Skip to main content

Décisions | Tribunal pénal

1 resultats
P/17197/2021

JTCO/116/2022 du 13.09.2022 ( PENAL ) , JUGE

Normes : LStup.19
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL CORRECTIONNEL

Chambre 4

 


13 septembre 2022

 

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

X______, né le ______1964, actuellement détenu à la Prison de Champ-Dollon, prévenu, assisté de Me A______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité du chef de l'infraction décrite dans l'acte d'accusation, au prononcé d'une peine privative de liberté de 3 ans et 6 mois, à l'expulsion du prévenu pour une durée de 5 ans, sans inscription au SIS, à son maintien en détention de sûreté et à sa condamnation aux frais de la procédure.

X______, par la voix de son Conseil, ne s'oppose pas à ce qu'il soit reconnu responsable de l'infraction, conclut au prononcé d'une peine mesurée sans sursis ne dépassant pas 24 mois, ne s'opposant également pas au prononcé de l'expulsion.

 

EN FAIT

A. Par acte d'accusation du 30 mai 2022, il est reproché à X______ d'avoir pris des mesures visant à participer à un trafic international de stupéfiants, en particulier le 5 septembre 2021, au contrôle des passagers, à l'aéroport de Genève-Cointrin, en provenance de Lisbonne, passager du vol B______, en important depuis le Portugal en Suisse et en ayant détenu 700 grammes bruts de cocaïne, dissimulés entre ses jambes, ainsi que 61 ovules d'un poids de 15 grammes l'unité pour un poids total de 978.40 grammes bruts de cocaïne, ovules qu'il avait ingérés, cocaïne destinée à être livrée à Côme en Italie, à un tiers non identifié, soit un poids total brut de 1'678.40 grammes de cocaïne, d'un taux de pureté oscillant entre 76 % et 77 %, représentant une quantité de cocaïne pure de 1'283.97 grammes, quantité propre à mettre en danger la santé, respectivement, la vie de nombreuses personnes, faits qualifiés d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes au sens de l'art. 19 al. 1 let. b et d et al. 2 let. a LStup.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Le 5 septembre 2021, X______ a été contrôlé par la Brigade de l'aéroport à son arrivée à l'aéroport de Genève en provenance de Lisbonne par un vol de la compagnie C______.

La fouille corporelle de X______ a permis la découverte de 42 ovules, soit 700 grammes bruts de stupéfiants, dissimulés entre ses jambes. Les ovules étaient conditionnés dans une chaussette fermée par un nœud, elle-même emballée dans du cellophane et dissimulée dans une autre chaussette.

Une radiographie du corps du prévenu effectuée ultérieurement a révélé la présence de nombreux corps étrangers dans son abdomen, soit 61 ovules d'un poids brut total de 978.40 grammes, chaque unité pesant environ 14.9 grammes nets, la police ayant relevé qu'usuellement dans ce type de transport, le poids des ovules avoisinait 10 grammes.

a.b. Au moment de son arrestation, X______ était également en possession de sa carte d'identité portugaise, de son permis de conduire de Guinée-Bissau, d'EUR 60.- et de trois téléphones portables.

b.a. L'analyse de la drogue a révélé que le poids net de la cocaïne était de 1'533.30 grammes et que le taux de pureté de celle-ci oscillait entre 76% et 77%.

b.b. L'analyse, par le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML), des prélèvements biologiques effectués sur l'intérieur du cellophane des 42 ovules ainsi que sur l'extérieur de 20 ovules, a mis en évidence un profil ADN correspondant à celui de X______.

c.a. Selon les informations communiquées par la compagnie aérienne D______, X______ a effectué les trajets suivants en avion:

-          le 20 mai 2021, de Genève à Madrid, pour un prix d'EUR 185.38;

-          le 29 mai 2021, de Genève à Madrid, pour un prix d'EUR 109.38;

-          le 15 juin 2021, de Genève à Madrid, pour un prix d'EUR 77.50;

-          le 18 juillet 2021, de Genève à Madrid, pour un prix d'EUR 133.82;

-          le 26 juillet 2021, de Genève à Madrid, pour un prix d'EUR 178.83.

c.b. Selon les informations communiquées par la compagnie aérienne C______, X______ a effectué les trajets suivants en avion:

