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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/79/2022

ACPR/191/2023 du 15.03.2023 ( RECUSE ) , ADMIS

Recours TF déposé le 05.05.2023, 7B_227/2023
Recours TF déposé le 04.05.2023, 7B_212/2023
Descripteurs : RÉCUSATION;MINISTÈRE PUBLIC;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL);TRIBUNAL CANTONAL
Normes : CPP.56.letf; CPP.58; CPP.60; CPP.141

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/79/2022 et PS/80/2022 ACPR/191/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 15 mars 2023

 

Entre

 

A______, comparant par Mes D______ et E______, avocats,

B______, comparant par Me F______, avocat,

requérants,

 

et

 

C______, anc. Procureure, p.a. Tribunal civil, rue de l'Athénée 6-8, 1205 Genève - case postale 3736, 1211 Genève 3,

citée.


EN FAIT :

A. a.i. Par acte expédié le 5 novembre 2022, A______ demande : 1) la récusation de la Procureure C______ dans la procédure P/9______/2013, ainsi que dans les procédures jointes P/1______/2013, P/2______/2014, P/3______/2014, P/4______/2016, P/5______/2017 [recte : P/6______/2017] et P/7______/2019, de même que dans la procédure P/8______/2014; 2) le constat de l'existence d'un motif de récusation selon l'art. 56 CPP; 3) la récusation de tout autre membre du Ministère public ayant participé, notamment en qualité de procureur, aux procédures susmentionnées.

ii. Il demande également à la Chambre de céans, jusqu'à droit jugé sur la requête, de "ségréguer le courrier [du] 4 novembre 2022 et ses annexes de la procédure P/9______/2013 accessible aux autres parties, puis les verser dans la procédure à ouvrir sur demande de récusation" et d'ordonner la mise sous scellés des écoutes téléphoniques versées par le Ministère public, dans la mesure où elles comportent des informations soumises au secret d'avocat.

Par ordonnance OCPR/54/2022 du 9 novembre 2022, la Direction de la procédure a rejeté la requête de mesures provisionnelles, faute de compétence.

iii. Par lettre du 9 novembre 2022, A______ a annoncé que nonobstant le départ – annoncé – de C______ pour le Tribunal civil, sa demande de récusation conservait sa pertinence. La requête s'entendait en effet "rétroactivement" et visait, en outre, le constat de l'existence d'un motif de récusation.

b.i. Par acte déposé le 7 novembre 2022 auprès de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice – qui l'a transmis à la Chambre de céans –, B______ requiert la récusation, "rétroactive à tout le moins au 6 mars 2014", de C______ ainsi que de tout autre magistrat ayant participé aux faits et agissements dénoncés, dans le cadre des procédures P/9______/2013, P/8______/2014, P/9______/2017 et P/7______/2019.

Il conclut, en outre, au constat de "l'inexploitabilité absolue", dans les procédures précitées, des enregistrements résultant des surveillances secrètes actives sur son raccordement, du 6 mars au 5 juin 2014, et du 5 décembre 2016 au 2 mai 2017; au constat de "l'inexploitabilité absolue" de tout acte d'enquête et/ou d'instruction réalisé et fondé sur ces écoutes; au retranchement des clés USB contenant les écoutes; au retranchement du résultat de tout acte d'enquête et/ou d'instruction réalisé et fondé sur les preuves obtenues illégalement par le Ministère public.

ii. Par lettre du 9 novembre 2022, B______ requiert, en complément – et sans mention de disposition légale – l'annulation : 1) de l'intégralité des actes de procédure auxquels C______, et tout autre magistrat visé, ont "participé de quelque manière que ce soit" dans le cadre à tout le moins des procédures susmentionnées, ainsi que 2) de tous les actes de procédure fondés directement ou indirectement sur ceux-ci.

B. Les faits pertinents suivants ressortent des dossiers des procédures P/9______/2013 et P/8______/2014 tels que soumis à la Chambre de céans :

a. En février 2013, le Ministère public a ouvert une procédure pénale P/9______/2013 contre les trois administrateurs et actionnaires, respectivement animateurs, de l'entreprise générale G______ SA, par suite de la déconfiture de celle-ci, leur reprochant en substance d’avoir procédé à une forme de cavalerie avec les fonds versés par les clients, en les utilisant pour payer d’anciennes dettes.

La procédure a été attribuée à la Procureure C______.

Les prévenus ont notamment expliqué avoir réalisé des travaux pour le compte de la société genevoise H______ Sàrl – active dans les domaines de conseils en travaux immobiliers et investissements immobiliers –, dont aucun des chantiers n'avait été intégralement payé. Les associés de celle-ci, A______ et B______, avaient laissé d'importants découverts au sein de [l'entreprise générale] G______ SA. Parmi ces chantiers figurait un appartement acquis à O______ par B______ au nom de son épouse, ainsi qu'une villa acquise par le précité dans une promotion à P______.

b. Parallèlement, le 3 juin 2013, C______ a ouvert contre A______ et B______ une procédure P/1______/2013 par suite de la plainte pénale déposée par une association regroupant des copropriétaires de la promotion à P______ au lieu-dit N______. La plainte mentionnait notamment que le prix de vente du terrain situé en zone de développement, et donc soumis à un contrôle étatique exercé par l’Office du logement, avait été fixé pour la plupart des propriétaires à un montant supérieur de 30% en moyenne à celui autorisé par ledit Office dans les accords provisoires de vente.

c. Le 13 juin 2013, A______ et B______ ont été – séparément – entendus en qualité de personnes appelées à donner des renseignements, dans la procédure P/9______/2013, le premier par C______ et le second par le Procureur I______. Au début de l'audience, la question du prix du terrain a été abordée sous l'angle de l'autorisation accordée par l'Office du logement. Puis, en cours d'audience, chacun des Procureurs a ordonné la disjonction de la procédure P/9______/2013 "dans la procédure P/1______/2013", le procès-verbal continuant sous ce numéro de procédure. B______ et A______ ont été prévenus, dans la procédure P/1______/2013, d’escroquerie par métier, contrainte et obtention frauduleuse d’une constatation fausse, en lien avec l’encaissement de montants dits "au noir". Selon les premiers éléments disponibles, ils avaient agi ainsi à l'égard de treize acquéreurs pour un gain indu de plus de CHF 700'000.- pour la seule promotion de P______ au lieu-dit N______.

La procédure P/1______/2013, instruite parallèlement à la procédure P/9______/2013, sera finalement jointe à celle-ci en septembre 2020.

d. Dans la procédure P/9______/2013, le directeur de l'Office du logement a été entendu en qualité de témoin le 17 janvier 2014, par C______, notamment sur le prix du terrain de la promotion N______.

Le 3 février 2014, la magistrate a entendu comme témoin un des vendeurs du terrain de cette promotion, au sujet du prix de ce terrain facturé aux clients de H______ Sàrl.

Le même jour, le notaire, Me J______, a également été entendu en qualité de témoin à ce propos.

e.i. Par ordonnance du 6 mars 2014, C______ a étendu l'instruction pénale de la procédure P/9______/2013 à A______ et B______, pour abus de confiance, escroquerie, atteinte astucieuse aux intérêts d'autrui, gestion déloyale et faux dans les titres.

À cette époque, A______ était assisté de ME______ et B______ de Me K______.

ii. Le même jour, C______ a ordonné l'écoute active des raccordements téléphoniques utilisés par A______ et B______. La procédure portant le numéro P/8______/2014 a été ouverte à cette fin.

iii. La demande d’autorisation formée auprès du Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) faisait référence aux procédures P/9______/2013, P/1______/2013 et P/8______/2014. Elle exposait que l'instruction avait permis d'établir, en l'état, que des paiements "au noir" avaient été effectués par plus de quinze acquéreurs pour un montant total de l'ordre de CHF 1 million, en lien à tout le moins avec trois promotions en zone de développement, soit P______ (N______), Q______ et R______. Les prévenus avaient dans un premier temps nié l'existence de tels paiements, puis avaient fini par admettre une telle pratique dans son principe. Des indices permettaient de penser que ce mode de faire touchait également des promotions en zone libre. En dépit des affirmations des prévenus, il était fort probable que cette pratique fût toujours actuelle. Partant, il était nécessaire de surveiller les raccordements téléphoniques de A______ et B______ pour déterminer l'ampleur de leurs activités délictuelles, les intéressés s'en servant dans le cadre de leur activité, notamment pour contacter leurs clients.

La Procureure a demandé que les résultats des surveillances puissent d'ores et déjà être exploités contre toutes les personnes ayant la qualité de prévenu dans les différentes procédures liées à l'enquête, notamment le notaire J______.

Elle précisait en outre que les prévenus étaient susceptibles d'avoir des conversations téléphoniques avec leurs conseils juridiques et demandait qu'il lui soit indiqué si des mesures visant à sauvegarder le secret professionnel devaient être prises.

iv. Le même jour, la magistrate a, par mandat d'acte d'enquête (ci-après aussi dénommé "fiche verte"), demandé à la Brigade financière de la police (ci-après, la Brigade financière) de recueillir les écoutes téléphoniques ordonnées sur les raccordements des prévenus et d'exploiter toute information pertinente.

v. Par ordonnance du 7 mars 2014, le TMC a autorisé, jusqu'au 6 juin 2014, les mesures de surveillance active et précisé que "les conversations entre les prévenus et leurs avocats respectifs ne pourront pas être utilisées dans la procédure et ne pourront ni être retranscrites, ni faire l'objet d'un enregistrement sur quelque support que ce soit".

f.i. Le 13 mars 2014, le directeur de l'Office du logement – sur convocation du 6 mars 2014 – a été entendu une nouvelle fois, dans la procédure P/9______/2013. Il a confirmé que le prix de vente du terrain autorisé ne pouvait pas être augmenté, dépassement qui avait posé problème dans le cas de la promotion N______.

ii. Le lendemain, 14 mars 2014, une perquisition a été menée en l'étude de Me J______.

g.i. Le 21 mars 2014, A______ et B______ ont été entendus, séparément, le premier par C______ et le second par I______, dans la procédure P/9______/2013. Il leur était reproché d’avoir : adjugé des chantiers déficitaires à [l'entreprise générale] G______SA tout en promettant à ses animateurs des chantiers plus rémunérateurs dans le futur; déterminé G______SA à financer partiellement des travaux de construction pour leur compte; déterminé G______SA à payer des factures à des tiers et à eux-mêmes, sans contre-prestation, contribuant à accroître l’endettement de la société; vendu, alors qu’ils connaissaient la situation financière obérée de G______SA et son état de surendettement pour y avoir contribué, des villas "clés en mains" en imposant aux acheteurs G______SA comme entreprise générale, en sachant qu’elle n’était pas en mesure de respecter ses engagements contractuels; fixé le prix du terrain de la promotion N______, située en zone de développement, à un montant d’environ 30% supérieur en moyenne à celui autorisé par l’Office du logement.

ii. A______ et B______ ont ensuite été entendus, par C______– dans la procédure P/9______/2013 –, les 7 avril, 8 avril, 29 avril, 16 mai, 20 juin et 1er juillet 2014.

h. Le 5 juin 2014, C______ a ordonné la levée des mesures de surveillance sur les raccordements utilisés par A______ et B______.

i. Par fiche intitulée "feuille d'accompagnement de document(s)", du 11 juin 2014 (ci-après, la feuille d'accompagnement du 11 juin 2014), la Brigade financière a retourné au Ministère public sa fiche verte du 6 mars 2014 avec la mention suivante : "Suite au tél. de ce jour avec la Magistrate, fiche verte en retour suite au peu de pertinence des conversations, notamment celles qui ne revêtent d'aucun secret professionnel".

Aucun rapport de police n'était joint.

j. Le 12 septembre 2014, une nouvelle instruction pénale, référencée sous le numéro de procédure P/2______/2014, a été ouverte contre A______ et B______ des chefs d’escroquerie et d'abus de confiance, visant les acomptes encaissés sur la base de conventions dites de "réservation" d’un appartement à construire. Cette procédure sera jointe à la P/9______/2013, en novembre 2020.

k.i. Le 3 octobre 2014, le Service de surveillance de la correspondance par poste et télécommunication de la Confédération (ci-après, SCPT) a annoncé au Ministère public que "le délai de conservation des données dans le [système] LIS de la mesure de surveillance suivante expire le 05.09.2014" (sic). Il était précisé que "le processus d'archivage élimine l'accès direct à l'autorité d'instruction pénale sur le Target à archiver dans le système LIS et ne peut plus être mis en service".

Le Ministère public était ainsi invité à déterminer la suite à apporter aux données, en choisissant entre les trois possibilités offertes, soit : 1) l'envoi par le SCPT au Ministère public de deux supports de données d'archivage, 2) l'envoi par le SCPT de ces supports d'archivage à la police, 3) la prolongation pour une durée de 9 mois au maximum du délai de conservation des données par le SCPT.

ii. Le 6 octobre 2014, le Ministère public a renvoyé le formulaire, après avoir choisi la prolongation du délai de conservation des données et y avoir apposé la date du 6 juillet "2014" [au lieu du 6 juillet 2015].

iii. À teneur des éléments au dossier, plus rien ne sera entrepris par la Procureure jusqu'au 12 septembre 2018 (cf. B.o.i. infra), à l'égard de cette mesure de surveillance secrète.

