Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/291/2019 du 16.04.2019 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/21865/2017 ACPR/291/2019 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 16 avril 2019 |
Entre
A______, comparant par Me Robert ASSAËL, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11,
recourante,
contre la décision rendue le 3 août 2018 par le Ministère public
(refus de scellés)
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 9 août 2018, A______ recourt contre la décision du 3 précédent, notifiée le 6 août 2018, par laquelle le Ministère public a refusé d'apposer les scellés sur ses déclarations fiscales.
La recourante conclut à l'annulation de cette décision et à l'injonction au Ministère public d'apposer les scellés sur ces documents et d'en obtenir cas échéant la restitution par les parties plaignantes qui en auraient déjà obtenu copies. Elle requiert préalablement l'effet suspensif.
b. La demande d'effet suspensif a été rejetée le 13 août 2018 par la Direction de la procédure (OCPR/26/2018).
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 13 avril 2018, A______ a été prévenue, à l'instar d'autres membres de sa famille, notamment de B______ et de C______, d'incitations à entrée et séjour illégaux, d'emploi d'étrangers sans autorisations, d'usure et de traite d'êtres humains pour avoir, à Genève, depuis 1997, fait venir d'Inde du personnel de maison et l'avoir exploité à des conditions en tout cas non conformes au contrat-type de travail de l'économie domestique.![endif]>![if>
En substance, A______ a contesté les faits.
b. Le 4 juillet 2018, le Ministère public a demandé à l'Administration fiscale cantonale (ci-après, AFC) de lui faire parvenir, notamment, les déclarations fiscales des prévenus pour les années 2010 à 2018. ![endif]>![if>
L'AFC s'est exécutée par envoi daté du 19 juillet 2018, précisant que la déclaration 2018 de A______ ne lui avait pas encore été remise.
c. Le 27 juillet 2018, le Ministère public a avisé toutes les parties, par pli simple, que les déclarations fiscales des prévenus, i.e. notamment de A______, avaient été versées au dossier.![endif]>![if>
d. Le 30 juillet 2018, B______ et C______ ont demandé que cette documentation soit placée sous scellés. Le Ministère public y a donné suite.![endif]>![if>
e. Le 2 août 2018, A______ a demandé à son tour que cette documentation soit placée sous scellés. ![endif]>![if>
C. Dans la décision querellée, le Ministère public considère que la demande est tardive. Le défenseur de la prévenue avait consulté le dossier le 19 juillet 2018 et s'en était vu remettre une copie intégrale le 25 suivant. Le 27 juillet 2018 encore, toutes les parties avaient été avisées que des déclarations fiscales figuraient au dossier.
D. Dans l'intervalle, le Ministère public a ordonné des séquestres dans plusieurs banques, et A______, notamment, lui a demandé, par pli du 12 juillet 2018, de placer l'ensemble de la documentation reçue sous scellés. Le Ministère public s'est exécuté.
E. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir que son défenseur avait, certes, pris connaissance le 19 juillet 2018 de la réquisition faite à l'AFC et reçu le 25 juillet 2018 copie de la "plus grande partie de la procédure ( ) dont les déclarations fiscales", mais qu'il avait appris le 30 juillet 2018 seulement que ces déclarations étaient au dossier, soit à réception de la missive du Ministère public du 27 précédent. Il ne s'était donc écoulé qu'un jour ouvrable avant que la demande fût formulée. Le secret fiscal, le défaut de pertinence et le principe de proportionnalité faisaient obstacle à l'utilisation des pièces concernées.
b. Dans ses observations, le Ministère public propose de rejeter le recours. La demande de scellés était tardive. Une telle procédure ne s'appliquait pas à l'entraide administrative. Dans ce domaine, c'était à l'autorité requise de faire valoir un éventuel intérêt privé au maintien du secret, au sens de l'art. 194 al. 2 CPP.
c. A______ a répliqué.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable, pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; ACPR/754/2018 et les références) et émaner d'une prévenue, qui, concernée par les documents requis de l'AFC, dont l'accès et la production dans le dossier pénal sont susceptibles de porter atteinte à des secrets protégés, a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP). ![endif]>![if>
2. Se référant à un arrêt du Tribunal fédéral (1B_547/2018), le Ministère public objecte que la documentation fiscale litigieuse n'avait pas été obtenue au moyen d'une mesure de contrainte, mais par la voie de l'entraide entre autorités (art. 194 CPP), et que, par conséquent, l'apposition de scellés ne serait pas possible.![endif]>![if>
Dans l'arrêt visé, le Tribunal fédéral a examiné si l'entraide administrative devait être qualifiée de mesure de contrainte, car la recevabilité du recours en matière pénale qui lui avait été adressé en dépendait, dès lors que ce recours était exercé contre une décision du Tribunal pénal fédéral (cf. art. 79 LTF). Il n'a donc pas exclu que des scellés puissent être apposés sur des pièces obtenues par la voie de l'entraide entre autorités. Selon la jurisprudence, le droit de requérir des scellés ne dépend pas du fait que la personne concernée détenait ou non les documents saisis par l'autorité; il est bien plutôt indépendant de la façon dont celle-ci se les est procurés (ATF 140 IV 28 consid. 3.4 p. 33 et 4.3.4 p. 36).