-          le 4 avril 2021, de Madrid à Genève, billet réservé le 3 avril 2021 pour un prix d'EUR 86.49;

-          le 16 mai 2021, de Madrid à Genève, billet réservé le 15 mai 2021 pour un prix d'EUR 434.48;

-          le 13 juin 2021, de Madrid à Genève, billet réservé le 12 juin 2021 pour un prix d'EUR 120.98;

-          le 24 juillet 2021, de Berlin à Larnaca, billet réservé le 23 juillet 2021 pour un prix d'EUR 105.86;

-          le 5 septembre 2021, de Lisbonne à Genève, billet réservé le 3 septembre 2021 pour un prix d'EUR 101.99.

c.c. Le coût total des trajets effectués, tant avec D______ qu'avec C______, s'est ainsi élevé à EUR 1'534.71 en 5 mois.

d. A teneur du rapport de police du 24 novembre 2021, l'analyse de la téléphonie de X______ et les renseignements obtenus des deux compagnies aériennes précitées ont permis de mettre en évidence les éléments suivants:

-          le prévenu était en Suisse, le 9 février 2020, du 12 au 15 février 2020, le 26 mai 2020, du 15 au 18 juin 2020, le 26 septembre 2020, le 22 novembre 2020, les 7, 12 et 28 février 2021, le 14 mars 2021, le 4 avril 2021, les 16, 20 et 29 mai 2021, les 13 et 15 juin 2021 ainsi que les 18 et 26 juillet 2021;

-          six numéros de téléphone suisses étaient enregistrés dans son téléphone portable, dont deux étaient liés à des affaires de stupéfiants en Suisse, notamment le raccordement téléphonique enregistré sous E______, ce contact ayant appelé X______ de nombreuses fois la veille de son arrestation ainsi que le jour même;

-          le 4 septembre 2021, X______  a écrit un message à un utilisateur enregistré dans son téléphone sous F______ sollicitant une confirmation au sujet de l'acquisition d'un véhicule de marque MERCEDES.

e.a. Entendu à la police le 5 septembre 2021, X______ a admis avoir transporté et importé de la cocaïne à Genève depuis le Portugal.

Il a indiqué être ouvrier et s'être rendu en Italie pour la première fois en 2019 pour y trouver du travail. En proie à des difficultés financières, il avait accepté la proposition d'un ami nommé G______, rencontré lorsqu'ils travaillaient ensemble sur un chantier au Portugal, de transporter de la cocaïne de Lisbonne à Côme, en passant par Genève, contre une rémunération d'EUR 3'000.-, somme que le prévenu aurait dû recevoir une fois arrivé en Italie. Selon les instructions reçues, il devait appeler G______ dès son arrivée à Côme pour organiser une rencontre avec une tierce personne. Il a ajouté qu'il n'avait pas connaissance du nombre d'ovules qu'il avait ingérés et a expliqué n'avoir pas pu tous les avaler car il s'était senti mal. Il avait effectué ce transport de drogue car son épouse était malade et parce qu'il avait besoin d'argent. Il n'avait jamais transporté de drogue auparavant et a affirmé qu'il n'en consommait pas.

Il a confirmé que les trois téléphones portables trouvés sur lui lors de son arrestation lui appartenaient.

e.b. Lors de l'audience du 6 septembre 2021 par-devant le Ministère public, X______ a confirmé et réitéré une partie de ses déclarations précédentes, les modifiant sur certains points. La veille de son départ, il avait rencontré G______ dans sa voiture pour réceptionner la drogue et s'était ensuite rendu dans une chambre d'hôtel, qu'il avait louée, pour ingérer les ovules. N'ayant pas pu ingérer la totalité des ovules, il en avait dissimulé une partie entre ses jambes avant de se rendre à l'aéroport. Il a expliqué n'avoir pas pu revenir en arrière par peur de représailles. Personne d'autre n'avait connaissance de ce transport.

Il a affirmé n'avoir aucun lien avec la Suisse, toute sa famille vivant au Portugal, et que son employeur en Italie était la société coopérative H______ active dans le recyclage.

e.c. Entendu une nouvelle fois par le Ministère public le 22 décembre 2021, X______ a déclaré, s'agissant du transport de drogue du 5 septembre 2021, qu'il avait eu comme instruction d'attendre l'appel de G______, qui connaissait son heure d'arrivée à Côme, afin que ce dernier organise la rencontre avec la personne devant récupérer la drogue, modifiant ainsi partiellement ses déclarations à la police. Il ignorait la quantité de drogue qu'il devait transporter ainsi que le nombre d'ovules qu'il avait ingérés.

