Skip to main content

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/11810/2024

AARP/211/2025 du 10.06.2025 sur JTDP/1383/2024 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : ACTE DE RECOURS;CONTRAVENTION;CONFRONTATION;SIGNALISATION ROUTIÈRE
Normes : LCR.90.al1; CST.32.al2; CPP.406.al3
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11810/2024 AARP/211/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 10 juin 2025

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant en personne,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1383/2024 rendu le 19 novembre 2024 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utiles, par pli du 25 novembre 2024, A______ a annoncé appeler du jugement JTDP/1383/2024, rendu le 19 novembre 2024, par lequel le Tribunal de police l'a reconnu coupable de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 de loi sur la circulation routière [LCR]), l'a condamné à une amende de CHF 40.-, peine privative de liberté de substitution d'un jour, et a mis à sa charge les frais de la procédure, arrêtés à CHF 300.-, émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- en sus.

Par déclaration d'appel du 27 janvier 2025, A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement.

b. Selon l'ordonnance pénale du 2 février 2024, il est reproché à A______ ce qui suit :

Le 27 novembre 2023, à 13h25, au chemin 2______, [code postal] C______ [GE], il a dépassé la durée du stationnement autorisée, de deux heures au plus, avec le véhicule automobile de marque B______ immatriculé GE 1______.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 27 novembre 2023, à 13h25, le Contrôle du stationnement intercommunal de la commune de C______ a verbalisé le véhicule de A______, immatriculé GE 1______, lequel était stationné au chemin 2______ no. ______, pour avoir dépassé la durée du stationnement autorisée de deux heures au plus (code "200.A" de l'annexe 1 à l'ordonnance sur les amendes d'ordre [OAO]).

b. Le Service des contraventions (SdC) a adressé une ordonnance pénale n° 3______ du 2 février 2024 à A______ pour l'infraction précitée, l'invitant à s'acquitter d'une amende de CHF 40.-, majorée d'un émolument de CHF 40.-.

c. Par courrier recommandé du 9 février 2024, A______ a fait opposition à l'ordonnance pénale. Il a expliqué qu'il disposait de photographies des lieux qui prouvaient qu'aucun panneau de limitation n'était présent le long de la rue de la Fontaine, contrairement au chemin d'en face.

d. Invité par le SdC à se déterminer, le Contrôle du stationnement intercommunal de la commune de C______ a, par courriel du 12 mars 2024, maintenu son amende d'ordre, précisant : "Sur la commune de C______, la signalisation est posée à chaque entrée de zone (spéciale). Cette personne était stationnée en zone 4h avec disque, son disque indiquait 8h et elle a été verbalisée à 13h25".

e. Par ordonnance du 14 mai 2024, le SdC a maintenu l'ordonnance pénale n° 3______ prononcée à l'encontre de A______ et a transmis la procédure au TP.

f. Devant le premier juge, A______ a confirmé qu'il n'avait pas vu de panneau puisqu'aucun panneau n'indiquait une zone "4 heures", rue 2______. Un tel panneau était présent dans la rue juste en face. Il avait placé son disque sur 08h00 comme heure d'arrivée, estimant que "c'était ok". Il contestait la position de la commune selon laquelle la signalisation était placée à chaque entrée de zone : dans d'autres chemins, il y avait bien un panneau, mais pas au chemin 2______.

Il a produit cinq photographies prises le jour des faits. Trois photographies montrent son véhicule parqué avec un disque de stationnement apposé derrière le pare-brise et sur lequel l'heure d'arrivée de 08h00 est visible. Deux photographies figurent de manière plus large le chemin 2______, sur lesquelles un panneau « Parcage autorisé » (4.17) et « Station de recharge » (5.42) (selon l'annexe 2 de l'ordonnance sur la signalisation routière [OSR]) est visible devant les emplacements. Aucun panneau de zone "4 heures" ne figure sur ces photographies.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite (art. 406 al. 1 let. c du Code de procédure pénale [CPP]).

b. Selon son annonce et sa déclaration d'appel motivées, valant mémoire d'appel, A______ conclut à son acquittement. Comme le démontraient les photographies produites devant le TP, aucun panneau ne signalait une limitation de la durée de stationnement autorisée dans le chemin 2______. De tels panneaux étaient présents dans la commune mais pas dans ce chemin. En l'absence de panneau distinctif, les places blanches devaient être considérées comme sans durée limitée. En tout état, il avait agi de bonne foi, la signalisation en place n'étant pas claire.

c. Le Ministère public et le SdC concluent au rejet de l'appel.

d. Le TP se réfère intégralement au jugement rendu.

