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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/12706/2020

ACPR/214/2023 du 22.03.2023 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : MANDAT D'ARRÊT;RECHERCHE DE L'INDIVIDU;SOUPÇON;SYSTÈME AUTOMATIQUE D'IDENTIFICATION DES EMPREINTES DIGITALES;RÉCIDIVE(INFRACTION);RISQUE DE RÉCIDIVE;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);IMPUTATION
Normes : CPP.200; CPP.210; CP.51

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12706/2020 ACPR/214/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 22 mars 2023

 

Entre

 

A______, domicilié ______, France, comparant en personne,

recourant,

 

contre l'avis de recherche et d'arrestation délivré le 15 décembre 2020 par le Ministère public et le prélèvement de ses empreintes digitales par la police le 3 mars 2022,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Le 7 mars 2022, A______ a recouru contre l'avis de recherche et d'arrestation émis contre lui le 15 décembre 2020 par le Ministère public et le « prélèvement d'empreintes » ordonné par la police le 3 mars 2022.

b. La Chambre de céans a rejeté le recours, dans la mesure où il était recevable, le 6 mai 2022 (ACPR/323/2022).

c. Le 4 novembre 2022, le Tribunal fédéral a annulé cette décision (arrêt 1B_255/2022) et renvoyé la cause à l’autorité cantonale : la Chambre de céans devait, d’une part, vérifier si la police avait vainement tenté de convoquer A______ à son domicile, en France, et, d’autre part, entrer en matière sur le recours en tant qu’il était dirigé contre le contrôle ou la vérification par la police, sous contrainte, des empreintes digitales du prénommé dans la banque de données AFIS.

d. Sur quoi, la Chambre de céans a prié le Ministère public de se déterminer sur l’application qui avait été faite en l’espèce de l’art. 210 al. 2 CPP, l’invitant au passage à requérir de la police (cf. let. B.p. infra) les informations détaillées voulues par le Tribunal fédéral sur le nombre, la date et la forme des convocations qui auraient été vainement adressées à A______ avant de décerner contre celui-ci l’avis de recherche et d’arrestation, du 15 décembre 2020 (ACPR/866/2022 du 12 décembre 2022).

e. Le Ministère public s’est déterminé le 13 janvier 2023.

f. A______, à qui a été distribué l’envoi de la Chambre de céans à l’adresse qu’il a donnée dans l’acte de recours, complétée de la précision « Résidence B______ » (cf. let. B.n. infra), n’a pas présenté d’observations.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.             Le 15 juillet 2020, [l'établissement de droit public] C______ a déposé plainte contre A______ du chef de violation de domicile (art. 186 CP).

En substance (plainte ch. 7), elle lui reproche d'avoir, le 8 juillet 2020, pénétré dans le bâtiment D______, alors qu'il faisait l'objet, pour une durée indéterminée, d'interdictions de fréquenter tous locaux [de] C______, interdictions qui lui avaient été signifiées en mains propres, les 24 septembre 2014 et 22 février 2019.

Selon le rapport, annexé, d’intervention de la société de sécurité privée, la police était venue sur place, mais, faute de plainte pénale, avait laissé aller A______.

b.             Le 17 juillet 2020, le Ministère public a transmis le dossier à la police pour enquête.

c.              Selon rapport de renseignements du 8 décembre 2020, la police expliquait que A______ était domicilié à E______ (France), au no. ______route 1______, mais n'avait pas donné suite aux « différentes convocations » qui lui étaient destinées. Depuis sa dernière interpellation, le 8 juillet 2020, il n'avait pas fait l'objet d'un contrôle policier ni n'avait été signalé par le service de sécurité de C______. Par conséquent, la police sollicitait la délivrance d'un avis de recherche et d'arrestation.

d.             Le 14 décembre 2020, la Procureure a ouvert une instruction contre A______ pour violation de domicile (art. 186 CP) et, le lendemain, a émis un avis de recherche et d'arrestation (art. 210 CPP), ordonnant à la police d'auditionner l'intéressé en qualité de prévenu « puis [de] l'amener à la permanence des arrestations du Ministère public ».

e.              Par ordonnance du 19 janvier 2021, le Ministère public a suspendu l'instruction de la cause jusqu'au 8 juillet 2030, sauf reprise dans l'intervalle, au motif que « l'auteur ou son lieu de séjour était inconnu ou qu'il existait des empêchements momentanés de procéder ».

