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Décisions | Tribunal pénal

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P/14548/2021

JTDP/1557/2022 du 22.11.2022 ( PENAL ) , JUGE

Normes : LEI.115
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre


22 novembre 2022

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

X______, né le ______ 2000, prévenu, assisté de Me A______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à ce que X______ soit reconnu coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005, RS 142.20, ci-après : LEI) et d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a al. 1 CP), et soit condamné à une peine privative de liberté de 4 mois, sous déduction de la détention subie avant jugement, que le sursis octroyé par le Ministère public de Genève le 19 juillet 2021 ne soit pas révoqué et qu'il soit expulsé (art. 66 a al. 1 let. e CP), pour une durée de 5 ans, avec inscription au SIS.

X______ n'a pas comparu.

Il conclut par la voix de son Conseil à ce que l'incompétence du Tribunal de céans soit prononcée au vu de sa minorité, qu'il soit acquitté du chef d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a ch. 1 CP) ayant agi en état de nécessité licite (art. 17 CP), que subsidiairement il soit reconnu coupable de cette infraction sous sa forme atténuée (art. 148a ch. 2 CP), qu'il soit condamné à une amende et qu'il soit renoncé à l'expulsion.

***

EN FAIT

A.a Par acte d'accusation du 25 octobre 2021, il est reproché à X______ d'avoir séjourné à Genève, entre le 20 juillet 2021, lendemain de sa dernière condamnation, et le 16 août 2021, jour de son arrestation, sans être au bénéfice des autorisations nécessaires, documents d'identité valables et moyens de subsistance suffisants.

Ces faits sont qualifiés d'infractions à l'art. 115 al. 1 let. b LEI.

b. Il lui est également reproché de s'être, à Genève, le 3 juin 2021, présenté au Service de protection des mineurs (ci- après : SPMi) en prétendant être âgé de moins de 18 ans, en indiquant faussement être né le ______ 2004, afin d'apparaître comme un mineur non accompagné et d'obtenir des prestations financières de l'aide sociale. Il a ainsi, entre le 3 juin 2021 et le 6 juillet 2021, bénéficié indûment de prestations d'aide pour un montant total de CHF 5'893.80.

Ces faits sont qualifiés d'infractions à l'art. 148a al. 1 CP.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:

a.a Le 13 juillet 2021, saisi de faits pour lesquels X______ était prévenu d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a et b LEI, le Tribunal des mineurs a rendu une ordonnance de dessaisissement en faveur du Ministère public (P/1______).

En effet, bien que le prévenu avait indiqué être né le ______ 2004, X______ était connu sous de nombreux alias et dates de naissance différentes, lesquelles avaient été transmises par les autorités françaises et selon lesquelles il apparaissait être majeur.

L'ordonnance de dessaisissement n'a pas été contestée.

Le 19 juillet 2021, X______ a été condamné par le Ministère public pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. a et 115 al. 1 let. b LEI dans le cadre de la procédure P/1______. Cette décision est entrée en force.

a.b Le 21 juillet 2021, le SPMi a transmis une dénonciation au Ministère public d'après laquelle X______ s'était présenté le 3 juin 2021 et avait annoncé une fausse date de naissance. Il avait agi de la sorte afin de se faire passer pour un mineur et bénéficier ainsi de prestations leur étant réservées. De cette façon, il avait bénéficié d'un hébergement et de repas, financés par le SPMI du 3 juin 2021 au 6 juillet 2021 pour un montant de CHF 5'893.80.

a.c Le 23 juillet 2021, le Ministère public a ouvert la procédure P/14548/2021 et mis X______ en prévention du chef d'obtention illicite de prestations d'aide sociale. Le même jour, un avis de recherche et d'arrestation a été délivré à l'encontre de X______.

b.a Le 17 août 2021, X______ a été interpellé et auditionné par les services de police. Il a affirmé être né le ______ 2004 et être mineur. Il a contesté avoir transmis aux autorités françaises une date de naissance dont il ressortirait qu'il est majeur. C'est un homme de 55 ans qui l'avait accompagné auprès du SPMi. Il a indiqué être arrivé en Suisse, plus particulièrement à Genève en juin ou juillet 2021, pour bénéficier des aides sociales. Il était démuni de tout titre de séjour.

