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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/1440/2023

ACPR/667/2023 du 23.08.2023 sur ONMMP/1440/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE;INFRACTIONS CONTRE L'HONNEUR;INFRACTIONS CONTRE LA LIBERTÉ
Normes : CPP.310; CP.144; CP.174; CP.180

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1440/2023 ACPR/667/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 23 août 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me Virginie JORDAN, avocate, JordanLex, rue de la Rôtisserie 4, 1204 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 11 avril 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 24 avril 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur ses plaintes.

Le recourant conclut à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il ouvre une instruction afin de procéder à différents actes d'enquête.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et B______ se sont mariés en ______ 2003. Ils sont séparés depuis le 15 septembre 2015 et leur divorce a été prononcé le 27 septembre 2021 par le Tribunal de première instance (JTPI/121183/2021).

B______ a résidé dans le logement familial jusqu'au 21 janvier 2023, date de son déménagement. Depuis leur séparation et jusqu'alors, A______ n'a eu librement accès qu'au garage/box.

b. Le 19 décembre 2022, A______ a déposé plainte contre son ex-épouse.

Il lui reprochait de s'être, entre août et le 10 décembre 2022, débarrassée, sans droit, d'un vélo et d'une paire de skis lui appartenant.

c. Entendue par la police, le 3 janvier 2023, B______ a expliqué avoir, dans l'attente de la vente de l'appartement, fait appel à une association de bonnes œuvres afin de débarrasser quelques affaires familiales inutilisées, dont notamment les objets susmentionnés.

d. Le 31 janvier 2023, A______ a déposé une nouvelle plainte contre B______ pour les chefs de vol, dommages à la propriété, calomnie, injure et menaces.

Le 21 précédent, lors de son déménagement de l'appartement, elle avait emporté des biens lui appartenant (à lui) et ne lui avait rendu que partiellement les objets qu'elle s'était engagée à lui restituer. De plus, plusieurs figurines C______ [dessin animé] récupérées étaient endommagées.

Par ailleurs, devant la police et les personnes venues l'aider à déménager, elle lui avait dit "je te détruirai" et l'avait traité de "violeur de femmes", accusation qu'elle savait fausse.

À l'appui de sa plainte, il a joint plusieurs photographies des personnages C______ endommagés et des véhicules et des personnes ayant participé au déménagement.

e. Entendue par la police, le 6 mars 2023, B______ a contesté les faits reprochés. Lors de son déménagement, elle avait emporté les affaires dont elle avait besoin et qui ne faisaient pas partie des biens personnels de son ex-mari.

Les dommages sur les figurines n'étaient pas de son fait et elle ignorait comment cela avait pu se produire. En 2011, A______ les avait entreposées à la cave, lieu où elles étaient restées jusqu'à ce qu'elle les déplace dans le garage, afin qu'il puisse venir les récupérer.

S'agissant des paroles dénoncées, elle ne se rappelait pas les avoir dites et n'avait pas menacé le prénommé. Par contre, après que ce dernier l'avait insultée en la traitant de "menteuse", de "voleuse", de "mauvaise mère" et de "malade mentale suivie par un psychiatre", elle avait dit aux policiers présents avoir déposé plainte contre lui pour viol et violences conjugales, plainte qu'elle avait, par la suite, retirée. Les personnes venues l'aider à déménager étaient des connaissances personnelles dont elle ne souhaitait pas dévoiler les identités.

f. Selon le rapport de renseignements du 24 mars 2023, des policiers étaient intervenus, le 21 janvier 2023, auprès des époux A______/B______. Ils avaient été appelés par A______ qui soupçonnait B______ d'emporter des biens qu'il considérait comme des biens propres. S'agissant d'un litige civil, les agents de police n'étaient pas entrés en matière.