f.              Par lettre du 2 mars 2022, C______ a sollicité la reprise de la procédure, au motif que A______ avait été aperçu [dans le bâtiment] D______, le 22 février 2022 à 13h.50. Les agents de sécurité l’avaient alors raccompagné à l'extérieur.

g.             Le même jour, 2 mars 2022, vers 20h.00, une patrouille de police a été dépêchée dans le bâtiment D______ en raison de la présence en ce lieu d'un inconnu faisant l'objet d'une interdiction d'entrée. Il s’est avéré que c’était A______.

Les policiers ont constaté que la dernière interdiction d'entrée dont il était frappé était « échue » depuis le 22 février 2022.

En revanche, C______ a pris, avec effet immédiat, par écrit, une nouvelle interdiction, que A______ a refusé de signer.

h.             Interrogé dans la soirée par la police en qualité de prévenu, A______ a reconnu avoir été présent dans le bâtiment D______ le 8 juillet 2020 et fréquenter les lieux de « temps en temps ». Le 2 mars 2022, il essayait de s’instruire. Il a « lu et pris note » de l'avis de recherche et d'arrestation du 15 décembre 2020, mais refusé de le signer.

i.               Selon la rubrique du rapport d'interpellation consacrée à l’usage de la force ou de la contrainte, la police a consigné que l'usage de la force avait été nécessaire pour soumettre A______ au test AFIS (soit le système d'identification automatique par empreintes digitales), qui s'est révélé négatif. Le prénommé ayant refusé d'obtempérer, un gendarme lui avait saisi la main gauche, tandis qu’un autre policier s'était emparé de sa main droite. Aucune blessure n'avait été relevée. La visite d'un médecin n'avait pas été demandée par l'intéressé.

j.               Le 3 mars 2022, le Ministère public a prévenu A______ de violation de domicile et l'a relaxé, après qu'une ordonnance pénale lui eut été notifiée sur-le-champ pour violation de domicile (10 jours-amende avec sursis, sous déduction d’un jour de détention avant jugement).

k.             Par pli posté de Suisse le 8 mars 2022, et donnant la même adresse que celle retenue dans le rapport de police du 8 décembre 2020, A______ a formé opposition à l’ordonnance pénale et demandé un avocat d’office.

l.               Le 11 mai 2022, la Procureure a refusé d’ordonner une défense d’office. Cette décision, communiquée à la même adresse que dessus, a été attaquée par A______, qui a également donné cette adresse en tête de son acte de recours. Sa contestation a été rejetée le 3 juin 2022 (ACPR/396/2022). Selon le suivi des envois des Postes suisse et française, le « processus d’importation » du pli comportant la décision a été « interrompu », au motif que l’adresse no. ______ route 1______ à E______ [France] était « incorrecte ou incomplète ».

m.           Le 11 mai 2021 (recte : 2022), A______ a comparu à l’audience à laquelle le Ministère public l’avait convoqué par écrit pour statuer sur son opposition (le dossier ne comporte pas de copie du mandat de comparution). Apprenant qu’il ne serait pas pourvu d’un défenseur d’office, il a refusé de s’exprimer.

n.             Un mandat de comparution lui a été envoyé le jour même, au no. ______ route 1______, à E______, pour une audience fixée au 15 juin 2022. L’envoi est revenu au Ministère public avec la mention, par la Poste française, que le destinataire était inconnu à cette adresse. Une nouvelle convocation lui a été envoyée par le Ministère public, avec l’adjonction, dans l’adresse, de la résidence B______.

o.             A______ a comparu à la date fixée. Il a refusé de s’exprimer, confirmant tout au plus son adresse, au no. ______ route 1______, à E______ (sans que des précisions n’aient été fournies ni demandées à cet égard).

p.             L’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral retient la même adresse.

q.             Selon rapport de police du 4 janvier 2023, aucune copie des convocations « ou courriers » adressés à A______ en 2020 n’a été conservée, en raison du délai qui séparait ces convocations du mandat d’enquête faisant suite à la demande du Tribunal fédéral. On connaissait trois adresses de A______ à E______.