b.b Le 18 août 2021, X______ a été auditionné par le Ministère public. Il a de nouveau affirmé être mineur et être né le ______ 2004. Il a demandé à se soumettre à une expertise d'âge. Il a précisé être arrivé en Suisse 4 mois plus tôt. Il n'était pas titulaire d'un document d'identité mais d'un acte de naissance, lequel se trouvait en Algérie.

b.c Le 8 septembre 2021, un mandat d'expertise d'âge a été confié à la Professeure B______, directrice du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML).

b.d Le 8 octobre 2021, le CURML a rendu un rapport d'expertise d'âge dont il est ressorti en substance que:

- X______ est probablement âgé, au minimum de 19 ans, au maximum de 24 ans;

- Son âge minimum au moment où l'expertise est effectuée est de 18.55 ans;

- De ce fait, il pouvait être exclu qu'il soit âgé de moins de 18 ans;

- La date de naissance déclarée lors de la procédure, soit le ______ 2004, pouvait être exclue;

- Les autres dates de naissance examinées par le Ministère public, soit le 21 mai 2000, le ______ 2022, le 21 janvier 2003, le 21 mai 2003 étaient possibles.

Il est également ressorti de l'examen radiologique dentaire que l'âge minimum de X______ était de 18.11 ans et que la date de naissance du ______ 2000 était la plus plausible au vu du statut des dents de sagesse du concerné.

b.d X______ a été remis en liberté le 21 octobre 2021.

C. Cité à comparaître au Tribunal le 22 septembre 2022, X______ a fait défaut. Cité une nouvelle fois à comparaître à l'audience du 22 novembre 2022, X______ a de nouveau fait défaut. Le Conseil de l'intéressé a indiqué souhaiter la poursuite des débats selon la procédure du défaut.

Lors de l'audience du 22 novembre 2022, C______ et D______, expertes du CURML, ont confirmé leur rapport du 8 octobre 2021. Elles ont précisé qu'au moment de leur examen, l'âge minimum de X______ était de 18.55 ans. Elles ont ajouté que leur expertise s'était basée sur trois parties: un entretien et examen clinique, des examens radiologiques et des examens dentaires. Le point essentiel était la radiologie de la bouche qui sert à évaluer le stade de formation des dents. Dans le cas de X______, les dents de sagesse avaient toutes terminé leur formation.

Elles ont ajouté que si elles avaient dû établir leur expertise avec les critères qui avaient cours à l'heure actuelle, ceux-ci ayant évolué depuis la date de l'expertise, elles estimeraient que l'âge minimal de X______ au moment de leur examen était de 19 ans.

D. X______, ressortissant algérien, est célibataire et sans domicile fixe. Il a déclaré être arrivé en Suisse pour la première fois aux environs du mois d'avril 2021 et ne pas avoir de liens particuliers avec ce pays.

Il a été condamné à une reprise par le Ministère public du canton de Genève, le 19 juillet 2021, pour entrée illégale et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. a et b LEI) à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.- le jour, sursis à l'exécution de la peine avec un délai d'épreuve de 3 ans.

 

EN DROIT

Compétence du Tribunal

1.1.1 L'art. 1 CPP dispose que le code de procédure pénale régit la poursuite et le jugement, par les autorités pénales de la Confédération et des cantons, des infractions prévues par le droit fédéral (al. 1). Les dispositions de procédure prévues par d’autres lois fédérales sont réservées (al. 2).

L'art. 1 de la loi fédérale sur la procédure pénale applicable aux mineurs prévoit que cette loi régit la poursuite et le jugement des infractions, prévues par le droit fédéral, commises par des mineurs au sens de l’art. 3, al. 1, du droit pénal des mineurs (ci-après : DPMin) ainsi que l’exécution des sanctions prononcées à l’encontre de ceux-ci.

