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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7425/2023

ACPR/826/2023 du 23.10.2023 sur ONMMP/1558/2023 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;LÉSION CORPORELLE;VOIES DE FAIT;VIOLATION DU DEVOIR D'ASSISTANCE OU D'ÉDUCATION;FOR DE LA POURSUITE
Normes : CPP.310; CP.123.al2; CP.126.al2.leta; CP.219; CP.217; CP.3; CP.8

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7425/2023 ACPR/826/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 23 octobre 2023

 

Entre

A______, B______ et C______, mineurs représentés par leur mère, D______, domiciliée ______ [GE], représentée par Me G______, avocat,

recourants,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 18 avril 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 4 mai 2023, les mineurs A______, B______ et C______, représentés par leur mère, D______, recourent contre l'ordonnance du 18 avril précédent, communiquée par pli simple, à teneur de laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur leur plainte pénale du 27 mars 2023 dirigée contre leur père, E______.

Ils concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision, la cause devant être retournée au Procureur pour qu'il ouvre une instruction des chefs de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 2 al. 2 CP) et violation d'une obligation d'entretien (art. 217 CP).

b. La mère des recourants a versé les sûretés en CHF 800.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. A______, B______ et C______ sont nés, respectivement, en 2013, 2016 et 2017, en Russie, de l'union libre entre D______ et E______.

a.b. À la fin de l’année 2018, durant laquelle le couple s'est séparé, E______ s'est engagé, par écrit, à contribuer à l'entretien de ses enfants et de D______, à hauteur d'EUR 150'000.- par mois.

À cet effet, il a remis à la prénommée deux cartes bancaires, lui permettant de prélever, sur ses comptes personnels, ladite somme.

a.c. Depuis 2020, D______ réside à Genève avec ses enfants, tandis que E______ vit à F______ [Émirats Arabes Unis].

a.d. Les mineurs voient occasionnellement leur père, tantôt à Genève, tantôt à l'étranger lors de vacances.

b.a. Le 27 mars 2023, D______ s'est rendue dans un poste de police.

Elle y a exposé que E______ s'était montré violent à plusieurs reprises envers leur fils cadet, C______, à l'occasion de visites. Elle a remis aux policiers un document, rédigé par ses soins, détaillant le déroulement de plusieurs épisodes. Elle a ajouté que E______ n'avait plus revu ses enfants depuis septembre 2022; il ne s'en occupait pas et avait "fait bloquer", récemment, les cartes bancaires qu'il lui avait remises, nécessaires pour subvenir à l'entretien des enfants, qu'elle assumait dorénavant seule au moyen de son salaire [de l'ordre de CHF 8'000.- bruts par mois].

"Pour ces faits, [elle] dépos[ait] plainte pénale" contre E______.

b.b. Dans ledit document, D______ décrit trois événements lors desquels son ex-compagnon a violenté leur fils cadet, en sa présence ainsi qu'en celle des deux autres enfants.

En avril 2021, à F______, E______ avait frappé le garçon dans le dos, le projetant "à l'autre bout de la pièce".

Courant novembre 2021, à Paris, E______ avait à nouveau tapé l'enfant dans le dos, puis l'avait saisi et, le soulevant du sol, secoué avec force; la tête du garçon avait dodeliné en tous sens et ses chaussures étaient tombées. Le lendemain, le mineur s'était plaint de nausées et avait été dans une sorte d'état léthargique [selon la retranscription des messages échangés, le jour en question, entre D______ et E______, annexée audit document]. À cette suite, l'enfant avait souffert, pendant plusieurs mois, d'énurésie et de cauchemars récurrents.

Au mois de juillet 2022, à Genève, E______ avait derechef frappé son fils dans le dos. Alors que celui-ci tentait de s'enfuir, celui-là l'avait agrippé par la jambe, ajoutant qu'il allait le tuer. L'enfant était tombé, se cognant la tête au sol. Depuis lors, il présentait, à nouveau, des énurésie et cauchemars fréquents [d'après les explications fournies aux policiers concernant cet épisode].

C. Dans sa décision déférée, le Ministère public a considéré que les voies de fait occasionnées à C______ (art. 126 ch. 1 CP) avaient été dénoncées plus de trois mois (art. 31 CP) après leur commission. La plainte était donc tardive.

