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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/67/2023

ACPR/634/2023 du 11.08.2023 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : DANGER(EN GÉNÉRAL);RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : CP.84.al6; CP.75; CP.75a

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/67/2023 ACPR/634/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 11 août 2023

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

recourant,

 

contre la décision d'octroi d'une conduite rendue le 1er juin 2023 par le Service de l'application des peines et mesures,

 

et

A______, actuellement détenu à l’établissement pénitentiaire de B______, ______, agissant en personne,

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, route des Acacias 82, 1227 Carouge - case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimés.


 

EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 8 juin 2023, le Ministère public recourt contre la décision du 1er juin 2023, notifiée le 5 suivant, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après; SAPEM) a accordé une conduite à A______.

Le recourant conclut, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif à son recours, et, principalement, à l'annulation de cette décision et au renvoi de la cause au SAPEM pour nouvelle décision, après sollicitation du préavis de la Commission d'évaluation de la dangerosité (ci-après, CED).

b. Par ordonnance du 8 juin 2023 (OCPR/36/2023), la Direction de la procédure a accordé l'effet suspensif sollicité.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        Par arrêt du 14 juillet 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après, CPAR) a déclaré A______, né le ______ 1976, ressortissant français et tunisien, coupable d'actes préparatoires délictueux (art. 260bis al. 1 CP), d'entrée et de séjour illégaux (art. 115 al. 1 let a et b LEI) et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup. Elle l'a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.-, sous déduction de 556 jours-amende, correspondant à 556 jours de détention avant jugement, et à une amende de CHF 100.-. Elle a ordonné que A______ soit soumis à un traitement institutionnel (art. 59 CP) ainsi qu'expulsé de Suisse pour une durée de 5 ans, précisant que l'exécution de la mesure primait celle de l'expulsion.

L'acte d'accusation reprochait à l'intéressé, en particulier, d'avoir, en janvier 2019, pris des mesures concrètes d'ordre technique ou organisationnel, en vue de commettre des meurtres, voire des assassinats, au nom de l'État islamique.

b.        Selon le rapport d'expertise psychiatrique du 19 août 2019, A______ souffre d'une polytoxicomanie et d'une schizophrénie pseudo-psychopathique, également appelée héboïdophrénie, laquelle est une psychose avec des manifestations cliniques antisociales franches; il présentait par ailleurs une dépendance à de nombreuses substances qu'il substituait l'une à l'autre selon ses possibilités de consommation; il était le plus dépendant à la cocaïne.

La responsabilité de A______, s'agissant de la préparation d'actes délictueux, était fortement restreinte. Il présentait un risque élevé de commettre à nouveau des infractions, tant violentes que non violentes. Une prise en charge institutionnelle en milieu fermé, tel qu'à l'Établissement fermé de B______, était préconisée.

c.         Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse au 15 mai 2023, A______ n'a pas d'autres antécédents et ne fait l'objet d'aucune enquête pénale en cours. Il ressort toutefois des considérants de l'arrêt susmentionné de la CPAR qu'il a été condamné à 17 reprises en France, entre octobre 1996 et juillet 2017, à des peines allant d'un mois à deux ans de prison, pour des infractions contre le patrimoine (principalement des cambriolages), à la loi sur les stupéfiants, à celle sur la circulation routière et pour des actes d'outrage à magistrat.

d.        A______ a été incarcéré à la prison de C______ du 7 janvier 2019 au 7 avril 2021, date à laquelle il a été transféré à B______, à la suite de la décision du 7 avril 2021 du SAPEM ordonnant son placement en milieu fermé au sens de l'art. 59 al. 3 CP. Le risque de récidive était qualifié d'élevé tout comme le risque de fuite, l'intéressé n'ayant aucune attache en Suisse et faisant l'objet d'une expulsion judiciaire. De plus, son impulsivité et son intolérance à la frustration pourraient l'amener à se soustraire à l'exécution de sa sanction.

e.         Par jugement du 6 septembre 2022, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a ordonné la poursuite de la mesure institutionnelle prononcée à l'encontre de A______ jusqu'au contrôle annuel suivant, rappelant son échéance fixée au 14 juillet 2025. Il a en particulier relevé que "si l'évolution du cité est globalement favorable, il y a lieu de permettre au cité, durant les prochains mois, de consolider sa stabilité psychique, de continuer ses cours FEP, d'avancer dans le travail sur les divers objectifs thérapeutiques et de démontrer qu'il est capable désormais d'interagir avec autrui sans menaces de façon pérenne, étant souligné que la vie à l'extérieur lui donnera autrement plus d'occasions de s'emporter que le cadre contenant de B______, dans lequel tout est fait pour cadrer et contenir les débordements. Il y aura lieu également de mettre à profit les prochains mois pour préparer de façon concrète son retour en France, au niveau des soins psychiatriques et au niveau socio-professionnel, afin de permettre cas échéant – c'est-à-dire si la stabilité psychique se maintient et si le comportement du cité ne fait plus craindre un haut risque de récidive violente – au Tribunal d'ordonner la libération conditionnelle de la mesure lors du prochain contrôle de celle-ci".