C. a. Dans son recours, A______ explique qu'à son arrivée au poste, le 2 mars 2022, les deux policières ayant procédé à son arrestation avaient voulu lui prélever ses empreintes digitales. Il avait refusé d'obtempérer, se référant à l'arrêt rendu le 1er mars 2018 par la Chambre de céans, qui avait considéré que la saisie de ses données signalétiques violait le principe de la proportionnalité. Les policières, qui ne portaient pas de gants, avaient ignoré ses protestations et l'avaient forcé à poser ses deux index sur un scanner, l'une d'entre elles ayant « appuyé avec ses ongles sur sa peau », notamment sur le dos des mains et un index. Il avait ensuite été placé en salle d'audition durant au moins deux heures, dans laquelle il faisait chaud. Puis, sous prétexte que la première fois était restée infructueuse, deux policiers – portant cette fois-ci des gants – lui avaient prélevé ses empreintes de force, bien qu'il s'y fût une nouvelle fois opposé.

Lors de son arrestation, il était comme à l'accoutumée porteur de son permis de conduire français, lequel permettait d'établir son identité. Par ailleurs, les deux policières avaient été conduites jusqu'à lui par trois agents de sécurité de C______, qui le connaissaient et qui avaient pour intention de lui notifier une nouvelle interdiction d'entrée. Aucun motif ne justifiait dès lors que ses empreintes fussent prélevées.

De plus, il n'avait commis aucune infraction pénale, puisque les interdictions d'entrée qui lui avaient été signifiées – à l'origine des plaintes pénales – avaient été prononcées sans aucun motif et n'avaient aucune valeur juridique. La plainte pénale du 15 juillet 2020 aurait donc dû faire l'objet d'une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière, et non d'un avis de recherche et d'arrestation. C______ était, pour le surplus, un établissement de droit public, de sorte que sa présence dans les locaux litigieux ne constituait pas une violation de domicile.

En outre, compte tenu de la peine – pécuniaire – qui lui avait été infligée par ordonnance pénale du 3 mars 2022, il était disproportionné d'attenter à sa liberté.

Il ne comprenait pas pour quelle raison sa présence était nécessaire au déroulement de la procédure. Il ignorait pourquoi le Ministère public avait émis l'avis de recherche et d'arrestation querellé, alors qu'il lui eût « suffi de lui envoyer directement » une ordonnance pénale ou, « à la limite », de le convoquer par mandat de comparution.

b. À la suite du recours déposé par A______, la Chambre de céans a invité le Ministère public à lui transmettre une copie du mandat pour la saisie des données signalétiques et prélèvement d'ADN, tel que répertorié dans les annexes au rapport d'arrestation du 3 mars 2022, mais qui ne figure pas au dossier.

Par courriel du 21 mars 2022, le Ministère public, après avoir recueilli des informations auprès de la Brigade de police technique et scientifique, a expliqué que A______ « refus[ait] toujours de donner ses empreintes digitales et son ADN, lorsqu'il ét[ait] arrêté », raison pour laquelle « il n'y a[vait] pas de mandat de données signalétiques et de l'ADN dans le dossier ».

c. Dans ses observations – en lesquelles il a déclaré persister, le 13 janvier 2023 –, le Ministère public relève que A______ avait été placé sous avis de recherche et d'arrestation, faute d'avoir répondu aux différentes convocations de police, lesquelles avaient toutes été envoyées à son adresse en France, toujours valable puisqu'elle était mentionnée dans son écriture de recours. Le principe de la proportionnalité était donc respecté.

Par ailleurs, le recourant avait été interpellé le 2 mars 2022, à la suite d'un appel de C______, pour s’être trouvé une nouvelle fois dans les locaux [de l'établissement] C______. Les policiers avaient contrôlé son identité, et ce n'était qu'à ce moment-là qu'ils avaient constaté l'existence de l’avis de recherche et d'arrestation. A______ avait, dès lors, été interpellé en flagrant délit d'infraction à l'art. 186 CP, et non sur la base de l'avis querellé.

Enfin, A______ n'avait pas fait l'objet de prélèvement d'empreintes, comme il le soutenait, raison pour laquelle aucun mandat pour la saisie de ses données signalétiques ne figurait au dossier. À son arrivée au poste de police, il avait uniquement été soumis au test AFIS, par le biais de ses empreintes, comme cela ressortait du rapport d'arrestation du 3 mars 2022.

