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Décisions | Tribunal pénal

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P/1241/2018

JTDP/40/2022 du 18.01.2022 sur OPMP/5133/2021 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.320
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 18


18 janvier 2022

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Monsieur X______, né le ______ 1958, domicilié ______, prévenu, assisté de Me A______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité du chef de violation du secret de fonction (art. 320 ch. 1 al. 1 CP), au prononcé d'une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 160.- le jour et d'une amende de CHF 960.- à titre de sanction immédiate et à ce que le prévenu soit condamné au paiement des frais de la procédure.

X______ conclut à son acquittement et persiste dans ses conclusions en indemnisation.

*****

Vu l'opposition formée le 3 juin 2021 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 28 mai 2021;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 14 juin 2021;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 28 mai 2021 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 3 juin 2021.

et statuant à nouveau:

EN FAIT

A. Par ordonnance pénale du 28 mai 2021, il est reproché à X______ une violation de son secret de fonction pour avoir, le 31 octobre 2017, transmis sans autorisation au Tribunal de police deux photographies tirées des dossiers de la police et acquises dans le cadre de ses fonctions.

B. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure:

aa. X______ a été mis en prévention de faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques pour avoir établi et signé un procès-verbal d'audition du gendarme B______, daté du 18 novembre 2014, en lien avec une manifestation du 1______ 2014 au cours de laquelle policiers et manifestants s'étaient affrontés, alors que cette audition n'avait jamais eu lieu, attestant ainsi faussement de la réalité de déclarations qui n'avaient pas été tenues. Le procès-verbal établi valait plainte pénale contre C______, un manifestant qui avait insulté et menacé D______ lors des manifestations des 1______ et 2______ 2014 et B______ lors de la manifestation du 2______ 2014. La procédure P/3______ a été ouverte.

Lors de l'audience du Tribunal de police du 31 octobre 2017, X______ a notamment produit deux photographies de la manifestation du 1______ 2014, ainsi que des attestations de collègues ayant entendu tant B______ que D______ dire qu'ils voulaient déposer plainte pénale contre C______, un des manifestants.

ab. X______ a été reconnu coupable par le Tribunal de police de faux dans les titres commis dans l'exercice de fonctions publiques par négligence, verdict confirmé par arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 13 juillet 2018. Le contenu du procès-verbal était mensonger puisqu'il faisait état d'une audition fictive et ainsi de faits qui ne s'étaient pas produits. Il constituait en outre une plainte pénale que la victime alléguée n'avait pas rédigée et qu'elle n'avait aucune intention de déposer.

ba. X______ a déclaré à l'IGS qu'un collègue avait pris les photos de la manifestation dans le cadre d'un reportage effectué par le Service de presse de la police en lien avec le bicentenaire de la Police. Chargé d'enquête sur les débordements qui se sont produits durant la manifestation contre cet événement, il avait obtenu dites photographies. Dans le cadre de la procédure menée contre lui pour faux dans les titres, il avait demandé à la Commandante de la police par message électronique l'autorisation de transmettre les photographies de la manifestation du 1______ 2014 au Tribunal de police. Il avait dicté le message à un collègue, E______, assis à sa place de travail à l'occasion du traitement d'un autre dossier. La Commandante de la police avait répondu favorablement quelques jours plus tard.

bb. E______, entendu à l'IGS, a confirmé que X______ lui avait dicté un message électronique destiné à la Commandante de la police, qu'il avait lui-même tapé depuis la place de travail de X______. Ce dernier demandait à la Commandante de la police de pouvoir utiliser des photographies dans le cadre d'une procédure pénale concernant une enquête de police sur des faits survenus lors de la contre-manifestation du bicentenaire de la Police. Il était possible que X______ avait relu et envoyé ensuite le message.

ca. Entendu par le Ministère public, X______ a confirmé ses déclarations faites à l'IGS. Il a produit un échange de courriels avec son Conseil, auquel il avait demandé le 4 octobre 2017 s'il devait obtenir une autorisation pour produire les photographies de la manifestation du 1______ 2014, ce que son Conseil lui avait confirmé le jour-même.

X______ a également produit un courriel envoyé à son avocat le 30 octobre 2017, dans lequel il indiquait avoir obtenu notamment les photographies de la manifestation avec l'autorisation de la Commandante de la police.