f.         Le 2 mars 2023, A______ a fait une demande de conduite afin de pouvoir aller se promener et profiter de prendre un repas sur le domaine de l'hôpital psychiatrique de D______.

g.        Dans son évaluation criminologique du 18 janvier 2023, le Service de probation et d'insertion (ci-après, SPI) a rappelé que, lors de la première évaluation de décembre 2021, il avait retenu que A______ présentait un risque élevé de récidive violente et un risque faible d'extrémisme violent, tout en mettant en évidence une certaine fragilité et des paramètres prédisposant pouvant le rendre plus réceptif aux discours djihadistes propagandistes. Depuis, compte tenu de son évolution favorable manifeste, le risque de récidive violente était considéré comme modéré; cette appréciation était valable dans le contexte carcéral et nécessitait d'être reconsidérée en vue de sa sortie. Le risque de fuite ne devait pas être un obstacle à la mise en place de conduites. Celles-ci avaient pour but de le familiariser avec le monde extérieur avant une libération et lui permettre d'avancer progressivement dans le cadre de sa mesure. L'intéressé aurait donc davantage à perdre s'il prenait la fuite notamment au regard des différentes démarches déjà entreprises en vue de sa sortie. Par ailleurs, l'intéressé faisait montre d'un bon comportement envers l'autorité ainsi que d'une meilleure maîtrise de soi. Enfin, il disait souhaiter bénéficier de conduites, ayant eu des échos de ses codétenus, et semblait se projeter en ce sens. Ainsi cette possibilité pourrait constituer une validation des progrès faits par l'intéressé depuis qu'il se trouve à B______.

h.        Le bilan de phase, validé par le SAPEM en mars 2023, prévoit un régime de conduites dès que possible, pour permettre à l'intéressé de reprendre progressivement contact avec le monde extérieur et aux intervenants d'y observer ses relations interpersonnelles, avant une libération conditionnelle.

Les objectifs généraux de ce bilan (préserver les liens avec les proches; approfondir la réflexion sur la maladie ainsi que sur les bénéfices et la nécessité de la médication; abstinence à l'alcool et aux stupéfiants; renouvellement de sa pièce d'identité française) étaient atteints à l'exception de celui portant sur la compréhension des mécanismes d'endoctrinement et de l'identification des moyens de s'en prémunir qui ne l'était que partiellement.

La condition à respecter en vue de la progression consistant à "éviter les comportements transgressifs" n'était pas remplie; A______ ayant fait l'objet de six sanctions disciplinaires dont les dernières remontaient aux 28 juin, 25 et 27 décembre 2022 (la dernière consistant dans le fait d'avoir fomenté de se venger, après une sanction survenue deux jours auparavant, au moyen de trois lames de rasoirs, puis de s'être ravisé).

A______ a affirmé n'avoir touché à aucun produit toxique prohibé et les différents contrôles toxicologiques effectués s'étaient tous révélés négatifs, excepté celui effectué lors de son arrivée à B______.

i.          L'attestation médicale du Service des mesures institutionnelles (ci-après, SMI) du 27 avril 2023 relève que A______ se montrait collaborant et respectueux du cadre thérapeutique proposé; son état clinique était stable.

j.          Le 9 mai 2023, [l'établissement] B______ a préavisé favorablement la conduite sollicitée. Si le comportement de A______ avait donné lieu au prononcé de cinq sanctions disciplinaires et d'un avertissement écrit à son arrivée dans l'établissement, le contrôle toxicologique étant positif aux opiacés, son comportement au sein de l'unité était décrit comme généralement adéquat; les contacts avec les agents et les soignants étaient polis et adaptés; l'intéressé était en lien avec ses pairs; son comportement dans les ateliers était adéquat; il était respectueux du cadre et des consignes.

k.        Le 9 mai 2023, le SPI a préavisé positivement la demande de conduite de A______. Ce dernier faisait toujours preuve d'un comportement correct; il était attentif et calme lors des entretiens. Le concerné avait exprimé être légèrement stressé par rapport à cette première conduite, notamment en lien avec le grand nombre de personnes qu'il pourrait croiser à l'extérieur. L'octroi de la conduite permettrait de valoriser son comportement et de le confronter au monde extérieur après plusieurs années passées en détention.

