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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/19905/2021

AARP/93/2023 du 10.03.2023 sur OPMP/9309/2021 ( REV )

Descripteurs : RÉVISION(DÉCISION);REJET DE LA DEMANDE;NOUVEAU MOYEN DE PREUVE;VOL(DROIT PÉNAL);DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.410; CPP.411
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19905/2021 AARP/93/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 10 mars 2023

 

Entre

A______, détenu à l'établissement pénitentiaire de B______, ______, comparant par Me Andres MARTINEZ, avocat, Schmidt & Associés, rue du Vieux-Collège 10, 1204 Genève,

demandeur en révision,

 

contre l'ordonnance pénale OPMP/9309/2021 rendue le 15 octobre 2021 par le
Ministère public,

 

et

C______, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

défendeurs en révision.


EN FAIT :

A. a.a. Par demande du 19 janvier 2023, A______ sollicite la révision de l'ordonnance pénale OPMP/9309/2021 prononcée le 15 octobre 2021 et notifiée séance tenante, par laquelle le Ministère public (MP) l'a déclaré coupable de vol (art. 139 ch. 1 CP) et de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), a révoqué le sursis accordé le 13 janvier 2020 par le Tribunal de police (TP) et l'a condamné à une peine privative de liberté d'ensemble de cinq mois, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, frais à sa charge.

a.b. A______ conclut à l'annulation de cette ordonnance pénale et au renvoi de la procédure au MP pour nouvelle décision, proposant plusieurs moyens de preuve.

b. Selon l'ordonnance pénale en cause, il lui était reproché d'avoir, à Genève, dans la nuit du 4 juillet 2021, de concert avec une personne non identifiée, brisé la vitre de la voiture de C______, laquelle était stationnée dans le parking souterrain de D______, à E______ [GE], et d'y avoir dérobé divers effets personnels.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 6 juillet 2021, C______ a déposé plainte contre inconnu pour le vol, intervenu deux jours plus tôt, d'affaires personnelles se trouvant dans sa voiture, dont une vitre avait été brisée.

Contrairement à ce qui est mentionné dans l'ordonnance pénale, la liste des objets volés dressée par la partie plaignante ne comprend pas de veste en cuir, les seuls vêtements mentionnés étant deux costumes et deux chemises.

b. Les images de vidéo-surveillance du parking montrent deux individus, l'un portant une veste en cuir, qui entrent dans le parking (08h58), y déambulent en observant les véhicules, avant de quitter les lieux en emprunt un escalier, les bras chargés (09h25).

c. Entendu par la police, A______ a nié son implication, précisant qu'il savait qu'un prénommé F______, également hispanique, se promenait souvent à E______ avec des sacs en plastique. Lors de la perquisition de son appartement, une veste en cuir similaire à celle portée par l'un des voleurs a été trouvée.

d.a. Par lettre du 25 octobre 2021, expédiée le lendemain, soit après l'échéance du délai légal, le condamné a formé opposition contre l'ordonnance du 15 octobre 2021.

d.b. Son conseil a complété l'opposition, le 10 novembre 2021, produisant des photos antérieures aux faits reprochés, sur lesquelles l'intéressé porte la veste trouvée à son domicile et proposant notamment le témoignage d'une "amie de longue" date, G______.

d.c. Par ordonnance du 18 janvier 2022, le TP a constaté la tardiveté de l'opposition et l'entrée en force de l'ordonnance pénale. Le MP a, le 20 janvier 2022, prononcé une ordonnance refusant de restituer le délai.

C. a. À l'appui de sa demande de révision, A______ expose que des prélèvements auraient été effectués sur la voiture, selon ce qui lui a été dit par la police, mais n'auraient pas été comparés à son ADN. Il ne pouvait avoir dérobé la veste en cuir de la partie plaignante puisqu'il établissait qu'il la possédait avant les faits. L'auteur du vol n'était pas tatoué au cou, contrairement à lui. Le 15 octobre 2021, un homme se faisant appeler F______ ou H______/I______ lui avait laissé entendre qu'il avait commis les faits, ce que G______ pouvait confirmer dès lors qu'elle avait reçu de cet individu, qu'elle avait hébergé, une bague volée dans la voiture. Elle l'avait apportée à la police. Un autre homme pourrait témoigner de ce qu'il avait assisté à la remise du bijou à la précitée. Tous ces protagonistes fréquentaient, comme A______, le milieu toxicomane gravitant autour du J______ [espace d'accueil et de consommation].

