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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7307/2023

ACPR/748/2023 du 28.09.2023 sur ONMMP/3125/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;PLAINTE PÉNALE;DÉLAI
Normes : CPP.310; CP.137; CP.30; CP.31

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7307/2023 ACPR/748/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 28 septembre 2023

 

Entre

A______, domiciliée c/o M. B______, ______, représentée par Me Jacques EMERY, avocat, ER&A, boulevard Helvétique 19, 1207 Genève,

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 10 août 2023 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 21 août 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte pénale du 29 mars 2023.

La recourante conclut à l'annulation de cette décision et au renvoi de la cause au Ministère public pour instruction.

b. La recourante est tributaire de l'assistance publique.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 29 mars 2023, A______ a déposé plainte pénale contre inconnus pour appropriation illégitime au sens de l'art. 137 ch. 2 CP.

En substance, elle avait, au mois de juin 2020, sous-loué un appartement sis rue 1______ no. ______, à C______. Cette personne n'avait pas le droit de sous-louer l'appartement en question, ce qu'elle ignorait. L'appartement avait été évacué en son absence, alors qu'elle était à un rendez-vous médical. N'ayant plus de nouvelles de ses affaires, son conseil avait écrit à la régie D______, le 24 octobre 2022. Cette dernière lui avait répondu par courrier du 14 novembre 2022, affirmant qu'elle serait venue à la régie avec son conjoint pour reprendre ses effets. Elle le contestait. Selon la régie, un constat d'huissier aurait été exécuté le 11 août 2020, à la suite duquel ses affaires auraient été mises à la décharge. Dans l'intervalle, elle avait changé d'adresse et ce n'était que récemment, au mois de mars 2023, qu'elle avait eu connaissance que ses affaires avaient été détruites. Son passeport et ceux de ses enfants, ainsi que des vêtements et bijoux de grande marque, en faisaient notamment partie.

Elle a joint à sa plainte les courriers précités.

Dans son pli du 24 octobre 2022 à la régie D______, son conseil explique qu'ensuite de l'expulsion de sa mandante du logement, cette dernière avait contacté la régie qui avait accepté qu'elle vienne récupérer ses affaires dans l'appartement. Ne pouvant "porter l'ensemble des sacs" en raison de ses problèmes de santé, elle avait refusé de réceptionner ses affaires et l'avait mandaté pour faire les démarches nécessaires. Il avait alors contacté la régie qui lui avait dit que les affaires en question étaient entreposées dans un garage. L'état de santé de sa mandante ne lui avait toutefois pas permis de venir les reprendre. Aujourd'hui, elle souhaitait le faire et récupérer son passeport et celui de ses enfants ainsi que des vêtements et bijoux de grande valeur.

Dans sa réponse du 14 novembre 2022, la régie D______ indique que la police avait évacué les personnes non autorisées à vivre dans l'appartement, dont A______. Il leur avait été permis de prendre avec eux leurs objets de valeurs et papiers d'identité. La régie leur avait ensuite proposé de récupérer leurs affaires ultérieurement en prenant rendez-vous par téléphone. La plupart des concernés avait procédé de la sorte et ils étaient venus rapidement récupérer leurs biens. Le 4 août 2020, A______, accompagnée de son conjoint, était venue reprendre ses effets. Une violente dispute avait alors éclaté entre eux et elle avait soudainement refusé que son conjoint emporte ses bagages. Depuis lors, elle n'avait plus donné de nouvelles, renonçant manifestement à récupérer ses effets, au demeurant sans aucune valeur. À aucun moment, il ne lui avait été fait obstacle pour un rendez-vous. Un constat d'huissier avait été exécuté le 11 août 2020 pour inventorier les objets abandonnés dans le logement, dont aucun n'était de valeur. N'y figuraient ni passeports, ni vêtements ou bijoux. Les affaires restantes avaient été évacuées par une entreprise spécialisée pour être mises à la décharge. À aucun moment, elles n'avaient été stockées dans un garage.

b. Dans une note interne de la gendarmerie à l'attention de la Procureure, du 19 juillet 2023, la police expose n'avoir jamais eu affaire à la plaignante sur place et aucune personne présente dans l'appartement n'avait été expulsée à proprement parler. Les intéressés avaient uniquement été orientés vers le gestionnaire de la régie. La police avait pris contact avec l'entreprise spécialisée mentionnée par la régie dans sa lettre, qui lui avait confirmé avoir pris en charge des effets personnels déjà emballés par un huissier, lesquels avaient été conservés du 13 août 2020 au 25 novembre 2021, date à laquelle ils avaient été débarrassés sur ordre de la régie.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public, après un rappel des faits susdécrits, a considéré que la plainte du 29 mars 2023 pour appropriation illégitime – infraction poursuivie sur plainte – avait été déposée plus de trois mois après les faits, de sorte qu'il existait un empêchement de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP). Il ressortait en effet du courrier de la régie D______ du 14 novembre 2022 que la plaignante ne pouvait ignorer que ses affaires allaient être détruites, à tout le moins depuis cette date, étant précisé qu'elle n'avait entrepris aucune démarche pour les récupérer depuis le mois d'août 2020.