X______ a précisé qu'il avait été en charge de l'enquête consécutive à la manifestation du 1______ 2014. Un collègue en congé qui travaillait au service de presse de la police avait pris des photographies de la manifestation et les lui avait mises à disposition dans le cadre de l'enquête.

Il était évident pour X______ qu'il devait demander l'autorisation d'utiliser ces photographies. Il était conscient du fait qu'il s'agissait de documents de police en tant qu'ils faisaient l'objet de la procédure.

Il avait dicté le courriel à son collègue E______ avant de l'envoyer à la Commandante de la police. Puisqu'aucun courriel n'avait été retrouvé par l'IGS, il était toutefois possible que l'échange ait eu lieu par SMS, étant précisé qu'il aurait alors recopié le message dicté à l'ordinateur sur son téléphone avant de l'envoyer. Il n'avait pas conservé de copie de l'échange par SMS lors du changement de portable.

cb. Il ressort d'un rapport de l'IGS, d'ordres de dépôt, d'ordonnances de séquestre du Ministère public et de l'issue de la procédure de levée de scellés du Tribunal des mesures de contrainte que les recherches effectuées à l'aide de très nombreux mots-clefs dans les boites mail, y compris leurs archives, de X______, de sa brigade ainsi que de la Commandante de la police, n'avaient permis de retrouver aucune trace de l'échange de courriers électroniques entre X______ et la Commandante au sujet d'une autorisation d'utilisation de photographies de manifestation.

C. aa. A l'audience de jugement, X______, par le biais de son Conseil, a déposé une pièce qui indique que des recherches de SMS par la police auprès de Sunrise ont été tout aussi infructueuses.

ab. Il a également produit divers échanges ressortant d'une procédure concernant un autre mandant de son Conseil, relative à la production d'une photographie devant le Tribunal. La Commandante de police avait, dans cette affaire, estimé que la demande d'autorisation devait se faire directement auprès du Ministère public. Le Procureur général avait rappelé que le Tribunal de police étant saisi, il était désormais compétent pour l'administration de moyens de preuve et que la levée de secret de fonction n'était pas de son ressort. La Présidente en charge du dossier en question avait prié Me A______ de transmettre au Tribunal la photographie que son client indiquait vouloir utiliser comme moyen de preuve.

ac. Il a finalement déposé des conclusions en indemnisation, soit des frais de défense en CHF 2'912.30.

b. X______ a déclaré que les photographies litigieuses auraient pu être prises dans la rue par n'importe qui et n'étaient donc pas secrètes, étant précisé que son collègue était en congé quand il les avait prises. Il ne contestait toutefois pas les avoir obtenues parce qu'il était chargé en tant que policier de l'enquête sur la manifestation en question.

Il s'était posé la question de savoir s'il devait obtenir une autorisation de la Commandante de la police pour les produire au Tribunal. Il avait donc dicté un courriel à un collègue, l'avait envoyé à la Commandante et reçu une réponse. En réalité, il ne se souvenait plus s'il avait envoyé à la Commandante le courriel dicté ou s'il lui avait envoyé un SMS, ni s'il avait transmis l'autorisation reçue de la Commandante à son avocat, car cela était anodin. Il avait sauf erreur téléphoné ou adressé un courriel à son avocat. Il travaillait dans le bureau avec le collègue qui avait dactylographié le courriel sous sa dictée et il faisait l'hypothèse que pour aller plus vite, il l'avait retranscrit sur son téléphone, ne sachant de plus pas si la Commandante était présente, alors qu'il devait présenter les documents au Tribunal. Confronté au temps suffisant entre le courriel de son avocat du 4 octobre 2017 et l'audience du 31 octobre 2017, X______ a expliqué qu'il avait demandé l'autorisation à la dernière minute.

Il avait à l'époque des contacts directs avec la Commandante, y compris par SMS dans le cadre de son travail car il s'occupait du renseignement. C'est en apprenant par la procédure que l'échange de courriel n'avait été retrouvé dans aucune des boites mail fouillées qu'il avait pensé à l'hypothèse d'un SMS. S'il n'avait pas reçu de réponse, il n'aurait pas produit la photo.

Il n'avait jamais été sanctionné administrativement, ni suite à la procédure P/3______, ni au cours de la présente procédure P/1241/2018.

