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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/66/2022

ACPR/46/2023 du 18.01.2023 ( RECUSE ) , REJETE

Recours TF déposé le 20.02.2023, rendu le 23.06.2023, REJETE, 1B_102/2023
Descripteurs : RÉCUSATION
Normes : CPP.56

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/66/2022 ACPR/46/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 18 janvier 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me J______, avocat,

requérant,

et

B______, C______ et D______, juges, Tribunal correctionnel, rue des Chaudronniers 9 - case postale 3715, 1211 Genève 3,

E______, comparant par Me Pierluca DEGNI, avocat, Degni & Vecchio, rue du Général-Dufour 12, case postale 220, 1211 Genève 8,

cités.

 


EN FAIT :

A. a. Le 7 septembre 2022, B______, C______ et D______, juges du Tribunal correctionnel (ci-après, TCor), ont avisé la Chambre de céans de la demande de récusation formulée contre eux par A______ dans la P/5______/2016 et ont transmis le procès-verbal de l'audience des 6 et 7 septembre précédent.

Ce pli a été remis à la Chambre de céans le 9 suivant.

b. Dans sa réplique du 20 septembre 2022, A______, sous suite de frais et dépens, demande non seulement la récusation desdits juges, mais aussi l'annulation de tous les actes entrepris par le TCor, en particulier le jugement rendu le 7 septembre 2022.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Le 20 février 2020, le Ministère public a renvoyé A______, ainsi que trois autres prévenus devant le TCor, pour y être jugé pour agression, subsidiairement de rixe, tentative de meurtre, vol d'usage, tentative de vol, dommages à la propriété, violation de domicile, empêchement d'accomplir un acte officiel et infractions à la circulation routière (P/4______/2016).

a.b. A______ a demandé la récusation de F______ – ancien Procureur ayant instruit une procédure précédente contre lui (P/1______/2015) –, lequel faisait partie de la composition du tribunal avec les juges B______ et C______.

a.c. Par jugement du 1er octobre 2020, A______ a été condamné pour tentative de meurtre, rixe, tentative de vol et infraction à l'art. 95 al. 1 let. b LCR à une peine privative de liberté de six ans, laquelle est complémentaire à celle prononcée dans la cause P/1______/2015.

a.d. Par arrêt du 1er juillet 2021 (arrêt 1B_13/2021), le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A______ contre l'arrêt Chambre de céans ayant rejeté de la demande de récusation de F______ (ACPR/2______/2020).

Ce dernier était, en tant que membre du TCor dans la procédure P/4______/2016, appelé à fixer une peine complémentaire à celle ordonnée dans une autre affaire, où il avait agi en tant que Procureur. Le Tribunal fédéral a dès lors considéré que ce magistrat avait déjà agi à un autre titre dans la même cause, selon l’art. 56 let. b CPP, et devait être récusé.

a.e. À cette suite, A______ a requis de la Chambre de céans qu’elle enjoigne au TCor de siéger, lors des futurs débats, dans une composition entièrement nouvelle.

b.a. Le 24 août 2021, la Chambre de céans a annulé le jugement du 1er octobre 2020 en tant qu’il concernait A______ et ordonné que l'audience de jugement (débats et jugement) concernant ce dernier soit répétée et a renvoyé la cause au TCor pour ce faire (ACPR/3______/2021).

b.b. Le 8 septembre 2021, l’accusé a été informé que les juges qui siégeraient à l’audience de jugement du TCor seraient: B______, présidente, C______ et D______.

b.c. Le 16 septembre 2021, A______ a requis la récusation de B______ et de C______.

