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Décisions | Tribunal pénal

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P/19814/2021

JTDP/312/2022 du 21.03.2022 ( PENAL ) , JUGE

Normes : LStup.19
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

 

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 12


21 mars 2022

 

MINISTERE PUBLIC

contre

X______, né le ______1993, actuellement détenu à la Prison de Champ-Dollon, prévenu, assisté de Me S______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à la culpabilité de X______ de tous les chefs d'infractions figurant dans l'acte d'accusation, au prononcé d'une peine privative de liberté de 23 mois, d'une peine pécuniaire de 10 jours-amende et à l'expulsion du territoire suisse pour une durée de 8 ans. Il se réfère à son acte d'accusation pour le sort des objets séquestrés. Il conclut à la condamnation du prévenu aux frais de la procédure et à son maintien en détention pour des motifs de sûreté.

Me T______, conseil de X______, conclut à l'acquittement de son mandant du chef d'empêchement d'accomplir un acte officiel et d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b et al. 2 let. a LStup, elle ne s'oppose pas à un verdict de culpabilité des chefs d'entrée illégale et d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d LStup. Elle conclut au prononcé d'une peine privative de liberté ne dépassant pas 6 mois, assortie du sursis complet, à la restitution à son mandant des objets figurant sous chiffres 5, 6 et 7 de l'inventaire du 13 octobre 2021 et à ce que les frais soient laissés à la charge de l'état et à ce qu'il soit renoncé à l'expulsion.

EN FAIT

A.a. Par acte d'accusation du 22 février 2022, il est reproché à X______ d'avoir, à Genève, à une heure et date indéterminées, à tout le moins le 13 octobre 2021, importé, sans droit, depuis la France, 30 doigts de cocaïne représentant un poids total net de 301 grammes, à un taux de pureté compris entre 78.8% et 80.2%, faits constitutifs d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants au sens de l'art. 19 al. 1 let. b et d cum 19 al. 2 let. a LStup.

b. Par ce même acte d'accusation, il lui est reproché d'avoir, à Genève, le 13 octobre 2021, aux environs de 10h00, empêché les gardes-frontière de faire un acte entrant dans leurs fonctions en s'opposant à son contrôle alors qu'il se trouvait dans le bus n°5, et en tentant de prendre la fuite en ouvrant de force l'une des portes du véhicule, de manière à contraindre les garde-frontières à le maitriser. Ces faits sont constitutifs d'empêchement d'accomplir un acte officiel au sens de l'art. 286 CP.

c. Il lui est également reproché d'avoir, le 13 octobre 2021, pénétré en Suisse, alors qu'il était démuni de document d'identité valable et qu'il représentait une menace pour la sécurité et l'ordre public suisses dans la mesure où il projetait de s'y adonner à un trafic de stupéfiants, faits constitutifs d'entrée illégale au sens de l'art. 115 al. 1 let. a LEI.

B. Le Tribunal tient pour établis les faits suivants :

a. Le 13 octobre 2021, X______ s'est rendu à Genève, depuis la France, à une heure indéterminée. Il n'était en possession d'aucun document d'identité. Ces faits sont admis par le prévenu et ressortent du rapport d'arrestation du 13 octobre 2021.

b. Lors du contrôle effectué ce même jour par le corps de garde-frontières, dans le bus n°5, à l'arrêt Sous-Moulin, X______ a tenté de sortir du bus à la vue des agents. Pour le surplus, les éléments au dossier ne permettent pas de retenir, au-delà de tout doute sérieux et insurmontable, que X______ se serait enfui après que les garde-frontières ont formulé une injonction.

c. Lors du même contrôle, X______ détenait, dans ses effets personnels, 30 doigts de cocaïne d'un poids net total de 301 grammes, à un taux de pureté compris entre 78.8% et 80.2%. Ces faits sont établis sur la base du rapport d'arrestation du 13 octobre 2021 et sur les résultats d'analyse des stupéfiants établis par la BPTS le 17 novembre 2021. Le prévenu a au demeurant admis, lors de son audition à la police du 13 octobre 2021, puis le lendemain, devant le Ministère public, avoir détenu cette quantité de cocaïne. En revanche, ses dénégations quant à l'importation de cette drogue depuis la France et les explications fournies, selon lesquelles il aurait trouvé la cocaïne au Jardin Botanique, dans la cachette d'un dealer, et qu'il comptait l'utiliser pour sa propre consommation ou la partager avec d'autres personnes, n'emportent pas conviction. Il ressort en effet des données extraites du téléphone du prévenu qu'il devait se rendre à Bellegarde, le 12 octobre 2021, afin d'y recevoir 400 grammes de cocaïne de la part de son fournisseur, drogue qu'il comptait vendre à un client. Les différents messages échangés avec son fournisseur en attestent. Les dires peu crédibles du prévenu, selon lesquels ces messages se référaient à diverses marchandises ou à la vente du magasin de sa compagne ne sont pas convaincantes. Les données GPS du prévenu ont d'ailleurs montré qu'il a, au moyen de l'application WAZE, lancé une navigation pour la rue Favre et Perreard – Bellegarde-sur-Valserine, le 13 octobre 2021 à 03h09. Cette adresse correspond à la gare de Bellegarde.

