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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10331/2022

ACPR/435/2023 du 09.06.2023 sur OPMP/3803/2023 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : CHOSE JUGÉE
Normes : CPP.437; CPP.11

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10331/2022 ACPR/435/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 9 juin 2023

 

Entre

A______, domiciliée c/o B______, ______, comparant par Me E______, avocat,

recourante,

contre l'ordonnance pénale et de non-entrée en matière partielle rendue le 3 mai 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


Vu :

-          la plainte pénale du 29 décembre 2021 de A______ contre C______ et son épouse D______;

-          les ordonnances pénales et de non-entrée en matière partielle rendues le 7 décembre 2022 par le Ministère public;

-          le recours interjeté par A______ contre ces décisions;

-          l'arrêt de la Chambre de céans du 21 mars 2023 (ACPR/203/2023);

-          le recours porté par A______ au Tribunal fédéral contre celui-ci;

-          l'ordonnance pénale et de non-entrée en matière partielle rendue par le Ministère public le 3 mai 2023 à l'endroit de C______ et communiquée par pli simple à A______, qui dit l'avoir reçue le 9 suivant;

-          le recours expédié le 19 mai 2023 par cette dernière.

Attendu que :

-          dans sa plainte du 29 décembre 2021, la recourante reprochait notamment à C______ de lui avoir, la veille, dit "fuck you", lui avoir dit qu'il allait la jeter par la fenêtre et l'avoir poussée dans le dos hors de l'appartement;

-          dans son ordonnance du 7 décembre 2022 visant le précité, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur ces faits, qualifiés d'injure (art. 177 CP), de menaces (art. 180 CP) et de voies de fait (art. 126 CP) (art. 310 al. 1 let. a et c CPP, 8 CPP, 52 CP);

-          dans son arrêt du 21 mars 2023, la Chambre de céans a, s'agissant desdits faits, constaté ceci : "les parties s'accordent sur le fait qu'une dispute est survenue le soir des faits mais divergent sur le déroulement de celle-ci, sans qu'aucun élément de preuve objectif ne permette de privilégier une version plutôt qu'une autre. En particulier, les mis en cause sont restés constants dans leurs dénégations des faits reprochés – pour D______: avoir poussé à plusieurs reprises la recourante dans le dos et au niveau des épaules afin notamment de la faire sortir de l'appartement; et pour C______: avoir dit à la recourante "fuck you", qu'il allait la jeter par la fenêtre et poussée dans le dos afin de la faire sortir de l'appartement –.Tout au plus, la mise en cause a reconnu avoir donné "une tape" dans le dos de la recourante pour la calmer. Cette dernière conteste avoir été "folle furieuse". Les messages qu'elle a envoyés à la mise en cause tendent cependant à corroborer les déclarations de cette dernière et de son époux quant à son état d'agitation. En revanche, aucun élément ne permet de confirmer le déroulement des faits tel que décrit par la recourante. Si le certificat médical et les photographies produits permettent certes d'attester d'une contracture para vertébrale droite et d'un stress post-traumatique, il ne renseigne pas sur leur origine et ne fait état ni d'hématomes ni d'ecchymoses. Dans ce contexte et en l'absence d'autre élément de preuve objectif, on ne voit pas quel acte d'enquête supplémentaire serait pertinent ( ). Partant, faute d'éléments probants au dossier, il n'existe pas de prévention suffisante à l'égard des mis en cause des chefs de lésions corporelles simples, même sous la forme de la tentative, ni, au vu des faits ci-dessus, d'injure ou de menaces de sorte que la décision de non-entrée en matière est à cet égard justifiée". Elle a cependant admis partiellement le recours de A______ contre l'ordonnance de non-entrée en matière concernant C______, ce dernier ayant admis avoir dit à la précitée "qu'en passant juste un coup de fil, elle pouvait être renvoyée au[x] Philippines". La cause a donc été retournée au Ministère public afin qu'il statue sur cet élément de la plainte;

-          dans son ordonnance querellée du 3 mai 2023 visant C______, le Ministère public renonce à entrer en matière "s'agissant du fait d'avoir dit à A______ "fuck you", de l'avoir dit qu'il allait la jeter par la fenêtre et de l'avoir poussée (art. 310 al. 1 let. a et c CPP)" (ch. 1 du dispositif), pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans sa précédente ordonnance (art. 310 al. 1 let. a et c CPP, 8 CPP, 52 CP). Il a sinon déclaré notamment C______ coupable de menaces (art. 180 al. 1 CP) pour avoir dit à A______ "qu'en passant juste un coup de fil, elle pouvait être renvoyée au[x] Philippines";

-          dans son recours, A______ conclut, préalablement, à l'assistance judiciaire pour le recours et, principalement, à l'annulation du point 1 du dispositif de l'ordonnance entreprise, à la suspension de la procédure portant sur les faits en question dans l'attente de l'issue de la procédure devant le Tribunal fédéral ainsi qu'à l'exemption des frais de la procédure de recours et à des dépens chiffrés à CHF 1'094.02 pour le recours, selon état de frais annexé;

-          elle expose avoir contesté par-devant le Tribunal fédéral le refus du Ministère public, confirmé par l'arrêt de la Chambre de céans du 21 mars 2023, d'entrer en matière sur les faits suivants reprochés à C______ : lui avoir dit "fuck you", lui avoir dit qu'il allait la jeter par la fenêtre et l'avoir poussée dans le dos hors de l'appartement. Or, le Ministère public, sans attendre l'issue de la procédure pendante devant le Tribunal fédéral, a rendu une nouvelle ordonnance de non-entrée en matière sur les mêmes faits et infractions – similaire à sa précédente ordonnance –, ce qui violait le principe de l'autorité de la chose jugée. Elle sollicitait également la suspension de la procédure portant sur les faits susvisés dans l'attente de l'issue de la procédure devant le Tribunal fédéral.