b.d. Le 18 mai 2022 (arrêt 1B_25/2022), le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par A______ contre l'arrêt du 11 janvier 2022 de la Chambre de céans rejetant cette demande. Il a rappelé que "s'agissant d'une problématique ordinaire d'un procès pénal, il ne saurait en être déduit sans autre élément que les deux Juges intimés ne seraient pas à même de revoir leur appréciation ou de faire abstraction des remarques du Juge récusé sur cette question. Le recourant ne fait enfin pas état de comportement (s) ou déclaration (s) des Juges intimés qui viendrai (en) t démontrer une apparence de prévention de leur part à son encontre; il relève d'ailleurs n'avoir pas soutenu que les deux Juges intimés se seraient d'ores et déjà forgés une opinion ferme et définitive (cf. let. b p. 21 du recours)" [ ] et que "en tout état de cause, le recourant peut déposer des réquisitions de preuves - lesquelles pourraient appeler la direction de la procédure à revoir, le cas échéant, la durée prévue de l'audience -, respectivement contester en appel, puis devant le Tribunal fédéral, leurs éventuels refus : le recourant ne saurait donc utiliser la voie de la récusation pour remettre en cause le déroulement de la procédure."

c. Par mandat de comparution du 30 mai 2022, les parties ont été convoquées à l'audience de jugement du 6 septembre 2022 (le verdict devant être rendu le lendemain), les juges appelés à siéger étant les mêmes que ceux annoncés le 8 septembre 2021. Un délai a été imparti pour le dépôt des réquisitions de preuve.

d. E______, partie plaignante, a requis l'audition de G______. A______ a requis une expertise des bandes de vidéosurveillance ainsi que l'expertise médico-légale de E______.

e. L'avis de modification d'audience du 10 août 2022 annonçait la comparution de G______ en qualité de témoin, le 6 septembre 2022.

f. Par décision du 15 août 2022, la Présidente B______ a rejeté les réquisitions de preuves de A______ au motif qu'elles "ne sont pas nécessaires au prononcé du jugement".

g.a. À teneur du procès-verbal de l'audience des 6 et 7 septembre 2022, après avoir appelé la cause, la Présidente a ouvert les débats.

i.          Elle a notamment constaté l'absence, non excusée, de H______, partie plaignante.

"Le conseil de A______ a demandé si H______ avait été dispensé, ce à quoi la Présidente lui a répondu par la négative, qu'il était non excusé et, qu'en l'état, le Tribunal n'entendait pas reconvoquer la présente audience".

ii.        Le Tribunal a soumis des questions préjudicielles aux parties; en particulier, le conseil de A______ a plaidé et réitéré l'intégralité de ses réquisitions de preuves formulées dans son courrier du 12 août 2022.

Après délibération, le Tribunal a informé les parties du rejet desdites réquisitions précisant ce qui suit:

-       "Le Tribunal n'ordonnera pas d'expertise complémentaire pour analyser les bandes de vidéosurveillance figurant au dossier, dès lors qu'il n'appartient pas aux experts de déterminer si le prévenu est ou non l'auteur des faits qui lui sont reprochés, ce qui relève de l'appréciation des preuves par le juge au vu de l'ensemble du dossier; la question de savoir si les éléments au dossier à charge du prévenu sont suffisants ou non pour aboutir à un verdict condamnatoire relève en effet du fond et du travail du juge et non des experts.

-         Il en ira de même de l'expertise médico-légale, dont on ne voit pas ce qu'elle pourrait apporter dès lors que l'arme du crime n'a pas été retrouvée et qu'un expert ne peut se prononcer sur des situations hypothétiques.

-         Cela impliquerait également le renvoi de l'audience, contrairement au principe de célérité, dans une procédure ayant déjà impliqué des recours au Tribunal Fédéral.

-         Finalement, ces réquisitions tardives ne peuvent se justifier, comme le soutient la défense, par le fait que deux des trois juges auraient participé à la première audience de jugement du prévenu, ce qui relève des motifs de récusation à l'encontre desdits juges, question qui a déjà été tranchée et rejetée par le Tribunal Fédéral."

iii.      "À cette suite, le conseil de A______ a conclu à la récusation de l'ensemble des membres du Tribunal correctionnel, au motif, principalement du jugement rendu le 1er octobre 2020 en ces considérants 1.3.2 à 1.3.5, du refus par le Tribunal de donner suite à ses réquisitions de preuves complémentaires et en raison du fait que le Tribunal n'avait pas ordonné spontanément l'administration de preuves, ni la répétition des preuves précédemment administrées, notamment l'audition de H______."