D. X______, de nationalité suisse, est né le ______ 1958, à Genève, où il réside, alors que son épouse vit à F______ à côté de Gstaad. Il est marié et père de deux enfants majeurs. Il exerce le métier de policier depuis 37 ans et réalise un salaire mensuel net de CHF 11'604.-. Son loyer (à F______) s'élève à CHF 5'000.- et ses charges mensuelles d'assurance maladie à CHF 500.-. Son casier judiciaire est vierge.

E. Après appréciation des preuves, les éléments pertinents suivants sont établis. Ils ne sont pas discutés lorsqu'ils sont admis ou non contestés.

a. X______ exerce le métier de policier depuis 37 ans.

b. X______ a pris connaissance des photographies de la manifestation du 1______ 2014 dans le cadre d'une enquête dont il était en charge suite à dite manifestation.

c. X______ a transmis les photographies en question au Tribunal de police dans le cadre de la procédure P/3______ pour sa propre défense.

d. Les éléments à la procédure ne permettent pas de retenir que X______ a demandé et obtenu l'autorisation de l'autorité compétente pour produire lesdites photographies. Les courriels qu'il a initialement mentionnés n'ont été retrouvés ni dans ses archives électroniques, ni dans celles de sa brigade, ni dans celles de la Commandante de la police, malgré des recherches extensives. Ses explications ont évolué au cours de l'enquête et des auditions, en particulier lorsque l'enquête a établi que le courriel n'avait pas été retrouvé. La nouvelle version apportée, soit l'échange par SMS, paraît d'autant moins convaincante qu'il a opportunément changé de téléphone portable depuis les faits, sans conserver une copie du message. Au surplus, non seulement il n'y avait aucun gain de temps à recopier un courriel prêt à partir sur un téléphone pour l'envoyer par SMS, mais de plus, X______ disposait de près d'un mois pour obtenir cette autorisation entre le courriel de son avocat et l'audience du 31 octobre 2017. A ce propos, il a varié, affirmant à l'IGS que la Commandante avait répondu à son courriel quelques jours plus tard pour prétendre devant le Tribunal avoir agi à la dernière minute pour justifier l'échange par SMS. Les échanges de courriels avec son avocat ne démontrent pas qu'il avait effectivement requis puis obtenu l'autorisation de la Commandante de la police, puisqu'il n'a pas transmis cet accord à son conseil.

EN DROIT

1. 1.1.1 Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c et d).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a; ATF 124 IV 86 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c).

1.2.1 Selon l'art. 320 ch. 1 CP, celui qui aura révélé un secret à lui confié en sa qualité de membre d'une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il avait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Les conditions objectives sont ainsi un auteur fonctionnaire (1), un secret (2), appris dans la charge de sa fonction (3), révélé (4) et, en lien de causalité (5), la prise de connaissance par un tiers non autorisé (6). La révélation demeure punissable alors même que la charge ou l'emploi a pris fin. L'art. 320 ch. 2 CP prévoit que la révélation n'est pas punissable si elle est faite avec le consentement écrit de l'autorité supérieure.

1.2.2 L'art. 320 CP constitue un délit propre pur, qui ne peut être commis que par un fonctionnaire ou le membre d'une autorité. La notion de fonctionnaire est celle de l'art. 110 al. 3 CP (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 p. 68). Le devoir de confidentialité résulte de la situation particulière du membre de l'autorité, respectivement du fonctionnaire (ATF 142 IV 65 consid. 5.2 p. 68 et 69; CORBOZ, op. cit., N 21ss ad art. 320). Une base légale spéciale, non pénale, n'est ainsi pas nécessaire dans la législation déterminant l'exercice de la fonction (ATF 142 IV 65 consid. 5.2 p. 68 et 69; CORBOZ, op. cit., N 23 ad art. 320 CP).