Le système AFIS permettait à la fois d'effectuer en quelques minutes une recherche sur les traces des dix doigts et sur celles relevées sur des scènes de crime (y compris les traces de la paume et de la tranche de la main) et d'identifier une personne de manière fiable grâce à une vérification de deux ou dix doigts. Lors de cette vérification, il n'y avait pas de prise d'empreintes, au sens des art. 260 et 261 CPP, mais un simple contrôle pour déterminer si celles-ci figuraient dans le système. Les empreintes digitales du recourant n'avaient donc pas été prélevées ni enregistrées, de sorte que son recours était irrecevable sur ce point.

d. A______ a répliqué, en bref, qu’il était injustifié, disproportionné et illicite d'effectuer des recherches sur la base de ses empreintes.

EN DROIT :

1.             La recevabilité du recours est acquise.

2.             Le recourant estime illicite et disproportionné l'avis de recherche et d'arrestation émis contre lui. Il soutient avoir reçu plusieurs envois (sans autre précision) à l’adresse donnée en tête de son acte de recours, entre le dépôt de la plainte de C______ et l'émission de l'avis de recherche et d'arrestation litigieux, mais aucun de la police le convoquant.

2.1.       L'art. 210 CPP dispose que le ministère public, les autorités pénales compétentes en matière de contraventions et les tribunaux peuvent ordonner des recherches à l'encontre de personnes dont le lieu de séjour est inconnu et dont la présence est nécessaire au déroulement de la procédure. En cas d'urgence, la police peut lancer elle-même un avis de recherche (al. 1). Si le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a lieu de présumer des motifs de détention, l'autorité peut lancer un avis de recherche pour l'arrêter et le faire amener devant l'autorité compétente (al. 2).

2.2.       Il ressort de l’arrêt de renvoi qu’un avis de recherche et d'arrestation est assimilable à une mesure de contrainte. L'autorité qui ordonne une telle mesure doit s'assurer que celle-ci est prévue par la loi, que les soupçons sont suffisants, que les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères et qu'elle apparaît justifiée au regard de la gravité de l'infraction (art. 197 al. 1 let. a à d CPP). L'art. 210 al. 2 CPP renvoie aux conditions de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté (arrêt 1B_255/2022 consid. 1.1. et la référence). La recherche en vue d'une arrestation étant une mesure incisive, l'hypothèse selon laquelle le lieu de séjour du prévenu est inconnu ne peut être retenue que si les citations à comparaître n'ont pas pu être remises, si le prévenu ne s'est pas présenté à l'acte d'instruction sans fournir de motif excusable et si les recherches de la police sont restées infructueuses (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 21 ad art. 210).

2.3.       En l'espèce, il ressort du rapport de renseignements du 8 décembre 2020 que le recourant n’a pas « répondu » aux « différentes convocations » de la police, qui n’avait plus eu affaire à lui à compter du 8 juillet 2020.

Ces explications ne donnent aucune précision sur le(s) mode(s) de convocation utilisé(s), étant relevé qu’aucune formalité ni aucun délai n’étaient prescrits à ce stade (art. 206 al. 1 CPP). Le verbe répondre peut se comprendre dans le sens de donner suite à un appel téléphonique autant qu’à un pli (ou à un message électronique). Le rapport de police du 4 janvier 2023 semble d’ailleurs établir une distinction entre les convocations et les « courriers ».

Par ailleurs, l’on ignore si et, dans la négative, pourquoi la police n’a pas entrepris des vérifications, par exemple avec le concours de son homologue de F______ [France], après que ses prises de contact à distance avec le recourant fussent demeurées infructueuses.

Ce qui précède vaut a fortiori après l’émission du mandat du 15 décembre 2020 : la chronologie enseigne que c’est par suite d’une interpellation du recourant à l’intérieur [du bâtiment] D______, dans la soirée du 2 mars 2022 – la seconde ce jour-là, car la plainte de C______ du même jour se réfère à un événement survenu l’après-midi et ne parviendra au Ministère public que le lendemain – que l’avis de recherche et d’arrestation a été remarqué.