Après délibération, la Présidente a informé les parties que les membres du Tribunal s'opposaient à leur récusation pour les motifs suivants:

-       "S'agissant de la prétendue partialité de la Présidente et du Juge C______, en lien avec le contenu du jugement du 1er octobre 2020, la question a d'ores et déjà été tranchée par le Tribunal Fédéral et il sied de ne pas y revenir.

-         S'agissant de l'argument en lien avec le Juge D______, il est relevé que ce dernier s'est limité à prendre connaissance du dossier et à prendre part à la décision au sujet des réquisitions de preuves, dossier comprenant le procès-verbal de la première audience en ce qui concerne les autres parties à la procédure.

-         S'agissant du rejet des réquisitions de preuve sollicitées par la défense, aucune partialité ne peut en être déduite; considérer le contraire reviendrait de facto à obliger le Tribunal, par principe, à accepter de nouvelles réquisitions de preuve de la défense, sans lui permettre d'en apprécier la pertinence, en application des critères dégagés par la loi et la jurisprudence."

En conclusion, la demande de récusation serait transmise à la Cour sans ajournement des débats.

iv.       La Présidente a procédé à l'audition de E______, entendu à titre de renseignements, qui a déclaré confirmer sa plainte déposée en cours de procédure, en suite de quoi:

"Le Tribunal me demande si j'ai quelque chose à ajouter au terme de ma plainte."

E______ s'est, alors, exprimé sur les événements et a répondu aux questions du Tribunal, de son conseil et de celui du prévenu.

La Présidente a, ensuite, fait appeler le témoin, G______.

Les parties ne demandant pas l'administration de nouvelles preuves, la procédure probatoire a été clôturée.

v.         À cette suite, Me J______ a demandé une brève suspension et que le procès-verbal lui soit remis. Il a demandé que lui soit lu le début de l'audition de E______ "car il n'a pas été attentif".

"Après relecture du procès-verbal par la Présidente, Me J______ demande au Tribunal que soit protocolé au procès-verbal, au début de l'audition de E______, que le Tribunal n'a pas de question à poser à ce dernier.

La Présidente lui fait remarquer qu'il ressort du présent procès-verbal que le Tribunal n'a pas posé de question avant de laisser E______ s'exprimer librement.

Me J______ réitère sa réquisition sous la forme d'un incident de procédure".

vi.       "Après délibération, le Tribunal informe les parties que l'incident soulevé par Me J______ est rejeté, dès lors que les termes exacts par lesquels le Tribunal a indiqué à E______ qu'il le laissait s'exprimer librement sans questions initiales du Tribunal, ne sont pas déterminants, au sens de l'art 78 al. 3 CPP, ne s'agissant pas d'une question déterminante devant être consignée textuellement au procès-verbal. L'absence de question posée initialement par le Tribunal ressort par ailleurs déjà du procès-verbal, à l'instar des autres questions qu'il lui a ensuite posées."

vii.     Les parties ont plaidé et le Tribunal s'est retiré pour délibérer.

viii.   Le 7 septembre 2022 à 17 heures, la Présidente a donné connaissance du dispositif.

A______ a refusé de signer le procès-verbal d'audience "vu le courrier de son conseil de ce jour".

g.b. Préalablement, ce même 7 septembre à 14 heures le conseil de A______ avait déposé au greffe universel, un courrier qu'il souhaitait voir annexer au procès-verbal d'audience, malgré le rejet de l'incident. Il demandait que le procès-verbal de l'audience soit rectifié au sens de l'article 79 al. 2 CPP, en ce que l'intervention de la Présidente à la reprise des débats, sur la base des notes manuscrites qu'il avait prises sur l'instant, y apparaisse, soit :

« (La Présidente s'adressant aux parties, ndf) : Nous allons maintenant procéder à l'audition de Monsieur E______.