1.2.3 La définition de l'infraction repose sur une conception matérielle du secret (NIGGLI/WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht II, 2013, N 8 ad art. 320 CP; STRATENWERTH/BOMMER, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II: Straftaten gegen Gemeininteressen, 7e éd., Berne 2013, § 61 N 5). Il n'est dès lors pas nécessaire que le fait concerné ait été présenté par les autorités compétentes comme étant secret. Seul est déterminant qu'il s'agisse d'un fait qui n'est à l'évidence ni public ni généralement accessible sans difficulté à toute personne souhaitant en prendre connaissance (ATF 114 IV 44 consid. 2 p. 46; arrêt 6B_105/2020 du 3 avril 2020 consid. 1.1), qui n'est connu que d'un cercle restreint de personnes et à l'égard duquel le détenteur du secret n'a pas seulement un intérêt légitime, mais aussi une volonté affichée, expresse ou tacite, au maintien du secret (ATF 142 IV 65 consid. 5.1; 116 IV 56 consid. II/1.a p. 65; CORBOZ, op. cit., N 13 ad art. 320 CP). Cet intérêt peut être celui de la collectivité publique (Confédération, canton ou commune) ou celui de particuliers.

1.2.4.1 L'application de l'art. 320 ch. 1 CP exige que le secret ait été confié à l'auteur en sa qualité de membre d'une autorité ou de fonctionnaire ou qu'il en ait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi (ATF 115 IV 233 consid. 2c/aa p. 236; arrêt 6B_572/2018 du 1er octobre 2018 consid. 3.3.1 et les références citées; CORBOZ, op. cit., N 17 ad art. 320 CP).

En principe tout secret confié à un membre de l'autorité ou à un fonctionnaire en vertu de sa qualité ou dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de sa fonction est soumis au devoir de confidentialité, même si aucune base légale du droit réglementant la fonction publique ou de toute autre loi ne le prévoit (ATF 142 IV 65 c. 5.2 in JdT 2016 IV 362 et les références citées). Selon la doctrine, il faut que le membre de l'autorité ou le fonctionnaire ait appris le secret en raison de sa fonction officielle. L'information lui a été confiée parce qu'il revêt cette charge publique ou il l'a apprise en exerçant sa tâche officielle, par exemple en lisant des rapports ou des dossiers. Il doit exister un lien direct avec la fonction officielle, et non pas un lien lointain dû au hasard. Celui qui lit un rapport reçu par la voie de service dans l'exercice de sa fonction apprend les informations qui y sont contenues en tant que fonctionnaire. Le fait n'a en revanche pas été appris ès qualités si le membre de l'autorité ou le fonctionnaire en prend connaissance comme un simple particulier ou en dehors de sa fonction officielle (CORBOZ, op. cit, N 18 ad art. 320 CP). Ne sont donc pas couverts par le secret de fonction les faits touchant l'activité officielle de l'auteur, que celui-ci a appris ou aurait pu apprendre à titre privé ou encore ceux dont il aurait eu le droit d'être informé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1276/2018 du 23 janvier 2019 consid. 2.1; ATF 115 IV 233 consid. 2c/bb).

1.2.4.2 Selon l'art. 24 de la loi sur la police, entrée en vigueur le 1er mai 2016, le personnel de la police est tenu au secret pour toutes les informations dont il a connaissance dans l'exercice de ses fonctions dans la mesure où la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles, du 5 octobre 2001, ou les instructions reçues ne lui permettent pas de les communiquer à autrui (al. 2). L'article 73 du code de procédure pénale, qui fait obligation aux membres des autorités de poursuite pénale de garder le silence sur les faits qui parviennent à leur connaissance dans l'exercice de leur activité officielle, est réservé (al. 3).

La violation du secret de fonction est sanctionnée par l'art. 320 du code pénal suisse, sans préjudice du prononcé de sanctions disciplinaires (al. 5). Le chef du département est l'autorité compétente pour lever le secret de fonction (al. 6). Dans ses rapports avec les autres autorités de poursuite pénale et avec les tribunaux, au sens des articles 12 et 13 du code de procédure pénale, le personnel de la police n'est pas tenu au secret de fonction (al. 7).

1.2.5 Le maître du secret est en principe l'autorité et non un particulier. Cela étant, on peut admettre comme fait justificatif – sur un plan purement pénal – le consentement de l'intéressé, lorsque la révélation sur les données personnelles d'un seul administré, que le secret ne touche que sa seule sphère privée et que ce dernier a donné son consentement exprès à la divulgation desdites données. On ne peut en revanche pas l'admettre dans d'autres circonstances, et notamment lorsqu'il y a un intérêt indépendant au maintien du secret (VERNIORY, in Commentaire Romand CP II, 2017, N 52 ad art. 320; CORBOZ, op. cit. N 47 ad. art. 320 CP).