L'art. 3 al. 1 DPMin prévoit que cette loi s’applique à quiconque commet un acte punissable entre 10 et 18 ans.

1.1.2 A teneur de l'art. 10 CPP, le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l’intime conviction qu’il retire de l’ensemble de la procédure.

Si le juge fait appel à un expert par manque de connaissances propres, il est certes en principe libre d'apprécier l'expertise. Toutefois, s'il s'écarte des conclusions de l'expert, il doit le motiver. Ce faisant, il ne peut pas, sans raisons valables, substituer sa propre opinion à celle de l'expert sur des questions techniques. Les mêmes principes s'appliquent à cet égard dans la procédure civile et pénale). Le juge pourra notamment s'écarter des conclusions d'un expert si celui-ci s'exprime déjà de manière contradictoire dans son rapport ou si, lors d'une audition ultérieure, il s'écarte sur des points importants de l'opinion défendue dans le rapport. Même lorsqu'une expertise se fonde expressément sur certains actes ou témoignages dont la valeur probante ou le contenu sont évalués différemment par le juge, celui-ci est largement libre dans sa décision (ATF 101 IV 129 c. 3a).

1.1.3 Selon l'art. 96 LOJ/GE, le Tribunal de police connaît des infractions à propos desquelles le Ministère public entend requérir l’amende, une peine pécuniaire, un travail d’intérêt général ou une peine privative de liberté ne dépassant pas 2 ans, révocation de sursis et réintégration comprises.

1.2.1 En l'espèce, il sera observé que l'expertise réalisée par le Centre universitaire romand de médecine légale a déduit des résultats de ses examens que X______ était, en juin 2021, âgé au minimum de 18 ans. Les expertes ont tenu compte dans leur analyse, notamment, du fait que l'expertisé ne provenait pas de la même population que les échantillons de références utilisés. Le Tribunal ne voit aucune contradiction dans l'expertise, que ce soit au niveau du rapport ou de l'audition des expertes. Il n'y a aucune raison de s'écarter de l'opinion – qui repose sur des questions techniques – défendue dans le rapport. Il faut également relever que les expertes ont précisé lors de leur audition que les critères d'évaluation ont continué d'évoluer après l'expertise si bien que le jour de l'audience, s'il leur avait été demandé de se prononcer sur l'âge de X______ avec les résultats de leurs expertises, ceux-ci lui auraient attribué un âge minimum de 19 ans au moment des faits.

En outre, l'examen des différentes dates de naissance connues des autorités françaises et communiqués au Tribunal semble trahir des dates imaginées par le prévenu pour satisfaire ses besoins au fur et à mesure des années, celui-ci ayant visiblement toujours usé du ______ et ou du ______, modifiant l'année de naissance au gré du temps.

Enfin, le prévenu ne s'est visiblement pas opposé à la compétence des autorités ordinaires dans le cadre de la procédure P/1______ et bien qu'il soit sorti de détention le 21 octobre 2021, il n'a jamais versé à la procédure l'acte de naissance qu'il disait détenir en Algérie.

Vu ce qui précède, le tribunal tient pour établi que le 21 juin 2021 X______ était majeur.

Le tribunal de police est donc compétent.

Procédure par défaut

2.1 Selon l'art. 366 CPP, si le prévenu, dûment cité, ne comparaît pas aux débats de première instance, le tribunal fixe de nouveaux débats et cite à nouveau le prévenu ou le fait amener (al. 1, 1ère phrase). Si le prévenu ne se présente pas aux nouveaux débats ou ne peut y être amené, ils peuvent être conduits en son absence. (al. 2). La procédure par défaut ne peut être engagée qu’aux conditions suivantes: le prévenu a eu suffisamment l’occasion de s’exprimer auparavant sur les faits qui lui sont reprochés (al. 4, let. a) ; les preuves réunies permettent de rendre un jugement en son absence (al. 4, let. b).

2.2 En l'espèce, le prévenu, sans domicile fixe, ne s'est présenté ni à l'audience du 22 septembre 2022 ni à celle du 22 novembre 2022, pour lesquelles il avait été dûment convoqué.