(La Présidente s'adressant à E______, ndr) : Monsieur, vous êtes une victime. Le Tribunal sait que cela est difficile de s'exprimer pour une victime. Le Tribunal n 'a pas pour habitude d'interroger les victimes et donc il vous informe que le Tribunal n'a pas de question à vous poser. Mais vous êtes libre d'ajouter quelque chose à vos déclarations »

Il considérait que "ces propos reflétaient une partialité du Tribunal dans la conduite des débats en ce qu'il faisait preuve de parti pris en affirmant d'une partie plaignante qu'elle est une victime, alors que les faits reprochés au prévenu sont contestés. Ne pas souhaiter interroger une partie plaignante, alors que son rôle est discuté (victime d'agression participant à une rixe, selon l'acte d'accusation lui-même), relevait d'une appréciation anticipée de la cause qui ne résiste pas au besoin d'impartialité requis." Ces propos s'inscrivaient dans le prolongement des motifs évoqués quelques heures auparavant à l'appui de la requête en récusation.

g.c. Par courrier du même jour, la Présidente lui a répondu que "votre courrier ne reflète pas de manière fidèle les propos que j'ai tenus lors de l'audition de E______ auquel j'ai laissé la possibilité de s'exprimer librement avant de lui poser des questions, ce qui ressortait du procès-verbal d'audience. Dès lors, il ne sera pas annexé au procès-verbal d'audience qui, seul, faisait foi".

g.d. Dans son courrier du 13 septembre 2022, ledit conseil a précisé, que si les déclarations de E______ avaient entrainé des demandes de précisions de la part de la Présidente, tel que cela ressortait du procès-verbal, "il n'en demeure pas moins qu'avant ses déclarations, le Tribunal a indiqué à E______ par votre voix ne pas avoir de question à lui poser ; non pas "à ce stade" mais pas de question "tout court". "

h. Par jugement du 7 septembre 2022, A______ a été reconnu coupable de tentative de meurtre, rixe, tentative de vol et infraction à l'art. 95 al. 1 let. b LCR. Il a été condamné à une peine privative de liberté de 5 ans et demi, peine complémentaire à celle prononcée dans l’affaire P/1______/2015.

L'intéressé a fait appel du jugement.

C. a. Dans sa réplique, A______ conteste l'impartialité de B______ et C______, qui avaient acquis la conviction, lors du premier verdict, qu'il était coupable d'une tentative de meurtre, dans la mesure où ils n'avaient pas répété les débats, comme ordonné par la Chambre de céans, ni examiné de nouveaux éléments. Avec le rejet de ses réquisitions de preuves, les éléments de procédure étaient identiques à ceux figurant au dossier lors des premiers débats, de sorte que les magistrats ayant siégé lors du premier verdict ne pourraient s'écarter de celui-ci, dans la mesure où il reflétait leur intime "conviction", ce d'autant plus que les co-prévenus, aujourd'hui condamnés, n'avaient pas été convoqués lors des seconds débats.

Il reprend ses développements s'agissant de l'utilisation du terme "victime" concernant E______; les propos de la Présidente ne résistaient pas à l'apparence d'impartialité exigée des magistrats visés, tout comme l'absence déclarée de question à ce dernier.

Il considère que le juge D______ avait collégialement participé aux décisions de rejet des réquisitions de preuves, à l'organisation des débats par devant le TCor, comprenant l'absence de convocation des autres participants et la renonciation à reconvoquer une partie plaignante, absente et non excusée. Le magistrat avait préparé les débats sur la base du jugement du 1er octobre 2020, qui ancrait la conviction de ses collègues magistrats l'empêchant de se forger librement sa conviction.

b. Dans ses observations, B______ considère qu'aucun motif de récusation n'était réalisé. La question de la prétendue partialité du juge C______ et d'elle-même en lien avec le contenu du jugement du 1er octobre 2020, avait d'ores et déjà été tranchée par le Tribunal fédéral.

Aucune partialité ne pouvait être déduite du rejet des réquisitions de preuve, sauf à obliger le Tribunal, par principe, à accepter de nouvelles réquisitions de preuve de la défense, sans lui permettre d'en apprécier la pertinence.