Quant à sa situation personnelle, il a expliqué qu'il travaillait en Italie depuis 10 ans dans la société I______. En décembre 2019, il était parti en vacances au Portugal et n'avait, par la suite, pas pu reprendre son activité professionnelle à Côme en raison de la pandémie. Il a affirmé n'avoir pas travaillé en Italie entre décembre 2019 et septembre 2021.

Pour se rendre en Italie depuis le Portugal, il prenait l'avion de Lisbonne à Genève et se rendait ensuite à Côme en train. Questionné au sujet des trajets en Espagne, il a expliqué qu'il y avait de la famille.

Il a indiqué utiliser trois téléphones portables car son IPhone 6 ne fonctionnait plus, raison pour laquelle il avait acheté un Samsung. Il avait également payé un acompte d'EUR 100.- pour un IPhone 7 qu'il n'avait toujours pas fini de rembourser.

Interrogé sur les raccordements suisses enregistrés dans son téléphone portable, il a indiqué avoir des amis et des membres de sa famille qui habitaient en dehors de la Suisse, notamment à Londres et aux Etats-Unis, ainsi que deux cousins, y compris J______, qui travaillent aux chemins de fer en Suisse. En particulier, l'utilisateur du raccordement suisse enregistré sous E______, était un ami habitant en Guinée-Bissau. Il a expliqué que sur la photo de profil WhatsApp associée à ce raccordement, on voyait la femme du dénommé E______ à qui X______ devait un montant d'EUR 1'000.-. Il ne savait pas que celui-ci l'avait appelé la veille et le jour-même de son arrestation.

Interrogé au sujet de l'utilisateur du raccordement enregistré sous F______, il a indiqué avoir fait l'intermédiaire entre une entreprise et l'un de ses amis, habitant à Londres, qui voulait acheter une voiture pour sa mère au Portugal. Si le contrat s'était conclu entre ces derniers, il aurait perçu un montant d'EUR 300.-.

e.d. Lors de la dernière audience par-devant le Ministère public le 11 mars 2022, X______ est revenu en partie sur ses déclarations en indiquant qu'il avait été informé devoir transporter un kilogramme de cocaïne. Il s'était rendu compte, une fois arrivé en Suisse, qu'il avait transporté plus d'un kilogramme de drogue. Il a maintenu avoir effectué ce transport de drogue pour des raisons financières, sa femme souffrant d'une paralysie.

En outre, il a partiellement modifié ses déclarations s'agissant de son travail en Italie, indiquant qu'il avait travaillé pour la société H______ à Côme depuis le 15 septembre 2010, ajoutant qu'en raison de la pandémie, il avait dû arrêter son activité professionnelle. Pendant la pandémie, il avait vécu et travaillé au Portugal. Avant son arrestation, il n'était pas retourné en Italie pour travailler.

e.e. S'agissant de ses antécédents judiciaires, X______ a, dans un premier temps, indiqué à la police ainsi qu'au Ministère public qu'il n'avait pas d'antécédent, ni au Portugal ni en Italie. Lors de la deuxième audience au Ministère public, il est revenu sur ses déclarations, admettant avoir été condamné en Italie. Interrogé à ce sujet lors de la dernière audience d'instruction par le Ministère public, il a refusé d'en parler, estimant qu'il avait subi une injustice.

C. Lors de l'audience de jugement du 13 septembre 2022, X______ a confirmé ses précédentes déclarations sur les circonstances de la remise de la drogue, maintenant par ailleurs avoir cru que le transport portait sur un kilogramme de cocaïne.

Il a aussi produit une attestation médicale du 23 août 2021 en portugais, non traduite, concernant son épouse. Questionné à ce sujet, il a expliqué que son épouse avait été hospitalisée durant presque 15 jours. Rendu attentif au fait que l'attestation médicale ne faisait aucune mention d'une paralysie des jambes, il a expliqué que son épouse n'était pas atteinte d'une paralysie permanente mais que, lorsqu'elle subissait des épisodes aigus de sa maladie, elle devenait paralysée et ne pouvait plus se déplacer.