D. a. À l'appui de leurs recours et réplique, auxquels ils joignent des pièces nouvelles, A______, B______ et C______ affirment avoir reçu l'ordonnance précitée le 24 avril 2023.

Les conditions posées par l'art. 217 CP, norme au sujet de laquelle le Procureur avait omis de statuer, étaient réalisées, E______ ne subvenant plus à leur entretien, alors même qu'il en avait les moyens, sa fortune ascendant à USD 11.5 milliards.

C______, soit pour lui sa mère, précise avoir été violenté à cinq reprises par son père. En effet, deux autres évènements s'ajoutaient à ceux préalablement décrits par sa mère, survenus en juillet 2021 et septembre 2022, à Genève, lors desquels le mis en cause l'avait frappé et fait chuter. Depuis juillet 2022, lui-même présentait un état anxieux et souffrait, à nouveau, d'énurésie ainsi que de troubles du sommeil réguliers [symptômes attestés par un certificat médical, établi le 5 avril 2023]; sa mère l'avait inscrit sur une liste d'attente pour être suivi par un psychothérapeute; le traitement débuterait en octobre 2023. Les actes commis par son père devaient être qualifiés de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 2 CP) – ceux-là lui ayant causé, en novembre 2021, une commotion cérébrale (léthargie, nausées, etc), par la suite, les énurésies ainsi que les troubles du sommeil sus-décrits et, en juillet 2022, une bosse au menton –, subsidiairement, de voies de fait commises à réitérées reprises (art. 126 ch. 2 let. a CP), infractions qui se poursuivaient toutes deux d'office.

Les recourants chiffrent à CHF 2'400.- leurs dépens (CHF 2'000.- pour l'activité liée au recours et CHF 400.- pour celle induite par la réplique).

a.a. Par missives spontanées des 25 mai et 24 juillet 2023, les recourants ont informé la Chambre de céans, respectivement, de la saisine, par leur mère, en mai 2023, du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE), puis de la décision rendue par cette juridiction.

a.b. Il résulte des pièces jointes à ces plis ce qui suit :

Entendu par le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale, sur délégation du TPAE, B______ a exposé avoir assisté, à trois reprises, à des actes de violence de la part de son père sur son frère [lesquels correspondent à ceux décrits par D______ dans le document versé à l'appui de la plainte].

Ce dernier Service a tenté d'entrer en contact avec E______, en vain.

Par ordonnance du 19 juillet 2023, le TPAE, statuant sur mesures superprovisionnelles, a, notamment, attribué l'autorité parentale ainsi que le droit de garde exclusifs sur les mineurs à leur mère et suspendu le droit aux relations personnelles de leur père (DTAE/5688/2023).

Il ressort de cette décision, qui résume certains des propos tenus par D______, que E______ ne s'acquitterait plus, en faveur de ses enfants, des EUR 150'000.- convenus, se contentant, désormais, de payer leurs frais d'écolage privé ainsi que certaines dépenses médicales.

b. Invité à se déterminer, le Procureur conclut au rejet du recours.

Les réquisits de l'art. 217 CP n'étaient pas réalisés, faute pour les recourants d'en avoir démontré l'existence.

En l'absence de constat médial attestant de blessures causées à C______ lors des trois épisodes visés par la plainte, seule l'infraction de voies de fait pouvait, éventuellement, être envisagée. Or, les conditions d'application de l'art. 126 ch. 2 CP n'étaient pas réunies, aux triples motifs que : E______ ne pouvait être considéré comme ayant agi à réitérées reprises, puisque deux des trois évènements dénoncés s'étaient déroulés à l'étranger, échappant, de ce fait, à la compétence des autorités suisses; le mis en cause n'était titulaire ni d'un droit de garde ni d'un droit de visite sur son fils, de sorte qu'il n'avait pas de devoir spécifique de veiller sur lui; les actes rapportés, qui étaient demeurés isolés et espacés dans le temps, ne pouvaient être assimilés à un mode d'éducation fondé sur la violence. L'infraction à l'art. 219 CP (violation du devoir d'assistance ou d'éducation), au demeurant non plaidée par C______, n'entrait pas davantage en considération, le prénommé – dont rien n'établissait que le développement aurait été mis en danger – n'étant pas placé sous la garde de son père.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et, en l'absence de respect des réquisits de l'art. 85 al. 2 CPP, dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), contre une ordonnance de non-entrée en matière, décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 310 al. 2 cum 322 al. 2 CPP; art. 393 al. 1 let. a CPP).

