindre énonciation des raisons justifiant la jonction des deux causes, de sorte qu'il n'était pas en mesure de se prononcer sur le bien-fondé de cette décision.

En tout état, la jonction risquait de lui causer un préjudice, puisque les faits résultant de la P/20415/2022 avaient déjà fait l'objet d'une ordonnance pénale le 15 novembre 2022, contre laquelle il avait formé opposition. De plus, les deux procédures portaient sur des faits distincts, qui ne devaient pas être traités conjointement. En effet, s'il avait reconnu l'excès de vitesse commis le 16 avril 2022, il avait en revanche expliqué, dans le cadre de la P/6748/2023, avoir circulé le 11 octobre 2022 à une vitesse supérieure à celle qui était autorisée, au motif qu'il avait été menacé par un autre usager de la route, qui était armé. Il appartenait ainsi au Ministère public d'instruire séparément les deux complexes de faits, dès lors que ceux faisant l'objet de la procédure précitée n'étaient pas punissables.

Joindre les deux causes revenait à "le punir" d'avoir formé opposition à l'ordonnance pénale du 15 novembre 2022, puisque s'il y avait renoncé, les deux affaires auraient été instruites distinctement.

Finalement, il avait émis plusieurs doléances, qui n'avaient pas été traitées par le Ministère public. En particulier, il s'était plaint du fait que les pièces de la procédure ne lui avaient pas été traduites en anglais. De plus, il n'avait reçu aucune réponse à ses diverses demandes d'informations et d'éclaircissements concernant la procédure pénale (mais également relative à la procédure administrative liée à son retrait de permis de conduire). Par conséquent, il demandait à ce qu'une suite soit donnée à ses requêtes.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

Le recourant avait commis deux excès de vitesse au volant de sa voiture, pour lesquels deux procédures distinctes avaient été ouvertes. Dans la mesure où le Tribunal de police avait constaté la validité de l'opposition formée par l'intéressé à l'ordonnance pénale du 15 novembre 2022, il se justifiait d'instruire l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés dans une seule et même procédure, au vu de leur connexité et en vertu du principe de l'unité de la procédure.

Pour le surplus, aucun tiers n'aurait accès au dossier, puisque le recourant était le seul prévenu dans les procédures. Il n'était donc menacé d'aucun préjudice irréparable.

c. Aucune des communications adressées par la Chambre de céans au recourant – qui a déclaré avoir déménagé aux États-Unis – à son adresse connue en France ne lui est parvenue.

d. Par courriel du 29 septembre 2023, la Chambre de céans lui a imparti un délai de dix jours pour lui communiquer une adresse de notification valable, en Suisse ou en France (art. 87 al. 2 CPP).

e. Le 9 octobre 2023, faisant suite à un e-mail du recourant du 6 précédent, dans lequel il demandait des éclaircissements, la Chambre de céans l'a informé qu'il était tenu, au vu de son domicile à l'étranger, de fournir une adresse de notification en Suisse, voire en France. À défaut de réponse dans les cinq jours, les notifications continueraient à être faites à sa dernière adresse connue, en France.

f. Le recourant n'a pas donné suite à cette requête.

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours a été déposé, après sa mise en conformité, selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             L'objet du litige est strictement circonscrit à l'ordonnance de jonction entreprise. Il n'appartient donc pas à la Chambre de céans de se déterminer sur les autres griefs et reproches formulés par le recourant à l'endroit du Ministère public, qui ne font pas l'objet de la décision querellée. Le recours est irrecevable sur ces aspects.

3.             Le recourant se plaint de l'absence de motivation de l'ordonnance querellée.

3.1.  La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 135 I 265 consid. 4.3 p. 276 ; 126 I 97 consid. 2b p. 102). Il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs fondant sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause ; l'autorité peut se limiter à ne discuter que les moyens pertinents, sans être tenue de répondre à tous les arguments qui lui sont présentés (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183 ; ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_146/2016 du 22 août 2016 consid. 1.1 et 1B_62/2014 du 4 avril 2014 consid. 2.2).