Confronté au fait qu'il avait indiqué avoir des problèmes financiers mais qu'il détenait trois téléphones portables et qu'il avait voyagé en avion à de nombreuses reprises en 2021, notamment de Berlin à Larnaca, il a expliqué avoir acheté deux Samsungs et un IPhone 7 d'occasion pour un montant d'EUR 100.- car son IPhone 6 était défectueux. Il s'était rendu à Larnaca pour travailler, en passant par Berlin, car il n'y avait pas de vol direct. Il choisissait toujours les vols les moins coûteux.

Il devait se rendre à Côme tous les deux ou trois mois pour surveiller le matériel de la société H______ dont il était responsable, raison pour laquelle il effectuait les déplacements entre Genève et Madrid. Il s'agissait du trajet le moins onéreux que la société payait elle-même. Chaque déplacement était indemnisé à concurrence d'EUR 250.- à EUR 300.-.

Interrogé au sujet de ses antécédents judiciaires en Italie, il a nié avoir menti, maintenant qu'il avait subi une injustice.

D. S'agissant de sa situation personnelle, X______ est né le ______ 1964 à Arouca au Portugal. Il est originaire du Portugal et de Guinée-Bissau. Il est marié et père de deux filles mineures de 11 et 14 ans. Il a indiqué avoir travaillé à Côme dans une société de recyclage de 2010 à fin 2019 et avoir perçu à ce titre un salaire mensuel net d'environ EUR 840.-.

En raison de la pandémie, il n'était pas retourné en Italie pour travailler. Entre 2020 et 2021, il avait vécu et travaillé au Portugal, s'étant procuré un revenu d'environ EUR 150.- par mois. Il recevait également EUR 250.- par mois d'Italie à titre d'indemnité de chômage. Il a enfin indiqué avoir des dettes à hauteur d'environ EUR 2'500.-. Il n'a pas de famille en Suisse.

A sa sortie de prison, il a expliqué avoir comme projet de rejoindre sa famille au Portugal et d'ouvrir un commerce ou un restaurant.

A teneur de son extrait de casier judiciaire suisse, il n'a pas d'antécédent.

Selon l'extrait du casier judiciaire italien, il a été condamné à deux reprises :

-          le 30 mars 2017, par la Cour d'appel de Brescia, à une peine privative de liberté de trois ans, 6 mois et 20 jours pour cession illicite de stupéfiants ;

-          le 23 mai 2017, par la Cour d'appel de Brescia, à une peine privative de liberté d'un an pour évasion.

EN DROIT

Culpabilité

1.1.1. L'art. 19 al. 1 LStup punit d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire, celui qui, sans droit, entrepose, expédie, transporte, importe, exporte des stupéfiants ou les passe en transit (let. b).

1.2.1. Selon l'art. 19 al. 2 let. a LStup, l'auteur sera puni d'une peine privative de liberté d'un an au moins, cette sanction pouvant être cumulée avec une peine pécuniaire, s'il sait ou ne peut ignorer que l'infraction peut directement ou indirectement mettre en danger la santé de nombreuses personnes.

Selon la jurisprudence et la doctrine constantes, est déterminante pour l'application de la circonstance aggravante de l'art. 19 al. 2 let. a LStup la quantité de drogue pure mettant en danger la santé de nombreuses personnes (ATF 121 IV 193, consid. 2 b aa ; 145 IV 312, consid. 2.1.1 et 2.1.2). S'agissant de la cocaïne, la jurisprudence retient qu'il y a cas grave lorsque le trafic porte sur 18 grammes de cocaïne pure (ATF 145 IV 312, consid. 2.1.1).

Lorsque les stupéfiants sont disponibles, il faut se fonder sur des analyses scientifiques pour déterminer la quantité de drogue pure (GRODECKI/JEANNERET, loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup), Petit commentaire, Helbing & Lichtenhahn, 2022, n° 68 ad art. 19 LStup). Ce n'est que lorsque la drogue n'est plus disponible pour une analyse que le taux de pureté peut être déterminé sur une base statistique en référence au degré de pureté habituel à l'époque du trafic (arrêt du Tribunal fédéral 6B_291/2020 du 15 mai 2020, consid. 1.4 et références citées).