Il émane de mineurs, valablement représentés par leur mère (art. 106 al. 2 CPP) – co-titulaire de l'autorité parentale (art. 304 al. 1 CC) au jour du dépôt de cet acte –, qui ont un intérêt juridiquement protégé (art. 382 CPP) à voir poursuivre les faits visés par la plainte pénale du 27 mars 2023, dont on comprend que D______ l'a déposée en leurs noms (art. 104 al. 1 let. b CPP).

Il est, partant, recevable.

1.2. Il en va de même des faits nouveaux exposés aussi bien dans le recours – les allégations relatives à un quatrième et à un cinquième épisodes de violence précisant celles formulées devant la police, selon lesquelles le mis en cause se montrerait régulièrement violent envers son fils cadet – que dans les missives spontanées des 25 mai et 24 juillet 2023 – la saisine du TPAE étant intervenue postérieurement au dépôt du recours –. Tel est également le cas des pièces produites à l'appui de ces actes (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1 in fine).

2. 2.1. À bien les comprendre, les recourants reprochent au Ministère public un déni de justice, à défaut, pour cette autorité, d'avoir statué sur l'infraction à l'art. 217 CP.

2.1.1. Commet un tel déni, prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst féd., le magistrat qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige (arrêt du Tribunal fédéral 1B_191/2022 du 21 septembre 2022 consid. 4.1).

Ce manquement peut toutefois être réparé devant la juridiction supérieure qui dispose d'un plein pouvoir d'examen, pour autant que l'autorité intimée ait justifié et expliqué sa décision dans un mémoire de réponse et que le(s) recourant(s) ai(en)t eu la possibilité de s'exprimer sur ces points dans une écriture complémentaire (ATF 125 I 209 consid. 9a p. 219 et 107 Ia 1 consid. 1 p. 2 et s.; arrêt du Tribunal pénal fédéral R.R.2019.70 du 3 septembre 2019, consid. 3.1 in fine).

2.1.2. En l'espèce, il faut admettre, avec les recourants, que le Procureur s'est abstenu de se prononcer sur l'infraction susvisée, dénoncée le 27 mars 2023.

Cela étant, ce magistrat s’est succinctement exprimé, dans ses observations, sur ce point. Les plaignants ont ensuite eu la possibilité de répondre à cette détermination.

La violation sus-évoquée a donc été réparée durant la procédure de recours. Dite réparation n'induit aucun préjudice pour les recourants. En effet, la Chambre de céans statue avec un plein pouvoir de cognition (art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP) sur les problématiques dont elle est saisie. À cela s'ajoute qu'un renvoi de la cause au Ministère public pour ce motif constituerait une vaine formalité, au vu des raisons qui seront exposées ci-après.

Ces considérations scellent le sort du grief.

2.2. Les recourants sollicitent l'ouverture d'une instruction contre leur père du chef d'infraction à l'art. 217 CP.

2.2.1. Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs d’une infraction ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Cette décision ne peut être prononcée que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables, conformément au principe in dubio pro duriore (ATF 146 IV 68 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1177/2022 du 21 février 2023 consid. 2.1). Il en résulte que la procédure doit se poursuivre quand un ou des actes d'enquête paraissent pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée (ACPR/757/2023 du 29 septembre 2023, consid. 2.1; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310).

2.2.2. L'art. 217 CP sanctionne, sur plainte, quiconque ne fournit pas les aliments ou les subsides qu’il doit en vertu du droit de la famille, quoiqu’il en ait les moyens ou puisse les avoir.

2.2.3. L'obligation alimentaire entre un parent et ses enfants est régie, lorsque celui-là réside à l'étranger et ceux-ci en Suisse, par le droit helvétique (art. 83 al. 1 LDIP [RS 291] cum art. 4 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires [RS 02.211.213.01]).

En vertu de l'art. 276 al. 2 CC, les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l’entretien convenable de l’enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger.

2.2.4. En l'occurrence, le mis en cause est tenu de subvenir aux besoins de ses enfants, dans la mesure de ses revenus et/ou fortune.