EN DROIT :

1. 1.1. Conformément à l'art. 129 al. 4 de la Loi sur l'organisation judiciaire (LOJ), lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, le juge exerçant la direction de la procédure est compétent pour statuer.

1.2.1. La juridiction d'appel peut décider de traiter l'appel en procédure écrite. Dans ce cas, la direction de la procédure fixe à la partie qui a déclaré l'appel un délai pour déposer un mémoire d'appel motivé (art. 406 al. 1 let. c et al. 3 CPP).

La motivation écrite de l'appel selon l'art. 406 al. 3 CPP est une exigence de validité dans la procédure écrite. Elle remplace les plaidoiries des parties dans la procédure orale et doit comprendre les points énumérés à l'art. 385 al. 1 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_540/2021 du 13 avril 2022 consid. 1.5.1 ; 6B_1418/2017 du 23 novembre 2018 consid. 4). Dans la mesure où la déclaration d'appel est déjà suffisamment motivée, il n'est pas nécessaire de déposer à nouveau les motifs. Dans ces conditions, la cour d'appel est sans autre en mesure de mener la procédure. Il convient néanmoins de fixer à la partie appelante un nouveau délai pour compléter la déclaration d'appel motivée. Si elle ne souhaite pas compléter la motivation, il suffit de renvoyer à la requête antérieure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1430/2021 du 15 février 2023 consid. 1.2.2).

Le fait qu'une partie ne réitère pas dans le délai imparti, dans un mémoire écrit, les motifs déjà présentés avec sa déclaration d'appel peut ne pas être préjudiciable. La fiction de retrait selon l'art. 407 al. 1 let. b CPP sur la base d'un tel manquement équivaudrait à un formalisme excessif. Cette rigueur formelle procédurale ne serait pas objectivement justifiée, deviendrait une simple fin en soi et compliquerait de manière insoutenable la réalisation du droit matériel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_684/2017 du 13 mars 2018 consid. 1.4.2).

1.2.2. La déclaration d'appel déposée par l'appelant est motivée et satisfait aux exigences de l'art. 385 al. 1 CPP, de sorte que l'absence de dépôt d'un mémoire écrit dans le délai fixé ne saurait conduire, dans le cas d'espèce, au retrait de l'appel selon la fiction de l'art. 407 al. 1 let. b CPP. Cette solution se justifie d'autant plus, en vertu du principe de protection de la bonne foi, puisque l'appelant avait déjà agi de la sorte, en ne donnant pas suite à l'invitation de la CPAR à produire son mémoire d'appel dans une procédure antérieure et que, par arrêt AARP/268/2022 du 13 septembre 2022, la CPAR a considéré que ce défaut ne prêtait pas à conséquence, sa déclaration d'appel valant mémoire d'appel.

L'appel est donc recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

1.3. La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision illégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP). En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

2. 2.1.1. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit

profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.1.2. L'art. 6 par. 3 let. d CEDH exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d'interroger les témoins, à quelque stade de la procédure que ce soit. Sont considérées comme des déclarations de témoins toutes celles portées à la connaissance du tribunal et utilisées par lui, y compris lorsqu'elles ont été recueillies lors de l'enquête préliminaire (ATF 131 I 476 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1023/2016 du 30 mars 2017 consid. 1.2.3). En tant qu'elle concrétise le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), cette exigence est également garantie par l'art. 32 al. 2 Cst. Ce droit est absolu lorsque la déposition du témoin en cause est d'une importance décisive, notamment lorsqu'il est le seul témoin ou que sa déposition est une preuve essentielle (ATF 131 I 476 consid. 2.2 ; 129 I 151 consid. 3.1).

