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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/7/2023

ACPR/305/2023 du 03.05.2023 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : MESURE THÉRAPEUTIQUE INSTITUTIONNELLE;RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : CP.59

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/7/2023 ACPR/305/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 3 mai 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à B______, comparant par Me Simon NTAH, avocat, Baker McKenzie Switzerland SA, Esplanade Pont-Rouge 2, 1212 Grand-Lancy,

recourant,

contre la décision de passage en milieu fermé rendue le 6 janvier 2023 par le Service de l'application des peines et mesures

et

SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, case postale 1629, 1211 Genève 26,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 19 janvier 2023, A______ recourt contre la décision du 6 précédent, notifiée, selon lui, le 9 janvier 2023, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après: SAPEM) a ordonné l'exécution de sa mesure thérapeutique institutionnelle en milieu fermé (ch. 1 du dispositif); a énoncé les obligations, interdictions et modalités d'exécution de la mesure (ch. 2 à 8); et l'a débouté de toutes autres ou contraires conclusions (ch. 9).

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, principalement, à l'annulation des chiffres 1 et 9 de la décision attaquée et à ce que sa mesure thérapeutique institutionnelle soit exécutée en milieu ouvert; subsidiairement, à ce qu'il soit ordonné au Service de probation et d'insertion (ci-après: SPI) d'établir un rapport sur le suivi effectué à ce jour et de se prononcer sur l'opportunité d'une mesure thérapeutique institutionnelle en milieu ouvert, ainsi que de mettre à jour le rapport d'évaluation criminologique du 14 avril 2022; plus subsidiairement, au renvoi de la cause au SAPEM pour nouvelle décision au sens des considérants.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.A______, né le ______ 1996, est ressortissant suisse.

b. À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse (dans sa teneur du 21 décembre 2022), il a été condamné :

o le 11 mars 2014, par le Ministère public, à une peine pécuniaire avec sursis (non révoqué) et une amende, pour vol, voies de fait et contravention à la LStup;

o le 6 février 2017, par le Ministère public, à une peine privative de liberté de 6 mois avec sursis (révoqué), ainsi qu'à une amende, pour agression, menaces, délit contre la Loi fédérale sur les armes (LArm), tentative de contrainte et contravention à la LStup;

o le 19 novembre 2019, par la Chambre pénale d'appel et de révision, à une peine privative de liberté (d'ensemble) de 3 ans et une peine pécuniaire, ainsi qu'à une amende, pour agression, rixe, brigandage, extorsion et chantage (avec violences), menaces, injure, lésions corporelles simples, contrainte, insoumission à une décision de l'autorité et contravention à la LStup. Un traitement ambulatoire selon l'art. 63 CP a été ordonné;

o le 1er décembre 2021, par le Tribunal de police, à une peine privative de liberté de 23 mois (comprenant la libération conditionnelle révoquée – accordée le 30 août 2020 –) et une peine pécuniaire, pour brigandage, tentative d'incendie intentionnel et opposition aux actes de l'autorité.

c. A______ a été, entre le 15 mai et le 3 septembre 2021, incarcéré à la prison de C______, puis à D______, où il a séjourné, dès avril 2022, dans le secteur "arrivants". La fin de la peine était fixée au 14 avril 2023. Le traitement ambulatoire ordonné le 19 novembre 2019 a été prolongé par jugement du TAPEM du 3 février 2022.

d. La première expertise psychiatrique, du 22 décembre 2016, conclut que A______ présentait un grave trouble mental, sous la forme d'un trouble mixte de la personnalité, de sévérité moyenne. Il souffrait en outre d'une dépendance à l'alcool et au cannabis, de sévérité moyenne. Le trouble de la personnalité avait pour conséquence qu'au moment d'agir, le précité n'avait pas la faculté de se déterminer d'après cette appréciation, bien qu'il possédât pleinement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte. Il risquait de commettre à nouveau des infractions portant atteinte à l'intégrité physique d'autrui.

e. La deuxième expertise psychiatrique, du 18 décembre 2018, conclut que A______ présentait un trouble de la personnalité mixte avec des traits dyssociaux et borderline. Les autres conclusions étaient identiques à celles de la précédente expertise.