Les écoutes seront archivées, c’est-à-dire gravées sur des supports DVD, par le SCPT, les 11 et 12 janvier 2016, lesquels seront envoyés à la police à une date que le dossier ne permet pas d'identifier. Ils seront remis par la police au Ministère public, le 4 juillet 2019, qui les versera à la procédure P/8______/2014 (cf. B.u. infra).

l.i. Le 5 décembre 2016, C______ a ordonné une nouvelle mesure de surveillance secrète du numéro d’appel utilisé par B______, qu'elle soupçonnait d'avoir conservé une partie des acomptes versés en espèces par les clients de H______ Sàrl. La surveillance devait permettre de déterminer l'ampleur de ses activités délictuelles.

La mesure a été ordonnée dans la procédure P/8______/2014 et mentionnait les procédures P/9______/2013, P/1______/2013 et P/2______/2014.

ii. Par mandat d’actes d’enquête du lendemain, la Procureure a prié les inspecteurs de la Brigade financière de procéder à l'analyse des communications téléphoniques soumises à cette surveillance.

iii. Le TMC a, le 7 décembre 2016, autorisé la mesure pour trois mois, en précisant :

"Qu'il ressort de la requête du Ministère public que B______ pourrait avoir des conversations avec des notaires ayant instrumenté les actes de ventes en cause;

Que par conséquent, si au moment des écoutes, les inspecteurs devaient se retrouver face à des conversations en lien avec un secret professionnel de notaire, il conviendrait qu'ils cessent immédiatement d'écouter lesdites conversations, qu'ils les isolent et les soumettent au Tribunal des mesures de contrainte en vue d'un éventuel tri des informations (art. 271 al. 1 CPP);

Que par ailleurs, il sera rappelé que les conversations que le prévenu pourrait avoir avec son avocat ne doivent pas être écoutées, ni retranscrites et ne peuvent pas être utilisées dans le cadre de la procédure".

iv. Par mandat d'actes d'enquête du 8 décembre 2016, C______ a prié les inspecteurs chargés de l’analyse des communications de prendre connaissance de l'ordonnance du TMC, en attirant leur attention sur les passages susmentionnés.

Les inspecteurs de la Brigade financière ont rendu des rapports de renseignements sur le résultat des écoutes actives. Ils ont identifié une dizaine de conversations pertinentes, dont les transcriptions seront versées à la procédure (cf. B.t. et B.u.i infra).

La mesure a, après prolongation, été levée le 3 mai 2017.

m.i. Le 24 août 2018, C______ a demandé à la Brigade financière d'identifier toutes les communications entre B______ et son avocat, Me K______, entre le 5 décembre 2016 et le 3 mai 2017, et de procéder à leur destruction conformément à l'article 271 al. 3 CPP.

ii. Le 28 août 2018, la Brigade financière a informé la Procureure qu'il était impossible de supprimer les conversations "au niveau police", la demande devant être effectuée par le Ministère public au service fédéral compétent.

iii. C______ a ainsi demandé, le 12 septembre 2018, au SCPT de procéder à la destruction de l'intégralité des conversations entre le raccordement de B______ et ceux de Me K______.

Le même jour, le SCPT a informé la Procureure que pour que l'élimination des données demandées puisse être effectuée, la police devait ajouter dans le système, pour chaque conversation devant être effacée, la mention "UPF effacer". Une fois cette manipulation effectuée, les données seraient immédiatement supprimées.

iv. Par mandat d'actes d'enquête du 13 septembre 2018, C______ a chargé la Brigade financière d'identifier les éléments à effacer et de les annoter avec la mention "UPF effacer".

v. Selon le rapport de renseignements du 17 septembre 2018, les conversations entre B______ et Me K______ ont dûment été annotées en vue de leur destruction. Le SCPT a confirmé, le 22 octobre 2018, avoir procédé à l'effacement.

n.i. Par un second mandat d'actes d'enquête, du 12 septembre 2018, C______ a demandé à la Brigade financière d’exécuter son mandat d'actes d'enquête du 8 décembre 2016 (cf. B.l.iv. supra).

En réponse, la Brigade financière a marqué les conversations entre B______ et le raccordement de l’étude de Me J______ avec le terme "notaire", en vue de faciliter leur "recherche/destruction".

ii. Ces conversations avec le notaire ont été enregistrées sur un support DVD par la police et communiquées au Ministère public dans une enveloppe scellée. Par "demande de tri (art. 271 al. 1 CPP)" du 1er novembre 2018, C______ a transmis l'enveloppe fermée au TMC, en l'invitant à procéder au tri des communications entre B______ et le notaire, et à indiquer les conversations ne pouvant être exploitées afin de les annoter et faire procéder à leur effacement par le SCPT.

iii. Le 11 janvier 2019, le TMC a informé la Procureure que, en raison d'un problème technique ne pouvant être résolu – provenant de l'enregistrement initial –, il ne pouvait effectuer un quelconque tri desdites conversations. Les supports seront retournés au Ministère public et versés à la procédure P/8______/2014 (cf. B.u.iii. infra).

iv. Le 22 janvier 2019, C______ a demandé au SCPT de détruire les conversations annotées avec la mention "notaire", ce que le Service précité a confirmé avoir fait, le 1er février 2019.

o.i. Parallèlement, par mandat d’actes d’enquête du 12 septembre 2018, C______ a, dans le cadre de la mesure de surveillance ordonnée en 2014, demandé à la Brigade financière de lui "communiquer les numéros d'appels de l'avocat de A______ en lien avec la surveillance du raccordement utilisé par ce dernier entre le 6 mars et le 6 juin 2014, en vue d'en solliciter la destruction au SCPT".

ii. Selon le rapport de renseignements de la Brigade financière du 18 septembre 2018, des recherches avaient été effectuées afin d'identifier les raccordements utilisés par Me E______ en vue de leur suppression sur le contrôle technique de A______ de 2014. Or, "aucun inspecteur de la Brigade financière n'a ou n'a eu accès à ce contrôle technique". Par conséquent, il n'avait pas été possible de vérifier si les raccordements identifiés – soit les numéros de téléphone fixe et de portable de Me E______ – apparaissaient, ni d'y annoter les éventuelles conversations en vue de leur destruction.

p.i. Par lettre du 31 janvier 2019 – portant la référence de la procédure P/8______/2014 –, C______ a informé Me E______, conformément à l'art. 271 al. 1 CPP, que son client, A______, avait fait l'objet d'une mesure de surveillance du 6 mars au 5 juin 2014, sur son raccordement portable, et que "le Ministère public n'entend[ait] pas exploiter les informations recueillies dans le cadre de cette surveillance. Les communications enregistrées dans le cadre de cette surveillance ne ser[aie]nt dès lors versées dans aucune des procédures dirigées à l'encontre de [son] mandant".

ii. Le 1er février 2019, reprenant la référence P/8______/2014, Me E______ a informé C______ que son client ne souhaitait pas recourir contre la mesure de surveillance secrète concernée, dans la mesure où le Ministère public n'entendait pas exploiter les informations recueillies.

iii. Parallèlement, C______ a également informé, par lettre du 31 janvier 2019 – portant aussi la référence de la procédure P/8______/2014 –, le nouveau conseil de B______, Me F______, que son client avait fait l’objet de mesures de surveillance secrète du 6 mars au 5 juin 2014, et du 5 décembre 2016 au 2 mai 2017. Elle a précisé que le Ministère public n'entendait pas exploiter la surveillance ordonnée en 2014, ces communications n'étant dès lors versées dans aucune des procédures dirigées contre son mandant.

iv. Me F______ a, le même jour, par lettre mentionnant la procédure P/8______/2014, demandé que lui soit remise "une copie complète du dossier, y compris du CD-ROM contenant les écoutes téléphoniques".

Selon le dossier, un CD-ROM lui a été remis, sans autre commentaire, le 4 février 2019, sur lequel figuraient les mentions manuscrites "P/8______/14" et "actes + écoutes". Ce support contenait uniquement la dizaine de conversations de 2016 exploitée dans la procédure P/2______/2014 (cf. B.l.iv. supra), mais aucune conversation de 2014 [les DVD d’archives desdites conversations ne seront remis au Ministère public que le 4 juillet 2019 (cf. B.u. infra)].

v. Par lettre du 4 février 2019, Me L______, agissant pour Me K______ (précédent conseil de B______), a demandé à pouvoir consulter l'ensemble du matériel recueilli dans la procédure P/8______/2014, dont il ignorait jusque-là l'existence. Il estimait que la surveillance avait pu enregistrer des conversations entre Me K______ et B______.

C______ lui a répondu, le 6 février 2019, que dès lors que Me K______ n'était pas partie à la procédure et qu'aucune demande d'extension de la mesure de surveillance n'avait été demandée au TMC pour exploiter, contre l'avocat précité, les éléments recueillis, il ne pouvait faire valoir aucun intérêt lui donnant accès au dossier, selon l'art. 101 al. 3 CPP.

vi. Par mandat d’actes d’enquête du même jour, C______ a demandé à la Brigade financière de :

- localiser les archives des écoutes téléphoniques ordonnées sur les raccordements de A______ et B______ en 2014, "étant précisé que selon les informations reçues oralement ce jour du SCPT, le DVD d’archives de ces conversations a été adressé à [la police] à une date indéterminée";

- procéder à la destruction des conversations soumises au secret professionnel, c'est-à-dire, s’agissant du raccordement au nom de A______, les communications entre celui-ci et Me E______ et, s’agissant du raccordement au nom de B______, celles entre ce dernier et Me K______ ;

- "remettre au Ministère public une copie de l’intégralité des communications après avoir procédé aux destructions précitées".

vii. Dans l'intervalle, par mandat d'actes d'enquête du 8 février 2019, C______ a demandé à la Brigade financière de surseoir à la destruction des conversations entre B______ et Me K______.

q. Dans son rapport du 11 février 2019, la Brigade financière a informé le Ministère public que :

- la "section forensique" avait reçu les DVD d'archivage des contrôles techniques de 2014, avait retourné au SCPT une confirmation de lisibilité et le SCPT avait ensuite détruit les données dans le système. Elles n'étaient donc plus modifiables. Ces DVD avaient tous été remis, par la Brigade financière, au TMC en décembre 2018 [lequel était saisi de la demande de tri des communications, en 2016, entre B______ et le notaire];

- pour la surveillance active de B______ en 2016-2017, le SCPT n'avait pas encore effectué le "gravage" d'archivage, en raison du passage du système LIS au système ISS en 2015, lequel avait engendré des retards. Par conséquent, le Ministère public pouvait encore demander l'effacement de conversations, puis en demander l'archivage.

Il était précisé que la police n'avait qu'un accès consultatif aux conversations via le système ISS, ses accès ne lui permettant en aucun cas de les supprimer. Seul le SCPT pouvait le faire. "À l'heure actuelle", la Brigade financière et la section forensique ne disposaient plus de DVD de conversations de A______ ou B______, "ni originaux ni copies".

r. Le 11 mars 2019, C______ a notifié aux parties l’avis de prochaine clôture de la procédure P/9______/2013.

s. En mai 2019, C______ a ouvert une procédure référencée sous P/7______/2019 – toujours en cours – contre inconnu, pour faux dans les titres en lien avec les états financiers de H______ Sàrl. Les auditions de personnes appelées à donner des renseignements, menées dans cette nouvelle procédure, ont été versées dans la procédure P/2______/2014, jointe à la P/9______/2013.

t. Par mandat d'actes d'enquête du 23 mai 2019, la Procureure a, dans la procédure P/8______/2014, demandé à la Brigade financière de lui faire parvenir une copie des conversations mentionnées dans son rapport du 22 décembre 2016, en lien avec les écoutes ordonnées en 2016-2017.

u.i. Dans son rapport de renseignements du 4 juillet 2019, la Brigade financière a informé la Procureure que les conversations [de 2016] requises avaient été copiées sur une clé USB, qu'elle a jointe au rapport.

Elle a en outre précisé ce qui suit : "Nous joignons à ce rapport 6 DVD de conversations encore en notre possession don[t] 4 contenant l'archivage définitif des contrôles techniques placés sur A______ et B______" (cf. PP B-263'121 de la procédure P/9______/2013).

ii. Selon une "note du greffier" datée du 24 janvier 2020, les six DVD "se trouvent dans l'onglet concernant les écoutes actives des mois de mars à juin 2014", c'est-à-dire dans le dossier de la procédure P/8______/2014 (cf. PP B-263'122 de la procédure P/9______/2013).

iii. Ces six DVD comportent les éléments suivants :

-          Deux DVD, émanant du SCPT et portant la date "export date : 11.01.2016", contiennent les fichiers des écoutes téléphoniques ordonnées en 2014 du raccordement utilisé par B______. Ils contiennent aussi des résumés, sur documents Word (ci-après, les transcriptions), de discussions entre "avocat" [que l'on comprend être Me E______] et "A" [soit A______]. C'est notamment le cas des documents dénommés "Transcription_doc_090140000.doc modifié le 31.03.2014 15:26", "Transcription_doc_1350360000.doc modifié le 20.03.2014 18:10" et "Transcription_1344400000.doc modifié le 20.03.2014 17:49".