C. Lors de l'audience de jugement, X______ a contesté les faits reprochés, à l'exception de l'entrée illégale et de la détention de stupéfiants, et a confirmé ses précédentes déclarations.

D.a. X______, ressortissant nigérian, est né le ______ 1988 au Nigéria. Il est pacsé et père de deux enfants, dont un avec sa compagne qui vit à Reims, en France, et un à Genève issu d'une précédente relation. Il a une formation de peintre et de conducteur de camion. Sa compagne exploite un magasin, où il travaille et effectue parfois les livraisons.

b. X______ a été condamné à trois reprises, à savoir :

-          le 18 août 2014, par le Ministère public de Zurich-Limmat, à 60 jours-amende à CHF 30.-, assortis du sursis, délai d'épreuve 2 ans, pour infraction à la loi sur les stupéfiants et empêchement d'accomplir un acte officiel;

-          le 31 octobre 2014, par le Ministère public du canton de Genève, à 45 jours-amende à CHF 30.-, pour séjour illégal;

-          le 15 décembre 2016, par le Ministère public du canton de Genève, à 60 jours-amende à CHF 10.-, pour entrée illégale.

 

EN DROIT

1.1.1. D'après l'art. 286 CP, celui qui aura empêché une autorité, un membre d’une autorité ou un fonctionnaire d’accomplir un acte entrant dans ses fonctions sera puni d’une peine pécuniaire de 30 jours-amende au plus.

1.1.2. L'art. 19 al. 1 LStup punit d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire, celui qui, sans droit, entrepose, expédie, transporte, importe, exporte des stupéfiants ou les passe en transit (let. b) et celui qui, sans droit, possède, détient ou acquiert des stupéfiants ou s'en procure de toute autre manière (let. d).

1.1.3. Selon l'art. 19 al. 2 let. a LStup, l'auteur sera puni d'une peine privative de liberté d'un an au moins, cette sanction pouvant être cumulée avec une peine pécuniaire, s'il sait ou ne peut ignorer que l'infraction peut directement ou indirectement mettre en danger la santé de nombreuses personnes.

Est déterminante pour l'application de la circonstance aggravante de l'art. 19 al. 2 let. a LStup la quantité de drogue pure mettant en danger la santé de nombreuses personnes (ATF 121 IV 193 consid. 2b) aa; ATF 108 IV 63 consid. 2c). Pour la cocaïne, le cas est grave lorsque le trafic porte sur 18 grammes de drogue pure (ATF 119 IV 180 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_85/2013 du 4 mars 2013; ATF 6B_362/2008 du 14 juillet 2008, cons. 3.3.2; ATF 120 IV 334 cons. 2b).

1.1.4. Selon l'art. 115 al. 1 let. a LEI, est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque contrevient aux dispositions sur l’entrée en Suisse au sens de l'art. 5. Aux termes de l'art. 5 LEI, les conditions d'entrée en Suisse ne sont notamment pas respectées lorsque la personne ne possède aucune pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière ou est démunie d'un visa si ce dernier est requis (let. a).

1.2.1. En l'espèce, la culpabilité du prévenu n'est pas établie en ce qui concerne l'empêchement d'accomplir un acte officiel. Il n'est en effet pas clairement établi si le prévenu a cherché à prendre la fuite à la simple vue des garde-frontières, ce qui ne tomberait pas sous le coup de l'infraction visée, ou après une injonction de ces derniers. X______ sera dès lors acquitté d'infraction à l'article 286 CP.

1.2.2. En revanche, le prévenu a importé et détenu 301 grammes net de cocaïne de France, se rendant ainsi coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b et d LStup.

1.2.3. Il a agi avec la circonstance aggravante réprimée par l'art. 19 al. 2 let. a LStup, dès lors qu'il savait ou ne pouvait ignorer que l'importante quantité de cocaïne pure importée, soit 237.2 grammes en application du taux de pureté de 78.8% plus favorable au prévenu, était de nature à mettre en danger la santé de nombreuses personnes.

1.2.4. Enfin, dès lors qu'il a pénétré en Suisse le 13 octobre 2021 sans être en possession d'un document d'identité valable et dans le but d'y commettre une infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants, le prévenu sera reconnu coupable d'entrée illégale en vertu de l'art. 115 al. 1 let. a LEI.