Il ressort également dudit document que le véhicule utilisé lors du déménagement appartenait à la société D______ Sàrl et que les personnes présentes sur les clichés produits n'avaient pas été identifiées. En outre, dans le cadre du conflit opposant les ex-époux A______/B______, sur les 36 derniers mois, figuraient, sur le journal d'intervention de la police, 6 inscriptions pour diverses interventions de leur service ou dépôts de mains courantes des époux, dont celle du 6 mars 2023, de B______. Elle reprochait à son ex-mari de l'avoir injuriée et d'avoir été bruyant et irrévérencieux envers les voisins ainsi que les personnes venues l'aider à déménager.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public retient, s'agissant des faits pouvant être constitutifs de vol, qu'il n'était pas établi que les objets concernés étaient des biens personnels appartenant à A______ avant le mariage. Par ailleurs, il n'existait pas d'indice suffisant pour retenir la culpabilité de B______ s'agissant de l'appropriation de ces objets. Pour le surplus, le litige apparaissait essentiellement de nature civile.

En ce qui concernait l'infraction de dommages à la propriété, il n'était aucunement établi que ce serait intentionnellement que la prénommée aurait endommagé la collection de figurines C______, étant précisé qu'elle contestait les faits.

Enfin, pour ce qui était des infractions aux art. 174, 177 et 180 CP, les déclarations des protagonistes étaient contradictoires, B______ ayant contesté les faits reprochés. De plus, le fait d'avoir indiqué avoir déposé plainte contre A______, puis l'avoir retirée, n'était pas constitutif d'atteinte à l'honneur de ce dernier.

D. a. Dans son recours, A______ précise que ses personnages C______ étaient fabriqués en matière résistante et qu'il fallait "s'acharner" pour y faire les dégâts constatés, de sorte qu'il était fortement improbable que ces derniers aient été causés par le simple déplacement dans le cadre d'un déménagement. De plus, la situation avec B______ était très conflictuelle et elle avait, à plusieurs reprises et par tous les moyens, tenté de nuire à ses intérêts, notamment par le biais du dépôt d'une plainte à son encontre. Ladite plainte avait été classée (P/1______/2015). Il était ainsi hautement probable que la prénommée avait souhaité porter atteinte à sa collection, à laquelle il était très attaché.

Par ailleurs, B______ avait menacé de le "détruire" et l'avait traité de "violeur de femmes" devant les policiers présents ainsi que les amis de celle-là, venus l'aider à déménager et détenteurs des véhicules figurant sur les photographies produites. L'autorité précédente, en se fondant uniquement sur les déclarations de la prénommée, n'avait pas statué en toute connaissance de cause sur les infractions de calomnie et menaces.

Il sollicite la tenue d'une audience de confrontation entre les parties, l'audition des personnes présentes lors du déménagement et l'apport de la procédure P/1______/2015.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut, sous suite de frais, au rejet du recours et confirme son ordonnance querellée.

L'apport de la procédure P/1______/2015, qui concernait d'autres faits, n'était pas de nature à modifier sa décision quant aux dommages à la propriété.

Par ailleurs, au vu du rapport de police, les actes d'instruction sollicités n'apparaissaient pas réalisables, s'agissant des témoins, ni susceptibles d'apporter d'élément complémentaire probant, s'agissant des policiers. Quant à la confrontation, il y avait tout lieu de penser que les parties maintiendraient leur version.

c. Dans sa réplique, A______ relève que B______ n'avait pas réfuté l'avoir accusé de "violeur de femmes", bien qu'elle le savait innocent.

De plus, en ce qui concernait les amis venus l'aider à déménager, B______ connaissait assurément leurs noms et adresses et leurs plaques d'immatriculation étaient connues du Ministère public. Ainsi, leur audition ne semblait dès lors nullement "pas réalisable".

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant fait grief au Ministère public de ne pas être entré en matière concernant les faits pouvant être constitutifs, d'une part, de dommages à la propriété, et d'autre part, de calomnie et menaces. Pour le surplus, il ne remet pas en cause la décision incriminée.

2.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2). Face à des versions contradictoires des parties, il peut être exceptionnellement renoncé à une mise en accusation lorsqu'il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre version comme étant plus ou moins plausible et qu'aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (arrêts du Tribunal fédéral 6B_174/2019 du 21 février 2019 consid. 2.2 et les références citées).