f. Selon le rapport d'évaluation criminologique, du 14 avril 2022, du SPI, A______ "cumule de nombreux besoins criminogènes". Ses "facteurs de protection", limités et pour la plupart externes, ne l'avaient pas empêché de récidiver durant le délai d'épreuve de la libération conditionnelle. Sa situation avait peu évolué, voire s'était détériorée, depuis sa dernière incarcération. Il était primordial d'œuvrer à la stabilisation de son état émotionnel au sein d'un milieu très cadrant, pour envisager un travail thérapeutique des addictions et des passages à l'acte. Au vu de sa mauvaise gestion des "stresseurs externes" au sein de l'établissement de détention, le risque qu'il s'engage dans des comportements violents intra- et extramuros était élevé, avec la crainte d'une escalade de la violence.

g. Le Plan d'exécution de la sanction pénale, établi par le SPI le 27 avril 2022, et avalisé par le SAPEM le 2 mai 2022, prévoyait le maintien en milieu fermé avant une éventuelle libération conditionnelle.

Les objectifs de la première phase devaient permettre à A______ d'effectuer sa peine dans un milieu cadrant, contenant et sécurisant, ainsi que de bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée à ses besoins et ses fragilités psychiques.

h. Dans son rapport du 25 mai 2022, le SPI a relevé que la prise en charge spécifique dont bénéficiait A______ – rester dans le secteur des "arrivants" – avait amélioré considérablement son état psychique. Il participait à un groupe de paroles, avec sept autres détenus, prenait régulièrement son traitement et se présentait à tous les entretiens sociaux et médicaux. Il était capable de respecter les règles de l'établissement à partir du moment où les facteurs de stress étaient maitrisés.

i. Selon le rapport du Service de médecine pénitentiaire (ci-après: SMP), du 7 juin 2022, A______ poursuivait son suivi psychothérapeutique à une fréquence hebdomadaire. L'alliance thérapeutique et la compliance au traitement étaient bonnes. En revanche, il présentait des symptômes anxio-dépressifs très importants et envahissants lorsqu'il était confronté aux obligations de travail. Le contexte groupal déclenchait un sentiment de persécution et un envahissement d'angoisses de type paranoïaque. Au vu de la complexité de la prise en charge, des solutions sur mesure avaient dû être prises, comme son placement en secteur "arrivants", afin qu'il ne soit pas obligé de côtoyer les autres détenus et que les activités proposées soient adaptées à ses difficultés personnelles. Il présentait en outre une importante immaturité affective, "avec des difficultés cognitives [s'associant] à des difficultés dans les habiletés sociales".

j. Par décision du 29 juin 2022, le SAPEM a refusé le passage en milieu ouvert en raison du niveau élevé des risques de récidive et de fuite. La Chambre de céans a rejeté le recours de A______ (ACPR/559/2022 du 16 août 2022).

k. Selon l'expertise psychiatrique de dangerosité du 10 août 2022 – troisième expertise –, A______ présentait un trouble neuro-développemental, un trouble sévère de la personnalité avec affectivité négative, détachement, dyssocialité et désinhibition, et un trouble anxio-dépressif, ainsi qu'une dépendance à l'alcool et au cannabis. Il avait acquis une relative stabilité émotionnelle dans un contexte très protecteur et cadrant. Néanmoins, son état psychique restait fragile. Le risque de récidive de comportement violent était "généralement" élevé mais le passage en milieu hospitalier pourrait le diminuer. Il avait pu être observé que le milieu fermé ne permettait pas d'éviter la récidive violente de l'expertisé mais que la prise en charge médicale intensive, mise en place durant les mois précédents, ainsi que son isolement avaient permis de diminuer les passages à l'acte et stabiliser son état psychique. Une telle prise en charge était toutefois exceptionnelle et le milieu carcéral ne permettait pas de la proposer sur une longue période. L'experte a ainsi préconisé un changement de mesure, soit une mesure institutionnelle ouverte, dans un établissement hospitalier comme la clinique de E______ afin de confronter A______ à des éléments de réalité, tels que les tentations de consommation d'alcool et de cannabis. Compte tenu que le patient démontrait, avant son incarcération, des consommations chroniques excessives d'alcool et de cannabis, un risque de rechute demeurait dans un milieu plus ouvert. Des prélèvements biologiques et toxicologiques réguliers devraient avoir lieu pour garantir l'abstinence. En cas d'échec, une mesure institutionnelle fermée conviendrait d'être envisagée.