1.2. En l'espèce, le prévenu a été interpellé alors qu'il transportait sur lui et in corpore une quantité de 1'533.30 grammes nets de cocaïne d'un taux de pureté variant entre 76% et 77%. Il est établi par les éléments figurant au dossier de la procédure, en particulier par les constatations de la police, par les analyses effectuées sur la drogue, notamment l'ADN retrouvé sur l'emballage des ovules ainsi que par les aveux du prévenu, que ce dernier a, avec conscience et volonté, transporté et importé, en Suisse, de la cocaïne d'un poids net de 1'533.30 grammes, conditionnés sous la forme de 61 ovules de cocaïne ingérés et 42 ovules de cocaïne dissimulés entre ses jambes, soit une quantité pure de 1'165.30 grammes de cocaïne. Cette drogue était à l'évidence destinée à la vente.

S'il est possible que le prévenu n'avait pas connaissance de la quantité exacte de drogue transportée, le Tribunal tient pour établi, au vu de l'ensemble des circonstances et du fait qu'il a avoué penser transporter à tout le moins un kilogramme de cocaïne, qu'il avait accepté de transporter une quantité de cocaïne pure se situant bien au-dessus de 18 grammes.

Les faits retenus remplissent les conditions de l'art. 19 al. 1 let. b LStup et le prévenu ayant transporté une quantité représentant environ 1'165.30 grammes de cocaïne pure, l'aggravante de l'art. 19 al. 2 let. a LStup est réalisée.

Le prévenu sera dès lors reconnu coupable de violation grave de la loi fédérale sur les stupéfiants.

Peine

2.1.1 Selon l'art. 47 al. 1 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir.

La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP). Il sera tenu compte des antécédents de l'auteur, de sa situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 al. 1 phr. 2 CP).

Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci (NIGGLI/WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar Strafrecht I : Art. 1-110 StGB, Jugendstrafgesetz, 4ème éd., Bâle 2019, N 130 ad art. 47 CP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1202/2014 du 14 avril 2016 consid. 3.5). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires en Suisse et à l'étranger, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1031/2020 du 6 mai 2021, consid. 4.1 et 4.4 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_258/2015 du 26 octobre 2015, consid. 1.2.1 et les références citées). Les antécédents judiciaires ne sauraient toutefois conduire à une augmentation massive de la peine, parce que cela reviendrait à condamner une deuxième fois pour des actes déjà jugés (ATF 120 IV 136, consid. 3b).

2.1.2 Il existe néanmoins des règles spécifiques applicables en matières de stupéfiants. Le critère de la quantité de drogue trafiquée, même s’il ne joue pas un rôle prépondérant dans l'appréciation de la gravité de la faute, constitue sans conteste un élément important. Il perd toutefois de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 al. 2 let. a LStup (ATF 121 IV 193, consid. 2.b.aa). Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation. L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux. S'agissant d'apprécier les mobiles qui ont poussé l'auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (arrêt du Tribunal fédéral 6B_227/2020 du 29 avril 2020, consid. 2.1 et les références citées).

Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Il faudra encore tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée. Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (arrêt du Tribunal fédéral 6B_595/2012 du 11 juillet 2013, consid. 1.2.2 et les références citées).

2.2. En l'espèce, la faute du prévenu est lourde. Il a délibérément choisi de s'adonner à un trafic de stupéfiants portant sur une quantité de drogue importante, soit 1'533.30 grammes nets de cocaïne d'un taux de pureté variant entre 76% et 77%, ce qui représente une quantité de cocaïne pure totale de 1'165.30 grammes. Le trafic est de nature internationale et le prévenu a agi à une seule reprise en qualité de transporteur.

Il bénéficiait manifestement d'une certaine confiance de la part de l'organisateur du transport au vu de la quantité de drogue transportée et dissimulée sur lui, soit 626.9 grammes nets de cocaïne, et de la taille des 61 ovules ingérés, chaque unité pesant environ 14.9 grammes, pour un poids total de 906.4 grammes nets. Une telle quantité ingérée dénote, si ce n'est d'un professionnalisme dans le domaine du trafic de stupéfiants, en tous les cas d'une certaine expérience en la matière.

Les déclarations du prévenu selon lesquelles il aurait effectué ce transport de drogue car son épouse était malade et parce qu'il avait besoin d'argent n'emportent pas conviction. Il a agi par appât du gain, soit pour un mobile égoïste et aurait pu renoncer à agir, le prévenu ayant manifestement des ressources financières bien supérieures à ce qu'il allègue, au vu de ses nombreux déplacements en Europe.