Le prévenu a été entendu par la police et par le Ministère public. Il a fait l'objet d'une expertise, laquelle a apporté un éclairage utile tant pour la question de la compétence du tribunal que s'agissant de la prévention d'infraction à l'art. 148a CP.

Dans ces circonstances, les débats peuvent être conduits en l'absence du prévenu et il y a lieu d'engager la procédure par défaut (art. 366 al. 2 CPP).

De l'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale

3.1.1 Selon l'art. 17 CP, quiconque commet un acte punissable pour préserver d'un danger imminent et impossible à détourner autrement un bien juridique lui appartenant ou appartenant à un tiers agit de manière licite s'il sauvegarde ainsi des intérêts prépondérants. Le danger est imminent lorsqu'il n'est ni passé ni futur, mais actuel et concret (ATF 129 IV 6 c. 3.2 p. 14; 122 IV 1 consid. 3a p. 5). Il y a danger imminent lorsque le péril se concrétise à brève échéance, à savoir à tout le moins dans les heures suivant l'acte punissable commis par l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1295/2020 du 26 mai 2021 c. 2.3).

L'art. 17 CP exige en outre que le danger n'ait pas pu être détourné autrement. L'impossibilité que le danger puisse être détourné autrement implique une subsidiarité absolue (ATF 146 IV 297 consid. 2.2.1 p. 303; arrêts 6B_1379/2019 du 13 août 2020 consid. 7.2; 6B_713/2018 du 21 novembre 2018 consid. 4.1; 6B_693/2017 du 24 août 2017 consid. 3.1; cf. aussi ATF 125 IV 49 consid. 2c p. 55 s.; 116 IV 364 consid. 1b p. 367 s.). La question de savoir si cette condition est réalisée doit être examinée en fonction des circonstances concrètes du cas (cf. ATF 122 IV 1 consid. 4 p. 7 s.; 101 IV 4 consid. 1 p. 5 s.; 94 IV 68 consid. 2 p. 70; arrêts 6B_231/2016 du 21 juin 2016 consid. 2.2; 6B_603/2015 du 30 septembre 2015 consid. 4.2; 6B_176/2010 du 31 mai 2010 consid. 2.1, in JdT 2010 I 565). En particulier, celui qui dispose de moyens licites pour préserver le bien juridique menacé ne peut pas se prévaloir de l'état de nécessité (arrêts 6B_693/2017 précité consid. 3.1; 6B_343/2016 du 30 juin 2016 consid. 4.2; 6B_1056/2013 du 20 août 2014 consid. 5.1 et les références citées). L'exécution de l'acte préjudiciable doit constituer le moyen unique et adéquat pour préserver le bien en danger.

L'art. 148a CP, entré en vigueur le 1er octobre 2016, punit d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire, quiconque par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (al. 1). Dans les cas de peu de gravité, la peine est l'amende (al. 2).

3.1.2 L'art. 148a CP couvre les cas dans lesquels l'infraction d'escroquerie n'est pas réalisée, parce que l'auteur n'agit pas astucieusement. Sont ainsi comprises toutes les formes de tromperie, soit en principe lorsque l'auteur fournit des informations fausses ou incomplètes, ou dissimule sa situation personnelle réelle (cf. Message du Conseil fédéral concernant une modification du code pénal et du code pénal militaire [Mise en œuvre de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels] du 26 juin 2013, FF 2013 5432 ss [Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013]). Dans cette dernière hypothèse (« en passant sous silence »), l'art. 148a 2ème hyp. CP décrit une infraction d'omission proprement dite (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1015/2019 du 4 décembre 2019 c. 4.5.2 ; Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013, p. 5432).

Pour que l'infraction d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale soit consommée, l'erreur dans laquelle la tromperie active ou passive a mis ou conforté l'aide sociale doit avoir déterminé celle-ci à verser des prestations indues à l'auteur ou à un tiers. La réalisation de l'infraction résulte de l'obtention de prestations d'une assurance sociale auxquelles la personne n'a pas droit (Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013, p. 5433).