l. Par jugement du 10 août 2022, le TAPEM a refusé la libération conditionnelle de A______ en raison du risque de récidive important. Le pronostic du prénommé était défavorable au vu des nombreux antécédents qui allaient en s'aggravant et de l'échec de sa précédente libération conditionnelle, qui avait été révoquée. Sa situation personnelle demeurait problématique. Il nécessitait un encadrement fort en sécurité et médical pour contenir un risque de débordement. En outre, il présentait des difficultés importantes de socialisation, même dans le cadre de son incarcération, devant bénéficier d'un environnement spécial, ce qui démontrait son incapacité, en l'état, à vivre en société.

m. Aux termes du rapport d'évaluation du Service des mesures institutionnelles (ci-après: SMI), du 20 septembre 2022, A______ avait exprimé une impatience manifeste à rejoindre un milieu ouvert, qui avait comme effet d'entraîner un sentiment d'urgence. Il avait rapidement rejeté les éventuelles difficultés qu'il pourrait rencontrer dans le cadre d'un tel placement, dans un mouvement qui ressemblait fort à une idéalisation du lieu et à une dénégation de ses possibles réactions négatives. Il présentait un profil psychopathologique complexe, recelant un potentiel élevé de passage à l'acte hétéro-agressif. Compte tenu de son évolution plutôt positive de ces derniers mois, due à une tolérance spéciale en milieu carcéral, un fort investissement du corps médical et un ajustement de la médication administrée, vouloir envisager une autre perspective que la prison, dans le cadre d'une mesure thérapeutique institutionnelle paraissait justifié. Cela étant, un transfert direct vers un milieu ouvert était prématuré et ne respecterait pas le principe de proportionnalité, compte tenu des risques d'agression sur le personnel et les autres patients. Une transition par une unité de mesure de B______ était indispensable et permettrait d'organiser des journées d'essai en milieu ouvert avant une sortie définitive du milieu fermé.

n. Par jugement du 20 octobre 2022, le TAPEM a levé le traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP, en raison de son échec, ordonné une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l'art. 59 CP et suspendu l'exécution de la peine, le solde étant de 176 jours.

S'agissant des modalités de la mesure institutionnelle, le TAPEM a estimé que les conclusions de l'expert-psychiatre préconisant l'exécution en milieu ouvert ne contredisaient pas celles du SMI qui recommandait que le transfert en milieu ouvert soit précédé d'une phase de transition par une unité de mesure de B______. En effet, l'expert-psychiatre retenait qu'il existait un risque de rechute et que le changement de mesure devrait être préparé avec A______, notamment sur le plan addictologique.

o. Le 1er novembre 2022, A______ a été placé en cellule forte à D______, pour une durée de 5 jours, après avoir, le jour précédent, bouté intentionnellement le feu à sa cellule et ainsi mis en danger les détenus et le personnel, provoquant un trouble de l'ordre et de la tranquillité de l'établissement.

p. Selon le rapport d'évaluation du SMI du 16 novembre 2022, A______ se montrait collaborant lors des échanges et avait confirmé son souhait d'être transféré dans les plus brefs délais en milieu ouvert à la Clinique de E______. Malgré une tendance à verbaliser un discours appris et sous certains aspects "peu intégré", il semblait avoir investi de manière positive le suivi médical de manière authentique. Cependant, bien qu'il eût pris conscience des diagnostics psychiatriques présents, il ne les considérait pas comme graves et se montrait, au contraire, particulièrement "minimisant" face à sa problématique addictologique, n'anticipant aucun incident en cas d'exposition aux toxiques dans un milieu ouvert. Il affichait également le même mode de fonctionnement face à ses difficultés interpersonnelles. Ainsi, il n'entrevoyait aucun problème en cas de changement de cadre. Un placement initial au sein de l'établissement de B______ était, à nouveau, préconisé en raison du profil psychopathologique complexe, fonctionnant avec des défenses archaïques. Ce n'était qu'après avoir travaillé de manière progressive l'aspect addictologique et avoir développé une meilleure tolérance de la présence d'autrui, qu'un passage progressif en milieu ouvert pourrait être envisagé. Avant cela, il s'avérait prématuré.