2.2.1. L'art. 90 al. 1 LCR prévoit que celui qui viole les règles de la circulation prévues par la loi ou par les dispositions d'exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l'amende.

2.2.2. L'art. 27 al. 1 LCR, 1ère phrase, prévoit que chacun se conformera aux signaux et aux marques ainsi qu'aux ordres de la police.

Selon l'art. 2a OSR, les signaux d'indication « Parcage autorisé », « Parcage avec disque de stationnement » et « Parcage contre paiement » ainsi que les signaux de prescription peuvent figurer, à titre de signaux de zone, sur un panneau rectangulaire blanc portant l'inscription « ZONE » (al. 1). La signalisation par zones n'est admise que sur des routes situées à l'intérieur des localités (al. 2). Les droits et obligations indiqués au moyen d'un signal de zone s'appliquent depuis le début de la signalisation par zones jusqu'au signal en marquant la fin. Le signal de fin de zone indique que les règles générales de circulation sont de nouveau valables (al. 3).

À teneur de l'art. 48 al. 1 OSR, les parkings sont signalés par les signaux « Parcage autorisé » (4.17), « Parcage avec disque de stationnement » (4.18) ou « Parcage contre paiement » (4.20). Le règlement du parking et les restrictions touchant la durée du stationnement figurent sur une plaque complémentaire.

2.3. En l'espèce, il est établi à teneur du dossier, et non contesté par l'appelant, que ce dernier a stationné son véhicule au chemin 2______ à C______, le lundi 27 novembre 2023 à 13h25, alors qu'il était arrivé à tout le moins à 08h00.

L'appelant se plaint de ce qu'aucun panneau ne signalait la limitation à quatre heures de la durée du stationnement dans le chemin en question, contrairement à l'avis du Contrôle du stationnement intercommunal exprimé par courriel au SdC selon lequel, de manière générale dans la commune, la limitation était annoncée à chaque entrée de "zone (spéciale)".

Une telle limitation par zone est effectivement prévue par l'art. 2a OSR, à l'intérieur des localités, et semble concerner le quartier incriminé – du moins d'autres chemins, dont celui d'en face – si l'on croit les déclarations même de l'appelant, ce qui appuie l'accusation. Cela étant, il subsiste un doute sur le fait que le chemin 2______ soit englobé / concerné par cette limitation. D'abord, le prévenu s'en défend – il l'a contesté dès le début et jusqu'en appel. Ensuite, sur les photographies produites, aucun panneau de zone n'est visible. Y figure au contraire un panneau « Parcage autorisé » (accompagné du symbole « Station de recharge » [cf. art. 65 al. 13 OSR]), ce qui interroge sur un éventuel régime d'exception et prête à confusion. Surtout, dans une telle configuration, il est regrettable que le premier juge n'ait pas jugé utile de procéder à l'audition de l'agent contractuel à l'origine de l'avis d'infraction, ce qui aurait permis de dissiper tout doute. En l'état du dossier, le seul courriel de l'autorité intercommunale ne saurait suffire à fonder la condamnation de l'appelant, ce d'autant qu'alors qu'il s'agissait de l'élément central à charge du prévenu, ce dernier n'a pas eu l'opportunité de mettre ce témoignage en doute ou d'interroger l'agent conformément à son droit à la confrontation.

Partant, sur la base du dossier, il ne peut être retenu qu'une signalisation conforme limitait la durée du stationnement à quatre heures au lieu où le véhicule de l'appelant était parqué. En l'absence de confrontation, l'état de fait a été établi par le premier juge en violation du droit. L'appelant se verra dès lors acquitté du chef d'infraction à l'art. 90 al. 1 LCR.

L'appel est admis et le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

3. L'appelant obtient gain de cause. Compte tenu de son acquittement, les frais de la procédure d'appel doivent être laissés à la charge de l'État, tout comme ceux de la procédure préliminaire et de première instance (art. 428 al. 1 et 3 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1383/2024 rendu le 19 novembre 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/11810/2024.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR).

Laisse les frais de la procédure d'appel à la charge de l'État.

Laisse les frais de la procédure préliminaire et de première instance à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal des véhicules.

 

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète
(art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.