Considérant en droit que :

-          le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et –les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP);

-          l’interdiction de la double poursuite (art. 11 CPP, principe ne bis in idem; arrêt du Tribunal fédéral 6B_303/2019 du 9 avril 2019 consid. 2.1.1) suppose la présence de deux procédures: une première, par laquelle l’intéressé a été condamné ou acquitté par un jugement définitif, doté à ce titre de l’autorité de la chose jugée et non passible de remise en cause selon les voies de recours ordinaires, et une seconde, ultérieure, au cours de laquelle il aura été à nouveau poursuivi ou puni (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 6 ad art. 11). Tel est le cas lorsque l’ancienne et la nouvelle procédure sont dirigées contre la même personne et concernent des faits identiques ou des éléments qui sont en substance les mêmes. La qualification juridique desdits faits n’est, en revanche, pas déterminante (ATF 144 IV 362 consid. 1.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_303/2019 précité);

-          un jugement entre en principe en force le jour où il a été rendu (art. 437 al. 3 CPP), puisqu'il ne peut plus être attaqué et, en conséquence, modifié ou annulé par une voie de recours ordinaire prévue par le CPP. Cependant, si un recours en matière pénale au Tribunal fédéral est déposé à son encontre, le cours de la procédure pénale se poursuit, faisant ainsi échec à l'entrée en force au sens de l'art. 437 al. 3 CPP et celle-ci ne sera acquise qu'au moment du prononcé fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1B_58/2014 du 15 avril 2014 consid. 3.1. et les références citées);

-          en l'espèce, l'arrêt de la Chambre de céans du 21 mars 2023 a confirmé la décision de non-entrée en matière du Ministère public du 7 décembre 2022 à l'endroit de C______ en tant qu'il lui était reproché d'avoir dit à A______ "fuck you", qu'il allait la jeter par la fenêtre et de l'avoir poussée dans le dos afin de la faire sortir de l'appartement;

-          cet aspect du litige a donc été purgé, nonobstant le renvoi de la cause au Ministère public pour que celui-ci statue sur un autre fait non appréhendé dans son ordonnance;

-          le Ministère public étant ainsi lié par l'arrêt rendu, on discerne mal pourquoi il a cru bon de statuer à nouveau sur les mêmes faits;

-          le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance querellée violant ainsi l'autorité de la chose jugée conférée par l'arrêt du 21 mars 2023, il sera annulé;

-          ledit arrêt, qui confirme la non-entrée en matière sur les faits susvisés, a donc mis fin à la procédure cantonale en ce qui les concerne;

-          il n'y a pas lieu de suspendre la procédure ainsi close;

-          compte tenu de la nature procédurale du vice constaté, il n'était pas nécessaire d'inviter préalablement le Ministère public à se prononcer;

-          l'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP);

-          la recourante sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours;

-          dans son précédent arrêt, la Chambre de céans avait mis la recourante au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours, celle-ci ayant établi travailler dans l'économie domestique et recevoir un faible salaire. Il ne saurait en aller différemment ici, ce d'autant qu'elle obtient gain de cause;

-          partant, il sera donné droit à sa requête et Me E______ sera désigné comme conseil juridique gratuit (art. 133 al. 1 cum art. 137 CPP);

-          le conseil précité produit un état de frais totalisant une activité totale de 0h40 heure au tarif d'associé à CHF 200.-/h (pour la rédaction du recours [0h40]) et 4h45 au tarif de collaboratrice de CHF 150.-/h (pour les recherches juridiques [0h30], la prise de connaissance de la décision [0h30] et la rédaction du recours [3h45]), majorée de 20%, soit CHF 1'094.02, TVA à 7.7% incluse;

-          le conseil juridique gratuit est rétribué conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, ce tarif s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude et à CHF 150.- de l'heure pour un collaborateur (art. 135 al. 1 cum 138 al. 1 CPP; 16 al. 1 let. b et c RAJ);

-          seules les prestations nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ);

-          en l'occurrence, le recours porte sur six pages, dont une seule de droit. Une activité rédactionnelle de 2h00 au tarif horaire de CHF 150.- et de 0h40 heure au tarif horaire de CHF 200.- apparaît amplement suffisante. Les autres postes seront admis, à l'exclusion du forfait de 20%, qui ne se justifie pas en instance de recours (ACPR/762/2018 du 14 décembre 2018);

-          l'indemnité sera ainsi arrêtée à CHF 624,90, TVA à 7.7% incluse.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours et annule le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance pénale et de non-entrée en matière partielle du 3 mai 2023.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Met A______ au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours et désigne Me E______ en qualité de conseil juridique gratuit.

Alloue à Me E______, à la charge de l'État, pour l'activité déployée en instance de recours, une indemnité de CHF 624,90 (TVA à 7.7% incluse).

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).