3.1.3 Selon le Message du Conseil fédéral, il reviendra aux tribunaux de fixer la limite entre les cas couverts par l'alinéa 1 et ceux qui relèveront de l'alinéa 2 de l'art. 148a CP (Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013, p. 5434).

La Conférence des procureurs de Suisse a proposé un montant de CHF 3'000.- comme limite du cas de peu de gravité, étant précisé que toutes les prestations perçues indûment doivent être comptabilisées (prestations en espèces ou financement de loyers, primes d'assurances, etc. ; recommandations de la Conférence des procureurs de Suisse concernant l'expulsion des personnes étrangères condamnées [art. 66a à 66d CP] du 24 novembre 2016, ch. 4).

La réalisation d'un cas mineur ne doit pas seulement dépendre d'un montant spécifique. L'ensemble des éléments susceptibles de réduire la culpabilité de l'auteur (cf. art. 47 CP) doivent également être pris en considération pour définir ce qu'il faut entendre par "cas de peu de gravité" ; par exemple, le cas est de peu de gravité lorsque le comportement de l'auteur ne traduit pas une intention marquée d'enfreindre la loi ou qu'on peut comprendre ses motivations ou ses buts ; on peut songer à la personne qui, tout en sachant qu'elle est en principe tenue d'annoncer aux services sociaux une augmentation de son taux d'activité (et donc de son salaire), attend d'être sûre qu'elle supportera la charge de travail supplémentaire (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1246/2020 du 16 juillet 2021 consid. 4.4 ; 6B_1030/2020 du 30 novembre 2020 consid. 1.2.1 ; Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013, p. 5434).

En reprenant les critères précités, le Tribunal fédéral a considéré que le cas d'un prévenu qui avait perçu indûment des prestations sociales d'un montant de CHF 23'000.- sur une période de huit mois dépassait le seuil du cas de peu de gravité, ce d'autant plus que sa culpabilité et l'énergie délictuelle déployée pouvaient être considérées comme étant importantes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1030/2020 du 30 novembre 2020 c. 1.2).

Plus récemment, le cas de peu de gravité a été retenu, alors que la somme indûment perçue s'élevait à CHF 3'303.73, dépassant ainsi la limite fixée par la Conférence des procureurs de Suisse. Le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé sur ce seuil, laissant la question ouverte, mais a considéré que le faible dépassement était un indice permettant de retenir une infraction moins grave. A cela s'ajoutait que le prévenu avait agi avec une volonté délictuelle moindre et que ses motivations pouvaient être compréhensibles, l'argent reçu ayant été utilisé pour acheter un lit pour son fils souffrant de douleurs dorsales (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1246/2020 du 16 juillet 2021 c. 4.4).

3.1.4 Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle. Il faut d'une part que l'auteur sache, au moment des faits, qu'il induit l'aide sociale en erreur ou la conforte dans son erreur et, d'autre part, qu'il ait l'intention d'obtenir une prestation sociale à laquelle lui-même ou le tiers auquel il la destine n'a pas droit (Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013, p. 5433).

3.2.1 En l'espèce, X______ s'est présenté le 3 juin 2021 au guichet du SPMI en indiquant que sa date de naissance était le ______ 2004, ainsi que cela ressort des notes des assistants sociaux du SPMi et des photos prises de lui la nuit des faits, en dessous desquelles la date de naissance donnée par l'intéressé est inscrite. En donnant cette date de naissance, il s'est fait passer pour un mineur dans le but de bénéficier de prestations leur étant réservées.

Pour les raisons développées supra (points 1.2.1 et suivants), il est établi que le prévenu avait à tout le moins passé 18 ans en juin 2021.

Celui-ci a bénéficié durant 33 jours des prestations du SPMI qui se sont chiffrées à CHF 5'893.80, ce chiffre comprenant des nuitées, des repas et un encadrement adéquat par des assistants sociaux, le tout dans un contexte d'urgence, ce qui explique un montant supérieur à de simples frais de nourriture et de literie. Le montant total, ajouté au fait que le prévenu s'est rendu en Suisse dans le but de commettre cette infraction exclut l'application du cas de peu de gravité.