-          Deux DVD, émanant également du SCPT et portant la date "export date : 12.01.2016", contiennent les fichiers des écoutes téléphoniques ordonnées en 2014 du raccordement utilisé par B______. Ils contiennent également des transcriptions de discussions entre "X" ou "K______ [prénom] (K______?)" et "B______ [patronyme]", avec le numéro d'appel ou d'appelé appartenant à Me K______. C'est le cas notamment des documents dénommés "Transcription_doc_1618430000.doc" et "Transcription_doc_1753290000.doc".

- Deux DVD portant la mention "Confidentiel P/8______/2014" et contenant les conversations avec l'étude du notaire.

iv. À réception, C______ les a versés à la procédure P/8______/2014. Il ne ressort pas du dossier qu'elle aurait transmis une copie des écoutes de 2014 concernant B______ à celui-ci, malgré la demande de son conseil en ce sens (cf. B.p.iv supra).

v. À teneur de la page de garde du dossier, la procédure P/8______/2014 a été archivée le 17 juin 2020 et porte le numéro d'archive ARMVS/10______/2020.

v. Par acte d’accusation du 24 novembre 2020, A______ et B______ ont été renvoyés en jugement, dans la procédure P/9______/2013, devant le Tribunal correctionnel.

w. Précédemment, une partie des faits concernant B______ et d'autres personnes avait été disjointe de la procédure P/9______/2013, en mars 2017, et instruite sous le numéro de procédure P/9______/2017. Par arrêt AAPR/147/2021 rendu le 26 mai 2021 par la Chambre pénale d'appel et de révision, B______ a été condamné pour escroquerie et blanchiment d'argent. Par suite du rejet des recours formés au Tribunal fédéral (arrêt 6B_807/2021 du 7 juin 2022), cette condamnation est désormais définitive.

x.i. Dans la procédure P/9______/2013, le Tribunal correctionnel a, par jugement du 25 octobre 2021, déclaré B______ coupable d'escroquerie par métier, instigation à gestion déloyale qualifiée, gestion déloyale qualifiée, contrainte, tentative de contrainte et faux dans les titres.

A______ a, quant à lui, été déclaré coupable d'escroquerie par métier, instigation à gestion déloyale qualifiée, gestion déloyale qualifiée, faux dans les titres et soustraction d'objets mis sous mains de l'autorité.

ii. Par suite de l'appel formé par les prévenus, l'audience devant la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a été fixée au 7 novembre 2022.

iii. En août 2022, les avocats de la société H______ Sàrl, en liquidation concordataire, ont informé le Président de la Chambre pénale d'appel et de révision avoir découvert l'existence de la procédure P/7______/2019 (cf. B.s. supra), qui n'avait pas été jointe à la procédure P/9______/2013. Ils ont requis de la Direction de la procédure qu'elle ordonne au Ministère public de produire l'intégralité de cette procédure, ce qui a été fait.

iv. Par lettre subséquente, du 6 octobre 2022, les conseils de A______ – soit Me E______ et Me D______ –, s'étonnant qu'une procédure parallèle P/7______/2019 ait été ouverte sans que les parties à la procédure P/9______/2013 en soient informées, constataient en outre l'existence "d'une procédure P/8______/2014" dans le cadre de laquelle des écoutes avaient été ordonnées à l'égard de B______ et, semblait-il, aussi à l'égard de leur mandant. Or, le dossier de la procédure P/9______/2013 ne comportait aucune écoute de celui-ci, ni décision formelle. Ils demandaient donc que le Ministère public soit invité à produire, dans son intégralité, la procédure P/8______/2014 et/ou les procédures dans le cadre desquelles des écoutes téléphoniques avaient été entreprises.

Le même jour, la Direction de la procédure a renvoyé les avocats à s'adresser au Ministère public.

v. Par lettre du 11 octobre 2022, C______ a transmis à la Chambre pénale d'appel et de révision copie de la lettre qu'elle avait adressée le 31 janvier 2019 au conseil de A______ pour l'informer que ce dernier avait fait l'objet de mesures de surveillance (cf. B.p.i. supra).

Le 24 octobre 2022, les conseils de A______, invoquant le droit d'être entendu et d'accès au dossier, ont requis que le Ministère public soit invité à produire la procédure P/8______/2014.

Dans sa réponse du 25 octobre 2022 – avec copie au Ministère public –, la Direction de la procédure a relevé que, dès lors qu'aucun élément matériel relatif à une exploitation de la surveillance téléphonique du raccordement de A______ n'apparaissait au dossier et que ce dernier avait, de surcroît, été dûment informé fin janvier 2019 de l'existence de la mesure, sans que cela ne suscite le moindre intérêt de sa part, la Chambre pénale d'appel et de révision ignorait "quel intérêt pourrait très hypothétiquement en ressortir". Alors que le procès en appel allait débuter, la démarche, à quelques jours de l'ouverture des débats, apparaissait de nature purement formelle. "Cela étant, afin d'assurer [le] droit d'être entendu, en tant que de besoin", le Ministère public devait communiquer sans délai les données en sa possession.

Le Ministère public a transmis le 1er novembre 2022, au conseil de A______, une clé USB contenant une copie des écoutes ordonnées en 2014 le concernant.

vi. Par lettre du 4 novembre 2022, A______ a informé la Chambre pénale d'appel et de révision que les fichiers reçus contenaient une centaine de conversations entre lui-même et son avocat – Me E______ –, dont une partie avait fait l'objet de transcriptions par des auteurs inconnus (police ou Ministère public). Il informait les juges que ses conseils poursuivraient sans relâche le travail d'écoute, dans le but de délivrer, avant la clôture des débats, les conversations susceptibles d'apporter, à décharge, des éléments utiles à l'émergence de la vérité.

vii. Le même jour, le conseil de B______ a requis l'envoi des données issues de la surveillance téléphonique ordonnée dans la procédure P/8______/2014. La Direction de la procédure a invité le Ministère public à les lui communiquer, ce qui a été fait immédiatement, par la remise d'une clé USB contenant une copie des écoutes ordonnées en 2014 le concernant.

viii. À l'audience du 7 novembre 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision a ouvert les débats, avant de les ajourner en raison du dépôt des deux demandes de récusation (cf. A.a. et A.b. supra).

y. Le 25 novembre 2022, C______ a été élue juge au Tribunal civil avec entrée en fonction au 1er janvier 2023.

C. a. Dans sa demande de récusation, A______ relève que la période d'écoutes actives, du 6 mars au 5 juin 2014, coïncidait avec ses premières auditions et celles de B______ en qualité de prévenus, dans le cadre de la procédure P/2880/2014, entre mars et mai 2014. Il s'agissait ainsi, pour le Ministère public, d'apprécier sa réaction et celle de son co-prévenu à réception des premières citations à comparaître, puis au fil des premières audiences. Durant trois mois, ses conversations avaient été écoutées et enregistrées par la Procureure, respectivement des membres de la police judiciaire, puis, durant cinq ans, l'existence de ces écoutes lui avait été cachée.

Certes, il n'avait pas contesté la mesure lorsqu'il en avait eu connaissance fin janvier 2019, n'estimant pas disposer d'un intérêt juridique à le faire puisque la Procureure mentionnait ne pas avoir exploité les écoutes, ce dont il n'avait pas de raison de douter. Il ignorait cependant l'étendue de celles-ci.

Le 1er novembre 2022, les écoutes lui avaient été remises et il avait découvert, dès le lendemain, que les fichiers portaient sur 3005 enregistrements – dont la durée cumulée dépassait 125 heures –, et au moins 138 conversations téléphoniques entre lui-même et Me E______, ainsi que le collaborateur de celui-ci, Me M______. En outre, 91 écoutes concernaient des conversations entre lui-même et Me K______. La simple existence de ces conversations, sur le support, était constitutive d'une violation gravissime de ses droits de procédure, dès lors qu'elles auraient dû être triées et détruites par un tribunal avant leur remise au Ministère public, conformément à l'art. 271 CPP.

À cette violation s'ajoutait la découverte de fichiers contenant 42 transcriptions "dactylographiée[s] sur papier blanc sans entête, résumée[s]". Il ignorait qui en étaient les auteurs, mais, dès lors que la direction de la procédure incombait à C______, il ne faisait pas de doute que l'ordre avait été donné par cette dernière et exécuté par la police judiciaire. La majorité de ces transcriptions portait sur des conversations soumises au secret, ce que le rédacteur et le lecteur savaient à l'évidence, dans la mesure où il en ressortait expressément qu'il parlait à ses avocats. Il produit huit d'entre elles.

Ainsi, non seulement la Procureure n'avait pas fait, conformément à la loi, procéder au tri et à la destruction des écoutes protégées par le secret d'avocat, mais avait, au contraire, et en totale violation des principes généraux de procédure, ciblé les conversations entre un prévenu et son avocat, qui avaient été enregistrées et en partie transcrites, dans le but de connaître par avance les stratégies et questionnements de la défense. Elle avait ainsi, grâce à la procédure P/8______/2014 ouverte uniquement dans le but de procéder à une mesure de contrainte, récolté des informations couvertes par le secret de l'avocat qu'elle avait ensuite utilisées aux fins d'étendre les enquêtes sur des sujets qui lui étaient jusqu'alors inconnus. Les écoutes avaient ainsi, contrairement à son information mensongère, été "massivement exploitées".

Il donne, à cet égard, deux exemples :

- le 19 mars 2014, il avait eu une conversation avec Me E______ au sujet des coûts de sa maison de S______, construite par G______SA. Lors de l'audience du 7 avril 2014, B______ et lui-même avaient été précisément questionnés sur les "constructions effectuées par G______ SA sur des biens nous appartenant", à savoir la villa de S______;

- le 28 mars 2014, il avait conversé avec Me E______ au sujet du prix d'acquisition du terrain de P______. Lors de l'audience du 16 mai 2014, B______ et lui-même avaient été questionnés sur "le prix du terrain dans le cadre de la promotion de P______".

À cela s'ajoutait que lorsque le conseil de B______ avait demandé, en 2019, à la Procureure de lui envoyer une copie complète des écoutes téléphoniques, le fichier envoyé par celle-ci ne contenait pas l'intégralité des écoutes, ce qui signifiait qu'elle avait sciemment procédé à un tri des pièces de sorte à en occulter une partie. De surcroît, elle avait demandé, le 6 février 2019, à la police judiciaire de détruire les enregistrements entre les prévenus et leurs avocats. Ainsi, elle était parfaitement informée non seulement de l'existence des enregistrements prohibés, pour les avoir écoutés, respectivement avoir lu les transcriptions, mais encore de leur illicéité puisqu'elle en avait requis, "en catimini", la destruction.

Ces faits constituaient des fautes particulièrement lourdes et répétées de la magistrate, ainsi que des violations graves de ses devoirs, dont l'ampleur et la gravité étaient inédites, au préjudice de ses droits à lui, et cela dénotait une intention de vouloir, à tout prix, lui nuire.

b. Dans sa demande de récusation, B______ expose que lorsqu'il avait reçu, le 4 novembre 2022, la clé USB contenant les écoutes téléphoniques résultant de la surveillance secrète active de son raccordement, il avait découvert que C______ avait sciemment : ouvert une constellation de procédures aux fins de nourrir subrepticement et, selon toute vraisemblance, illicitement l'instruction de la procédure P/9______/2013; étendu, si ce n'est ciblé, la surveillance active secrète de son raccordement téléphonique aux conversations avec son conseil ; utilisé à charge contre lui, dans la procédure P/9______/2013, les données qu'elle savait absolument inexploitables; dissimulé ses agissements; tenté de détruire les enregistrements qu'elle avait obtenus, traités, conservés et utilisés illégalement; écarté des moyens de preuve à décharge émanant des écoutes actives secrètes non soumises au secret professionnel de l'avocat.

Pour parvenir à ces constats, il se fonde particulièrement sur :

- la feuille d'accompagnement du 11 juin 2014 (cf. B.i. supra), laquelle démontrait, par la phrase "notamment celles qui ne revêtent d'aucun secret professionnel", que l'inspecteur avait écouté les conversations soumises au secret professionnel et en avait conféré avec la magistrate, laquelle était ainsi parfaitement informée des écoutes et de l'enregistrement de ses conversations avec son avocat;

- l'avis d'expiration du délai de conservation des données en temps réel (cf. B.k.i. supra) informant la magistrate que l'accès direct aux données ne lui était désormais plus accessible, ce qui démontrait que les données contenues dans les clés USB qui lui avaient été remises avaient été "gravées durant les écoutes", contrairement aux injonctions du TMC et ciblaient également les conversations téléphoniques entre lui-même et son avocat;

- le mandat d'actes d'enquête du 12 septembre 2018, par lequel la Procureure avait sollicité la destruction des écoutes, première tentative qui avait "providentiellement" échoué;

- le contraste entre la première surveillance secrète et la seconde : la première révélant de manière évidente l'absence de précautions prises pour préserver le secret professionnel de l'avocat, notamment l'absence de cette mention dans la fiche verte adressée à la Brigade financière en 2014 – contrairement à 2016 –, étant relevé que, pour la seconde, la magistrate avait requis l'identification puis la suppression des conversations couvertes par le secret de l'avocat, ce qui avait été fait;

- la seconde tentative de la Procureure de procéder à la destruction des conversations soumises au secret de l'avocat, en février 2019, alors même que son précédent conseil, Me K______, demandait l'accès au matériel recueilli;

- la remise à son avocat, en février 2019, d'un support "corrompu", soit un CD-ROM ne contenant qu'une sélection des données enregistrées composée par ses soins sans que cela ne soit détectable par le récipiendaire;

- la "ségrégation" des procédures pénales le concernant – comme la P/7______/2019 dont il n'avait pris connaissance qu'en 2022 – trahissant la réelle intention de C______ d'en user contre lui à des fins accusatoires uniquement, étant relevé que cette dernière n'avait, jusqu'à l'intervention de la Chambre pénale d'appel et de révision, versé à la P/9______/2013 qu'une "sélection arbitraire" des moyens de preuve obtenus dans la P/7______/2019.