La collaboration du prévenu est mauvaise. S'il a reconnu les faits reprochés, lesquels étaient particulièrement difficile à nier au vu de son arrestation en flagrant délit, il n'a cessé de varier dans ses déclarations et de mentir sur de nombreux points.

En particulier, les explications fournies par le prévenu tout au long de la procédure au sujet de ses déplacements en Europe en 2021, soit notamment de Madrid à Genève, ont été lacunaires et incohérentes, celui-ci ayant expliqué d'abord qu'il se rendait en Espagne pour voir sa famille et être allé en Italie pour la première fois en 2019 puis qu'il déplaçait à Côme pour travailler, malgré le fait qu'il avait affirmé, en début de procédure, qu'il n'avait pas travaillé en Italie depuis le mois de décembre 2019. Il s'est aussi contredit sur ses liens avec la Suisse, déclarant, dans un premier temps, n'avoir aucun lien avec la Suisse et que toute sa famille se trouvait au Portugal avant d'expliquer avoir deux cousins qui travaillaient en Suisse et de la famille en Irlande, à Londres et aux Etats-Unis. Il a enfin menti en ce qui concerne ses antécédents.

Les déclarations contradictoires et fluctuantes du prévenu, au gré de l'instruction, rendent, de ce fait, son récit globalement peu voire pas crédible et dénote un manque évident de volonté de collaboration.

S'agissant de sa situation personnelle, le Tribunal ne dispose que de peu de renseignements sur sa situation, si ce n'est ceux que le prévenu a fournis, étant précisé que ses affirmations à cet égard apparaissent sujettes à caution au vu de ses déclarations variables voire incohérentes en d'autres points. En particulier, les informations fournies par les compagnies aériennes D______ et C______, ainsi que les analyses du téléphone du prévenu vont à l'encontre d'une situation financière difficile telle que soutenue par celui-ci. En tous cas, sa situation personnelle ne justifie en rien ses agissements.

Ses antécédents judiciaires sont mauvais et spécifiques. Il n'a certes pas d'antécédent en Suisse mais a déjà été condamné en Italie le 30 mars 2017 à une peine de réclusion de 3 ans, 6 mois et 20 jours pour cession illicite de stupéfiants et le 23 mai 2017 à une peine de réclusion d'un an pour évasion.

Les peines importantes précédemment prononcées ne l'ont pas dissuadé de récidiver. Le Tribunal relève en outre la facilité avec laquelle le prévenu s'est à nouveau retrouvé impliqué dans un trafic de stupéfiants.

Le prévenu a présenté ses excuses en audience, mais sa prise de conscience apparaît au mieux à peine ébauchée au vu de ses autres déclarations.

L'ensemble de ces éléments, en particulier ses antécédents judiciaires, fonde un pronostic défavorable. Assortir la peine à prononcer d'un sursis partiel n'apparaît pas envisageable dès lors qu'une peine ferme, dans sa totalité, s'avère nécessaire pour dissuader le prévenu de récidiver.

Au vu de l'ensemble de ces circonstances, le prévenu sera condamné à une peine privative de liberté 3 ans.

Expulsion

3.1. Selon l'art. 66a al. 1 let. o CP, le juge expulse de Suisse l'étranger qui est condamné pour infraction à l'art. 19, al. 2, ou 20, al. 2, de la loi du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants (LStup), quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans.

3.2. En l'espèce, compte tenu du verdict de culpabilité en lien avec une infraction entrant dans le champ d'application de l'expulsion obligatoire, l'expulsion de Suisse du prévenu sera ordonnée pour une durée de 5 ans, dès lors qu'il n'a aucun lien avec la Suisse, étant relevé d'ailleurs que celui-ci ne s'y oppose pas. Conformément à l'art. 66c al. 2 CP, la peine ferme sera exécutée avant l'expulsion.

4. Le Tribunal ordonnera, par ordonnance séparée, le maintien en détention pour des motifs de sûreté du prévenu (art. 231 al. 1 CPP).