b. Invité à se déterminer, le MP conclut au rejet de la demande de révision, sous suite de frais. Les éléments de preuve articulés n'étaient ni nouveaux, ni sérieux. L'éventuelle absence de correspondance ADN, preuve négative, serait sans effet sur la culpabilité du demandeur, contrairement à la preuve de sa présence sur les lieux résultant des images de la vidéo-surveillance, lesdites images ne permettaient pas de vérifier si l'un des deux hommes avait un tatouage au cou et les photographies produites n'étaient pas propres à établir que la veste que A______ portait sur lesdits clichés était la même [sic] que celle revêtue par l'auteur. Les explications données au sujet de l'individu prénommé F______ ou H______/I______ n'étaient pas sérieuses.

En toute hypothèse, ces moyens auraient dû être soulevés dans le contexte d'une procédure consécutive à une opposition, eût-elle été interjetée dans le délai légal.

EN DROIT :

1. La demande en révision est recevable pour avoir été déposée et motivée devant l'autorité compétente et selon la forme prescrite (art. 21 al. 1 let. b, 410 al. 1
let. a et b, 411 al. 1 et al. 2 a contrario de code de procédure pénal [CPP]; art. 13
al. 1 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 [LOJ]).

2. 2.1.1. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

Les faits ou moyens de preuve invoqués doivent ainsi être nouveaux et sérieux. Les faits ou moyens de preuve sont inconnus lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.2 p. 66 ss.; arrêt du Tribunal fédéral 6B_36/2014 du 6 mai 2014 consid. 1.2.1). Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.4 p. 68; arrêt du Tribunal fédéral 6B_36/2014 précité).

2.1.2. Pour que l'on puisse se convaincre de ce qu'un élément de preuve ressortant du dossier est resté inconnu du juge, il faut tout d'abord que cet élément soit à ce point probant sur une question décisive, que l'on ne puisse imaginer que le juge ait statué dans le même sens s'il en avait pris connaissance. S'il y a matière à appréciation et discussion, cela exclut que l'inadvertance soit manifeste. Cette première condition ne suffit cependant pas, parce que cela permettrait de se plaindre en tout temps d'une appréciation arbitraire des preuves non explicitée. Il faut encore que des circonstances particulières montrent que cette situation est due à l'ignorance du moyen de preuve et non pas à l'arbitraire. Cette question doit être examinée de cas en cas, en tenant compte, non pas seulement de la teneur du jugement critiqué, mais de l'ensemble des circonstances, qui doivent faire apparaître à l'évidence que le juge n'a pas eu connaissance d'un moyen de preuve figurant à la procédure (ATF 122 IV 66 consid. 2b p. 69; arrêt du Tribunal fédéral 6B_731/2013 du 28 novembre 2013 consid. 3.1.2).

2.1.3. Le fait survenu après le jugement dont la révision est demandée n'est pas considéré comme inconnu (cf. Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057, 1304 ; ATF 145 IV 383 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_455/2011 du 29 novembre 2011 consid. 1.3). Un fait qui n'existait pas au moment du jugement et qui survient ensuite n'est pas nouveau. En revanche, le moyen de preuve découvert postérieurement au jugement et le fait qui existait déjà au moment du jugement mais qui n'a été révélé qu'ensuite, doivent être considérés comme nouveaux (arrêt du Tribunal fédéral 6B_455/2011 du
29 novembre 2011 consid. 1.3).

2.2. Les conditions d'une révision visant une ordonnance pénale sont restrictives. L'ordonnance pénale est rendue dans le cadre d'une procédure spéciale. Elle a pour spécificité de contraindre le condamné à prendre position. Une absence de réaction de sa part s'interprète comme un acquiescement. Il doit s'opposer dans le délai prévu à cet effet s'il n'adhère pas à sa condamnation, par exemple parce qu'il entend se prévaloir de faits omis qu'il considère comme importants. Le système serait compromis si, une fois le délai d'opposition échu sans avoir été utilisé, le condamné pouvait revenir sur l'acquiescement ainsi donné et demander selon son bon vouloir la révision de l'ordonnance pénale pour des faits qu'il aurait déjà pu faire valoir dans une procédure ordinaire en manifestant son opposition. Il s'ensuit qu'une demande de révision dirigée contre une ordonnance pénale doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en œuvre par une simple opposition. En revanche, une révision peut entrer en considération à l'égard d'une ordonnance pénale pour des faits et des moyens de preuve importants que le condamné ne connaissait pas au moment du prononcé de l'ordonnance ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de raisons de se prévaloir à cette époque. L'abus de droit ne sera cependant admis qu'avec retenue. Il s'agit, dans chaque cas d'examiner, au regard des circonstances de l'espèce, si la demande tend à contourner les voies de droit ordinaires (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 p. 199).