C. Dans sa décision querellée, le SAPEM octroie une conduite de quatre heures à A______, selon le programme fourni, subordonnée aux conditions suivantes: être accompagné par deux agents de détention, en sus d'un membre du personnel médical; être abstinent à l'alcool et aux stupéfiants; se soumettre aux contrôles toxicologiques avant et après la conduite ainsi qu'à une évaluation médicale avant la conduite. Il fait interdiction à A______ de quitter le territoire suisse. Il retient que les conditions du bilan de phase étaient remplies. Si son comportement avait donné lieu au prononcé de cinq sanctions disciplinaires et d'un avertissement écrit, depuis lors les contrôles toxicologiques s'étaient révélés négatifs et l'intéressé adoptait un comportement adéquat au sein de l'unité et ce depuis cinq mois. B______ considérait que le comportement du condamné était en adéquation avec l'organisation d'une conduite lequel respectait le cadre thérapeutique et dont l'état clinique était stable. A______ avait entamé les démarches administratives afin de retourner vivre en France.

Le risque de récidive apparaissait contenu et compatible avec l'octroi de la conduite sollicitée, laquelle serait encadrée par du personnel pénitentiaire. L'évaluation criminologique de janvier 2023 retenait que le risque de récidive violente était actuellement modéré.

La CED n'avait pas été saisie, parce qu'il n'avait pas de doute quant à l'absence de dangerosité de l'intéressé dans le cadre de l'allègement envisagé.

Enfin, le risque de fuite était également contenu et compatible avec l'octroi de la conduite au vu de ladite évaluation, et de ce qu'aucune velléité de fugue n'avait été rapportée jusqu'à présent.

D. a. À l'appui de son recours, le Ministère public considère que l'allègement était prématuré, eu égard à l'absence de préavis de la CED en application de l'art. 75a CP. Il considère que l'intéressé présentait un risque de fuite ce que le SAPEM avait retenu dans sa décision du 7 avril 2021.

Le SAPEM ne pouvait pas trancher de manière catégorique la question du caractère dangereux du condamné pour la collectivité et aurait dû éprouver des doutes quant à l'absence de dangerosité de l'intéressé. L'absence de nouvelle sanction, en cinq mois, après la sanction du 27 décembre 2022 – dont il rappelle le faits – n'était pas un critère décisif, vu les cinq précédentes. Par ailleurs, le risque d'extrémisme violent n'avait pas été évalué alors que l'un des objectifs fixés par le bilan était de "comprendre les mécanismes d'endoctrinement et identifier les moyens de s'en prémunir" lequel n'avait été que partiellement atteint.

b. Dans ses observations, le SAPEM persiste dans les termes de sa décision. Il précise que l'allégement consistait dans l'octroi d'une unique conduite de quatre heures, accompagnée par deux agents de détention en sus d'un membre du personnel médical, ainsi que du responsable de l'exécution des mesures, selon ses disponibilités, conformément au protocole de la Commission concordataire latine concernant l'accompagnement des détenus potentiellement dangereux lors de sorties du 20 février 2014, lequel prévoit notamment qu'une analyse objective et concrète du risque de fuite ou de commission d'une nouvelle infraction doit intervenir en consultant notamment les personnes déterminantes qui côtoient le condamné.

L'extrémisme violent n'apparaissait pas comme étant au cœur de la problématique de l'intéressé. En effet, A______ affichait un long passé carcéral et s'était montré violent en dehors de toute idéologie radicale. Il n'y avait pas un engagement clair ou une affiliation à un quelconque groupe terroriste. En ce sens, l'intéressé pouvait être vu comme un électron libre, sur lequel les discours djihadistes propagandistes avaient eu un effet à un moment de vulnérabilité, où il était particulièrement réceptif à ces propos. La perception que l'intéressé avait de sa religion avait depuis bien évolué et semblait se baser sur une conception beaucoup plus saine. Qualifié de faible et n'étant pas identifié comme un facteur de passage à l'acte, le risque d'extrémisme violent ne nécessitait pas de faire l'objet d'une réévaluation, ce d'autant qu'aucune information soulevant une recrudescence de cette problématique n'avait été relevée par les intervenants depuis lors.

La compréhension des mécanismes d'endoctrinement et l'identification des moyens de s'en prémunir figurait comme objectif dans le bilan de phase mais non comme condition à l'octroi d'un allégement, objectif en tout état de cause partiellement atteint.