Même si l'AFC eût pu refuser de coopérer en invoquant un intérêt privé prépondérant (art. 194 al. 2 CPP), la recourante ne saurait donc être privée de la faculté de requérir des scellés dans le cas contraire, soit lorsque l'autorité requise a produit son dossier.
3. Reste à savoir si la recourante a agi sans délai.![endif]>![if>
3.1. La requête de mise sous scellés, après que l'ayant droit a été informé de cette possibilité, doit être formulée immédiatement, soit en relation temporelle directe avec la mesure coercitive. Elle coïncide donc en principe avec l'exécution de la perquisition (ATF 127 II 151 consid. 4c/aa p. 156). Elle peut encore intervenir immédiatement après cette mesure de contrainte, respectivement après que le détenteur a été informé de ses droits s'il n'était pas présent, soit quelques heures plus tard (arrêt du Tribunal fédéral 1B_322/2013 du 20 décembre 2013 consid. 2.1), voire exceptionnellement quelques jours après dans les causes particulièrement complexes nécessitant une analyse de la part du requérant ou de son mandataire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_24/2019 du 27 février 2019 consid. 2.2; 1B_91/2016 du 4 août 2016 consid. 5.3.). Un laps de temps de 11 jours est anormalement long, et une requête présentée à cette échéance est tardive (arrêt du Tribunal fédéral 1B_24/2019, précité, consid. 2.3.).![endif]>![if>
3.2. En l'espèce, la demande doit être tenue pour tardive, même si l'avis du Ministère public du 27 juillet 2018 est dépourvu de toute information sur la possibilité pour les ayants droit de demander une mise sous scellés.![endif]>![if>
En effet, l'avis précité a été adressé aux avocats des prévenus, dont celui de la recourante, censés comme tels connaître les droits procéduraux ouverts à leurs clients. Le défenseur de la recourante les connaissait si bien qu'il avait pu antérieurement, soit le 12 juillet 2018, demander sans difficulté la mise sous scellés de la documentation issue des perquisitions bancaires du 5 juillet 2018, alors même que le Ministère public n'avait pas non plus attiré son attention sur cette faculté.
En outre, la procédure préliminaire en cours, considérée tant globalement que sous l'angle de la seule production du dossier fiscal de la recourante, n'est pas particulièrement complexe. À cet égard, la motivation succincte présentée le 2 août 2018, soit l'invocation du secret fiscal, sans autre précision, notamment de base légale (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_98/2018 du 29 mai 2018 consid. 3.4.), et de l'inutilité "du" document pour établir les faits reprochés, confirme que la cause n'est pas particulièrement complexe et que la mesure litigieuse ne nécessitait pas d'analyse approfondie.
Il s'ensuit que la phase d'éventuels conseils à prendre auprès de son mandataire ne pouvait pas nécessiter plus de quelques heures à la recourante. À la rigueur, son défenseur eût pu demander la mise sous scellés à réception de la lettre du Ministère public du 27 juillet 2018 – soit le 30 juillet 2018, comme il l'affirme – tout en sollicitant un délai pour motiver sa requête (arrêt du Tribunal fédéral 1B_24/2019, loc. cit.). On pouvait d'autant plus attendre une réaction immédiate de lui qu'il admet avoir eu connaissance dès le 19 juillet 2018 de la demande du Ministère public à l'AFC et avoir reçu le 25 juillet 2018 une copie du dossier comportant en tout cas les déclarations fiscales litigieuses. Au demeurant, les avocats de B______ et C______ ont réagi sans motivation circonstanciée à réception de la lettre précitée du Ministère public, qui n'a pas fait de difficulté pour apposer les scellés. On ne voit pas en quoi la situation de la recourante différerait sur ce point de celle des deux prénommés.
En ne se manifestant que le 2 août 2018, la recourante a donc perdu la protection de l'art. 248 CPP.
Par conséquent, le recours est rejeté.
4. La recourante, qui succombe, assumera les frais de la procédure, comprenant un émolument de CHF 1'500.- (art. 13 al. 1 let. b. du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).![endif]>![if>
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.
Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante (soit, pour elle, son défenseur) et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Sandrine JOURNET, greffière.
La greffière : Sandrine JOURNET |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/21865/2017 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 20.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 1'500.00 |
- | CHF | |
Total | CHF | 1'595.00 |