Ainsi, la violation du secret professionnel de l'avocat, concrétisée par la conservation des enregistrements des conversations soumises à ce secret, et la transcription de certaines d'entre elles, contrairement à l'art. 271 al. 3 CPP et à l'ordonnance du TMC, attestait de l'apparence de partialité de la Procureure à son égard. Par ailleurs, elle avait violé l'art. 141 al. 1 CPP en exploitant des moyens de preuve obtenus illégalement, et, partant, absolument inexploitables (art. 271 al. 3 cum 141 al. 1 in fine CPP). En outre, elle avait violé son droit à un procès équitable (art. 6 ch. 1 CEDH, 30 al. 1 Cst. et 147 al. 1 CPP) en procédant, dans la procédure P/7______/2019, à des auditions de tiers à huis clos, dans le cadre d'une procédure "périphérique" à la procédure P/9______/2013, le privant de participer à l'administration des preuves. Ces motifs devaient conduire à la récusation de C______.

Partant, l'ensemble des données afférentes aux écoutes illégales, ainsi que leurs éventuelles transcriptions, devaient être retranchées du dossier de la procédure. Tel devait également être le cas des preuves dérivées, en application de l'art. 141 al. 4 CPP a contrario.

D. Dans des observations séparées mais quasi similaires, C______ expose n'avoir jamais demandé à ce que des conversations couvertes par le secret professionnel de l’avocat soient écoutées; n'avoir jamais demandé la transcription d’écoutes couvertes par le secret professionnel; n'avoir pas été informée que des conversations couvertes par le secret professionnel avaient été écoutées et encore moins "retranscrites"; qu'à aucun moment, des conversations couvertes par le secret professionnel n’avaient été exploitées dans le cadre des procédures dirigées contre A______ et B______; n'avoir jamais pris connaissance du contenu des écoutes téléphoniques ordonnées en 2014; au contraire, toutes les dispositions imposées par la loi aux fins de préserver le secret professionnel de l’avocat avaient été prises.

Plus particulièrement, elle explique que :

i. en 2014, son collègue [le Procureur] I______ avait instruit les procédures contre A______ et B______ à ses côtés; il était informé de tous les actes d'instruction et les décisions étaient en général prises conjointement;

ii. l’ouverture de procédures pénales parallèles avait permis d’instruire différents complexes de faits de manière plus claire et plus lisible que s’ils avaient été tous regroupés sous le même numéro de procédure et de limiter l’accès des parties plaignantes aux faits qui les concernaient, durant toute l’instruction. Les requérants avaient été informés de l’ensemble des instructions pénales ouvertes à leur encontre et y avaient eu accès, dans le respect de l’art. 101 al. 1 CPP, avant leur jonction à la procédure principale;

iii. la procédure P/7______/2019 avait été ouverte contre inconnu et, à ce jour, personne n’avait été mis en cause; elle ne visait donc pas A______ ni B______. Les procès-verbaux d’audition établis dans cette procédure avaient été versés au dossier de la procédure P/2______/2014 en 2020, sans susciter aucune réaction. Ils concernaient des faits non retenus dans l’acte d’accusation. Les droits des requérants à participer à l’administration des preuves n'avaient donc nullement été violés;

iv. avant d’ordonner, sur la base des éléments figurant au dossier, les écoutes téléphoniques litigieuses, I______ et elle-même avaient envisagé une liste d’actes d’enquête qui devaient possiblement les occuper à plein temps durant plusieurs semaines. Ces actes et les dates réservées pour les exécuter avaient été listés dans un document dénommé "planning", créé le 12 février 2014 et enregistré pour la dernière fois le 20 février 2014, de sorte que les actes d’enquête ordonnés dans le cadre des procédures dirigées contre A______ et B______ ne découlaient pas des conversations litigieuses;

À cet égard, il ressort dudit document – produit –, que la citée en est l'auteur, qu'il a été créé le 12 février 2014 et modifié en dernier lieu le 20 février 2014. Il prévoit, notamment, le 5 mars la "pose des écoutes", le 6 mars l'envoi de convocations pour des auditions et, le 13 mars, une perquisition chez le notaire J______;

v. par essence, la mise en œuvre de mesures secrètes impliquait un dossier séparé et la pratique voulait qu'il porte un numéro de procédure spécifique, en l'occurrence P/8______/2014. Dans le respect du délai de l’art. 279 al. 1 CPP, A______ et B______ avaient été informés, le 31 janvier 2019, qu’une mesure de surveillance secrète avait été ordonnée et que les données recueillies ne seraient pas exploitées. Ils avaient du reste répondu à ce courrier en reprenant le numéro de ladite procédure;

vi. la mesure de surveillance secrète des communications de A______ et B______, validée par le TMC, était licite. L’ordonnance du TMC, qui se limitait à rappeler les principes découlant du CPP, ne contenait aucune mesure concrète à mettre en place, de sorte qu'il n’était pas nécessaire d’attirer l’attention des inspecteurs sur le respect du secret professionnel, ceux-ci connaissant les interdictions légales à cet égard;

vii. l’analyse des écoutes téléphoniques avait été rapportée au Ministère public par la feuille d'accompagnement du 11 juin 2014, laquelle faisait uniquement part de l’absence d’éléments pertinents pour l’enquête; cette fiche ne mentionnait nullement que des conversations couvertes par le secret professionnel auraient été transcrites, ni même écoutées; se fondant sur l’information qu’aucune conversation utile à l’enquête n’avait été identifiée, il avait été décidé de ne pas exploiter les écoutes téléphoniques litigieuses;

viii. après qu'elle eut, le 6 octobre 2014, renvoyé au SCPT le formulaire en mentionnant par erreur la date du 6 juillet 2014 pour la prolongation de la conservation des données, les conversations avaient été "archivées à une date indéterminée" et, le 4 juillet 2019, la Brigade financière lui avait transmis, pour la première fois, les DVD d’archives reçus en retour du TMC;

ix. elle n'avait pas saisi le TMC d’une demande de tri des conversations soumises au secret, mais en avait ordonné la destruction, conformément à l'art. 271 al. 3 CPP, avant que ces conversations ne lui parviennent, car la procédure de tri était destinée à distinguer, en cas d'incertitude, les communications couvertes par un secret professionnel de celles qui ne l'étaient pas. En l'occurrence, l'ensemble des échanges entre A______ et ses conseils était couvert par ce secret, ce qui rendait la procédure de tri sans objet. Aucun recours n’avait été déposé contre sa décision. En outre, dans le délai de recours, la Brigade financière avait informé le Ministère public, d’une part, que la destruction ordonnée n’était pas possible pour des raisons techniques, "et, d’autre part, qu’elle [la Brigade] avait soumis les DVD d’archives au juge". Ainsi, lorsque les DVD d’archives étaient parvenus au Ministère public le 4 juillet 2019, elle avait considéré qu'ils pouvaient être conservés au dossier, "sachant qu’ils avaient été soumis au [TMC]", lequel les avait restitués à la Brigade financière "sans formuler de réserve" et qu'il avait été décidé de ne pas les exploiter;

x. à réception, ces DVD avaient été versés dans la procédure P/8______/2014, laquelle avait ensuite été archivée, puisqu'il avait été décidé de ne pas exploiter ces conversations. Elle n'avait jamais consulté ces DVD;

xi. les conversations litigieuses, dont elle n'avait ainsi pas eu connaissance, n'avaient aucunement été exploitées et les transcriptions produites par les requérants n'établissaient pas le contraire, en particulier celles des 19 et 28 mars 2014. A______ et B______ avaient été interrogés, lors des audiences d'instruction des 7 avril et 16 mai 2014, sur les faits qui leur étaient reprochés, lesquels portaient notamment sur le paiement des travaux effectués par G______ SA sur la villa de S______ appartenant au premier et les soupçons portant sur les deux prévenus d'avoir surfacturé les terrains vendus à leurs clients par rapport au prix admis par l’Office du logement dans les accords provisoires de vente. Tous les éléments discutés lors des audiences et tous les actes réalisés par elle reposaient sur les éléments au dossier, dans l’ignorance que des conversations couvertes par le secret professionnel avaient été écoutées et transcrites;

xii. elle n'avait nullement dissimulé les écoutes et transcriptions litigieuses. Lorsque, le 4 février 2019, elle avait remis au conseil de B______ une copie de l’intégralité des éléments en ses mains à cette date, soit quelques dizaines de conversations de 2016-2017, elle ne détenait aucune conversation enregistrée en 2014, n'ayant reçu les DVD d’archives que le 4 juillet 2019. B______ n’avait jamais réagi au fait de n’avoir reçu aucune des données recueillies en 2014; il avait, de plus, été informé "à l’époque", par le rapport de police du 4 juillet 2019, que des DVD d’archives avaient été transmis au Ministère public ce jour-là. Il était donc faux d’affirmer qu'elle aurait tenté de dissimuler des agissements illicites par la remise d’une copie prétendument tronquée de la procédure P/8______/2014;

xiii. sa préoccupation constante avait été de s’assurer que des conversations entre les prévenus et leurs défenseurs ne soient pas rendues accessibles. Or, il n’était pas possible techniquement de ségréguer les conversations entrantes au moment de leur enregistrement par le SCPT. "La question de la destruction des écoutes téléphoniques de 2014 ne s’[était] pas posée immédiatement", la Brigade financière l'ayant informée peu après la levée de la mesure que celle-ci n'avait apporté aucun élément pertinent à l'enquête. Le 24 août 2018, elle avait pris des mesures en vue de l’effacement des conversations de 2016-2017 entre B______ et son conseil, seules celles entre le prévenu et les notaires devant être soumises au TMC en vue d’un tri. En septembre 2018, elle avait voulu procéder de même avec les conversations recueillies en 2014 entre les prévenus et leurs conseils respectifs. Il s’était avéré que celles-ci avaient déjà été archivées, à la suite d’une erreur dans la demande du délai de prolongation. Dans un premier temps, il avait fallu localiser les archives, puis, une fois celles-ci localisées, la Brigade financière l'avait informée que l’archivage rendait leur destruction impossible d’un point de vue technique. Au demeurant, les inspecteurs qui avaient renseigné le Ministère public en 2018 et 2019 ignoraient tout du contenu de ces écoutes ordonnées en 2014, puisqu’ils n’avaient pas participé à leur analyse et plus personne au sein de la Brigade financière n’avait accès à ces données. En septembre 2018 et janvier 2019, dates auxquelles elle avait entrepris des démarches aux fins de faire effacer les conversations téléphoniques litigieuses, les DVD d’archives ne lui étaient pas parvenus, et elle n'y avait donc pas eu accès. Les demandes de destruction n’avaient donc que pour but d’épurer les archives des conversations couvertes par le secret professionnel de l’avocat avant qu’elles ne parviennent au Ministère public, et ses demandes n’établissaient nullement que quiconque au sein du Ministère public aurait eu connaissance de transcriptions de conversations couvertes par le secret professionnel. Au contraire, ses demandes démontraient le souci de respecter le secret professionnel et les prescriptions de l’art. 271 al. 3 CPP.

Partant, les requêtes de récusation, qui ne reposaient sur aucun élément objectif, étaient infondées.

E. a. A______ réplique que, à teneur du planning produit par la magistrate, les écoutes visaient spécifiquement à apprécier ses réactions et celles de B______ lors des nombreuses audiences et perquisitions agendées en mars 2014, pour anticiper la stratégie de leur défense. C______ avait d'ailleurs requis du TMC qu'il précise si des mesures visant à sauvegarder le secret professionnel devaient être prises, démontant qu'elle en était consciente. Or, elle n'avait, dans le mandat d'actes d'enquête adressé à la police, pas transmis à celle-ci les injonctions du TMC relatives à la protection du secret de l'avocat, alors qu'il relevait de son devoir de surveiller et d'instruire les inspecteurs, conformément à l'art. 15 al. 2 CPP.