Entre 2018 et 2022, il semble s'être conformé à cette obligation, en autorisant son ex-compagne à prélever, sur ses comptes bancaires, EUR 150'000.- par mois.

Aux dires des recourants, leur père aurait récemment cessé de pourvoir à leur entretien (selon les explications données à la police) ou, à tout le moins, d'y participer de manière suffisante (d'après les informations fournies au TPAE).

Le dossier ne comporte aucun élément permettant de confirmer/d'infirmer d'emblée ces allégués, non plus que d'évaluer les charges des mineurs et les capacités contributives de leurs parents.

Or, ces données sont indispensables pour statuer sur une éventuelle infraction à l'art. 217 CP.

Des investigations permettraient d'apporter les précisions qui s'imposent.

Il s'ensuit qu'une violation de la norme précitée ne peut être clairement exclue, à ce stade.

Le prononcé d'une non-entrée en matière n'a donc pas lieu d'être.

3. C______ requiert l'ouverture d'une instruction, en raison des atteintes à sa santé causées par son père.

3.1.1. Le ministère public clôt l’affaire quand il existe des empêchements de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP).

Ainsi en va-t-il en cas d’inexistence d’un for en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 6B_942/2021 du 8 novembre 2021 consid. 2.4).

3.1.2. Le code pénal est applicable à quiconque commet une infraction sur le territoire helvétique (art. 3 ch. 1 CP). Un crime ou un délit est réputé perpétré tant au lieu où l'auteur a agi qu’à l’endroit où le résultat s'est produit (art. 8 ch. 1 CP).

Tout comportement réalisant, y compris partiellement, les éléments constitutifs d’une infraction peut être considéré comme la commission de celle-ci (ATF 141 IV 205 consid. 5.2).

3.2. Les autorités pénales apprécient librement la portée juridique des actes qui leur sont dénoncés (art. 6 al. 1 CPP).

3.2.1. L'art. 123 CP réprime, sur plainte, les lésions corporelles simples (ch. 1), c'est-à-dire des atteintes physiques, voire psychiques, qui revêtent une certaine importance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1064/2019 du 16 janvier 2020 consid. 2.2).

Cette infraction se poursuit d'office lorsque l'auteur s’en est pris à un enfant dont il a la garde ou sur lequel il a le devoir de veiller (ch. 2 al. 2). Un tel devoir peut notamment résulter de la loi (M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n 21 ad art. 123).

Les relations entre un parent et son enfant sont régies, lorsque celui-là réside à l'étranger et ceux-ci en Suisse, par le droit helvétique (art. 82 al. 1 LDIP). Aux termes de l'art. 302 al. 1 in fine CC, les père et mère ont le devoir de favoriser et de protéger le développement corporel, intellectuel et moral de leur enfant.

3.2.2. L'art. 126 CP sanctionne, sur plainte, quiconque occasionne à une personne des voies de faits (ch. 1). La poursuite a lieu d’office si le prévenu a agi à réitérées reprises contre un enfant dont il a la garde ou sur lequel il a le devoir de veiller (ch. 2 let. a).

Dans cette dernière configuration, l’auteur doit avoir agi plusieurs fois sur la même victime, d'une manière qui dénote une certaine habitude (ATF 134 IV 189 consid. 1.2). Tel est le cas quand un prévenu frappe des enfants, sous le prétexte de les éduquer, à une dizaine d'occasions en l'espace de trois ans (ATF 129 IV 216 consid. 3.2).

3.2.3. Selon l'art. 219 CP – infraction qui se poursuit d'office –, est punissable quiconque viole son devoir d’assister ou d’élever un mineur, dont il met ainsi en danger le développement physique/psychique, ou qui manque à ce devoir.

La mise en danger doit être concrète, c'est-à-dire apparaître comme vraisemblable dans les circonstances de l'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 6B_782/2022 du 17 avril 2023, destiné à la publication, consid. 2.2).

L'art. 219 CP réprime une unité juridique d'actions; l'auteur doit donc agir de façon répétée ou violer durablement son devoir d'éducation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_782/2022 précité, consid. 3.1 in fine).

3.2.4. Les art. 123 et 126 CP peuvent, selon les circonstances, entrer en concours avec l'art. 219 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_892/2020 du 16 février 2021 consid. 8.3 et 6B_1256/2016 du 21 février 2018 consid. 1.4).