2.1. D'après l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

2.2. En l'espèce, la faute du prévenu est grave, compte tenu du fait qu'il a importé, en grandes quantités, une substance dangereuse particulièrement pure. Il a agi par appât du gain facile, au mépris de l'ordre juridique et de la santé publique suisses. Le prévenu a plusieurs antécédents spécifiques. Sa collaboration à l'enquête a été mauvaise. Il a cherché à minimiser les faits et a persisté à fournir des explications totalement saugrenues. Cela démontre par ailleurs un défaut de prise de conscience de sa part. Sa situation personnelle ne permet pas de justifier ses actes. Il existe un concours d'infractions, ce qui est un facteur aggravant.

Tant l'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants que l'entrée illégale en lien avec un trafic de stupéfiants doivent être sanctionnées par une peine privative de liberté.

Compte tenu de ce qui précède, une peine privative de liberté de 24 mois est adéquate pour sanctionner les comportements fautifs du prévenu. Le pronostic étant défavorable, la peine ne sera pas assortie du sursis.

3.1. Selon l'art. 66a al. 1 let. o CP, le juge expulse de Suisse l’étranger qui est condamné pour infraction à l’art. 19 al. 2 LStup, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans.

3.2. Dès lors que le prévenu est reconnu coupable d'infraction grave au sens de l'art. 19 al. 2 let. a LStup, son expulsion de Suisse est obligatoire et sera prononcée pour une durée de 5 ans.

4. Le signalement de l'expulsion dans le système d'information SCHENGEN (SIS) sera ordonné, vu l'intérêt de la collectivité à son éloignement durable de l'espace SCHENGEN (art. 20 Ordonnance N-SIS).

5. Le Tribunal ordonnera les confiscations, destructions et restitutions qui s'imposent (art. 267 al. 1 et 3 CPP et 69 CP).

6. Le défenseur d'office sera indemnisé selon détails figurant en pied de jugement (art. 135 CPP).

7. Au vu de l’issue de la procédure, les frais de la procédure seront mis à la charge du prévenu.

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Acquitte X______ d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP).

Déclare X______ coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. b et d cum 19 al. 2 let. a LStup) et d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI).

Condamne X______ à une peine privative de liberté de 2 ans, sous déduction de 160 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Ordonne l'expulsion de Suisse de X______ pour une durée de 5 ans (art. 66a al. 1 CP).

Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Ordonne le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS; RS 362.0).

Ordonne, par prononcé séparé, le maintien en détention pour des motifs de sûreté de X______ (art. 231 al. 1 CPP).

Ordonne la confiscation et la destruction de la drogue et des objets figurant sous chiffres 2, 5, 6 et 7 de l'inventaire n° 33021320211013 (art. 69 CP).

Ordonne la restitution à X______ des objets figurant sous chiffres 3 et 4 de l'inventaire n° 33021320211013 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 3'314.50, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 3'305.30 l'indemnité de procédure due à Me S______, défenseur d'office de X______ (art. 135 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Secrétariat d'Etat aux migrations, Office fédéral de la police, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Séverine CLAUDET

Le Président

Antoine HAMDAN

 

 

Vu l'annonce d'appel formée par X______, laquelle entraîne la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 lit. b CPP),

LE TRIBUNAL DE POLICE

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Condamne X______ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 600.-.

La Greffière

Séverine CLAUDET

Le Président

Antoine HAMDAN

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

2826.50

Frais du Tribunal des mesures de contraintes

CHF

50.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

60.00

Frais postaux (convocation)

CHF

28.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Total

Emolument complémentaire

Total

CHF

CHF

CHF

3314.50

600.00

3914.50

==========

 

Indemnisation du défenseur d'office

Bénéficiaire :  

X______

Avocat :  

S______

Etat de frais reçu le :  

14 mars 2022

 

Indemnité :

Fr.

2'557.50

Forfait 20 % :

Fr.

511.50

Déplacements :

Fr.

0

Sous-total :

Fr.

3'069.00

TVA :

Fr.

236.30

Débours :

Fr.

0

Total :

Fr.

3'305.30

Observations :

- 23h15 à Fr. 110.00/h = Fr. 2'557.50.

- Total : Fr. 2'557.50 + forfait courriers/téléphones 20 % = Fr. 3'069.–

- TVA 7.7 % Fr. 236.30

 

Voie de recours si seule l'indemnisation est contestée

Le défenseur d'office peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours, devant la Chambre pénale de recours contre la décision fixant son indemnité (art. 135 al. 3 let. a et 396 al. 1 CPP; art. 128 al. 1 LOJ).

 

Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets

Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.