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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10606/2021

ACPR/159/2023 du 07.03.2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);CONFISCATION(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.382; CPP.115; CPP.263.al1.letd; LCR.90a.al1; LCR.90.al1; LCR.90.al3

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10606/2021 ACPR/159/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 7 mars 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Jacques ROULET, avocat, Roulet Avocats, rond-point de Plainpalais 2, 1205 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de levée de séquestre rendue le 2 décembre 2022 par le Ministère public,

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 12 décembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 2 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé de lever le séquestre sur le véhicule automobile de marque B______, immatriculé GE 1______.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à la levée du séquestre.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.A______, né le ______ 1997 et titulaire d'un permis de conduire depuis 2016, est prévenu de violations simples et graves qualifiées des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 et 3 LCR) pour avoir, à Genève, le 9 mai 2021, vers 19h20, sur l'autoroute, entre la voie d'accès no1813 de l'A1aP et la voie de sortie no1304 de l'A1, au volant du véhicule de marque B______, immatriculé GE 1______ (ci-après: véhicule litigieux), participé à une course de vitesse avec trois autres véhicules et, dans ce cadre, omis de respecter les distances suffisantes à plusieurs reprises, franchi une ligne de sécurité et circulé à une vitesse excessive, créant ainsi un sérieux danger pour la sécurité d'autrui.

b. Entendu par la police le 22 mai 2021, A______ a, d'abord, expliqué ne pas se souvenir des évènements du 9 précédent, avant de reconnaître en substance les faits reprochés.

Il a produit un contrat de leasing conclu avec C______ (SUISSE) SA, portant sur le véhicule litigieux, aux termes duquel, moyennant le versement des loyers périodiques, il en avait l'usage et la jouissance, tandis que la société en restait propriétaire, même après la fin du contrat.

c. Le lendemain, devant le Ministère public, le prévenu a déclaré regretter ses actes et avoir pris conscience de leur gravité. Il n'avait toutefois pas agi dans le but de participer à une course de vitesse.

d. Par ordonnance du 23 mai 2021, le Ministère public a séquestré le véhicule litigieux, à titre de moyen de preuve et en vue d'une confiscation judiciaire.

Le même jour, A______ a été libéré sous mesures de substitution – soit notamment une interdiction de conduire tout type de véhicule à moteur –, lesquelles ont été régulièrement prolongées jusqu'au 23 novembre 2022.

e. À teneur du rapport du 19 août 2021 de la Brigade de criminalité informatique (ci-après: BCI), l'analyse du téléphone du prévenu avait permis de mettre en évidence plusieurs vidéos de lui en train de se filmer au volant.

f. Le 14 octobre 2021, l'Office cantonal des véhicules a provisoirement restitué au prénommé son permis de conduire, qui avait été saisi par la police le 22 mai précédent. Aux termes de cette décision, l'intéressé était apte à la conduite de véhicules à moteur, selon un rapport de l'Unité de médecine et psychologie du trafic du centre universitaire romand de médecine légale (ci-après: UMPT).

g. Selon le rapport de renseignements du 2 juin 2022 établi par le Groupe audio-visuel accident (ci-après: GAVA) de la police, le jour des faits, le prévenu avait commis 32 dépassements de vitesse, la vitesse moyenne du véhicule, marges de distance et d'image appliquées, étant de 185,63 km/h sur un tronçon limité à 100 km/h, soit un dépassement maximal de 85,6 km/h. Le visionnage des images ainsi que les vitesses constatées laissaient vraisemblablement penser que les conducteurs des trois véhicules s'étaient adonnés à un "rodéo routier".

h. Entendu le 27 septembre 2022 par le Ministère public, A______ a déclaré ne pas se rappeler avoir conduit à une vitesse aussi élevée.

i. Le 16 novembre 2022, le Ministère public a ordonné la levée des mesures de substitution à l'encontre du précité.

j. Par courriers des 21 octobre, 27 octobre et 23 novembre 2022, A______ a sollicité la levée du séquestre sur le véhicule litigieux au motif que les mesures de substitution n'avaient plus lieu d'être et que son permis de conduire lui avait été restitué. Il s'acquittait toujours des mensualités du leasing sans jouir du véhicule.

k. A______ n'a pas d'antécédents judiciaires. Selon les renseignements de police, joints à la procédure, il a toutefois été prévenu à deux reprises de violation à l'art. 90 al. 1 LCR.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère que, vu les art. 263 al. 1 let. d et 90a al. 1 et 2 LCR, le séquestre du véhicule automobile se justifiait encore en l'état, et ce indépendamment de la levée des mesures de substitution et de l'existence d'un contrat de leasing.