Par ailleurs, deux axes de travail apparaissaient comme prioritaires pour la prévention de la récidive, à savoir le trouble psychiatrique ainsi que la polytoxicomanie de l'intéressé, qui étaient décrits comme deux éléments intrinsèquement liés et jouant un rôle clé dans ses passages à l'acte violents. Or, vu son évolution positive, A______ présente un niveau de risque modéré de réitération de comportements violents dans le cadre d'une ouverture de régime, telle que l'octroi de conduites.

S'agissant du risque de fuite, si le concerné avait certes accepté la décision d'expulsion de Suisse et construit un projet pour sa sortie de détention, on ne pouvait y voir, contrairement au Ministère public, un indice de risque de fuite, au contraire. En tout état, on ne saurait à la fois exiger sa collaboration à son renvoi et la lui reprocher pour retenir un risque de fuite. Il convenait au contraire de revoir à la baisse le risque de fuite lorsque le condamné faisait montre d'une acceptation de son renvoi, a fortiori lorsque celui-ci s'engageait dans l'élaboration de projets d'avenir tenant compte de sa situation administrative.

Enfin, à teneur de son jugement du 6 septembre 2022, le TAPEM avait considéré que si l'évolution de l'intéressé était globalement favorable, il y avait lieu de lui permettre, durant les mois suivants, notamment de démontrer qu'il était désormais capable d'interagir de façon pérenne avec autrui sans menace et de préparer de façon concrète son retour en France pour pouvoir ordonner sa libération conditionnelle de la mesure lors du prochain contrôle annuel.

c. A______ n'a pas formulé d'observations.

d. Le Ministère public n'a pas répliqué.

 

EN DROIT :

1.             1.1. En vertu de l'art. 42 al. 1 let. a LaCP, la Chambre de céans connaît des recours dirigés contre les décisions rendues par le Département de la sécurité, ses offices et ses services conformément à l'article 40 LaCP (art. 439 al. 1 CPP), les articles 379 à 397 CPP s'appliquant par analogie.

1.2. Le recours est donc en l'espèce recevable pour être dirigé contre une décision rendue par le SAPEM, dans une matière pour laquelle il est compétent (art. 40 al. 1 et 5 al. 1 let. d LaCP; art. 11 al. 1 let. e du Règlement sur l'exécution des peines et mesures - REPM), avoir été déposé dans le délai de dix jours à compter de la date de la décision attaquée (art. 396 CPP) et émaner du Ministère public qui est légitimé (art. 381 al. 1 CPP) à contester l’octroi d’allègements en matière d’exécution des sanctions (ACPR/571/2018 du 4 octobre 2018 consid. 1.3).

2.             Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir accordé une conduite à A______.

2.1. Conformément à l'art. 84 al. 6 CP, des congés d'une longueur appropriée sont accordés au détenu pour lui permettre d'entretenir des relations avec le monde extérieur, de préparer sa libération ou pour des motifs particuliers, pour autant que son comportement pendant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et qu'il n'y ait pas lieu de craindre qu'il ne s'enfuie ou ne commette d'autres infractions.

L'octroi de tels congés constitue un allégement dans l'exécution de la peine, soit un adoucissement du régime de privation de liberté (art. 75a al. 2 CP).

Les conditions posées par l'art. 84 al. 6 CP s'interprètent à la lumière de celles posées à l'octroi de la libération conditionnelle. Il convient donc non seulement d'évaluer le risque de fuite présenté par le condamné, mais également d'émettre un pronostic sur son comportement pendant la brève durée du congé; à cet égard, il n'est pas nécessaire qu'un pronostic favorable puisse être posé : un pronostic non défavorable est suffisant pour accorder le congé requis (ATF 133 IV 201 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1074/2009 du 28 janvier 2010). Ce pronostic doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, et, surtout, le degré de son éventuel amendement ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra, ou, s'agissant d'un congé, des conditions dans lesquelles celui-ci se déroulera
(ATF 133 IV 201 consid. 2.3).

2.2. Les allègements font partie intégrante des PES individuels (art. 75 al. 3 et art. 90 al. 2 CP) et servent a priori à atteindre l'objectif légal de l'exécution des peines, à savoir la future aptitude à vivre sans commettre d’infractions (art. 75 al. 1 CP). Le congé est un des moyens dont dispose l'autorité compétente pour permettre à la personne détenue d'entretenir des relations avec le monde extérieur et de préparer sa libération (art. 3 let. a 1ère phrase du Règlement concernant l'octroi d'autorisations de sortie aux personnes condamnées adultes et jeunes adultes – RASPCA - E 4 55.15). Les autorisations de sortie servent notamment à entretenir des relations avec le monde extérieur et structurer l’exécution (art. 4 al. 1 let. a RASPCA).