Inventaire et frais

5.1. A teneur de l'art. 69 CP, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d'usage ou détruits (al. 2).

5.2. En l'espèce, les téléphones portables figurant sous ch. 381284, 381285 et 381286 de l'inventaire n° 32119920210905 du 5 septembre 2021 ainsi que la cocaïne figurant sous ch. 381287 de l'inventaire n° 32119920210905 du 5 septembre 2021 et sous ch. 382109 de l'inventaire n° 32177320210913 du 13 septembre 2021 seront confisqués et détruits, vu leur utilisation lors de la commission de l'infraction dont le prévenu sera déclaré coupable.

6.1. En application de l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office sera indemnisé à concurrence de CHF 6'304.-.

7. Au vu du verdict de culpabilité, les frais de la procédure d'un montant de CHF 5'329.90, y compris un émolument de jugement de CHF 800.-, seront mis à la charge de X______ (art. 426 al. 1 CPP).

 

*****

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL

statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable de violation grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. b et al. 2 let. a LStup).

Condamne X______ à une peine privative de liberté de 3 ans, sous déduction de 374 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Ordonne l'expulsion de Suisse de X______ pour une durée de 5 ans (art. 66a al. 1 let. o CP).

Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Ordonne, par prononcé séparé, le maintien en détention pour des motifs de sûreté de X______ (art. 231 al. 1 CPP).

Ordonne la confiscation et la destruction des téléphones portables figurant sous ch. 381284, 381285 et 381286 de l'inventaire n° 32119920210905 du 5 septembre 2021 ainsi que de la drogue (cocaïne) figurant sous ch. 381287 de l'inventaire n° 32119920210905 du 5 septembre 2021 et sous ch. 382109 de l'inventaire n° 32177320210913 du 13 septembre 2021 (art. 69 CP).

Fixe à CHF 6'304.- l'indemnité de procédure due à Me A______, défenseur d'office de X______ (art. 135 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 5'329.90 (rectification d'erreur matérielle du 16.11.2022, art. 83 al. 1 CPP), y compris un émolument de jugement de CHF 800.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Secrétariat d'Etat aux migrations, Office fédéral de la police, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Françoise DUVOISIN

Le Président

Olivier LUTZ

 

Voies de recours

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

4'377.90

Frais du Tribunal des mesures de contraintes

CHF

50.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

45.00

Frais postaux (convocation)

CHF

7.00

Emolument de jugement

CHF

800.00

Etat de frais

CHF

50.00

Total

CHF

5'329.90 (rectification d'erreur matérielle du 16.11.2022, art. 83 al. 1 CPP)

==========

 

 

Indemnisation du défenseur d'office

Vu les art. 135 CPP et 16 RAJ et les directives y relatives ;

Bénéficiaire :  

X______

Avocat :  

Me A______

Etat de frais reçu le :  

3 septembre 2022

 

Indemnité :

Fr.

4'866.65

Forfait 10 % :

Fr.

486.65

Déplacements :

Fr.

500.00

Sous-total :

Fr.

5'853.30

TVA :

Fr.

450.70

Débours :

Fr.

0

Total :

Fr.

6'304.00

Observations :

- 24h20 admises* à Fr. 200.00/h = Fr. 4'866.65.

- Total : Fr. 4'866.65 + forfait courriers/téléphones arrêté à 10 % vu l'importance de l'activité déployée (art 16 al 2 RAJ) = Fr. 5'353.30

- 5 déplacements A/R (**) à Fr. 100.– = Fr. 500.–

- TVA 7.7 % Fr. 450.70

Selon EF des 3 et 13 septembre 2022, audience de jugement y compris verdict : 2h20

* En application de l'art. 16 al. 2 RAJ, réductions de 2h30 (poste "conférences") et 1h30 "observations TMC", 2h30 "analyse dossier" et 2h30 préparation audience de jugement:
- le temps des visites à Champ-Dollon est limité à 1h30/visite, maximum 1 visite/mois plus 1 visite avant ou après audiences.

** N.B. aucune audience et/ou consultation de dossier au TDP n'étant facturée, les 3 déplacements auprès du TDP ne sont pas pris en compte.

 

Voie de recours si seule l'indemnisation est contestée

Le défenseur d'office peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours, devant la Chambre pénale de recours contre la décision fixant son indemnité (art. 135 al. 3 let. a et 396 al. 1 CPP; art. 128 al. 1 LOJ).

 

 

Notification à X______, soit pour lui son Conseil Me A______
(par voie postale)

Notification au Ministère public
(par voie postale)