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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5164/2023

ACPR/577/2023 du 26.07.2023 sur ONMMP/910/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;PLAINTE PÉNALE;RENONCIATION(SENS GÉNÉRAL)
Normes : CPP.310; CP.123; CP.30; CP.31

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5164/2023 ACPR/577/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 26 juillet 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, agissant en personne,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 9 mars 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 16 mars 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 9 mars 2023, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte.

La recourante conclut à la "reconsidér[ation]" de l'ordonnance querellée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Entendue par la police, le 12 août 2022, A______ a déposé plainte à l'encontre de sa voisine, B______. En 2019, cette dernière l'avait traitée de "salope". L'année suivante, elle l'avait également "agressée" avec une béquille - sans qu'elle ne la blesse - ainsi que menacée de la "buter", faits pour lesquels elle avait déposé, le lendemain, une main courante au poste de police.

Lors de son audition, elle a déclaré que "pour ces faits, je dépose plainte pénale". Elle a répondu par la négative aux questions de savoir si elle souhaitait demander la poursuite et condamnation de l'auteur – participation à la procédure comme partie plaignante au pénal –, et à ce qu'il soit condamné à lui payer une somme d'argent en réparation du dommage qu'elle a subi – participation à la procédure comme partie plaignante au civil. Elle n'a par ailleurs pas souhaité être convoquée par le procureur puis le juge afin de participer activement à la procédure pénale. Elle a pris note que si elle retirait sa plainte, cela serait définitif et qu'elle ne pourrait plus déposer plainte pour les mêmes faits.

En fin d'audition, elle a ajouté : "Je souhaite faire bouger les choses. Si je viens chez vous, c'est pour obtenir une aide et que Mme B______ puisse être aidée et peut-être orientée dans un établissement qui lui convienne où elle pourra être encadrée comme il faut.".

b. Le 16 janvier 2023, A______ a communiqué à la police que B______, prise en charge par une curatrice, avait déménagé dans un immeuble avec encadrement.

c. Souhaitant auditionner B______, la police a été informée, le 17 janvier 2023, après échange avec sa curatrice et son psychiatre, qu'elle était internée à C______ [établissement psychiatrique] depuis le 4 janvier précédent.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public relève qu'au vu de son hospitalisation, B______ ne pouvait pas être entendue. Dès lors que les faits dénoncés requéraient une plainte et que A______ y avait renoncé, les éléments constitutifs d'une infraction n'étaient manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

D. a. Dans son recours, A______ invoque une constatation erronée des faits puisqu'elle n'avait pas renoncé à déposer plainte contre B______ ni ne s'était jamais rendue dans un poste de police afin de la retirer.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Il avait retenu que A______ n'avait pas voulu déposer plainte, mais signaler une situation difficile à vivre pour elle-même ainsi que pour B______. En effet, elle avait répondu par la négative à la question de savoir si elle souhaitait demander la poursuite et la condamnation de sa voisine, notamment à une somme d'argent en réparation de son dommage. De plus, A______ s'était rendue au poste de police afin de "demander de l'aide" et pour que B______ puisse être "aidée" et éventuellement orientée dans un établissement approprié.

Certes, il aurait pu considérer que A______ avait déposé plainte et lui indiquer que cette dernière était tardive.

Il aurait aussi pu s'interroger sur le caractère "dangereux" d'une béquille au sens de l'art. "126 al. 2" CP, et serait arrivé à la conclusion, dans l'affirmative, qu'il s'imposait de ne pas procéder, en l'application de l'art. 310 al. 1 let. c CPP cum 52 CP, au vu de la gravité relative des faits et des sérieux doutes sur le résultat de la démarche.

c. La recourante n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et - faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP - dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante - comme il sera vu ci-après - qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante reproche au Ministère public une constatation erronée des faits.

Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 198; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

3.             3.1. Selon l’art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs d’une infraction ne sont manifestement pas réunis.

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'un acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1, 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées).

3.2. Une ordonnance de non-entrée en matière doit également être rendue lorsqu'il existe des empêchements de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), par exemple lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP n'a pas été respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).