D. a. Dans son recours, A______ estime que les conditions de confiscation prévues à l'art. 90a LCR n'étaient manifestement pas réunies, dès lors qu'il n'avait aucun antécédent et que tant les autorités pénales que les autorités administratives avaient écarté tout risque de récidive. Le maintien du séquestre était au surplus disproportionné au vu de l'écoulement du temps, du dommage financier subi et du fait qu'il était désormais autorisé à conduire tous véhicules automobiles.

b. Dans ses observations, le Ministère public se réfère à son ordonnance querellée et conclut au rejet du recours, sans autre développement.

c. Le recourant n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) à l'encontre d'une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP), par le prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).

1.2. Il sied de déterminer si le recourant, qui n'est pas le propriétaire du véhicule séquestré, dispose de la qualité pour agir.

1.2.1. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour contester celle-ci.

Tel est le cas lorsque le recourant est touché directement et immédiatement dans ses droits propres. Ce dernier doit donc établir que la décision attaquée viole une règle qui a pour but de protéger ses intérêts et qu'il peut, en conséquence, en déduire un droit subjectif. La violation d'un intérêt relevant d'un autre sujet de droit est insuffisante pour créer la qualité pour recourir (ATF 145 IV 161 consid. 3.1 p. 163; arrêt du Tribunal fédéral 1B_370/2019 du 4 octobre 2019 consid. 2.1.1).

1.2.2. Un séquestre peut être prononcé sur une automobile (utilisée pour commettre une infraction) appartenant aussi bien au prévenu qu'à un tiers (cf. à ce dernier égard ATF 140 IV 133 consid. 3.5 p. 137 s.; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5  juin 2018 consid. 4.3 in fine).

Est touché par une telle mesure celui qui se trouve privé provisoirement de la disposition de cette automobile, que ce soit parce qu'il en est le propriétaire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_127/2013 du 1er mai 2013 consid. 1) ou qu'il bénéficie, sur celle-ci, d'un pouvoir de disposition, notamment quant à son utilisation, par exemple parce qu'il la détient sur la base d'un contrat de leasing (arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 précité consid. 1.3).

1.2.3. En l'espèce, le recourant détient le véhicule séquestré sur la base d'un contrat de leasing. Ce contrat lui octroyant un pouvoir de disposition sur la voiture, notamment quant à son utilisation, il subit dès lors un préjudice en raison du maintien du séquestre ordonné.

1.3. Partant, son recours est recevable.

2.             Le recourant conteste le maintien du séquestre sur le véhicule.

2.1.       L'art. 197 al. 1 CPP prévoit que le séquestre ne peut être ordonné que lorsque la mesure est prévue par la loi (let. a), que des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), que les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et que la mesure apparaît justifiée au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

2.2.       En vertu de l'art. 263 al. 1 let. d CPP, des objets ou des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre lorsqu'il est probable qu'ils devront être confisqués. Le séquestre en vue de la confiscation est fondé sur la vraisemblance et se justifie aussi longtemps qu'une simple possibilité de confiscation semble, prima facie, subsister (ATF 140 IV 57 consid. 4.1). Il appartient ainsi au juge du fond de statuer définitivement sur la question de la confiscation et le juge du séquestre n'a pas à préjuger à cet égard, mais uniquement à dire s'il est possible qu'une telle confiscation intervienne (ATF 140 IV 133 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_275/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.3.3 et 4). Par ailleurs, l'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir. Le séquestre pénal ne peut donc être levé que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne sont pas réalisées et ne pourront pas l'être (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1; 139 IV 250 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 4.3). Les probabilités d'une confiscation doivent cependant se renforcer au cours de l'instruction et doivent être régulièrement vérifiées par l'autorité compétente, avec une plus grande rigueur à mesure que l'enquête progresse (ATF 122 IV 91 consid. 4).

2.3.       Selon l'art. 90a al. 1 LCR, le tribunal peut ordonner la confiscation d'un véhicule automobile lorsque les règles de la circulation ont été violées gravement et sans scrupules (let. a), et que cette mesure peut empêcher l'auteur de commettre d'autres violations graves des règles de la circulation (let. b).

L'objet de la confiscation doit être le ou les véhicules automobiles effectivement utilisés par l'auteur pour commettre l'infraction considérée. Si ce lien de connexité avec l'infraction fait défaut, la confiscation est exclue. Ainsi, les autres véhicules dont l'auteur pourrait disposer, mais qui n'ont pas de lien avec la commission des infractions, ne peuvent pas être confisqués sous l'angle de l'art. 90a LCR (Y. JEANNERET, Via Sicura : le nouvel arsenal pénal, Circulation routière 2/2013, p. 42).