q. À teneur du rapport médico-psychologique du SMP, du 24 novembre 2022, A______ – toujours à D______ – se présentait de manière assidue aux rendez-vous et l'alliance thérapeutique restait très positive. Comme déjà relevé, le prénommé présentait des symptômes anxio-dépressifs très importants et envahissants lorsqu'il était confronté aux obligations de travail et des situations qu'il n'arrivait pas à bien comprendre. En particulier, le contexte groupal déclenchait des sentiments de persécution et un envahissement d'angoisses de type paranoïaque. De manière générale, il montrait une importante immaturité affective avec des difficultés cognitives qui s'associaient à des habilités sociales défaillantes. Il avait clairement des difficultés à comprendre les situations sociales, les pensées et sentiments des autres et présentait un manque de réciprocité socio-émotionnelle et d'empathie. Il se projetait encore dans le futur d'une manière assez naïve et irréaliste. Quant à ses délits, il reconnaissait les faits et identifiait le lien avec ses consommations de toxiques (alcool et cannabis). Il se disait abstinent depuis son arrivée à D______, élément qui semblait probable d'un point de vue clinique. Le traitement neuroleptique introduit depuis mars 2022, avait permis d'obtenir un effet favorable sur son fonctionnement psychique et il avait fait des efforts importants pour faire face à ses difficultés. Sa compliance au traitement était très bonne. Néanmoins, en raison du risque d'effondrement psychique existant, le suivi était très conséquent. La poursuite d'une prise en charge thérapeutique dans un environnement structurant était préconisée.

r. Dans le cadre de l'examen annuel de la mesure, l'établissement de D______ a rappelé, le 25 novembre 2022, que la prise en charge individualisée dont bénéficiait A______ depuis plusieurs mois dans le secteur "arrivants" ne pouvait se poursuivre durablement. Le prénommé avait été sanctionné à plusieurs reprises durant son séjour entre le 19 octobre 2021 et le 25 janvier 2022, ainsi que le 1er novembre 2022. Cela démontrait une incapacité à respecter le cadre établi, tout en faisant preuve d'un comportement réfractaire et parfois agressif envers ses codétenus. Sa santé mentale demeurait fragile, avec des épisodes pouvant être difficiles à gérer par les intervenants et ayant, dans ce contexte de profonde détresse psychologique, nécessité des hospitalisations au sein de l'Unité F______ – du 18 au 29 mars 2022 – et de l'Unité G______ – du 25 février au 3 mars et du 13 au 15 septembre 2022 –.

s. Informé par le SAPEM de son intention d'ordonner un traitement institutionnel en milieu fermé, le Ministère public a, le 7 décembre 2022, appuyé cette idée.

t. Dans plusieurs lettres, A______ a sollicité de pouvoir bénéficier d'un traitement institutionnel en milieu ouvert. Depuis plusieurs mois, sa stabilité psychologique avait été mise à rude épreuve. Il ressentait une forte pression psychologique du fait des diverses expertises et évaluations, des enjeux, de l'attente et de l'incertitude de la décision du SAPEM, ainsi que de ses conditions carcérales "très restrictives". Il avait su toutefois démontrer une réelle et nette amélioration de son comportement.

u. Le 20 décembre 2022, A______ a entrepris une grève de la faim, durant une journée, ne souhaitant pas être transféré à B______.

v. Selon le compte rendu de la réunion du réseau interdisciplinaire du 21 décembre 2022, comprenant des intervenants du SMP, SPI, de la Direction de D______ et du SAPEM, l'état de A______ s'était dégradé. Il demeurait toujours au secteur "arrivants" de D______, mais ne se rendait plus à la promenade et demeurait en cellule. Les participants se sont accordés sur le fait que le précité avait besoin d'un environnement sécurisant et de soins "intensifs", dans les meilleurs délais. Il fallait éviter, dans l'intervalle, des actes auto ou hétéro-agressifs.

C. Dans sa décision querellée, le SAPEM considère qu'eu égard au principe de sécurité publique et de proportionnalité, le placement initial en milieu fermé au sein de l'établissement de B______ était indispensable et nécessaire, avant un passage en milieu ouvert.