L'affirmation de la Procureure selon laquelle elle n'aurait pas été informée des conversations couvertes par le secret de l'avocat était "insoutenable". La mesure de surveillance était "active", soit "en temps réel", ce qui impliquait que des comptes rendus oraux, ou écrits, étaient forcément transmis, au fur et à mesure, à la direction de la procédure. Il n'était pas crédible que la magistrate se soit désintéressée des écoutes ordonnées, sans en discuter avec la police, au fur et à mesure, attitude qui aurait été en totale contradiction avec le soin apporté à la requête, de 106 pages (pièces comprises) déposée au TMC pour obtenir la validation de la mesure de surveillance secrète. D'ailleurs, il ressortait de la feuille d'accompagnement du 11 juin 2014, que le contenu des enregistrements avait bel et bien été discuté entre l'inspecteur et la magistrate, sans que cela fasse l'objet d'une note au dossier, en violation de l'art. 100 CPP. À l'évidence, les discussions entre l'inspecteur et C______ avaient porté sur les enregistrements transcrits par le premier, donc les conversations couvertes par le secret de l'avocat, ce que la précision "notamment celles qui ne revêtent d'aucun secret professionnel" confirmait. Or, bien qu'ayant été explicitement informée de l'existence d'écoutes prohibées, C______ n'avait pas immédiatement agi pour faire supprimer celles-ci par le TMC, seule autorité compétente. Cela illustrait sa volonté d'utiliser ces enregistrements prohibés, pour partie transcrits, afin d'aiguiller l'instruction de la procédure. En revanche, elle n'avait nullement utilisé, à décharge, les autres conversations, non couvertes par le secret de l'avocat.

Le planning produit par C______ ne contenait pas le détail des problématiques abordées en audience, ni les questions destinées à être posées. Que les sujets abordés dans les écoutes n'aient pas été soulevés par la magistrate à l'audience suivante importait peu, puisque l'enregistrement des conversations couvertes par le secret lui permettait d'ajuster son protocole d'audience en fonction des éléments discutés.

C______ avait attendu jusqu'au 12 septembre 2018, soit plus de quatre ans, pour requérir, illicitement et auprès d'une autorité non compétente, la suppression des écoutes prohibées. Durant ce laps de temps, qui violait les injonctions de l'art. 271 CPP, ces informations, à disposition de la magistrate, avaient été utilisées. Si elle avait ordonné la destruction des conversations entre B______ et Me K______, tel n'avait pas été le cas de ses conversations entre lui et son avocat. De plus, la localisation des archives (sous forme de DVD), totalement "obscure", révélait l'insouciance totale avec laquelle la magistrate avait traité les écoutes, qu'elle savait pourtant contenir des preuves illicites et inexploitables. Le tri soumis au TMC, mentionné par la magistrate, portait exclusivement sur les conversations avec l'étude du notaire, sans aucun lien avec les écoutes litigieuses. Le fait qu'elle ait à nouveau tenté, en février 2019, de requérir de la police judiciaire la suppression de ces enregistrements démontrait qu'elle était consciente de l'existence des écoutes prohibées, et du fait qu'elles n'avaient jamais été triées ni supprimées.

b. B______ étend sa requête de récusation au Procureur I______, en réaction à l'assertion de C______ selon laquelle elle avait pris les décisions de procédure conjointement avec ce dernier.

Depuis à tout le moins l'été 2019, C______ détenait et avait libre accès aux centaines de conversations litigieuses – enregistrées, écoutées et transcrites –, dont elle ne lui avait remis copie que sur injonction du Président de la Chambre pénale d'appel et de révision. Sous l'angle de l'apparence, ces constats suffisaient, à eux seuls, à conduire à sa récusation.

La posture de la Procureure, selon laquelle tout aurait été mené à son insu, ne résistait ni à l'examen des pièces ni au simple bon sens. Puisque le mandat d'actes d'enquête avait été décerné par la magistrate à la Brigade financière, les inspecteurs étaient "ses mains et ses oreilles". Sous l'angle du bon sens, on pouvait se demander : à quoi cela servait de vouloir écouter "pour ne rien vouloir entendre" ; à quoi cela servait de transcrire si ce n'était pour répercuter le contenu des conversations à d'autres personnes; et comment l'on pouvait renoncer à exploiter des informations si l'on en ignorait le contenu. D'ailleurs, la feuille d'accompagnement du 11 juin 2014 démontrait que la Procureure avait eu un entretien téléphonique avec l'inspecteur de la Brigade financière lors duquel il avait été fait état, expressément, de conversations couvertes par un secret professionnel.

La Procureure faisait grand cas de ses différentes démarches visant à la destruction des données protégées par le secret de l'avocat, mais la chronologie démontrait au contraire qu'elle avait attendu cinq ans pour y procéder.

Elle soutenait ne pas avoir exploité les écoutes téléphoniques de 2014, mais il ne s'agissait pas ici de prouver que les données couvertes par le secret professionnel de l'avocat avaient été concrètement exploitées. Sous l'angle de l'apparence, la simple prise de connaissance de leur contenu ou de leur existence suffisait à entacher l'impartialité de la magistrate. Au demeurant, vouloir établir la corrélation précise entre l'instruction et les conversations soumises au secret reviendrait à violer celui-ci.

Le planning produit par C______, dont la recevabilité paraissait douteuse, démontrait qu'il existait des documents internes en lien avec les procédures ouvertes contre lui, dont il aurait été nécessaire d'obtenir la production de l'intégralité, en particulier les échanges entre la Procureure et les inspecteurs de la Brigade financière.

c. Dans ses dupliques, C______ confirme qu'à aucun moment elle n'avait cautionné le fait d'écouter des conversations couvertes par le secret professionnel et de les transcrire; au surplus, il ne lui appartenait pas de se déterminer sur le travail accompli par les inspecteurs sur les écoutes. Elle réfute l'argument selon lequel elle aurait nécessairement été informée des conversations couvertes par le secret professionnel du seul fait qu'elles avaient été transcrites par la police judiciaire. L'argument du "bon sens" représentait l'essence même de l'impression subjective. Cette supposition, fausse, ne reposait sur aucun élément objectif et méconnaissait le quotidien d'un magistrat du Ministère public.

Un cabinet de la section des affaires complexes comportait en moyenne 50 à 60 procédures, d'envergure, à traiter en parallèle. Lorsqu'une mesure de surveillance était déléguée à la police judiciaire, le procureur "ne pass[ait] pas son temps à être renseigné à chaque instant du résultat de ladite mesure", mais se consacrait à d'autres actes, voire à d'autres dossiers. Lorsqu'il était informé qu'une mesure de surveillance se révélait non pertinente, "le bon sens pour un procureur veut qu'il ne s'égare pas dans une telle voie", quel que soit le temps consacré à la mise en place de ladite mesure, mais se consacre aux actes d'enquête utiles ; en l'occurrence, il y en avait "foison". Dans le cas d'espèce, la police judiciaire l'avait informée, oralement, que la mesure de surveillance n'avait permis de recueillir aucun élément pertinent pour l'enquête "et que les prévenus avaient des conversations téléphoniques avec leurs conseils respectifs". La feuille d'accompagnement du 11 juin 2014 ne disait rien d'autre. Ce document, qui n'avait pas la valeur d'un rapport de police, n'indiquait pas que l'inspecteur l'aurait informée que des conversations couvertes par le secret professionnel avaient été écoutées, encore moins transcrites. L'argument qui se fondait sur le seul terme "notamment" tombait ainsi à faux. Il lui était par ailleurs reproché de ne pas avoir établi de note ou de rapports de ses contacts avec la police judiciaire, mais à teneur de l'art. 76 CPP, seuls les actes de procédure devaient être consignés au dossier. Une telle note aurait quoi qu'il en soit été inutile, puisque, en principe, la police confirmait le résultat de l'analyse des communications par un rapport de police en bonne et due forme. Or, la Brigade financière n'avait pas même jugé utile d'établir un tel rapport et avait confirmé les informations, "dépourvues d'intérêts et transmises oralement", par une feuille d'accompagnement.

Les requérants n'affirmaient plus qu'elle aurait ordonné l'écoute ou la transcription de conversations couvertes par le secret professionnel, ni exploité de telles conversations, mais invoquaient désormais une prétendue violation de l'art. 271 CPP, ce qu'elle réfutait. À teneur de cette disposition, les conversations entre les prévenus et leurs conseils ne devaient pas être triées, mais détruites. La situation était différente de celles prévalant en 2016, concernant les conversations avec le notaire, dont le TMC avait, dans son ordonnance de validation de la mesure, requis le tri.

Durant une mesure de surveillance active, le SCPT procédait à l'enregistrement des données qui étaient mises à la disposition, en temps réel, des inspecteurs concernés, à travers le système LIS. Tant que les conversations étaient en ligne sur ce système, seuls les inspecteurs autorisés y avaient accès. Aucune autre autorité n'avait accès au système, en particulier pas les procureurs. Après l'archivage, l'accès était coupé. Seul le SCPT – et donc pas le TMC – disposait par ailleurs d'un accès permettant de modifier les données enregistrées, et notamment de les effacer. En 2018, "les conversations de 2014 avaient été archivées et celles couvertes par le secret professionnel ne pouvaient dès lors plus être détruites" (duplique B______, p. 3). Elle avait donc "sollicité l'effacement à l'autorité qu'elle pensait être en mesure d'exécuter sa demande, soit la police judiciaire puisque les données avaient été archivées et communiquées à cette dernière" (cf. duplique A______, p. 2). La police avait toutefois transmis les DVD au TMC, sans en informer le Ministère public, en décembre 2018. Ignorant ce fait, elle avait requis, le 6 février 2019, leur localisation et appris, à réception du rapport de police du 11 février 2019, que les DVD se trouvaient au TMC. À une date indéterminée, ces DVD avaient été restitués à la police judiciaire, qui les lui avait transmis le 4 juillet 2019. Ainsi, lorsque, en février 2019, elle avait transmis le contenu de la procédure P/8______/2014 au conseil de B______, le dossier ne pouvait pas contenir les DVD des écoutes de 2014 – remises à elle ultérieurement – de sorte qu'il était faux de lui reprocher d'avoir voulu occulter des données.

Il s'ensuivait que, conformément au rapport de renseignements du 18 septembre 2018 (cf. B.o.ii. supra) personne n'avait accédé aux conversations de 2014 depuis une date indéterminée qu'elle estimait être celle de la levée de la mesure [soit le 5 juin 2014]. Elle-même avait reçu les DVD le 4 juillet 2019 alors qu'elle ne "les attendait pas". À cette date, les parties avaient déjà reçu l'avis de prochaine clôture depuis près de quatre mois.

Ce qui précède démontrait qu'elle avait agi en tout temps dans le respect de la loi et "selon les usages au Ministère public, compte tenu des circonstances dans lesquelles les procureurs doivent exercer leur charge". Au surplus, le fait qu'elle ait donné suite à l'invitation du Président de la Chambre pénale d'appel et de révision, lequel avait agi sans base légale puisque cette juridiction n'était pas saisie de la procédure P/8______/2014, démontrait qu'elle n'avait rien à cacher.

d. Les requérants ont répondu. A______ persiste à soutenir que l'écoute de conversations prohibées ne relevait pas de la coïncidence; ces écoutes "avaient une utilité et, par conséquent, [avaient] été utilisées". Il n'y avait ainsi aucune place pour une quelconque présomption d'impartialité.

EN DROIT :

1.             En tant que les deux demandes de récusation ont été interjetées contre C______ – voire d'autres membres du Ministère public – et ont trait au même complexe de faits, il se justifie de les joindre, la Chambre de céans statuant par un seul et même arrêt.

2.             2.1. Lorsqu’est en cause la récusation d'un procureur, il appartient à l’autorité de recours, au sens des art. 20 al. 1 et 59 al. 1 let. b CPP, de statuer (arrêts du Tribunal fédéral 1B_488/2011 du 2 décembre 2011 consid. 1.1 et 1B_243/2012 du 9 mai 2012 consid. 1.1), de sorte que la Chambre de céans est compétente à raison de la matière (ACPR/491/2012 du 14 novembre 2012).

Tel est le cas même après la transmission de l’acte d’accusation au tribunal de première instance, soit après la clôture de la procédure préliminaire (ATF 148 IV 17 consid. 2), mais avant l’entrée en force de la décision pénale, au sens de l’art. 437 al. 3 CPP (art. 60 al. 3 CPP ; ATF 144 IV 35 consid. 2.3.2).

2.2. Les requérants sont prévenus dans la procédure P/9______/2013, de sorte qu'ils disposent de la qualité pour agir (art. 58 al. 1 et 104 al. 1 let. a CPP).

2.3. Il n'y a pas de place pour des conclusions constatatoires là où des conclusions formatrices sont possibles (ACPR/94/2022 consid. 3 et les références), de sorte que les conclusions de A______ visant à faire constater un motif de récusation sont irrecevables.

2.4. En tant que B______ requiert la récusation de la citée dans la procédure P/9______/2017 (cf. B.w. supra), la demande est irrecevable, cette procédure étant déjà clôturée au moment du dépôt de la demande (art. 60 al. 3 CPP).