3.2.  En l'espèce, l'ordonnance querellée ne comporte pas de motivation spécifique. Cependant, l'argumentation développée par le recourant démontre qu'il a compris la portée de cette décision et qu'il a été en mesure de développer des griefs précis à son encontre. Il a en effet demandé à ce que les deux procédures dirigées contre lui soient instruites séparément, notamment au motif que leur jonction risquait de lui causer un préjudice, les faits résultant de la P/6748/2023 n'étant, selon lui, pas punissables. Pour le surplus, le Ministère public a, dans ses observations, développé les raisons qui justifiaient, selon lui, la jonction des deux causes.

Il s'ensuit que le droit d'être entendu du recourant n'a pas été violé.

Le grief y relatif est donc rejeté.

4.             Le recourant conteste le bien fondé de la jonction litigieuse.

4.1.  À teneur de l'art. 29 al. 1 let. a CPP, les infractions sont poursuivies et jugées conjointement lorsqu'un prévenu a commis plusieurs infractions.

Ce principe, dit de l'unité, tend à éviter les jugements contradictoires et sert l'économie de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2).

De façon générale, l'article 49 CP impose la règle de l'unité des poursuites qui veut que les infractions commises en concours doivent être réprimées dans un seul et même jugement et qu'un seul juge doive se prononcer sur l'ensemble des faits qui peuvent être reprochés à un délinquant. Cette solution permet d'éviter la multitude de jugements rendus à l'encontre du même prévenu, le prononcé d'une peine complémentaire ou peine d'ensemble, ainsi que les frais liés à toute nouvelle procédure. En ce sens, les intérêts de l'auteur sont préservés. La solution choisie par le législateur tend aussi à éviter des jugements contradictoires, que cela soit au niveau de la constatation de l'état de fait, de l'appréciation juridique ou de la fixation de la peine (ATF 138 IV 214 consid. 3; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, n. 3 ad art. 29).

4.2.  Selon l'art. 30 CPP, si des raisons objectives le justifient, le ministère public et les tribunaux peuvent ordonner la jonction ou la disjonction de procédures pénales.

La faculté offerte par cette norme d'ordonner la jonction de plusieurs procédures s'entend en quelque sorte comme une extension du principe d'unité à d'autres situations que celles qui sont visées à l'art. 29 CPP (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 3 ad art. 30).

4.3.  En l'espèce, le recourant est prévenu, dans les deux procédures concernées, pour des faits similaires, soit des excès de vitesse commis au volant de sa voiture les 16 avril et 11 octobre 2022.

Conformément au principe de l'unité des poursuites, il paraît nécessaire que les infractions dénoncées soient instruites et poursuivies conjointement et qu'un seul juge se prononce, le cas échéant, sur l'ensemble. Il existe en effet une connexité entre les faits dénoncés, qui justifie de manière objective qu'ils soient instruits conjointement pour permettre une vision d'ensemble du comportement du recourant et éviter le prononcé de peines complémentaires ainsi que le risque de jugements contradictoires.

Aucune raison objective ne milite pour que les procédures soient poursuivies séparément, d'autant plus qu'elles sont toutes deux pendantes devant le Ministère public et ainsi à un stade d'avancement équivalent. Ainsi, même sous l'angle de la célérité, la jonction n'apparaît pas critiquable.

Pour le surplus, le recourant n'invoque aucun argument susceptible de remettre en cause le bien fondé de l'ordonnance entreprise, se limitant à plaider le fond de la cause. Or, contrairement à ce qu'il semble penser, la jonction n'est pas une sanction et sert avant tout l'économie de procédure. Le fait qu'il s'estime innocent des faits faisant l'objet de la P/6748/2023 n'est pas pertinent. Il pourra faire valoir ses arguments concernant l'excès de vitesse commis le 11 octobre 2022 dans le cadre de la procédure, étant relevé qu'il a déjà formé opposition à l'ordonnance pénale prononcée à son encontre en lien avec les faits survenus le 16 avril 2022. En définitive, il n'invoque aucun préjudice ni aucun intérêt privé prépondérant à ce que les deux procédures soient conduites séparément.

Partant, la décision de jonction apparaît justifiée, sous l'angle de l'unité de la procédure prévue à l'art. 29 al. 1 CPP.

5.             L'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprendront un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/20415/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

Total

CHF

985.00