En tout état de cause, et même si le recourant se garde d'indiquer à quelle adresse – par hypothèse plus précise, voire autre, que celle connue des autorités pénales pour être utilisée par lui dans ses communications avec elles – les convocations de la police eussent dû lui être envoyées, on peut douter que son lieu de séjour fût réellement inconnu pendant le deuxième semestre de 2020. Il est de fait que, lorsqu’il s’agira d’instruire son opposition à l’ordonnance pénale, les convocations du Ministère public l’atteindront à la route 1______ sans l’adjonction relative à la résidence B______. Seule, la notification de la décision de la Chambre de céans sur le recours en matière d’avocat d’office a été « interrompue » par la poste française, au motif que l’adresse donnée par le recourant lui-même était « incorrecte ou incomplète ».

Ce constat conduit à conclure que, lorsque la police a suggéré l’émission d’un avis de recherche et d’arrestation, le lieu de séjour du recourant n’était pas inconnu, i.e. l’une des deux conditions posées par l’art. 210 al. 1 CPP n’était pas remplie.

2.4.       Le Tribunal fédéral a prié l’autorité de recours d’examiner aussi si une ordonnance pénale eût pu être notifiée directement au recourant, comme celui-ci le soutient (arrêt 1B_255/2022 consid. 1.4.). Ce point n’est pas abordé dans les observations complémentaires du Ministère public, du 13 janvier 2023.

Or, on ne voit pas ce qui nécessitait de faire arrêter le recourant.

La violation de domicile (art. 186 CP) est un délit au sens de la loi (art. 10 al. 3 CP). Le motif de détention visé à l’art. 210 al. 2 CPP ne pourrait avoir été concrètement que le risque de soustraction à la procédure ou à la sanction prévisible (art. 221 al. 1 let. a CPP) ou le risque de réitération (art. 221 al. 1 let. c CPP). À cet égard, l’intention du Ministère public, advenue en 2022, de poursuivre le recourant par voie d’ordonnance pénale ne nécessitait pas que celui-ci fût privé de sa liberté aux seules fins d’être entendu sur la prévention et de recevoir formellement la notification de la décision de répression. Le 15 décembre 2020 déjà, la violation présumée de domicile du 8 juillet 2020 pouvait se fonder, au sens de l’art. 352 al. 1 CPP, sur les interdictions d’entrée de 2014 et de 2019, quoi que la police ait pensé de leur « échéance » (les documents n’en comportent aucune), ainsi que sur les pièces annexées à la plainte qui documentent l’intervention du service de sécurité [du bâtiment] D______.

Enfin, il y a lieu de relever que le recourant n’a plus été signalé par C______ après le 8 juillet 2020, de sorte que le risque qu’il ne commette de nouvelles violations de domicile (au sens de l’art. 221 al. 1 let. c CPP) n’était pas démontré à la date de l’avis de recherche et d'arrestation, le 15 décembre 2020. Il est vrai que la plainte de C______ du 8 juillet précédent se réfère à d’autres comportements du recourant, le cas échéant plus problématiques, qu’une insoumission à l’éloignement des bâtiments C______ ; il n’en reste pas moins que cette plainte n’a été expressément formée que pour violation de domicile, que le Ministère public n’a pas retenu d’office d’autres infractions et que, dans des lieux a priori accessibles à tout un chacun sans justification ni contrôle préalables, une violation de domicile, par simple inobservation d’une interdiction d’entrée, n’apparaît pas propre à mettre « sérieusement » en danger la sécurité d’autrui, au sens de la disposition légale susmentionnée.

En conclusion, les conditions légales pour émettre un avis de recherche et d’arrestation n’étaient pas réunies.

3.             Le recourant estime que, pour avoir été porteur d’une pièce d’identité le 8 juillet 2020, il n’aurait pas eu à être soumis, de force, à une comparaison d’empreintes.

3.1.       Comme retenu par le Tribunal fédéral, la police n'a pas prélevé les empreintes digitales du recourant, ce qui aurait justifié un mandat oral de sa part, confirmé ensuite par écrit, et en cas d'opposition, le renvoi au Ministère public pour décision en application de l'art. 260 al. 4 CPP ; mais elle a vérifié, en ayant recours à la contrainte, si elles étaient déjà enregistrées dans la banque de données AFIS. Cela étant, il ressort de l’arrêt de renvoi que la voie de droit prévue par l'art. 260 al. 4 CPP ne s'appliquait pas dans le cas particulier et que le recours était ouvert en application de l'art. 393 al. 1 let. a CPP, que la contestation soit dirigée contre l'ordre de la police de soumettre le recourant à un contrôle de son identité au moyen du système d'identification de ses empreintes digitales AFIS ou contre la manière dont celui-ci a été exécuté (arrêt 1B_255/2022 consid. 2.2. et la référence).