2.5. B______ conclut au constat de l'inexploitabilité des supports contenant les enregistrements de 2014 et 2016/2017 et de tout acte d'enquête et/ou d'instruction réalisé et fondé sur ces écoutes, ainsi qu'au retranchement des clés USB contenant les écoutes et du résultat de tout acte d'enquête et/ou d'instruction fondé sur ces preuves. En tant que cette conclusion serait fondée sur l'art. 141 CPP – la demande ne citant aucune disposition légale –, elle est irrecevable. En effet, la légalité – et l'exploitabilité – des moyens de preuve doit être soumise au juge du fond (art. 339 al. 2 let. d CPP), autorité qui est à même de faire la distinction entre les moyens de preuve licites et ceux qui ne le seraient pas, pour fonder son appréciation en conséquence (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1 ; 143 IV 387 consid. 4.4).

3. La citée a quitté sa charge de Procureur postérieurement au dépôt des requêtes, mais cela ne rend pas pour autant ces dernières d’emblée dépourvues d’objet. D'une part, car la citée pourrait, selon l'art. 33 al. 5 de la Loi sur l'organisation judiciaire (E 2 05 – LOJ), être désignée comme procureur suppléant pour continuer à soutenir l'accusation devant la Chambre pénale d'appel et de révision. D'autre part, car le constat, a posteriori, de l’éventuelle partialité de la magistrate, à compter d’une date précise, alors qu'elle exerçait la direction de la procédure, pourrait mener à l’annulation d'actes de procédure postérieurs à cette date (ACPR/186/2019 du 11 mars 2019 consid. 1).

4. Sous réserve du respect de l’obligation de célérité (art. 5 CPP), l’art. 59 al. 1 CPP n’exclut pas une administration des preuves par l'autorité de recours, en sus de la détermination de la personne concernée par la demande de récusation, lorsque, comme en l’espèce, l’art. 56 let. f CPP est invoqué (arrêts du Tribunal fédéral 1B_186/2019 du 24 juin 2019 consid. 4.1 ; 1B_227/2013 du 15 octobre 2013 consid. 4.1 et les références citées; et les références citées).

En l'espèce, il n'a pas été nécessaire à la Chambre de céans, pour trancher la cause, de recueillir des observations d'autres parties que la magistrate concernée.

5. 5.1. Selon l'art. 58 al. 1 CPP, la demande de récusation doit être présentée "sans délai", dès que la partie a connaissance du motif de récusation. L'autorité qui constate qu'une demande de récusation est tardive n'entre pas en matière et la déclare irrecevable (A. DONATSCH / T. HANSJAKOB / V. LIEBER (éds), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), Zurich 2010, n. 4 ad art. 58 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 2C_239/2010 du 30 juin 2010 consid. 2.2; ACPR/303/2014 du 18 juin 2014).

Celui qui omet de se plaindre immédiatement de la prévention d'un magistrat et laisse le procès se dérouler sans intervenir, agit contrairement à la bonne foi et voit son droit se périmer (ATF 134 I 20 consid. 4.3.1; 132 II 485 consid. 4.3; 130 III 66 consid. 2). Dès lors, même si la loi ne prévoit aucun délai particulier, il y a lieu d'admettre que la récusation doit être formée aussitôt, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_754/2012 du 23 mai 2013 consid. 3.1). La jurisprudence admet le dépôt d'une demande de récusation six à sept jours après la connaissance des motifs mais considère qu'une demande déposée deux à trois semaines après est tardive (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, N. 3 ad art. 58 CPP et références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_14/2016 du 2 février 2016 consid. 2 et 1B_60/2014 du 1er mai 2014 consid. 2.2).

5.2. En l'espèce, ce n'est qu'à réception, le 1er, respectivement 4 novembre 2022, de la clé USB contenant la copie des écoutes actives ordonnées en 2014 dans la procédure P/8______/2014 que les requérants ont effectivement pris connaissance de l'existence d'enregistrements de conversations avec leur avocat respectif.

Formées le 4 novembre 2022, respectivement 6 suivant, les demandes de récusation respectent l'exigence de l'art. 58 CPP, et sont par conséquent recevables.

6.             Les requérants estiment que les conditions pour une récusation de C______ – voire de I______ – sont réalisées, "avec effet rétroactif".

6.1. À teneur de l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention.

6.1.1. Toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est récusable pour l'un des motifs prévus aux art. 56 let. a à e CPP. Elle l'est également, selon l'art. 56 let. f CPP, "lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention". L'art. 56 let. f CPP a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres a à e de l'art. 56 CPP. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH (ATF 143 IV 69 consid 3.2 p. 74). Cet article du Code de procédure concrétise aussi les droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès et assure au justiciable cette protection lorsque d'autres autorités ou organes (cf. art. 12 CPP) que des tribunaux (cf. art. 13 CPP) sont concernés (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; 127 I 196 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_384/2017 du 10 janvier 2018 consid. 4.1).

6.1.2. Durant la phase de l'enquête préliminaire, ainsi que de l'instruction et jusqu'à la mise en accusation, le ministère public est l'autorité investie de la direction de la procédure (art. 61 let. a CPP). À ce titre, il doit veiller au bon déroulement et à la légalité de la procédure (art. 62 al. 1 CPP). Durant l'instruction il doit établir, d'office et avec un soin égal, les faits à charge et à décharge (art. 6 CPP); il doit statuer sur les réquisitions de preuve et peut rendre des décisions quant à la suite de la procédure (classement ou mise en accusation), voire rendre une ordonnance pénale pour laquelle il assume une fonction juridictionnelle. Dans ce cadre, le ministère public est tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête. Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; 138 IV 142 consid. 2.2.1).

6.1.3. La procédure de récusation a pour but d'écarter un magistrat partial, respectivement d'apparence partiale afin d'assurer un procès équitable à chaque partie (ATF 126 I 68 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.3.2). Elle vise notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3; 143 IV 69 consid. 3.2; arrêt 1B_25/2022 du 18 mai 2022 consid. 2.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1).

6.1.4. Des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention. En revanche, des actes de procédure menés en violation des droits d'une partie peuvent manifester une prévention à l'égard de cette partie (arrêt du Tribunal fédéral 1B_375/2017 du 7 février 2018 consid. 5.3 et 5.4). Il n'y a prévention en raison d’erreurs de procédure que lorsqu’un examen objectif révèle des manquements particulièrement grossiers ou inhabituellement fréquents qui, appréciés dans leur ensemble, constituent une violation grave des devoirs de fonction et se répercutent unilatéralement au détriment de l’une des parties à la procédure (ATF 141 IV 178 consid. 3.3 et 3.5; 138 IV 142 consid. 2.3). C'est l'intensité particulière des vices de procédure qui est déterminante, les décisions et actes de procédure erronés du procureur ne constituant pas en soi un motif de récusation (F. TEICHMANN et M. WEISS, Commentaire de l'arrêt 1B_375/2017 [susmentionné], in forumpoenale 3/2019 p. 184). La fonction judiciaire oblige en effet à se déterminer rapidement sur des éléments souvent contestés et délicats. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises notamment par la direction de la procédure (ATF
143 IV 69 consid. 3.2).

6.2. En l'espèce, les requérants reprochent, en premier lieu, à la citée d'avoir ouvert plusieurs procédures parallèlement à la P/9______/2013, en particulier la procédure P/11______/2017. Ils y voient une manière de "nourrir subrepticement" et "illicitement" l'instruction de la première procédure. Or, si tant est que cet argument ne soit pas tardif sous l'angle de l'art. 58 CPP, l'ouverture de plusieurs procédures parallèles à la procédure principale ne constitue pas un motif de récusation, ce mode d'instruire ne fondant, en tant que tel, aucun soupçon de partialité.

Ils reprochent ensuite à la Procureure d'avoir ouvert, à leur insu, une procédure occulte – référencée P/8______/2014 – pour ordonner des mesures d'investigation secrètes sur leurs raccordements téléphoniques. Dès lors que, pour demeurer secrète, une mesure ordonnée conformément à l'art. 269 CPP ne saurait être conduite dans la procédure de base, à laquelle les prévenus ont accès, le Ministère public est de facto amené à ouvrir une procédure séparée dans laquelle sont versés les pièces de forme et le résultat de l'investigation secrètes. Il s'ensuit que l'ouverture, ici, d'une telle procédure, sous le numéro de référence P/8______/2014, ne constitue ni un acte illicite, ni ne saurait fonder des soupçons de partialité à l'égard de la citée. Les écoutes téléphoniques actives ordonnées le 6 mars 2014 sur les raccordements téléphoniques utilisés par les requérants ont en outre été validées par ordonnance du TMC du lendemain. La mesure est donc conforme à la loi. Au demeurant, les requérants ont eu connaissance, à réception de la lettre que leur a adressée la citée le 31 janvier 2019, de l'existence de la procédure P/8______/2014 et de la mesure secrète ordonnée le 6 mars 2014. Ils ne sauraient donc soutenir ne l'avoir découverte qu'en novembre 2022.

6.3. Les requérants invoquent la découverte, dans le dossier de la procédure P/8______/2014, d'enregistrements de conversations téléphoniques tenues en 2014 entre eux-mêmes et leurs avocats, certaines d'entre elles ayant été résumées et transcrites.

6.3.1. Les art. 269ss CPP traitent des mesures de surveillance secrètes que peut, à certaines conditions, ordonner le ministère public, parmi lesquelles figure la surveillance de la télécommunication de prévenus (art. 269 et 270 let. a CPP). Dans ce cadre, l'art. 271 CPP garantit le respect du secret professionnel.

Avec l'entrée en vigueur, le 1er mars 2018, de la révision de la Loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (RS 780.1 – LSCPT), l'art. 271 CPP a été modifié.

6.3.2. Avant cette révision, l'art. 271 al. 1 CPP prévoyait que "en cas de surveillance d’une personne appartenant à l’une des catégories professionnelles énumérées aux art. 170 à 173 [CPP] [ – soit par exemple un avocat –], le tri des informations qui n’ont pas de rapport avec l’objet de l’enquête ni avec le motif pour lequel la personne concernée est soumise à surveillance doit être exécuté sous la direction d’un tribunal. Ce tri est opéré de telle sorte que les autorités de poursuite pénale n’aient connaissance d’aucun secret professionnel".

L'art. 271 al. 3 CPP prévoyait que : "En cas de surveillance d’autres personnes [que celles appartenant à l'une des catégories professionnelles énumérées aux art. 170 à 173 CPP], les informations à propos desquelles l’une des personnes mentionnées aux art. 170 à 173 [CPP] pourrait refuser de témoigner doivent être retirées du dossier de la procédure pénale et immédiatement détruites; elles ne peuvent pas être exploitées".

Selon la doctrine relative à cette disposition, dans cette situation – soit lorsque la surveillance d'une personne révèle des informations relevant du secret professionnel (p. ex. conversations issues d'un entretien téléphonique avec un avocat) –, les informations couvertes par le secret seront nécessairement portées à la connaissance de l'autorité de poursuite puisque c'est à elle que revient la décision de les retirer ou non du dossier. Dès qu'il est établi que la cible – soit le prévenu – communique avec un dépositaire de secret, des mesures de tri doivent être mises en place pour ne pas vider de son contenu la protection du secret. Selon l'art. 271 al. 3 CPP, qui s'adresse non seulement à l'autorité de poursuite, mais également à celle qui est chargée du tri (al. 1), les conversations pour lesquelles le droit de refuser de témoigner peut être invoqué doivent être écartées du dossier pénal et immédiatement détruites. Ces informations ne peuvent pas être exploitées, soit être utilisées comme moyens de preuve (A. KUHN / Y. JEANNERET, Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 18 et 19 ad art. 271).

6.3.3. Depuis le 1er mars 2018, l'art. 271 al. 1 CPP prévoit qu'en cas de surveillance d’une personne appartenant à l’une des catégories professionnelles énumérées aux art. 170 à 173 CPP, le tri des informations qui n’ont pas de rapport avec l’objet de l’enquête ni avec le motif pour lequel la personne concernée est soumise à surveillance doit être exécuté sous la direction d’un tribunal. Ce tri est opéré de telle sorte que les autorités de poursuite pénale n’aient connaissance d’aucun secret professionnel. Les données écartées doivent être immédiatement détruites; elles ne peuvent pas être exploitées.

L'art. 271 al. 3 CPP prévoit qu'en cas de surveillance d’autres personnes [que celles appartenant à l'une des catégories professionnelles énumérées aux art. 170 à 173 CPP], dès qu’il est établi qu'elles communiquent avec l’une des personnes mentionnées aux art. 170 à 173 CPP, un tri des informations portant sur les communications avec cette personne doit être entrepris selon les modalités de l’al. 1. Les informations à propos desquelles l’une des personnes mentionnées aux art. 170 à 173 CPP pourrait refuser de témoigner doivent être retirées du dossier de la procédure pénale et immédiatement détruites; elles ne peuvent pas être exploitées.

Le Message concernant la loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (FF 2013 pp. 2379ss) explique comme suit les motifs de cette révision : "l'al. 3 [de l'art. 271 CPP] est complété, de manière à mieux refléter ce qui se passe dans la réalité. À l'instar de ce que prévoit l'al. 1, il y a lieu d'éviter que les autorités de poursuite pénale aient connaissance d'informations couvertes par le secret professionnel. Le tri devant être effectué sous la direction d'un tribunal porte exclusivement sur des informations issues d'envois et de communications avec les personnes mentionnées aux art. 170 à 173 CPP. Les informations relevant de communications avec des personnes ne revêtant pas cette qualité ne doivent pas faire l'objet de ce tri" (p. 2475).