2.3. À teneur de l'art. 412 CPP, la juridiction d'appel examine préalablement la demande de révision en procédure écrite (art. 412 al. 1 cum art. 21 al. 1 let. b CPP). Elle n'entre pas en matière si la demande est manifestement irrecevable ou non motivée (al. 2).

La procédure de non-entrée en matière de l'art. 412 al. 2 CPP est en principe réservée à des vices de nature formelle. Il est toutefois également possible de prononcer une décision de non-entrée en matière lorsque les moyens de révision invoqués apparaissent d'emblée comme non vraisemblables ou mal fondés (ATF 143 IV 122 consid. 3.5).

2.4.1. En l'espèce, l'absence de comparaison de profil ADN résultait du dossier au moment du prononcé de l'ordonnance dont la révision est requise, de même que ce que l'on pouvait, ou non, discerner à l'examen des images de vidéo-surveillance, de sorte qu'il ne s'agit pas d'éléments nouveaux.

Ce ne sont du reste pas non plus des moyens sérieux : à supposer que des prélèvements ont été effectués et qu'une comparaison ne donnerait pas de résultat positif, cela ne permettrait pas encore d'établir l'innocence du demandeur, au contraire du résultat inverse qui serait un indice fort, mais de culpabilité ; les images de vidéo-surveillance ne sont pas d'une qualité permettant d'identifier si l'un ou l'autre des individus filmés est tatoué au cou.

2.4.2. Le fait que l'un des voleurs serait F______ n'est pas non plus à proprement parler nouveau. Certes, il était inconnu du MP lors du prononcé, mais le demandeur l'aurait appris, à le suivre, le jour de la notification de l'ordonnance pénale. Il lui était donc possible de s'en prévaloir, en agissant à temps par cette voie.

En tout état, les supposés aveux de F______ et les témoignages de G______  et d'un homme ayant prétendument assisté à la remise de la bague volée ne sont pas sérieux. Il n'est en effet pas crédible que, par le plus grand des hasards, le demandeur eût, le lendemain de son interpellation, rencontré l'un des auteurs des faits (sauf à supposer qu'il s'agirait de son co-auteur), auquel il avait étrangement déjà fait allusion lors de son audition par la police, et obtenu de lui une confession. Le récit de l'amie de longue date et d'un tiers fréquentant, comme le demandeur, le milieu toxicomane, devraient être apprécié avec la plus grande circonspection, le fait que la première aurait, à suivre la demande, remis l'un des objets volés à la police pouvant s'expliquer par la co-activité de F______ ou une manipulation du demandeur, qui se serait de la sorte privé d'une partie du butin pour se disculper.

2.4.3. Enfin, le demandeur tente de tirer profit d'une erreur contenue dans l'ordonnance pénale lorsqu'il s'échine à établir qu'il possédait avant les faits la veste en cuir. Celle-ci n'a en effet pas été dérobée à la partie plaignante. Elle est en revanche similaire à celle portée par l'un des deux individus filmés, de sorte que le fait que l'intéressé la possédait est un élément à charge, non à décharge – sans préjudice de ce qu'il n'y a là rien de nouveau, ni d'inconnu du MP puisque dite veste a été saisie lors de la perquisition opérée dans le cadre de la procédure –.

2.4.5. En conclusion, le demandeur se prévaut de moyens qui ne sont ni nouveaux ni sérieux, de sorte que la demande de révision doit être rejetée.

3. Vu l'issue de la procédure, il n'y a pas lieu de désigner un défenseur d'office au demandeur, qui en a fait la requête pour l'hypothèse où elle se poursuivrait.

4. Le demandeur, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État, lesquels comprendront un émolument de CHF 600.- (art. 428 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit le demande de révision formée par A______ contre l'ordonnance pénale OPMP/9309/2021 rendue le 15 octobre 2021 par le MP dans la procédure P/19905/2021.

La rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 810.-, qui comprennent un émolument de CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt aux parties.

 

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

600.00

Total des frais de la procédure de révision :

CHF

810.00