3.2.       Il résulte du dossier que le recourant a été appréhendé dans les locaux de D______, le 2 mars 2022, après 20h., sur demande d’agents de sécurité de [l'établissement] C______, et qu’il a été identifié sur place par la police au moyen de son permis de conduire.

Comme les contrôles d’usage à son sujet ont révélé l’existence de l’avis de recherche et d’arrestation du 15 décembre 2020 – et conformément aux modalités d’exécution libellées dans cet avis –, la police l’a conduit au poste. C’est en ce lieu qu’il a été « soumis à l’AFIS » et que l’usage de la force a été rendu nécessaire par son refus de s’y soumettre.

Le recourant ne conteste pas avoir catégoriquement refusé de se plier à l’injonction de présenter ses doigts pour que la comparaison pût s’effectuer.

Il ne prétend pas que la mesure aurait été inutile en elle-même, sauf à soutenir qu’il avait été suffisamment identifié par la production antérieure de son permis de conduire. Mais l’objection ne porte pas. Il ne s’agissait pas d’identifier le recourant par un moyen supplémentaire, mais de vérifier, comme l’a retenu le Tribunal fédéral, si ses empreintes étaient déjà enregistrées dans la base de données AFIS. Le recourant ne prétend pas que cette opération n’était pas justifiée.

Enfin, rien ne démontre que, forcé à poser ses deux index sur un scanner (comme il l’explique), il ait subi une quelconque lésion corporelle, ni même une voie de fait, par celui des policiers ayant « appuyé avec ses ongles sur sa peau ». Le recourant ne prétend pas en avoir ressenti quelque douleur. Il n’a fourni ni photo ni autre moyen d’étayer une ou des marque(s) qu’auraient pu laisser des ongles sur ses mains. Il semble plutôt critiquer le fait que ses index aient été saisis par des policiers non gantés, ce qui n’est pas décisif.

Dans ces conditions, l’art. 200 CPP n’a pas été violé.

4.             Le recours s'avère ainsi partiellement fondé. L’avis de recherche et d’arrestation du 15 décembre 2020 était contraire au droit (consid. 1.4. supra). En tant toutefois que la privation de liberté qu’il a entraînée a été imputée sur la peine infligée par l’ordonnance pénale du 3 mars 2022 (10 jours-amende avec sursis, moins un jour de détention avant jugement), le recourant ne saurait prétendre à aucune autre réparation. En effet, la question de l'indemnisation d'une détention injustifiée ne se pose que si une imputation suffisante de cette détention sur une autre sanction, au sens de l'art. 51 CP, n'est plus possible. Tel serait le cas si le nombre de jours de détention dépassait celui des jours-amende prononcés (arrêt du Tribunal fédéral 6B_558/2013 du 13 décembre 2013 consid. 1.6 in fine). En l’espèce, cette situation n’est pas réalisée. L'indemnisation financière étant subsidiaire à l'imputation, le recourant n'a pas le droit de choisir entre l'une ou l'autre (ATF 141 IV 236 consid. 3.3 p. 239; arrêt du Tribunal fédéral 6B_84/2014 du 13 août 2014 consid. 5.1).

5.             Le recourant ayant obtenu – partiellement – gain de cause par lui-même, sur un aspect constatatoire, on ne voit pas ce qui justifierait la désignation d’un conseil d’office pour l’assister, ni non plus l’indemnisation du temps qu’il affirme avoir consacré à rédiger personnellement l’acte de recours.

6.             Pour le même motif, les frais seront laissés à la charge de l’État.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet partiellement le recours, dans la mesure de sa recevabilité, et constate que l’avis de recherche et d’arrestation du 15 décembre 2020 était un acte de procédure illicite.

Rejette le recours pour le surplus.

Rejette la demande d’assistance judiciaire.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l’État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier:

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).