Les conditions de la confiscation posées à l'art. 90a al. 1 let. a LCR sont en principe remplies en cas de violation grave qualifiée des règles de circulation au sens de l'art.  90 al. 3 et 4 LCR (cf. ATF 140 IV 133 consid. 3.4). Au stade du séquestre, la condition cumulative de l'absence de scrupules n'a pas à être examinée (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1).

Sous l'angle de l'art. 90a al. 1 let. b LCR, le juge du séquestre examine si le conducteur pourrait à l'avenir compromettre la sécurité routière avec le véhicule utilisé ou si le séquestre confiscatoire serait à même d'empêcher le conducteur de commettre une nouvelle infraction routière grave. Il suffit alors de formuler un pronostic limité à la vraisemblance en analysant si le véhicule, laissé dans les mains de l'auteur, pourrait mettre à nouveau en péril la sécurité publique. Afin de poser ce pronostic, l'examen des antécédents de l'auteur peut servir d'appui à la réflexion du juge (ATF 140 IV 133 consid. 4.3).

En principe, le séquestre en vue de la confiscation pour des motifs sécuritaires d'un véhicule automobile propriété d'un tiers est également admissible, lorsque le véhicule utilisé reste à disposition du conducteur et que le séquestre paraît propre à prévenir, respectivement à retarder ou à rendre plus difficile, à tout le moins, la commission de nouvelles infractions graves aux règles de la circulation (ATF 140 IV 133 consid.  3.5).

2.4. En l'espèce, le recourant est fortement soupçonné d'avoir commis de nombreuses violations simples et graves qualifiées aux règles de la circulation routière au sens des art. 90 al. 1 et 3 LCR. Si celui-ci conteste s'être livré à une course-poursuite avec d'autres conducteurs, il admet avoir, le 9 mai 2021, omis de respecter les distances suffisantes à plusieurs reprises, franchi une ligne de sécurité et commis des excès de vitesse, créant ainsi un sérieux danger pour la sécurité d'autrui. Il ressort par ailleurs du rapport du GAVA du 2 juin 2022 que son dépassement maximal de vitesse avait été de 85,6 km/h sur un tronçon limité à 100 km/h soit, presque du simple au double, et que le visionnage des images laissait vraisemblablement penser qu'il participait à un "rodéo routier" avec deux autres conducteurs. Il n'est ainsi pas exclu en l'état que les conditions de l'art. 90a al. 1 let. a LCR soient réalisées.

Par ailleurs, compte tenu de la conduite manifestement dangereuse adoptée, il existe des indices au sens de l'art. 90a al. 1 let. b LCR de ce qu'en mains du recourant, le véhicule séquestré serait susceptible de mettre en danger la sécurité routière à l'avenir, respectivement de ce que le séquestre en vue de la confiscation soit propre à l'empêcher de commettre de nouvelles violations graves, voire graves et qualifiées des règles de la circulation. Ce d'autant que, d'après le rapport du 19 août 2021 de la BCI, l'analyse du téléphone de l'intéressé avait permis de mettre en évidence plusieurs vidéos de lui en train de se filmer en conduisant. Certes, le recourant n'a pas d'antécédents judiciaires inscrits au casier judiciaire. D'après les renseignements de police, il a cependant été prévenu à deux reprises de violation de l'art. 90 al. 1 LCR, et ce, malgré son jeune âge au moment des faits (23 ans). Que l'Office cantonal des véhicules lui ait restitué son permis de conduire, n'est par ailleurs pas déterminant dans la mesure où il s'agit d'une restitution provisoire. Qu'il soit autorisé – suite à la levée des mesures de substitution – de conduire des véhicules à moteur n'est pas non plus pertinent, dès lors que la confiscation au sens de l'art. 90a LCR ne peut porter que sur le véhicule effectivement utilisé pour commettre l'infraction considérée, ce qui est le cas ici.

Eu égard à la gravité des infractions reprochées, le maintien du séquestre apparaît objectivement propre à retarder ou à rendre plus difficile, à tout le moins, la commission de nouvelles infractions graves. Des mesures moins sévères ne permettent pas d'atteindre ce but, dès lors que le recourant ne prétend pas avoir résilié son contrat de leasing, de sorte qu'il aurait toujours l'usage et la jouissance du véhicule si celui-ci lui était restitué. Compte tenu de la durée du séquestre, soit depuis le 23 mai 2021, le Ministère public sera toutefois tenu de mener à terme la procédure le plus rapidement possible.

Au vu de ce qui précède, ce dernier était fondé à refuser la levée du séquestre.

3.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/10606/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

 

 

 

Total

CHF

900.00