1.2.6 L'acte délictueux consiste à révéler un secret. Révèle un secret au sens de l'art. 320 ch. 1 CP celui qui le confie à un tiers non habilité à le connaître ou qui permet que ce tiers en prenne connaissance (ATF 142 IV 65 consid. 5.1 p. 67 s. et les références citées).

1.2.7 Le consentement de l'autorité supérieure prévu à l'art. 320 ch. 2 CP est un fait justificatif spécial impliquant l'impunissabilité de l'infraction (VERNIORY. Op.cit. no 38 ad art 320 CP).

1.2.8 Sur le plan subjectif, l'infraction réprimée par l'art. 320 CP est intentionnelle. Le dol éventuel suffit et doit porter sur tous les éléments objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 6B_599/2015 du 25 février 2016 consid. 2.3) et la négligence n'est pas punissable. L'auteur doit avoir conscience de son devoir de garder le secret (ATF 114 IV 46 consid. 2).

1.3.1 En l'espèce, les questions de la qualité de fonctionnaire du prévenu, de la révélation du "secret" par la communication des photographies au Tribunal, de la prise de connaissance par le Tribunal et du lien de causalité ne prêtent pas à discussion dans le cas particulier et ne seront donc pas examinés.

Sont contestées et discutées les conditions du secret des photographies, de la prise de connaissance des photographies dans le cadre des fonctions du prévenu et de l'autorisation obtenue de les communiquer.

1.3.2 Il est établi et non contesté que le prévenu a obtenu les photographies produites dans le cadre de la procédure P/3______ d'un collègue policier qui avait pris les photographies des manifestants. Le prévenu affirme depuis son audition au Ministère public que ce policier aurait été en congé ce jour-là, ce qui parait peu probable mais ne revêt aucune importance pour déterminer le caractère secret des photographies, d'autant plus que le prévenu avait précisé lors de son audition à l'IGS que son collègue avait pris ces photographies dans le cadre d'un reportage effectué par le Service de presse de la police en lien avec le bicentenaire de la Police.

Les photographies étaient destinées à un usage interne et n'étaient connues que d'un cercle restreint de personnes. Le prévenu a obtenu les photographies en sa qualité de policer chargé de l'enquête concernant lesdits manifestants et il ne les aurait donc pas obtenues comme simple citoyen, dans la mesure où ces photographies étaient destinées à identifier des manifestants ayant possiblement commis des infractions. Le simple fait que l'on ne puisse exclure que des citoyens présents lors de la manifestation auraient pris des photographies similaires ce jour-là ne fait pas de celles destinées à l'usage interne à la police des faits notoires ou accessibles à tous et ne libère pas le prévenu de son secret de fonction. Les photographies constituent donc un secret, ce que le prévenu a d'ailleurs admis lors de son audition au Ministère public.

Au surplus, il est établi (cf. point E.d) que X______ n'a pas agi avec le consentement de l'autorité supérieure car il n'a ni demandé, ni obtenu l'autorisation de produire ces photographies, peu importe qu'il se soit adressé à la Commandante de la Police ou au Conseiller d'Etat en charge du département dont il dépend. Le fait que la Commandante renvoie le conseil du prévenu au Ministère public ou au Tribunal saisi, dans le cadre d'une autre procédure, est sans pertinence. D'une part, ces derniers ne sont pas compétents pour lever le secret de fonction d'un fonctionnaire. D'autre part, si le Ministère public ou le Tribunal ordonne l'audition d'un fonctionnaire et le dépôt de pièces, il appartient néanmoins au fonctionnaire visé de solliciter la levée de son secret de fonction avant de témoigner ou de transmettre des renseignements par écrit. Lors de l'audience du 30 octobre 2017, la direction de la procédure n'a pas "avalisé" la production de ces photographies, comme plaidé par la défense, mais certainement considéré qu'il avait obtenu l'accord prévu par l'art. 320 al. 2 CP.

Finalement, dans la mesure où le prévenu a produit ces pièces dans le cadre d'une procédure où il revêt la qualité de prévenu, il ne peut pas se prévaloir de la dispense octroyée aux policiers appelés à témoigner selon l'art. 24 al. 7 de la loi sur la police.