3.3. Si une infraction n'est punie que sur plainte, toute personne lésée peut porter plainte contre l'auteur (art. 30 al. 1 CP). Une plainte est valable au sens de l'art. 30 CP si l'ayant droit, avant l'échéance d'un délai de trois mois depuis que l'auteur de l'infraction lui est connu (art. 31 CP), manifeste, dans les formes et auprès des autorités compétentes selon l'art. 304 CPP, sa volonté inconditionnelle que l'auteur de l'infraction soit poursuivi et que la procédure pénale se poursuive sans autre déclaration de sa volonté (cf. ATF 131 IV 97 consid. 3.1; 115 IV 1 consid. 2a; 106 IV 244 consid. 1).

3.4. La renonciation à porter plainte doit intervenir, soit par écrit, soit oralement; dans ce dernier cas, elle est consignée au procès-verbal (art. 304 al. 1 CPP). Dite renonciation est définitive (art. 30 al. 5 CP). La déclaration de l'ayant droit doit être expresse, à savoir claire et sans réserve (arrêt du Tribunal fédéral 1B_694/2021 du 8 août 2022 consid. 3.1).

Le fait de renoncer à porter plainte emporte renonciation au statut de partie plaignante (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 120, position exprimée en lien avec le retrait de la plainte, transposable, mutatis mutandis, à la renonciation à déposer plainte).

La renonciation à un tel statut – qui est aussi définitive – doit être exprimée sans équivoque (art. 120 al. 1 CPP). L'autorité doit s'assurer que l'intéressé entend bel et bien renoncer à ses droits procéduraux, quitte à utiliser des formulaires préimprimés donnant toutes explications utiles sur les modalités et les conséquences de la renonciation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_694/2021 précité).

3.5. L'art. 123 ch. 1 al. 1 CP, relatif aux lésions corporelles simples, punit, sur plainte, celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé qui ne peut être qualifiée de grave au sens de l'art. 122 CP.

Selon l'art. 123 ch. 2 CP, la poursuite aura lieu d'office si le délinquant a fait usage du poison, d'une arme ou d'un objet dangereux.

3.6. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26 ; ATF 117 IV 14 consid. 2a p. 15 ss).

Les voies de fait ne sont en principe punissables que sur plainte (cf. art. 126 al. 1 CP). Elles se poursuivent toutefois d'office dans les cas énumérés à l'art. 126 al. 2 CP, qui, pour chacune des hypothèses prévues, implique que l'auteur ait agi à réitérées reprises. Tel est le cas lorsque les voies de fait sont commises plusieurs fois sur la même victime – notamment un enfant (let. a) ou le conjoint (let. b) – et dénotent une certaine habitude (ATF 134 IV 189 consid. 1.2. p. 191; 129 IV 216 consid. 3.1 p. 222).

3.7. Se rend coupable de menaces celui qui, par une menace grave, alarme ou effraie une personne. L'infraction est poursuivie sur plainte (art. 180 CP).

3.8. Se rend coupable d'injure celui qui aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur. L'infraction est poursuivie sur plainte (art. 177 al. 1 CP).

3.9. En l'espèce, les faits commis, à l'aide d'une béquille, sont à considérer tout au plus comme des voies de fait, puisque la recourante n'a pas été blessée. Il s'ensuit que tous les comportements dénoncés par la recourante - l'injure et la menace - se poursuivent uniquement sur plainte.

Lors de son audition par la police, le 12 août 2022, la recourante a expressément déclaré vouloir déposer plainte.

Le fait de ne pas souhaiter participer à la procédure comme partie plaignante au pénal et au civil, ne constitue pas une déclaration expresse de renonciation à déposer plainte. Au surplus, il ne pouvait être déduit que la recourante renonçait à porter plainte au motif qu'elle venait demander de l'"aide" à la police. Partant, contrairement à ce qu'a retenu l'autorité précédente, la recourante a bel et bien déposé plainte.

Cela étant, la plainte a été déposée le 12 août 2022 pour des faits commis en 2019 et 2020, de sorte que, formée plus de trois mois après les événements, elle est tardive.

4.             Compte tenu de ce qui précède, la non-entrée en matière sera confirmée, par substitution de motifs.

5.             Bien que la recourante n'obtient pas gain de cause, les frais de la procédure de recours seront laissés à la charge de l'État, le recours ayant été motivé par la motivation erronée de l'ordonnance querellée.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).