3.2.2 X______ n'a pas agi en état de nécessité licite dans la mesure où il aurait pu bénéficier de structures d'accueil pour adultes, ce qui représentait un moyen non constitutif d'une action typiquement contraire au droit pénal, lequel devait impérativement être utilisé.

3.2.3 En conséquence, le prévenu sera déclaré coupable d'obtention illicite de prestations de l'aide sociale pour le montant de CHF 5'893.80 (art. 148a al. 1 CP).

Séjour illégal

4.1 Est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l’expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé (art. 115 al. 1 let. b LEI).

4.2 En l'espèce, le prévenu a séjourné en Suisse sans autorisation si bien que l'infraction est réalisée et le prévenu en sera reconnu coupable.

Peine

5.1.1 Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concernée, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

5.1.2 Selon l'art. 41 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté à la place d'une peine pécuniaire si une peine privative de liberté paraît justifiée pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (let. a), ou s'il y a lieu de craindre qu'une peine pécuniaire ne puisse pas être exécutée (let. b).  

Lorsque le pronostic s'avère défavorable, le prononcé d'une peine privative de liberté devrait s'imposer (Petit commentaire du Code pénal, 2e éd., Bâle 2017, n. 2, ad art. 41).

5.1.3 En vertu de l'art. 34 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). En règle générale, le jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Il peut exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, être réduit jusqu'à 10 francs. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

5.1.4  Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (art. 42 al. 2 CP).

Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis – ou du sursis partiel –, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s. ; 134 IV 1 consid. 4.2.2 p. 5).

5.1.5 Selon l'art. 46 CP s’il n’y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d’épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement. Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour le délai d’épreuve ainsi prolongé. Si la prolongation intervient après l’expiration du délai d’épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée (al. 2). Le juge appelé à connaître du nouveau crime ou du nouveau délit est également compétent pour statuer sur la révocation (al. 3).

5.1.6 Aux termes de l'art. 49 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).

Si les sanctions envisagées concrètement ne sont pas du même genre, elles doivent être prononcées cumulativement (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 p. 316).

5.1.7 Le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée (art. 51 CP).

5.2 En l'espèce, la faute du prévenu n'est pas de peu de gravité et le prévenu a un antécédent judiciaire spécifique s'agissant du séjour illégal. Sa situation personnelle, bien que précaire, ne justifie pas ses agissements.

Sa collaboration à la procédure a été moyenne à mauvaise. Sa prise de conscience ne semble pas entamée.

Les infractions entrent en concours, facteur aggravant de la peine.

Les infractions ayant comme peine commune la peine pécuniaire, et celles-ci appelant concrètement toutes le prononcé de ce genre de peine, le concours d'infractions a pour effet une aggravation de la peine.

Si le Tribunal avait dû juger, en une fois, l'ensemble des infractions commises par le prévenu avant le 19 juillet 2021, une peine pécuniaire d'ensemble de 90 jours aurait été appropriée pour sanctionner ce dernier. La peine complémentaire s'élève donc à 60 jours-amende.

En conséquence le prévenu sera condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 10.- le jour, peine partiellement complémentaire à la peine prononcée le 19 juillet 2021, sous déduction de 71 jours de détention avant jugement. Le prévenu sera mis au bénéfice du sursis.

Vu l'absence de pronostic défavorable, le sursis à l'exécution de la peine du 19 juillet 2021 ne sera pas révoqué.

6.1.1 Selon l'art. 66a al. 1 let. c CP, le juge expulse de Suisse l'étranger condamné pour infraction à l'art. 148a al. 1 CP, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans.

A teneur de l'art. 66a al. 2 CP, le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. A cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse.

6.1.2 Selon l'art. 20 de l'ordonnance sur la partie nationale du Système d'information Schengen (N-SIS) et sur le bureau SIRENE (Ordonnance N-SIS), les ressortissants d'Etats tiers ne peuvent être signalés aux fins de non-admission ou d'interdiction de séjour que sur la base d'une décision prononcée par une autorité administrative ou judiciaire. L'inscription dans le SIS des signalements aux fins d'expulsion pénale est requise par le juge ayant ordonné cette mesure.