X______ sera donc reconnu coupable de violation du secret de fonction.

2. 2.1.1 L'art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravite de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerne, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur.

A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face a la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1; 129 IV 6 consid. 6.1).

2.1.2 Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).

La loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis, étant précisé qu'en cas d'incertitude le sursis prime (Petit commentaire du Code pénal, op. cit., n. 9 ad art. 42 CP et les références citées).

2.1.3 Le juge peut prononcer, en plus d'une peine avec sursis, une amende conformément à l'art. 106 CP (art. 42 al. 4 CP).

Selon la jurisprudence, la combinaison de peines prévue par l'art. 42 al. 4 CP se justifie lorsque le sursis peut être octroyé mais que, pour des motifs de prévention spéciale, une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d'amener l'auteur à s'amender. Elle doit contribuer, dans l'optique de la prévention tant générale que spéciale, à renforcer le potentiel coercitif de la peine avec sursis. Cette forme d'admonestation adressée au condamné doit attirer son attention (et celle de tous) sur le sérieux de la situation en le sensibilisant à ce qui l'attend s'il ne s'amende pas (ATF 134 IV 60 consid. 7.3.1).

2.2 En l'espèce, la faute du prévenu est de gravité moyenne. Il a livré deux photographies de manifestations obtenues dans le cadre ou en raison de sa fonction.

Il a agi par pure convenance personnelle, au mépris de la législation en vigueur, dans le but d'être acquitté de faux dans les titres dans le cadre de la procédure P/3______, position procédurale qu'il a conservée jusqu'au Tribunal fédéral où il a finalement retiré son recours.

La prise de conscience n'est pas initiée, le prévenu persistant à contester sa faute, l'autorisation obtenue de la Commandante ne pouvant pas raisonnablement être soutenue.

La situation personnelle du prévenu n'excuse en rien son comportement. Au contraire, sa fonction de policier depuis 37 ans aurait dû l'amener à une prudence particulière.

Le prévenu n'a pas d'antécédent judiciaire inscrit à son casier, élément toutefois neutre en l'espèce.

A sa décharge, il convient de tenir compte du fait que les informations, certes réservées à l'usage de la police, n'avaient pas un contenu dont la divulgation mettait en danger la sécurité ou une enquête sensible. De plus, elles ont été livrées à une autorité judiciaire, soit le Tribunal de police, dans le cadre d'une procédure à laquelle le prévenu était partie en qualité de prévenu.

Enfin, les faits ont eu lieu le 31 octobre 2017, mais la durée de la procédure est due notamment aux recherches extensives qui ont dû être effectuées dans la tentative vaine de retrouver les échanges entre le prévenu et la Commandante au sujet de l'autorisation d'utilisation des photographies, de sorte que cela ne justifie pas de réduction de la peine.

Au vu de ce qui précède, le prévenu sera condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende. Le montant du jour-amende sera fixé à CHF 160.-, soit [11'604.- (revenu mensuel net ./ 12) – 5'000 (loyer) – 500 (assurance-maladie) – 1'200 (minimum vital)] / 30. Il sera mis au bénéfice du sursis, dont il remplit les conditions.

Au vu de l'absence de prise de conscience du prévenu, de sa persistance à vouloir obtenir gain de cause par tous les moyens et du fait qu'étant encore en fonction, un risque de récidive existe, une amende de CHF 960.- (4'800.- x 20%) sera prononcée à titre de sanction immédiate.

3. Compte tenu du verdict de culpabilité, le prévenu sera condamné aux frais (art. 426 CPP) et ses conclusions en indemnisation seront rejetées (art. 429 CPP).

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

Statuant contradictoirement

Déclare X______ coupable de violation du secret de fonction (art. 320 ch. 1 al. 1 CP).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 160.-.

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit X______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne X______ à une amende de CHF 960.- (art. 42 al. 4 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 6 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Rejette les conclusions en indemnisation de X______ (art. 429 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'860.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Karin CURTIN

La Présidente

Sabina MASCOTTO

 

Voies de recours

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

1144.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

45.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

600.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

1860.00

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Notification postale à X______, soit pour lui son conseil Me A______

Notification postale au Ministère public