Elle conteste que le Tribunal n'ait pas souhaité interroger E______; la direction de la procédure interrogeait les parties comme elle l'entendait et il n'était pas exceptionnel de laisser une partie plaignante s'exprimer librement avant de lui poser des questions. Il ressortait d'ailleurs clairement du procès-verbal d'audience que des questions avaient été posées par le Tribunal à cette personne. Le procès-verbal d'audience des autres prévenus n'ayant pas été annulé s'agissant de leurs déclarations, le Tribunal était en droit de demander au requérant de se déterminer sur leurs déclarations.

Il n'y avait pas à prendre en considération l'argument selon lequel le Tribunal aurait omis de considérer que E______ serait non seulement victime d'une infraction mais également hypothétiquement co-auteur d'une rixe, dans la mesure où le prénommé n'avait jamais été prévenu d'une quelconque infraction.

c. C______ rappelle que le Tribunal fédéral avait considéré que les magistrats concernés pouvaient à nouveau juger l'affaire du prévenu de façon impartiale et que "en tout état de cause, le recourant peut déposer des réquisitions de preuves - lesquelles pourraient appeler la direction de la procédure à revoir, le cas échéant, la durée prévue de l'audience - respectivement contester en appel, puis devant le Tribunal fédéral, leurs éventuels refus : le recourant ne saurait donc utiliser la voie de la récusation pour remettre en cause le déroulement de la procédure (p. 8)".

E______ était procéduralement une partie plaignante et une victime au sens des art. 116 ss et 118 ss CPP et devait être interrogé comme tel, indépendamment du fond.

Le procès-verbal d'audience attestait que le Tribunal avait posé des questions à la partie plaignante après l'avoir laissée s'exprimer librement.

d. I______ s'oppose à sa récusation. Tout au long de la procédure, il avait siégé et statué en toute indépendance et impartialité et n'avait pas été influencé par les deux autres magistrats; les décisions rendues par la composition de jugement avaient toujours été prises lors de délibérations effectuées en toute indépendance et impartialité.

e. A______ a répliqué.

f. E______ observe que la procédure de récusation n'avait pas pour but de permettre aux parties de contester la manière dont était menée l'instruction ou le déroulement de la procédure et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises notamment par la direction de la procédure. Or, la demande de récusation visait à remettre en cause le déroulement de la procédure.

g. A______ a précisé ne pas faire d'observations complémentaires.

EN DROIT :

1.             1.1. La demande a été déposée par le prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP), partie à la procédure qui a qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP), auprès de la Chambre de céans, autorité compétente pour statuer sur la récusation des membres d’un tribunal de première instance (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ).

1.2.1. La requête doit être formée sans délai (art. 58 al. 1 CPP), dès que le justiciable a connaissance du motif de récusation, soit dans les six à sept jours au plus tard, sous peine d’irrecevabilité (arrêt du Tribunal fédéral 1B_13/2021 du 1er juillet 2021 consid. 2).

1.2.2. En l’espèce, le requérant fonde sa demande de récusation de l'ensemble des membres du TCor, principalement sur jugement rendu le 1er octobre 2020 en ses considérants 1.3.2 à 1.3.5, le refus par le Tribunal de donner suite à ses réquisitions de preuves complémentaires et en raison du fait que le Tribunal n'avait pas ordonné spontanément l'administration de preuves, ni la répétition des preuves précédemment administrées, notamment l'audition de H______.

Le requérant ne peut soutenir la partialité des magistrats en s'appuyant sur le verdict du 1er octobre 2020. Le Tribunal fédéral a rejeté son précédent recours sur la demande de récusation considérant que l'impartialité des juges, lesquels avaient exprimé leur intime conviction dans ce verdict, ne pouvait être mise en doute; il a d'ailleurs relevé que le requérant n'avait "pas soutenu que les deux juges intimés se seraient d'ores et déjà forgés une opinion ferme et définitive (cf. let. b p. 21 du recours)".

Outre que le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé sur ce motif, son invocation est tardive.