Un signalement dans le SIS présuppose que les conditions de signalement des art. 21 et 24 du règlement (CE) No 1987/2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (Règlement SIS II) soient remplies. Un signalement dans le SIS ne peut être effectué que sur la base d'une évaluation individuelle tenant compte du principe de proportionnalité. Il est ainsi nécessaire que ledit signalement soit justifié par le caractère raisonnable, la pertinence et l'importance de l'affaire.

6.2 En l'espèce, le prévenu a commis une infraction qui entraîne obligatoirement son expulsion. Il est arrivé en Suisse il y a quelques mois et n'a aucune attache dans ce pays si bien que le cas de rigueur est exclu d'emblée.

Le prévenu sera dès lors expulsé de Suisse pour une durée de 5 ans.

Il sera renoncé à l'inscription de l'expulsion au SIS.

7.1 Selon l'art. 69 CP, alors même qu’aucune personne déterminée n’est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d’une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l’ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d’usage ou détruits (al. 2).

7.2 En l'occurrence, les médicaments figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 31951720210817 seront confisqués et détruits.

8. Les frais de la procédure seront mis à la charge du prévenu

 

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant par défaut :

Admet la compétence du Tribunal de police.

Déclare X______ coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a al. 1 CP).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, sous déduction de 71 jours-amende, correspondant à 71 jours de détention avant jugement (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 10.-.

Dit que cette peine est partiellement complémentaire à celle du 19 juillet 2021.

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 5 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit X______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Renonce à révoquer le sursis octroyé le 19 juillet 2021 par le Ministère public de Genève (art. 46 al. 2 CP).

Ordonne l'expulsion de Suisse de X______ pour une durée de 5 ans (art. 66a al. 1 let. e CP).

Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Dit que la peine prononcée avec sursis n'empêche pas l'exécution de l'expulsion durant le délai d'épreuve.

Renonce à ordonner le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS; RS 362.0).

Ordonne la confiscation et la destruction des médicaments figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 31951720210817 (art. 69 CP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 3'698.70, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 3'907.35 l'indemnité de procédure due à Me A______, défenseur d'office de X______ (art. 135 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Secrétariat d'Etat aux migrations, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Jessica GOLAY-DJAZIRI

La Présidente

Rita SETHI-KARAM

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

1510.30

Facture HUG

CHF

1647.40

Convocations devant le Tribunal

CHF

90.00

Convocation FAO

CHF

80.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

3698.70

==========

 

 

Indemnisation du défenseur d'office

Bénéficiaire :  

X______

Avocat :  

A______

Etat de frais reçu le :  

13 septembre 2022

 

Indemnité :

Fr.

2'877.50

Forfait 20 % :

Fr.

575.50

Déplacements :

Fr.

175.00

Sous-total :

Fr.

3'628.00

TVA :

Fr.

279.35

Débours :

Fr.

0

Total :

Fr.

3'907.35

Observations :

- 1h30 à Fr. 110.00/h = Fr. 165.–.
- 9h45 à Fr. 200.00/h = Fr. 1'950.–.
- 5h05 à Fr. 150.00/h = Fr. 762.50.

- Total : Fr. 2'877.50 + forfait courriers/téléphones 20 % = Fr. 3'453.–

- 1 déplacement A/R à Fr. 75.– = Fr. 75.–
- 1 déplacement A/R à Fr. 100.– = Fr. 100.–

- TVA 7.7 % Fr. 279.35

 

Voie de recours si seule l'indemnisation est contestée

Le défenseur d'office peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours, devant la Chambre pénale de recours contre la décision fixant son indemnité (art. 135 al. 3 let. a et 396 al. 1 CPP; art. 128 al. 1 LOJ).

 

Notification à X______
Par voie postale

Notification au Ministère public
par voie postale

Notification à Me A______, défenseur d'office
Par voie postale