2.3. Se rend coupable de dommages à la propriété selon l'art. 144 CP quiconque, sans droit, endommage, détruit ou met hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappée d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui.

Cette disposition institue une infraction intentionnelle, l'auteur doit avoir la conscience et la volonté, au moins sous la forme du dol éventuel, de s'en prendre à la chose d'autrui (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 16 ad art. 144 CP), les dommages causés par négligence n'étant pas punissables.

2.4. En l'espèce, il existe un important conflit entre les parties, qui persiste depuis de nombreuses années. Leurs déclarations doivent ainsi être appréciées avec retenue, en l'absence d'élément de preuve objectif permettant de confirmer l'une d'entre elles.

La mise en cause nie être à l'origine des dégradations constatées sur une partie des figurines C______ et aucun acte d'instruction n'apparaît propre à corroborer l'une ou l'autre des versions, le recourant n'en proposant aucun au demeurant. Il n'est ainsi pas possible de privilégier une parole plutôt que l'autre. Par ailleurs, il ressort de la procédure que lesdits personnages ont été déplacés, à plusieurs reprises, et entreposés, durant plusieurs années, à la cave, puis dans le garage/box, de sorte qu'il ne peut être exclu qu'ils ont pu être endommagés à ces occasions. En outre, vu la nature des dommages, consistant principalement en de petites marques, des fissures et l'absence des lunettes E______ [personnage de dessin animé], leur origine, y compris un éventuel "acharnement", n'apparait pas évidente. Il n'est donc pas possible d'établir que la mise en cause serait à l'origine des dégâts et de surcroît qu'elle les aurait commis intentionnellement.

En ce qui concerne l'atteinte à l'honneur alléguée, la mise en cause réfute avoir prononcé les paroles litigieuses. Elle reconnaît, tout au plus, qu'après avoir été insultée et traitée de "menteuse", "voleuse", "mauvaise mère" et de "malade mentale suivie par un psychiatre" par le recourant, elle avait dit aux policiers présents avoir, par le passé, déposé plainte contre celui-là pour viol et violences conjugales, plainte qu'elle avait, ensuite, retirée.

Au regard des déclarations contradictoires des parties, il n'est, là encore, pas possible de privilégier une version plutôt qu'une autre et aucun acte d'enquête n'apparaît utile, y compris ceux proposés. En effet, selon le rapport de police, les personnes venues aider la mise en cause à déménager n'ont pas été identifiées. D'ailleurs, même si une telle information était obtenue, il existe de fortes chances que plus de 6 mois après les faits, elles soient dans l'incapacité d'affirmer ou infirmer, de manière suffisamment crédible, si des insultes ont été prononcées le jour en question, lesquelles, et par qui. Il apparaît d'ailleurs probable que, s'agissant d'amies, voire de connaissances, de la mise en cause, elles seraient d'autant moins enclines à privilégier la version du recourant. Pour ce qui est des policiers présents, il n'est aucunement fait mention dans leur rapport ni dans le journal d'intervention de paroles insultantes ou menaces entre les époux, en leur présence, le jour en question. Quant à la confrontation entre les parties, au vu du vif conflit perdurant entre elles, rien ne laisse supposer qu'elles modifieraient leur version. Enfin, l'apport de la procédure P/1______/2015 apparait inutile dès lors qu'elle concerne d'autres faits que ceux objets de la présente procédure. Il s'ensuit que les mesures d'instruction envisagées n'apparaissent pas probantes et seraient au demeurant disproportionnées par rapport aux faits dénoncés.

Enfin, s'agissant de l'infraction de menaces, même à considérer que la mise en cause aurait dit au recourant "je te détruirai", faut-il encore que ces propos aient alarmé ou effrayé (art. 180 al. 1 CP) ce dernier, ce qu'il n'établit ni même n'allègue nullement.

Partant, la décision incriminée ne prête pas le flanc à la critique.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/1440/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

Total

CHF

1'200.00