Le risque de récidive était considéré comme élevé, et ne pouvait être contenu qu'en milieu fermé. Certes, le concerné démontrait depuis plusieurs mois une adhésion aux soins; néanmoins, un passage en milieu ouvert sans préparation manifeste ni travail approfondi sur ses fragilités et sur l'acquisition de stratégies durables de gestion de ses affects était prématuré. En effet, il devait en l'état travailler sur son mode de fonctionnement et sur les stratégies à mettre en place en cas de difficultés rencontrées avec autrui ou addictives. A______ devait démontrer ses capacités à évoluer au quotidien dans un contexte communautaire et à gérer ses émotions et ses anxiétés, sans commettre d'incident comportemental, dans un environnement cadrant et structurant, avant qu'un élargissement du cadre dans un environnement plus responsabilisant, et dont l'accessibilité aux toxiques en était facilitée, puisse lui être octroyée. Il était d'ailleurs fondamental qu'il puisse bénéficier d'un régime de conduites, à la suite d'une période d'évaluation favorable en milieu fermé dans un environnement de soins intensifs, avant une arrivée en milieu ouvert, afin que la transition vers l'extérieur soit préparée adéquatement.

Le risque de fuite n'était pas jugé concret et imminent, du moment qu'une adhésion au cadre de soin demeurait et que le concerné prenait de manière régulière sa médication psychiatrique. En revanche, "en cas d'inobservation thérapeutique ou d'angoisses et sentiment d'injustice vécus très fortement par A______, lesquelles pourraient se produire de manière imprévisible en l'état, de surcroît dans le cadre d'un placement en milieu ouvert, en raison du risque d'effondrement psychique présent, le risque de fuite en serait alors sensiblement augmenté".

D. a. Dans son recours, A______ soutient que le SAPEM avait, d'une part, constaté de manière inexacte les faits et, d'autre part, violé l'art. 59 al. 3 CP, en retenant, à son égard, l'existence de risques de fuite et de récidive.

S'agissant du risque de fuite, rien au dossier ne permettait de démontrer qu'il était avéré.

En ce qui concerne le risque de récidive, s'il admettait n'avoir pas pris totalement conscience de la gravité de ses difficultés, A______ souhaitait se soigner et s'en donnait les moyens. Il avait mis en place des stratégies cognitives afin de surmonter des situations problématiques et s'était impliqué dans son suivi thérapeutique. Il avait su démontrer, durant ces derniers mois, qu'en suivant un traitement thérapeutique adéquat, il savait respecter les règles de l'établissement et rien n'indiquait qu'il en serait autrement à l'avenir.

Face à ses problèmes d'addiction, son comportement avait évolué positivement depuis son incarcération. Il existait certes un risque de rechute mais rien n'indiquait que, confronté à la tentation, il recommencerait à consommer.

Sur le plan social, il participait activement à un groupe de paroles et avait des interactions avec d'autres prévenus. Depuis qu'il avait été mis à l'écart des détenus problématiques, il avait su se comporter de manière amiable et respectueuse, tout en respectant les règles de l'établissement.

Ses comportements ayant donné lieu à des sanctions, jusqu'en mars 2022, découlaient de disputes avec certains détenus; il s'agissait donc "d'actes volontaires visant à une protection". Depuis son transfert dans le secteur "arrivants", et entre avril et le 1er novembre 2022, il n'avait pas commis de nouveaux actes répréhensibles. Il était ainsi capable de respecter les règles de l'établissement dès le moment où les facteurs de stress étaient maitrisés. L'acte du 1er novembre 2022 était "auto agressif", en raison de l'attente "interminable" d'une décision du SAPEM.

La décision querellée violait le principe de proportionnalité dans la mesure où : elle reposait sur des informations obsolètes; le choix d'exécution de la mesure institutionnelle en milieu fermé n'était pas en soi propre à atteindre le but fixé, contrairement à une prise en charge médicale intensive et un encadrement; il n'existait pas de risque de fuite et de récidive qualifié, concret et actuel; et aucun des deux types d'établissements – ouvert ou fermé – n'étaient, à teneur de l'expertise du 10 août 2022, plus adaptés à éviter le potentiel risque de récidive violente, mais tous deux permettaient une prise en charge médicale intensive. Dans ces circonstances, l'établissement qui portait l'atteinte la moins grave à ses intérêts aurait dû être choisi, or, tel n'avait pas été le cas. Au demeurant, l'experte-psychiatre avait clairement prôné la mesure institutionnelle en milieu ouvert.

b. Dans ses observations, le SAPEM maintient sa décision, qu'il estime justifiée et proportionnée, eu égard à la pesée des intérêts entre les principes de réinsertion et de sécurité publique. Les risques de récidive et de fuite, qualifiés de concrets et hautement probables, ne sauraient être suffisamment contenus, à ce jour, dans une institution ouverte, compte tenu de la situation psychique fragile de A______. L'intéressé ne disposait pas, en l'état, des ressources internes suffisantes lui permettant de respecter un cadre responsabilisant tel que celui offert par la clinique de E______. Sa sortie du cadre carcéral et son isolement durable devait ainsi se préparer progressivement.