Dès la mi-août 2022, le requérant a su que seul le père de E______ était convoqué comme témoin à l'audience de jugement, et qu'ainsi ses co-prévenus ne seraient pas réentendus. Ce motif est également tardif. Il en est allé de même s'agissant de ses réquisitions de preuves. La situation n'est pas différente au motif qu'il aurait réitéré sa requête à l'audience de jugement, les preuves sollicitées étant exactement les mêmes; cet artifice ne peut faire renaître le délai.

La demande de récusation est par contre recevable s'agissant de la non-reconvocation d'une partie plaignante absente mais non excusée, de la problématique des questions à la partie plaignante et l'utilisation du terme "victime".

2. 2.1. À teneur de l'art. 56 CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque, notamment : elle a agi à un autre titre dans la même cause, en particulier comme membre d’une autorité, conseil juridique d’une partie, expert ou témoin(let. b); d'autres motifs que ceux énoncés aux let. a à e [de cette même norme] sont de nature à la rendre suspecte de prévention (let. f).  

2.2. L’art. 56 let. f CPP n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_65/2020 du 18 mai 2020 consid. 4.1).  

La récusation n'a pas pour finalité de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure. En effet, il appartient aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre (ibidem).

2.4. En l'occurrence, le requérant ne peut pas s'appuyer sur le refus des réquisitions de preuve renouvelées à l'audience, argument qui, outre être tardif, ne peut être considéré comme le reflet d'une apparence de partialité, la voie pour contester ce refus étant l'appel voire le recours au Tribunal fédéral, comme précisé expressément par cette autorité.

S'agissant de la déclaration de la Présidente selon laquelle l'absence de H______, partie plaignante, n'était pas excusée et que "en l'état, le Tribunal n'entend pas reconvoquer la présente audience", il convient de constater que le requérant n'a pas sollicité ni plaidé, à teneur du dossier, que cette personne soit reconvoquée ni n'explique en quoi ladite déclaration traduirait une partialité envers lui.

Enfin, s'agissant de l'interrogatoire de la partie plaignante, il apparaît établi que la Présidente n'entendait pas lui poser de questions avant qu'elle se soit exprimée librement. On ne peut, cependant, sur la seule affirmation du requérant – laquelle est contestée par l'intéressée – retenir qu'elle n'en aurait pas posé si E______ s'était limité à "confirmer sa plainte" sans plus d'explication, ce d'autant moins que la magistrate l'a effectivement interrogé, tout comme les conseils, durant l'audition. Il est vain de spéculer sur ce qu'aurait fait ou dit la citée dans une autre configuration.

Le requérant a développé son argumentation, s'agissant du terme "victime" qui aurait été utilisé par la Présidente, sur le fait qu'il contestait l'infraction de l'agression et que, s'agissant celle de rixe, le plaignant ne pouvait être considéré comme "victime". Force est de constater que c'est le statut procédural de l'intéressé a conduit à cette formulation et non un parti pris en faveur de E______, voire en défaveur du requérant; rien ne permet de le supposer; E______ n'a jamais été prévenu. L'argument est spécieux et contredit par le verdict dans lequel le TCor a retenu la rixe, soit donc une participation de E______ à l'infraction.

Ainsi, ces motifs, même considérés globalement avec ceux déclarés irrecevables, ne laissent apparaître une prévention de la part d'aucun des magistrats, ni personnellement ni par "adhésion", à l'encontre du requérant.

3. La demande de récusation doit, dès lors, être rejetée.

 

4. En tant qu'il succombe, le requérant supportera les frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP) fixés en totalité à CHF 1'000.-, y compris un émolument de décision. 

 

5. La partie plaignante n'a pas sollicité d'indemnisation, de sorte qu'il ne lui en sera pas alloué (art. 433 al. 2 CPP).

 

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :


Rejette la demande de récusation.

Condamne A______ aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au requérant, soit pour lui son conseil, à B______, C______ et I______, ainsi qu'à E______, soit pour lui son conseil.

Le communique, pour information, au Ministère public et la Chambre d'appel et de révision.

Siégeant :

 

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Alix FRANCOTTE CONUS et Monsieur Christian COQUOZ, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/66/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- demande de récusation (let. b)

CHF

905.00

-

CHF

 

Total

CHF

1'000.00