6.3.4. En l'occurrence, il est constant, et l'art. 271 al. 3 CPP le rappelle – dans ses versions avant et après le 1er mars 2018 – que les conversations entre un prévenu visé par une mesure de surveillance téléphonique et son avocat sont protégées. Elles doivent donc être retirées du dossier de la procédure pénale et immédiatement détruites. Dans le cas présent, ce principe a été violé, puisque, d'une part, les conversations entre les requérants et leurs avocats se trouvent, gravées sur des DVD, dans le dossier de la procédure P/8______/2014, et, d'autre part, certaines ont été transcrites ce qui implique qu'elles ont été écoutées.

La citée soutient avoir elle aussi découvert leur existence dans le dossier en novembre 2022, mais avoir tout entrepris, en son temps, pour qu'elles soient effacées conformément à l'art. 271 al. 3 CPP.

Or, il ressort de la chronologie des faits, que, lorsque la citée a, le 6 mars 2014, ordonné la mise sur écoute des requérants, elle savait que ces derniers conversaient avec leurs avocats, puisqu'elle avait précisé, dans sa requête au TMC, que les prévenus étaient susceptibles d'avoir des conversations téléphoniques avec leurs conseils juridiques et demandé qu'il lui soit précisé si des mesures visant à sauvegarder le secret professionnel devaient être prises. Elle savait donc que, conformément à l'art. 271 al. 3 aCPP – dans sa teneur à cette date –, ces conversations ne pouvaient pas être exploitées, devaient être retirées du dossier de la procédure et immédiatement détruites.

Le mandat d'acte d'enquête transmis à la police le 6 mars 2014 par la citée ne fait nulle mention de cette obligation, contrairement à ce qui sera le cas pour les écoutes de 2016, mais on ne saurait inférer de ce silence que la magistrate avait conféré un blanc-seing aux inspecteurs pour violer le secret professionnel de l'avocat, étant précisé que, contrairement à l'ordonnance du 7 décembre 2016, le TMC n'a, le 7 mars 2014, pas précisé que les conversations entre les prévenus et leurs avocats respectifs ne devaient pas être écoutées, mais que, conformément à l'art. 271 al. 3 aCPP – dans son ancienne teneur –, elles ne devaient être ni utilisées, ni transcrites ni enregistrées sur un support.

Entre le début des écoutes actives, le 6 mars 2014, et leur levée, le 5 juin 2014, la citée a entrepris de nombreux actes d'enquête, parmi lesquels quatre auditions des requérants. Elle soutient n'avoir pas régulièrement discuté, avec la Brigade financière, de la progression des écoutes en temps réel, ce qui paraît surprenant au vu de l'importance de la mesure, de sa durée (trois mois) et de son coût financier. Faute d'élément objectif, ce point peut cependant demeurer indécis dès lors qu'il ne saurait, à lui seul, fonder un motif de récusation.

La citée admet cependant que la police judiciaire l'avait informée, oralement, que la mesure de surveillance n'avait pas permis de recueillir d'élément pertinent pour l'enquête "et que les prévenus avaient des conversations téléphoniques avec leurs conseils respectifs". Cette discussion s'est tenue à tout le moins avant l'échéance de la mesure secrète, le 6 juin 2014, car il était nécessaire, à cette date, que la magistrate décide ou non de prolonger celle-ci. Elle décidera finalement de la lever le 5 juin 2014. Cette discussion ne fonde pas, à elle seule, un motif de récusation.

La Procureure reconnaît qu'en principe, la police confirme le résultat de l'analyse des communications par un rapport de police en bonne et due forme (cf. E.c. supra). Contrairement aux réquisits de l'art. 307 al. 3 CPP qui prévoient que, à l'issue des mesures – ici, la surveillance secrète –, la brigade chargée des investigations rend un rapport résumant les preuves recueillies pour déterminer s'il y a lieu de les exploiter, la police s'est limitée, dans le cas présent, à renvoyer le 11 juin 2014 à la Procureure son mandat d'actes d'enquête avec une feuille d'accompagnement ainsi libellée : "Suite au tél. de ce jour avec la Magistrate, fiche verte en retour suite au peu de pertinence des conversations, notamment celles qui ne revêtent d'aucun secret professionnel". Cette formulation va plus loin que ce que soutient la citée, puisque la police ne se contente pas d'informer la Procureure que les prévenus avaient des conversations avec leurs avocats – ce qu'elle savait –, mais que toutes les conversations des prévenus, y compris celles couvertes par le secret professionnel, avaient "peu de pertinence". Pour parvenir à cette conclusion, la police avait ainsi dû écouter les conversations des prévenus couvertes par le secret professionnel, ce qui est d'ailleurs établi par certaines des transcriptions, lesquelles mentionnent du reste explicitement les interlocuteurs (les prévenus et leurs avocats).

La citée affirme ne pas avoir ordonné les transcriptions ni avoir su que les conversations avaient été transcrites. Rien au dossier ne la contredit. La présence de ces transcriptions établit seulement que le contenu de certaines des conversations couvertes par le secret professionnel de l'avocat ont non seulement été écoutées par la police, mais que la personne qui les a écoutées a jugé utile d'en établir un résumé.

On peine néanmoins à comprendre que la police ait pu prendre seule cette initiative, dès lors qu'elle agissait sur mandat de la précitée, sauf à considérer que de telles transcriptions lui seraient utiles pour rapporter le résultat des écoutes à la citée. Quoi qu'il en soit, la formulation de la feuille d'accompagnement laissait peu de doutes sur le fait que la police avait effectivement écouté les conversations entre les prévenus et leur avocat respectif.

Dès cet instant, il était du devoir de la magistrate, laquelle était garante de la protection du secret professionnel, conformément à l'art. 271 al. 3 CPP, de veiller à ce que les conversations des prévenus avec leur(s) avocat(s) soient immédiatement effacées, ce que rappelait l'ordonnance du TMC en ces termes : "les conversations entre les prévenus et leurs avocats respectifs ne pourront pas [ ] faire l'objet d'un enregistrement sur quelque support que ce soit".

Or, ce qui suit démontre que tel n'a pas été le cas.

6.3.5. Au moment où la mesure de surveillance secrète a été ordonnée – le 6 mars 2014 –, étaient en vigueur, jusqu'au 1er mars 2018, les anciennes dispositions de la LSCPT, ainsi que l'art. 271 al. 3 aCPP.

Les requérants et la citée ne font pas la même lecture des obligations imposées au Ministère public par cette dernière disposition, mais les premiers semblent se fonder sur la version en vigueur après le 1er mars 2018, laquelle contient une obligation de tri par un tribunal.

Cela étant, même à suivre la procédure que la citée considérait devoir appliquer pour que les conversations couvertes par le secret professionnel soient détruites – manipulation qu'elle ne pouvait opérer elle-même –, les éléments au dossier démontrent qu'elle ne l'a pas observée.

En effet, après la levée de la mesure, le SCPT a informé la citée, le 3 octobre 2014, que le délai de conservation, dans le système LIS, des données en temps réel de la mesure de surveillance expirait le 5 septembre 2014 et lui a demandé de choisir entre l'envoi, à elle ou à la police, du support contenant les données archivées ou la prolongation du délai de conservation de celles-ci. La citée a choisi de reporter le moment de l'archivage. Cependant, pensant demander la prolongation jusqu'au 6 juillet 2015, la magistrate a, par erreur, mentionné la date, échue, du 6 juillet 2014. La citée expose qu'en raison de cette erreur de plume les conversations ont été archivées par le SCPT à une date inconnue, et qu'elle-même aurait tout tenté, dès septembre 2018, pour obtenir l'effacement des conversations couvertes par le secret professionnel de l'avocat.

Si l'indication, dans le formulaire, d'une date erronée est excusable, cette inadvertance ne dispensait pas la Procureure de requérir du SCPT, dans le délai supposément prolongé de 9 mois, soit jusqu'au 6 juillet 2015, l'effacement des conversations couvertes par le secret professionnel, conformément à la loi et à l'injonction du TMC. D'ailleurs, les pièces au dossier attestent que l'archivage a été effectué, par le SCPT, les 11 et 12 janvier 2016 (cf. B.u.iii. supra), de sorte que la mention, par la citée, de la date, échue, du 6 juillet 2014, n'a pas entravé le déroulement de la procédure d'archivage.

Ce n'est que le 12 septembre 2018 que la citée, après avoir demandé, dans le cadre de la mesure de surveillance secrète ordonnée en 2016, l'effacement des conversations entre B______ et son avocat d'alors, a requis de la police judiciaire de lui communiquer le numéro de l'avocat de A______ en vue de procéder de même avec les écoutes de 2014. À réception du rapport de la Brigade financière du 18 septembre 2018, elle a été informée qu'"aucun inspecteur de la Brigade financière n'a ou n'a eu accès à ce contrôle technique", de sorte qu'il n'avait pas été possible de vérifier si les numéros de téléphone de l'avocat y apparaissaient, ni d'y annoter les éventuelles conversations en vue de leur destruction. À ce stade, elle n'ignorait donc pas que sa demande d'effacement n'avait pas pu être exécutée.

6.3.6. Après avoir informé les requérants, le 31 janvier 2019, qu'ils avaient fait l'objet d'une mesure de surveillance secrète en 2014 dans la procédure P/8______/2014, qu'elle n'entendait pas exploiter les informations recueillies et qu'aucune des conversations enregistrées ne serait versée aux procédures, l'avocat de B______ a demandé, le même jour, la remise d'"une copie complète du dossier, y compris du CD-ROM contenant les écoutes téléphoniques". La citée ne lui a cependant transmis que les conversations de 2016, expurgées des conversations couvertes par le secret professionnel de l'avocat, sans l'informer qu'elle n'était pas encore en possession des conversations (expurgées) de 2014.

Quelques jours plus tard, le 6 février 2019, la citée a, par un nouveau mandat d'actes d'enquête, requis la Brigade financière de localiser les archives des écoutes téléphoniques de 2014 et de procéder à la destruction des conversations soumises au secret professionnel de l'avocat. Il ressort de ce document qu'elle avait appris "ce jour", du SCPT, qu'un DVD d'archives de ces conversations avait été adressé par ce service à la police "à une date indéterminée". Or, le 11 février 2019, la police lui a répondu qu'elle n'avait plus de DVD des conversations de 2014 – lesquels avaient été remis par celle-ci au TMC –. Un mois plus tard, la Procureure informera les parties de la prochaine clôture de l'instruction.

Lorsque les DVD contenant lesdites conversations lui ont été remis, le 4 juillet 2019, par la Brigade financière (cf. B.u.i. supra), la citée ne pouvait donc ignorer qu'ils contenaient les conversations couvertes par le secret professionnel de l'avocat, puisqu'aucune démarche pour supprimer les conversations litigieuses n'avait été effectuée auprès du SCPT avant l'archivage des écoutes sur DVD. Elle savait aussi – ce qu'elle admet dans ses observations – que l'archivage rendait techniquement impossible la destruction des conversations couvertes par le secret (cf. D.ix et xiii supra). D'ailleurs, le rapport de police du 4 juillet 2019 ne mentionne pas que les conversations des prévenus avec leur avocat respectif avaient été supprimées. La citée estime qu'elle n'avait pas à saisir le TMC d'une demande de tri selon l'art. 271 al. 3 CPP, cette procédure ne s'appliquant selon elle pas à l'effacement des conversations protégées par le secret de l'avocat (cf. D.ix. supra). Il n'en demeure pas moins que, à réception des DVD contenant les écoutes de 2014 non expurgées des conversations couvertes par le secret, seule cette procédure lui aurait permis de faire désigner, par le tribunal, les conversations ne pouvant figurer au dossier, et verser ainsi à la procédure P/3920/2014 des supports ne contenant que les conversations autorisées.

La citée n'a pas non plus, à ce moment, informé l'avocat de B______ que la procédure P/8______/2014, dont il avait requis la copie complète fin janvier 2019, venait d'être complétée par les enregistrements de 2014. Or, conformément à l'art. 279 CPP, c'est au moment de la communication par le ministère public de l'existence d'une mesure secrète, que la défense se voit donner le droit de prendre connaissance des éléments du dossier relatif à la surveillance, soit les enregistrements, les transcriptions et les autorisations (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., n. 16 à 18 ad art. 279). Dans le cas présent, le droit du prévenu à prendre connaissance du contenu de la procédure P/8______/2014, s'étendait tant aux écoutes de 2016 qu'à celles de 2014.