L'évaluation criminologique du 14 avril 2022 demeurait valide en termes de résultats (6 à 12 mois) et aucun élément ne remettait en question la portée de ses résultats à ce jour. De plus, l'expertise psychiatrique réalisée le 10 août 2022 avait permis de réactualiser la situation de prise en charge du concerné au sein de l'établissement fermé de D______, ainsi que les risques de récidive et les facteurs de protection qu'il présentait. Enfin, les éléments transmis par le SPI, le 21 décembre 2022, étaient suffisamment récents.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise.

d. Dans sa réplique, A______ ajoute que, pour ce qui était du risque de récidive, les observations du SAPEM étaient incomplètes et se fondaient sur un examen non circonstancié du contexte global du suivi en détention.

En outre, si les éléments au dossier ne permettaient pas d'appréhender le risque de récidive actuel, il sollicitait la réactualisation de son rapport d'évaluation criminologique du 14 avril 2022, qui, selon l'appréciation du SAPEM, se trouvait dans un champ temporel mettant en doute sa validité – 6 à 12 mois – et serait totalement obsolète d'ici un mois. Une rencontre entre professionnels, incluant le SPI, ne pouvait être assimilée à un tel rapport de suivi.

Il demandait également à ce qu'un complément d'expertise soit réalisé afin de déterminer si les conclusions du rapport du 10 août 2022 étaient encore d'actualité.

E. A______ a été transféré à B______ le 1er février 2023.

F. Par courriers spontanés des 6 et 28 mars 2023, les parents de A______, ont demandé à ce que les souffrances de leur fils, ainsi que les leurs, soient prises en compte, celui-ci ayant "payé de manière très disproportionnée" – isolement répété et sur une longue durée – pour ses "délits".

EN DROIT :

1.             1.1. Conformément à l'art. 128 al. 2 let. a et al. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ ; RS E 2 05), la Chambre de céans exerce les compétences que le CPP et la loi d'application du Code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP ; RS E 4 10) lui attribuent.

1.2. En vertu de la délégation figurant à l'art. 439 CPP, le législateur genevois a attribué à la Chambre pénale de recours la compétence de statuer sur les recours dirigés contre les décisions rendues par le Département de la sécurité et de l'économie (DSE), ses offices et ses services, les art. 379 à 397 CPP s'appliquant par analogie (art. 42 al. 1 let. a LaCP).

1.3. En l'espèce, le recours est recevable pour être dirigé contre une décision rendue par le SAPEM (art. 5 al. 2 let. e et 40 al. 1 LaCP ; art. 11 al. 1 let. e Règlement sur l'exécution des peines et mesures du 19 mars 2014 [REPM ; RS E 4 55.05]), avoir été déposé dans la forme et le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al 1 CPP) et émaner du condamné visé par la décision déférée et qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision entreprise (art. 382 al. 1 CPP).

1.4. Les courriers adressés par les parents du recourant, à la Chambre de céans, sont irrecevables en tant qu'ils n'émanent pas d'une partie à la procédure (art. 382 al. 1, 104 a contrario CPP).

2. Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du SAPEM auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief est rejeté.

3. 3.1. Conformément à l'art. 59 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, le juge peut ordonner un traitement institutionnel, si l'auteur a commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble et qu'il est à prévoir que la mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce trouble.

En principe, le traitement institutionnel s'effectue dans un établissement psychiatrique approprié ou dans un établissement d'exécution des mesures (art. 59 al. 2 CP). Il peut toutefois aussi s'effectuer dans un établissement fermé, tant qu'il y a lieu de craindre que l'auteur ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions. Il peut aussi être effectué dans un établissement pénitentiaire au sens de l'art. 76 al. 2 CP dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié (art. 59 al. 3 CP).

