Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/333/2025 du 10.09.2025 sur OPMP/6568/2025 ( REV )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE P/16144/2025 AARP/333/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 10 septembre 2025 |
Entre
A______, sans domicile fixe, comparant par Me B______, avocat,
demandeur,
contre l'ordonnance pénale OPMP/6568/2025 rendue le 17 juillet 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
défendeur.
Attendu, EN FAIT, que par acte du 3 septembre 2025, A______ agit en révision de l'ordonnance pénale (OPMP) du Ministère public (MP) du 17 juillet 2025 lui infligeant une peine privative de liberté de 60 jours (sous déduction d'un jour de détention avant jugement) pour infraction aux art. 115 al. 1 let. a et 119 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) ;
Qu'il requiert :
- sur mesure superprovisionnelle, la suspension de la peine et la révocation de l'ordre d'écrou du Service de la réinsertion et du suivi pénal (SRSP) du 19 août 2025 ;
- sur mesure superprovisionnelle "liée[…] à l'instruction" - ce que l'on comprend comme une réquisition de preuve à administrer dans le cadre de la procédure de révision -, l'apport de tout document ou examen attestant de son âge, à obtenir des autorités françaises ;
- la désignation de son conseil en qualité de défenseur d'office ;
Qu'à l'appui de la demande, il expose en substance se prénommer en vérité C______, être né le ______ 2008 et n'avoir effectué qu'une année de scolarité. Il a quitté, seul, l'Algérie, à une date qu'il ne précise pas, empruntant l'identité de son frère aîné, A______, né, selon les informations résultant de la base de données du Pouvoir judiciaire, le ______ 2003, "afin de garantir sa liberté de mouvement" ou parce que "d'autres personnes […] lui ont indiqué que s'il disait à la police qu'il était mineur il risquait un renvoi tandis que s'il précisait qu'il était majeur, un tel renvoi n'était plus possible". Suite à un "récent" contrôle d'identité intervenu à D______ (F), il avait été soumis à une expertise osseuse qui avait établi qu'il avait moins de 18 ans. Néanmoins, ce n'était qu'après s'être entretenu avec son défenseur d'office, dans le contexte d'une ultérieure procédure P/1______/2025, qu'il avait compris les conséquences entraînées par l'usage de cette fausse identité. Il avait alors expliqué la vérité au MP, mais avait tout de même été transféré à la prison de Champ-Dollon, tel un adulte ;
Qu'il produit notamment, à l'appui de ses allégations :
- le procès-verbal de son audition par le MP le 29 août 2025 dans la procédure P/1______/2025, lors de laquelle il a notamment déclaré ce qui suit :
"J'explique que j'ai fait l'objet d'un examen en France afin d'attester de ma date de naissance. J'ai dû mettre mes mains dans une machine et ils ont confirmé que mon année de naissance n'était pas 2003. Ils m'ont dit que je devais montrer mon vrai passeport sinon j'allais finir ma vie ici. J'ai ensuite appelé ma mère, c'est elle qui m'a transmis les documents que je vous ai mentionné précédemment."
- des photocopies de captures d'écran de photographies, faites par le MP sur le téléphone de A______ suite à cette explication, du passeport algérien de C______, émis le 17 août 2014 et échu le 16 août 2019, portant une photo d'identité du titulaire encore enfant, de son acte de naissance et d'un document en arabe, soit le "formulaire permettant la délivrance du passeport de Monsieur C______" ;
Que selon son OPMP/7938/2025 du 29 août 2025 dans la procédure précitée, décision frappée d'opposition, le MP a écarté les explications relatives à l'identité du prévenu au motif que "l'extrait du casier judiciaire mentionne que le nom "C______" est une fausse identité utilisée par le prévenu. Au vu des éléments au dossier, le Ministère public estime donc que le nom "C______" n'est pas la vraie identité du prévenu et qu'il est donc bien majeur" ;
Qu'en effet, à teneur du casier judiciaire suisse, A______ a pour fausse identité celle de C______, né le ______ 2008. Cet alias est également mentionné dans le fichier IPAS de l'intéressé, créé le 16 juillet 2025 et annexé au rapport d'arrestation dans la présente procédure ;
Qu'invité à se déterminer sur la requête de mesures superprovisionnelles, le MP s'en rapporte à justice ;
Considérant, EN DROIT, que la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) est l'autorité compétente en matière de révision (art. 21 al. 1 let. b du Code de procédure pénale [CPP] cum art. 130 al. 1 let. a de la Loi sur l'organisation judiciaire [LOJ]) ;
Que l'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par une ordonnance pénale d'en demander la révision s'il existe des faits nouveaux antérieurs au prononcé, ou de nouveaux moyens de preuve, qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné ;
Que la juridiction compétente n'entre pas en matière si la demande de révision est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé (art. 412 al. 2 CPP). L'autorité saisie peut également refuser d'entrer en matière lorsque la demande de révision apparaît abusive (arrêts du Tribunal fédéral du 6B_882/2017 du 23 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1170/2015 du 10 octobre 2016 consid. 2) ;
Que la loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs (DPMin) s'applique à toute personne qui commet un acte punissable entre 10 et 18 ans (art. 3 al. 1 DPMin), l'âge de l'auteur au moment de la commission de l'infraction étant déterminant pour définir l'application du CP ou du DPMin (M. GEIGER / E. REDONDO / L. TIRELLI, Petit commentaire DPMin, Bâle 2019, N 4 ad art. 3) ;
Que la Loi fédérale sur la procédure pénale applicable aux mineurs (PPMin) régit la poursuite et le jugement des infractions commises par des mineurs au sens de l'art. 3 al. 1 DPMin (art. 1 PPMin) ;