D. a. À l'appui de son recours, A______ conteste que ses objets personnels aient fait l'objet d'un constat d'huissier ou aient été transmis à une entreprise spécialisée après inventaire, faute de preuves produites par la régie à cet égard. Il était faux de la part de la régie de prétendre qu'elle pouvait venir reprendre ses affaires après le 14 novembre 2022 puisque le courrier de la régie l'informait "que ses affaires allaient être détruites et qu'elle n'avait pas réagi". Ayant changé d'adresse, elle n'avait pris connaissance du courrier de la régie qu'au mois de mars 2023 et avait déposé plainte immédiatement.

La cause devait être renvoyée au Ministère public pour qu'il investigue sur le prétendu constat d'huissier effectué au mois d'août 2020 et détermine ainsi si les éléments constitutifs de l'appropriation illégitime étaient remplis "ainsi que la violation de la Loi sur la protection des données (LPD)".

b. Par pli du 23 août 2023, A______ sollicite l'assistance judiciaire pour le recours. Elle ajoute que la régie D______ ne lui avait jamais proposé de venir récupérer ses affaires.

c. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification n'ayant pas été respectées (art. 85 al. 2 CPP) –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. Selon l’art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs d’une infraction ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'un acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1, 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées).

3.2. Une ordonnance de non-entrée en matière doit également être rendue lorsqu'il existe des empêchements de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), par exemple lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP n'a pas été respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).

3.3. Si une infraction n'est punie que sur plainte, toute personne lésée peut porter plainte contre l'auteur (art. 30 al. 1 CP). Une plainte est valable au sens de l'art. 30 CP si l'ayant droit, avant l'échéance d'un délai de trois mois depuis que l'auteur de l'infraction lui est connu (art. 31 CP), manifeste, dans les formes et auprès des autorités compétentes selon l'art. 304 CPP, sa volonté inconditionnelle que l'auteur de l'infraction soit poursuivi et que la procédure pénale se poursuive sans autre déclaration de sa volonté (cf. ATF 131 IV 97 consid. 3.1; 115 IV 1 consid. 2a; 106 IV 244 consid. 1).

3.4. Selon l'art. 137 ch. 1 CP, est coupable d'appropriation illégitime quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, s’approprie une chose mobilière appartenant à autrui. Si l'auteur agit sans dessein d'enrichissement illégitime, l'infraction n'est poursuivie que sur plainte (art. 137 ch. 2 CP).

3.5. En l'espèce, il ressort du courrier du conseil de la recourante du 24 octobre 2022 que la régie D______ l'avait autorisée à venir récupérer ses affaires personnelles durant l'été 2020. Elle avait toutefois refusé de les prendre puis n'avait plus donné de nouvelles jusqu'à l'intervention écrite de son conseil du 24 octobre 2022. Dans sa réponse du 14 novembre 2022, la régie lui a alors indiqué que les affaires en question avaient été débarrassées.

À tout le moins dès cette date, le conseil de la recourante était donc informé de la situation. Or, la plainte pénale de sa mandante pour appropriation illégitime sans dessein d'enrichissement – infraction poursuivie sur plainte – a été déposée le 29 mars 2023, soit postérieurement au délai de trois mois pour ce faire. Partant, elle est tardive, ce qu'a constaté à juste titre le Ministère public.

On relèvera qu'il est téméraire de la part de la recourante d'affirmer qu'elle n'a pas eu connaissance du courrier de la régie D______ du 14 novembre 2022 avant mars 2023, en raison d'un changement d'adresse, dit courrier ayant été adressé à son conseil.

Au vu de ce qui précède et de l'empêchement de procéder qui en découle, aucun acte d'enquête supplémentaire ne saurait être diligenté, y compris sous l'angle d'une violation de la Loi sur la protection des données, dont on peine à voir la pertinence dans la présente cause.

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

5. La recourante sollicite l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

5.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). La cause ne devant pas être dénuée de toute chance de succès, l'assistance peut être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la position du requérant est juridiquement infondée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1. et les références citées).

5.2. En l'occurrence, si l'indigence de la recourante semble attestée, celle-ci étant à l'assistance publique, le recours était voué à l'échec voire téméraire, pour les motifs exposés plus haut, de sorte que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire ne sont pas remplies.

La demande sera, partant, rejetée.

6. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7307/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total

CHF

900.00