L'art. 59 al. 3 CP subordonne le traitement dans un établissement fermé à un risque de fuite ou de récidive. Selon la jurisprudence, il doit s'agir d'un risque de récidive qualifié, puisque toutes les mesures supposent un risque de récidive (cf. art. 56 al. 1 let. b CP). Le risque est qualifié quand il est concret et qu'il est hautement probable que le condamné commette d'autres infractions dans l'établissement ou en dehors de celui-ci. Il s'agit d'un danger qui ne peut être combattu que par le placement dans un établissement fermé. Conformément au principe de la proportionnalité, l'exécution de la mesure dans un établissement fermé suppose une sérieuse mise en danger de biens juridiques essentiels (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1243/2017 du 13 mars 2018 consid. 1.1; 6B_319/2017 du 28 septembre 2017 consid. 1.1; 6B_845/2016 du 29 juin 2017 consid. 3.1.2). Le risque de récidive doit être concret et hautement probable, c'est-à-dire résulter de l'appréciation d'une série de circonstances. Il vise la dangerosité interne du prévenu. Ce sera, par exemple, le cas d'un condamné qui profère des menaces bien précises ou qui combat sciemment l'ordre de l'établissement; en revanche, l'art. 59 al. 3 CP ne devrait pas s'appliquer à de simples difficultés de comportement ou à l'insoumission vis-à-vis des employés de l'établissement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1243/2017 précité consid. 1.1; 6B_319/2017 précité consid. 1.1; 6B_538/2013 du 14 octobre 2013 consid. 3.1).

3.2. En l'espèce, le recourant a été reconnu coupable de plusieurs infractions dont deux sont listées à l'art. 64 al. 1 CP (brigandage et tentative d'incendie).

Selon l'expertise psychiatrique du 10 août 2022, la prise en charge médicale intensive dont il avait bénéficié, depuis plusieurs mois, avait permis de diminuer ses passages à l'acte agressifs et stabiliser son état psychique de sorte que, quand bien même celui-ci restait fragile, une mesure institutionnelle en milieu ouvert était préconisée.

Cependant, postérieurement à cette expertise, le recourant a commis un nouvel acte violent, le 1er novembre 2022, en mettant intentionnellement le feu à sa cellule. Si le concerné qualifie ce geste d'auto-agressif, l'acte constitue surtout une récidive à sa dernière condamnation (1er décembre 2021). Le risque de récidive s'est donc bel et bien concrétisé.

Ainsi, si l'on peut saluer les efforts consentis par le recourant sur le plan de son adhésion au traitement médical, il faut aussi souligner que sa prise en charge a nécessité un encadrement individualisé et à l'écart des autres détenus. Avant son transfert à B______, il était même totalement isolé, n'allant plus en promenade. Il n'a donc, à ce jour, pas prouvé ses capacités à vivre en société.

Ces conditions et l'acte commis en novembre 2022 font ainsi redouter un risque concret de récidive en milieu ouvert, le recourant n'étant pas préparé à gérer une telle responsabilité puisqu'il s'est, jusqu'ici, précisément préservé en prison de tout contact problématique ou à risque.

Si, à terme, il est prévu, conformément aux conclusions de l'expert, de placer le recourant en milieu ouvert, en l'état, sans qu'aucun travail de transition vers une telle unité n'ait été entrepris, un tel passage paraît, sous l'angle de la récidive, inopportun, étant relevé que le bien juridique protégé est, ici, l'intégrité corporelle, de sorte que les exigences sont plus élevées.

En conséquence, la deuxième hypothèse de l'art. 59 al. 3 1ère phrase CP – le risque de récidive – est réalisée. Au regard de ce qui précède, point n'est besoin d'examiner si le recourant présente aussi un risque de fuite.

Enfin, le recourant ne peut être suivi lorsqu'il prétend que la décision attaquée violait le principe de proportionnalité. En effet, d'une part, au vu de l'argumentation développée ci-dessus, le passage en milieu ouvert, est, en l'état, prématuré; d'autre part, les éléments sur lesquels la décision en question repose sont récents, l'expertise psychiatrique datant de moins d'une année – août 2022 – et les autres rapports de l'automne 2022.

Pour ce même motif, il n'apparait pas nécessaire, en l'état, de faire droit aux compléments d'évaluation réclamés.

4.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au Service de l'application des peines et mesures et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/7/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

505.00

-

CHF

Total

CHF

600.00