Pour obtenir une autorisation de sortie, respectivement un congé ou une permission, la personne détenue doit justifier, notamment, qu'elle a pris une part active aux objectifs de resocialisation prévus dans le PES, que cette demande est inscrite dans ledit plan (art. 10 al. 1 let. d RASPCA) et que son attitude au cours de la détention la rend digne de la confiance accrue qu'elle sollicite (let. e).

Le principe du congé doit être prévu dans le PES pour autant qu'il puisse être utilement établi (art. 3 let. a 2ème phr. RASPCA).

2.3. À teneur de l'art. 75a CP, par renvoi de l'art. 90 al. 4 CP, une commission d'experts apprécie le caractère dangereux du détenu avant le placement dans un établissement ouvert ou l'octroi d'allègements dans l'exécution de la sanction (congés, travail ou logement externe). Il est toutefois possible de renoncer à l'examen par cette commission lorsque l'autorité d'exécution peut d'ores et déjà trancher en toute clarté la question de la dangerosité de la personne (art. 75a al. 1 let. b CP).

2.4. En l'occurrence, la décision en cause concerne l'octroi d'une seule conduite à D______ de quatre heures, accompagnée par deux agents de détention, en sus d'un membre du personnel médical. De surcroît, la mise en œuvre de la conduite est subordonnée au respect de conditions complémentaires qui doivent être impérativement remplies pour que cette conduite ait lieu.

Dans ces circonstances, bien que le SPI ait – dans son évaluation criminologique du 1er juillet 2021 – qualifié de modéré le risque de récidive, il est difficile de saisir comment le recourant peut estimer que les risques de fuite et de nouveau passage à l'acte ne seraient pas compatibles avec la conduite. Les modalités d'exécution paraissent, en effet, adéquates et suffisantes pour contenir lesdits risques.

Qui plus est, l'ensemble des éléments au dossier plaident en faveur d'un pronostic non défavorable du détenu pour l'allègement envisagé. En effet, tant [l'ètablissement] B______ que le SPI appuient l'octroi d'une conduite. Tous les professionnels de la santé s'occupant de l'intimé s'accordent à dire que son état est stabilisé et qu'il est compliant à son programme de soins. De plus, le dernier test positif aux toxiques remonte à son arrivée à B______ et depuis cet écart, tous les autres se sont avérés négatifs. Sa dernière sanction remonte, quant à elle, à plus de sept mois (décembre 2022).

Si certes, le risque de récidive d'extrémisme violent n'a pas été analysé, force est d'admettre qu'il a été estimé comme étant modéré et qu'il n'est pas prioritaire dans le cadre de l'allègement sollicité.

Aucun pronostic défavorable ne peut, de surcroît, être formulé quant au risque de fuite, l'intéressé n'ayant jamais fugué, ni n'a exprimé de telles velléités. Certes, il a accepté la décision de renvoi de Suisse mais on ne peut y voir, contrairement au Ministère public, un indice de risque de fuite. Les intervenants professionnels ont, au demeurant, évalué ce risque comme faible, le SPI ayant plus particulièrement relevé qu'une fugue irait à l'encontre des objectifs de vie de l'intéressé. En tout état, on ne saurait à la fois exiger de ce dernier sa collaboration à son renvoi et la lui reprocher pour retenir un risque de fuite.

Enfin, pour que le TAPEM puisse analyser l'opportunité d'une libération conditionnelle de la mesure, il convient que l'intéressé puisse être mis au préalable dans une situation permettant d'évaluer les risques.

Finalement, dans la mesure où le SAPEM n'avait pas de doute quant à la dangerosité du détenu en lien avec l'allègement envisagé, il pouvait rendre une décision d'octroi sans consulter la CED, et ce dans l'exercice de son large pouvoir d'appréciation.

Fort des considérations qui précèdent, la Chambre de céans estime – à l'instar du SAPEM – que les conditions d'octroi de la conduite en cause sont remplies, un refus paraissant disproportionné. Le recours du Ministère public sera par conséquent rejeté.

3. Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

4. Les frais de l'instance de recours seront laissés à la charge de l'État.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Confirme la décision d'octroi de conduite rendue le 1er juin 2023 par le SAPEM.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au Ministère public, à A______ et au SAPEM.

Le communique pour information à [l'établissement] B______.

 

 

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente ; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges ; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).