Que dans le canton de Genève, le juge du Tribunal des mineurs est compétent pour procéder à l'instruction au sens de l'art. 6 al. 2 PPMin et exerce les attributions que la procédure pénale applicable aux mineurs confère à l'autorité d'instruction (art. 48 al. 1 et 2 de la loi cantonale d'application du Code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale [LaCP]) ;
Qu'en principe, les actes de procédure viciés ne sont pas nuls mais annulables et déploient des effets juridiques lorsqu’ils ne sont pas contestés (ATF 137 I 273 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_440/2015 du 18 novembre 2015). Les décisions viciées sont nulles lorsque le défaut dont elles sont affectées est particulièrement grave, lorsqu’il est manifeste ou, à tout le moins, facilement reconnaissable et lorsque la sécurité du droit n’est pas sérieusement compromise par le constat de nullité. Parmi les motifs de nullité entrent principalement en ligne de compte l’incompétence fonctionnelle et matérielle de l’autorité qui a pris la décision ainsi que les erreurs de procédure grossières. La nullité d’une décision doit être relevée d’office, en tout temps et à tous les stades de la procédure, par les autorités d’application (ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3 et les références citées) ;
Qu'en l'espèce, contrairement à ce qu'il soutient, le demandeur en révision ne se prévaut pas d'un fait nouveau. Il connaissait, par définition, sa supposée vraie identité lors de l'instruction de la présente cause et les pièces (passeport, acte de naissance et formule de demande de délivrance du premier) étaient à sa disposition, dans la mesure où un appel à sa mère suffisait pour les obtenir ;
Que l'hypothèse de l'art. 410 al. 1 let. a CPP n'est ainsi pas réalisée ;
Que toutefois, supposée fondée, son action tendrait à faire constater un motif de nullité de l'OPMP querellée, dès lors qu'elle aurait été prononcée par une autorité matériellement incompétente ;
Que sous cet angle, et par substitution d'office de motif, la demande de révision serait donc recevable (en ce sens : AARP/222/2022 du 27 juillet 2022) ;
Qu'il s'avère cependant d'emblée que le motif de nullité n'est pas vraisemblable : il n'est pas crédible que le demandeur se serait vu suggérer de feindre d'être majeur pour éviter un renvoi alors qu'il est notoire que c'est plutôt le subterfuge inverse qui est régulièrement utilisé par des migrants jeunes ou à l'aspect juvénile mais en réalité majeurs, ceux-ci tentant de se faire passer pour mineurs afin de bénéficier de la protection et de l'encadrement octroyés par l'ordre juridique suisse et international aux enfants ; du reste, et contrairement à ce qu'il soutient, le demandeur a fait usage de l'identité de C______, certes possiblement après le prononcé de l'OPMP querellée, mais avant ses échanges avec son défenseur d'office du 29 août 2025, ainsi qu'il résulte de l'extrait de son casier judiciaire et du fichier IPAS créé le 16 juillet 2025 ;
Que les pièces produites ne sont pas davantage susceptibles de fonder la vraisemblance requise, dans la mesure où il était aisé pour l'intéressé de disposer de papiers concernant un frère cadet, étant relevé que la photographie de l'enfant figurant sur le passeport ne permet pas de l'identifier 11 ans plus tard et que, à l'inverse, il s'est abstenu de produire le passeport au nom de A______, ou tout autre document muni d'une photographie de ce dernier, afin d'établir ou au moins rendre vraisemblable que ce n'était pas lui ;
Que la simple allégation selon laquelle une expertise d'âge "récemment" mise en œuvre en France (on ne sait où ni par quelle autorité) aurait établi qu'il n'avait pas 18 ans ne suffit pas, faute de tout élément documentaire, étant observé que le demandeur n'affirme pas même que son avocat aurait entrepris la moindre démarche afin de se la procurer ou au moins de recueillir un document susceptible d'étayer le propos ;
Que partant la demande sera déclarée manifestement irrecevable au sens de l'art. 412 al. 2 CPP ;
Qu’au vu de cette issue, la demande de mesures superprovisionnelles est sans objet ;
Que la demande était vouée à l'échec de sorte que la requête de désignation d'un défenseur d'office sera rejetée (art. 29 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse a contrario) ;
Que le demandeur, qui succombe, supportera les frais de la procédure de révision, y compris un émolument d'arrêt, réduit vu son impécuniosité, de CHF 500.- (art. 425 et 428 CPP et art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare irrecevable la demande de révision formée par A______ contre l’ordonnance pénale OPMP/6568/2025 rendue le 17 juillet 2025 par le Ministère public dans la procédure P/16144/2025.
Rejette la requête de désignation d'un défenseur d'office.
Condamne A______ aux frais de la procédure de révision par CHF 595.-, qui comprennent un émolument de CHF 500.-.
Notifie le présent arrêt aux parties.
La greffière : Linda TAGHARIST |
| La présidente : Gaëlle VAN HOVE e.r. Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
| ETAT DE FRAIS |
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| COUR DE JUSTICE |
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Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).
Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision |
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Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c) | CHF | 00.00 |
Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i) | CHF | 20.00 |
Procès-verbal (let. f) | CHF | 00.00 |
Etat de frais | CHF | 75.00 |
Emolument de décision | CHF | 500.00 |
Total des frais de la procédure d'appel : | CHF | 595.00 |