3.3. In casu, le mis en cause a exercé, dès la fin de l’année 2018, un droit de visite occasionnel sur son fils cadet. Il devait donc veiller sur lui en ces occasions (art. 302 al. 1 CC).

Selon le mineur, son père l'aurait, en l'espace d'un an et demi (soit entre avril 2021 et septembre 2022), violenté à plusieurs reprises (deux fois à l'étranger et trois à Genève).

À la suite de ces agissements, il aurait présenté diverses atteintes, survenues tantôt à Paris (commotion cérébrale), tantôt en Suisse (énurésie et troubles du sommeil dès novembre 2021, affections qui auraient duré quelques mois, bosse au menton en juillet 2022 et, depuis lors, un état anxieux, auquel s'ajouteraient, à nouveau, une énurésie et des troubles du sommeil, symptômes qui persisteraient à ce jour).

Rien ne permet de nier, en l'état : la commission d'actes de violence à cinq reprises – le fait que la mère et le frère du mineur n'ont (initialement) mentionné que trois épisodes étant, à lui seul, insuffisant pour douter de l'existence des deux autres, évoqués au stade du recours –; les atteintes alléguées par l'enfant – dont certaines sont étayées par pièces (retranscription des messages échangés par les parents du recourant en novembre 2021, à Paris, ainsi que certificat médical du 5 avril 2023) –; un lien de causalité entre ces troubles et les agissements imputés à l'intimé.

Or, si de tels agissements – dont la qualification juridique souffre de demeurer indécise, à ce stade – s'avéraient réalisés, ils pourraient tomber sous le coup de l'art. 123 ch. 2 ou 126 ch. 2 CP – la commission de cinq actes de violence sur une période de dix-huit mois dénotant, a priori, une certaine habitude –, voire de l'art. 219 CP, infractions qui se poursuivent toutes d'office.

Dans la première hypothèse, il existerait un for en Suisse pour juger, à tout le moins, les lésions corporelles qui y auraient été perpétrées (i.e. les trois occurrences survenues à Genève).

Dans les deuxième (art. 126 ch. 2 CP) et troisième (art. 219 CP) hypothèses, les autorités helvétiques seraient compétentes pour instruire l'ensemble des actes litigieux, le comportement répétitif et global que punissent les infractions de voies de fait commises à réitérées reprises et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation ayant eu lieu, en partie, en Suisse (cf. consid. 3.1.2 deuxième paragraphe).

Les conditions pour le prononcé d'une non-entrée en matière ne sont donc, en l'état, pas réalisées.

4. À cette aune, le recours se révèle fondé.

Partant, la décision querellée sera annulée et la cause renvoyée au Ministère public pour qu'il procède aux actes d'enquête ou d'instruction qu'il estimera nécessaires (art. 309 al. 2 ou al. 3 CPP).

5. 5.1. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 4 CPP).

Les sûretés versées par la mère des recourants seront donc restituées à cette dernière (CHF 800.-).

5.2. Les plaignants, qui obtiennent gain de cause, peuvent prétendre à l'octroi de dépens (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

Ils réclament CHF 2'400.- à ce titre, correspondant à 6 heures d'activité de chef d'étude (entretien avec leur représentante légale [1 heure], étude du dossier [30 minutes] ainsi que rédaction des recours et réplique, actes qui comportent, respectivement, quatorze et deux pages [4 heures et 30 minutes]), facturées au tarif horaire de CHF 400.-, TVA non comprise.

Le temps consacré à certains des postes précités apparaît excessif. Il sera donc ramené, dans sa globalité, à 4 heures et 30 minutes, durée qui apparaît raisonnable pour s’y adonner.

Une somme de CHF 1'938.60 sera, ainsi, allouée à la représentante légale des mineurs (4.5 heures x CHF 400.-, majorées de la TVA à 7,7% [CHF 138.60]), à la charge de l’État (art. 436 al. 3 CPP).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Annule, en conséquence, la décision de non-entrée en matière déférée et renvoie la cause au Ministère public pour qu'il procède dans le sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Invite les services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à D______ les sûretés versées (CHF 800.-).

Alloue à D______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'938.60 (TVA à 7.7% incluse) pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, à C______, B______ et A______, soit pour eux leur conseil, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).