C'est en vain que la citée relève que les DVD contenant les conversations de 2014 avaient été "soumis au TMC", qui les avait restitués à la Brigade financière "sans formuler de réserve". La remise – par erreur – des DVD de 2014 par la police au TMC est intervenue en marge de la procédure de tri visant les conversations avec le notaire dans le cadre de la mesure de 2016. Cette démarche n'avait donc aucun lien avec l'effacement des conversations entre les prévenus et leur avocat respectif en 2014. D'ailleurs, la réponse du TMC, le 11 janvier 2019, n'a porté que sur les conversations de 2016 avec le notaire, sans mention aucune des écoutes de 2014. La citée ne saurait invoquer non plus qu'en juillet 2019, les prévenus étaient déjà renvoyés en jugement pour s'affranchir de son devoir d'information à l'égard de B______. Ce d'autant que cette procédure P/8______/2014 n'a pas été jointe à la P/9______/2013, de sorte qu'elle était toujours pendante devant le Ministère public en juillet 2019, n'ayant été archivée que le 17 juin 2020.

6.3.7. Cette succession de manquements en lien avec la protection du secret professionnel de l'avocat, dont la magistrate était garante, constitue une violation grave de ses devoirs, au détriment des deux prévenus.

Il appartenait à la citée, conformément à l'art. 62 al. 1 CPP, d'ordonner les mesures nécessaires au bon déroulement et à la légalité de la procédure, en l'occurrence les actes nécessaires à garantir la protection dudit secret. En n'entreprenant pas à temps, auprès du SCPT, les démarches nécessaires à l'effacement des conversations téléphoniques couvertes par le secret de l'avocat, puis, à réception des supports contenant ces conversations, en ne mettant pas en œuvre la procédure permettant de les trier afin qu'elles ne figurent pas au dossier, la citée a créé une apparence de prévention, au sens de l'art. 56 let. f CPP. En effet, par ces manquements répétés, les conversations couvertes par le secret professionnel de l'avocat ont été versées au dossier de la procédure P/8______/2014 – en violation de l'injonction du TMC –, faisant naître un doute légitime, dans l'esprit des prévenus, qu'elles avaient été exploitées dans la procédure P/9______/2013. Par ailleurs, en n'avertissant pas B______ que la procédure P/8______/2014 avait été complétée du résultat de la surveillance secrète de 2014, dont il avait demandé à prendre connaissance, la citée a créé une apparence de prévention supplémentaire à l'égard du précité. En effet, en ne respectant pas son droit à l'accès au dossier, elle a donné l'impression que la procédure était, à son égard, conduite de manière inéquitable.

Les requérants voient dans la présence de ces conversations litigieuses au dossier de la procédure P/8______/2014, la preuve que la citée aurait exploité celles-ci dans la procédure P/9______/2013, soit un motif de récusation additionnel. Tel n'est pas le cas. On ne saurait conclure de la seule présence, sur les DVD, de conversations couvertes par le secret professionnel de l'avocat, l'exploitation de celles-ci dans la procédure dirigée contre les requérants. Les exemples que citent ces derniers ne font pas naître de doute à cet égard. Le planning produit par la citée, que les requérants ne contestent pas formellement – même si l'un d'eux relève sa "recevabilité douteuse" –, tend plutôt à démontrer le contraire, à savoir que les auditions des prévenus après le 6 mars 2014 et la perquisition du 14 mars 2014 avaient été planifiées avant la surveillance secrète. Par ailleurs, les questions en lien avec le prix du terrain dans la promotions N______ et les travaux exécutés par l'entreprise G______SA sur les biens des prévenus, posées à ceux-ci après le 6 mars 2014, avaient déjà été abordées dans les audiences précédant le branchement des écoutes ou figuraient au dossier. Elles n'étaient donc pas inédites.

Il s'ensuit que la récusation de la citée doit être prononcée en raison des graves manquements susmentionnés, dont l'accumulation unilatéralement au détriment des deux mêmes parties à la procédure, en dernier lieu en juillet 2019, a fait naître une prévention de la magistrate à leur égard.

6.4. En revanche, aucun autre membre du Ministère public n'ayant participé aux actes sus-décrits, il n'y a pas lieu à récusation, en particulier pas à l'égard de I______.

6.5. La récusation de la citée sera donc prononcée dans la procédure P/8______/2014, puisque c'est dans celle-ci que la mesure de surveillance secrète a, formellement, été ordonnée. Dans la mesure où, selon la requête déposée le 6 mars 2014 devant le TMC, la mesure a été ordonnée pour servir les procédures P/9______/2013 et P/1______/2013 – la cause P/8______/2014 ne servant que de procédure occulte –, la récusation doit également être prononcée dans la procédure P/9______/2013, laquelle comprend les procédures jointes mentionnées par les parties (soit P/1______/2013, P/2______/2014, P/3______/2014, P/4______/2016 et P/6______/2017).

En revanche, la procédure P/7______/2019, qui n'a été ouverte qu'en 2019, contre inconnu et n'a pas été jointe à la procédure P/9______/2013, n'est nullement concernée par les faits examinés ci-dessus, de sorte que la récusation ne saurait être prononcée dans celle-ci.

7.             Les requérants concluent tous deux à la récusation de la citée "avec effet rétroactif" au 6 mars 2014, soit au jour où elle a ordonné l'écoute active des raccordements téléphoniques utilisés par les prévenus.

B______ demande, quant à lui, l'annulation de l'intégralité des actes de procédure auxquels la citée a "participé de quelque manière que ce soit aux faits et agissements dénoncés par la présente requête de récusation", et de tous les actes de procédure fondés directement ou indirectement sur ceux-ci.

7.1. À teneur de l'art. 60 al. 1 CPP, les actes de procédure auxquels a participé une personne tenue de se récuser sont annulés et répétés si une partie le demande au plus tard cinq jours après qu'elle a eu connaissance du motif de récusation.

7.2. Le délai de cinq jours part de la décision de récusation. Toutefois, eu égard aux principes d'économie de procédure et de célérité, rien n'empêche un requérant de solliciter dans une même et seule écriture la récusation et le retrait des actes qu'il considère comme litigieux. Dans un tel cas de figure, il ne paraît pas non plus contraire, notamment sous l'angle des deux principes susmentionnés, que l'autorité statue dans une même décision sur ces deux problématiques, hypothèse qui n'entre d'ailleurs en considération que si la récusation est admise (ATF 144 IV 90 consid. 1.2.2).

7.3. Il découle du texte de la loi que les actes déjà réalisés par la personne concernée ne sont pas nuls, mais simplement annulables. L'art. 60 al. 1 CPP retient ainsi uniquement le principe de l'annulabilité et non de la nullité absolue (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, n. 3 ad art. 60), puisque la récusation vaut avant tout pour l'avenir (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 1 ad art. 60). La décision correspondante est soumise au recours selon les art. 393 ss. CPP.

En principe, il existe – sous réserve de l'art. 60 al. 2 CPP – un droit à la répétition, raison pour laquelle il faut partir du principe que la partie n'a pas à motiver sa demande (A. DONATSCH / V. LIEBER / S. SUMMERS / W. WOHLERS [éd.], Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 3ème éd., Zürich 2020, n. 3 ad art. 60 CPP).

7.4. Lorsque l'affaire est encore au stade de l'instruction, la décision selon l'art. 60 al. 1 CPP devrait en principe être prise par le nouveau procureur chargé du dossier, en tant que direction de la procédure (art. 61 let. a et 62 al. 1 CPP), avec recours éventuel au sens de l'art. 393 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 1B_246/2017 du 6 octobre 20178 consid. 1.2).

Le Tribunal fédéral a jugé que, lorsque la direction de la procédure n'est plus le Ministère public mais l'instance de jugement – en l'occurrence il s'agissait de la présidence du Tribunal correctionnel –, il apparaît cohérent que l'autorité qui s'est prononcée sur la demande de récusation (soit l'autorité de recours, art. 59 al. 1 let. b CPP) se prononce également sur les conséquences de l'admission d'une telle demande, que ce soit directement dans sa décision sur récusation ou par le biais d'une demande ultérieure. L'autorité de recours connaît déjà le dossier sur ce point et est aussi la mieux à même d'interpréter le cas échéant les termes de sa propre décision sur récusation afin d'en tirer toutes les conséquences (arrêt du Tribunal fédéral 1B_246/2017 susmentionné consid. 1.2.).

7.5. La loi ne précise pas quelle est l'étendue de cette annulation. Selon la jurisprudence, seuls les actes intervenus après l'événement qui justifie la récusation sont annulés et répétés (ATF 141 IV 178 consid. 3.7 p. 186; arrêt du Tribunal fédéral 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 consid. 3.3.1).

Si ce principe est facilement applicable lorsque la récusation est motivée par un événement ponctuel (par exemple, intervention dans l'affaire à un autre titre, lien de famille avec une partie, acte procédural déterminé), il en va différemment lorsque le magistrat se voit reprocher une succession d'actes dont seule l'accumulation fonde une apparence de prévention. Dans un tel cas, il appartient à l'autorité de déterminer, sur la base de la décision qui a conduit à la récusation du magistrat, la date à partir de laquelle l'intervention du magistrat dans la procédure n'est plus admissible. Dans ce cadre, il y a lieu de reconnaître à l'autorité compétente une certaine marge d'appréciation lui permettant de tenir compte de l'ensemble des circonstances particulières du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 1B_246/2017 du 6 octobre 2017 consid. 4.1).

7.6. In casu, contrairement à ce que semblent penser les requérants, la récusation de la citée n'est pas prononcée avec effet rétroactif, mais pour l'avenir.

Autre est la question de l'éventuelle annulation des actes de la procédure, requise par B______ conformément à l'art. 60 al. 1 CPP. Formulée simultanément à sa requête de récusation, la demande d'annulation des actes de la procédure est recevable et la Chambre de céans est compétente pour en connaître.

7.7. B______ semble considérer que tous les actes de la procédure doivent être annulés à compter du 6 mars 2014. Tel n'est pas le cas. La surveillance secrète a été valablement ordonnée à cette date et dûment validée par le TMC, avant d'être levée le 5 juin 2014.

Le fait que la citée eût dû savoir, en juin 2014, qu'un inspecteur de la Brigade financière avait écouté les conversations couvertes par le secret professionnel de l'avocat ne constitue, à lui seul, pas le motif de la récusation, laquelle résulte, comme on l'a dit, de l'accumulation de graves manquements, en dernier lieu en juillet 2019.

Quoi qu'il en soit, l'instruction est terminée depuis le renvoi en jugement des prévenus, en novembre 2020, et un jugement en première instance a été rendu le 25 octobre 2021. On ne se trouve ainsi plus dans la situation dans laquelle un acte d'enquête peut être annulé et répété par un nouveau procureur. Un tribunal a pris connaissance du dossier et, de manière indépendante, a rendu son verdict. La cause est désormais en appel et on ne voit pas ce qui empêcherait les requérants de soulever devant l'autorité d'appel l'éventuelle inexploitabilité de moyens de preuve au regard de l'art. 141 CPP et/ou de remettre en cause leur appréciation par le Tribunal correctionnel (ATF 144 IV 90 consid. 1.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.4).

D'ailleurs, les requérants ont manifesté qu'ils ne souhaitaient pas l'annulation de la surveillance secrète de 2014, puisqu'ils ont annoncé à la Chambre pénale d'appel et de révision vouloir en verser le résultat au dossier et exploiter, à leur décharge, les conversations non couvertes par le secret professionnel de l'avocat. Seules les conversations entre les prévenus et leurs avocats doivent donc être retirées du dossier et détruites, démarche qui ne relève pas d'une annulation d'acte de la procédure au sens de l'art. 60 al. 1 CPP, mais d'une procédure de tri. Or, le TMC semble déjà saisi d'une demande de scellés.

Il s'ensuit que les conditions d'une annulation des actes de la procédure entrepris par la citée, selon l'art. 60 CPP, ne sont pas remplies. La demande doit ainsi être rejetée.

Au vu de cette issue, point n'était besoin de recueillir les observations des autres parties à la procédure.

8. Les requêtes sont ainsi partiellement admises, en ce sens que la récusation de la citée sera prononcée, mais la demande d'annulation des actes de la procédure, rejetée.

9. L'admission des demandes ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 59 al. 4 CPP).

10. Les requérants, qui obtiennent gain de cause sur la majorité de leurs demandes respectives, ont droit à une indemnité de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP), qu'ils n'ont pas chiffrée. Compte tenu de l'ampleur des écritures et des pièces produites, ainsi que de la complexité de la cause, elle sera fixée, ex aequo et bono, en tenant compte qu'ils n'ont pas obtenu l'intégralité de leurs conclusions, à CHF 4'500.- chacun, TVA à 7.7% incluse.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Ordonne la jonction des demandes de récusation.

Prononce la récusation de C______ dans les procédures P/8______/2014 et P/9______/2013.

Rejette la demande de récusation en tant qu'elle vise d'autres membres du Ministère public.

Rejette la demande d'annulation des actes de la procédure (art. 60 al. 1 CPP).

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 4'500.-, TVA (7.7 %) incluse, à titre d'indemnité pour ses frais en lien avec la présente procédure.

Alloue à B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 4'500.-, TVA (7.7 %) incluse, à titre d'indemnité pour ses frais en lien avec la présente procédure.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ (soit pour lui ses avocats), à B______ (soit pour lui son avocat), à C______ et aux parties plaignantes.

Le communique, pour information, au Ministère public et à la Chambre pénale d'appel et de révision.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 


 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).