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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/269/2025

DCSO/323/2025 du 12.06.2025 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Normes : LP.123; LP.115.al3; LP.145
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/269/2025-CS DCSO/323/25

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 12 JUIN 2025

 

Plainte 17 LP (A/269/2025-CS) formée en date du 24 janvier 2025 par A______, représentée par Me Philippe Vladimir BOSS, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me BOSS Philippe Vladimir

Avenue des Toises 12

Case postale 140

1001 Lausanne.

- B______

c/o Me GIROUD Sandrine

Lalive SA

Rue de la Mairie 35

Case postale 6569

1211 Genève 6.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Le 11 mai 2023, A______ a engagé à l'encontre de B______ une poursuite ordinaire en paiement de 1'500 fr., 5'000 fr. et 3'000 fr., plus intérêts réclamés au titre de dépens judiciaires.

b. Le commandement de payer, poursuite n° 1______, a été notifié le 30 mai 2023 en mains de l'épouse de B______, lequel n'a pas formé opposition.

c. Le 5 juillet 2023, A______ a requis la continuation de la poursuite.

d. Le 16 mai 2024, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a établi un procès-verbal de saisie, série n° 2______, qui a été notifié à A______ le 21 mai 2024. La saisie, à laquelle participe la poursuite n° 1______, avait été exécutée sur les parts de copropriété de 1/2 du feuillet 3______ commune de Genève C______, soit les lots PPE nos 3.01, 2.02, 2.03, 7.01 et 7.05 sis rue 4______ no. ______ (appartement), de 1/2 du feuillet 5______ Commune de Genève C______ sis rue 6______ no. ______, soit le parking intérieur n° 7______, et de 1/2 du feuillet 8______ Commune de Genève section C______, sis rue 6______ no. ______, soit le parking intérieur n° 9______.

Le procès-verbal de saisie indiquait que le débiteur était sans revenu depuis 2019 et était aidé financièrement par ses parents. Il figurait comme associé gérant de D______ Sàrl et administrateur de E______ SA, mais ne percevait aucun revenu. Les deux places de stationnement étaient estimées à 40'125 fr. chacune alors que l'appartement était estimé à 3'102'999 fr.

Cinq poursuites participaient à la saisie, pour un montant total inférieur à 20'000 fr. à la date du 16 mai 2024.

e. Le 3 juin 2024, A______ a requis la vente des immeubles.

f. Le 17 décembre 2024, l'Office a communiqué aux personnes intéressées la valeur d'estimation des immeubles saisis, s'élevant à 1'100'000 fr. pour l'appartement et à 35'000 fr. pour chacune des places de stationnement.

g. Par courrier du 23 décembre 2024, A______ a requis de l'Office qu'il lui communique une copie de la demande de B______ tendant au sursis à la réalisation. Elle a par ailleurs informé l'Office de ce que B______ avait participé au salon F______ à G______[France]. Selon ce que B______ avait publié à cet égard sur les réseaux sociaux, l'intéressé conduisait des affaires très importantes générant de toute évidence des revenus significatifs.

h. Par courrier du 14 janvier 2025, l'Office a répondu à A______ que B______ avait versé 14'000 fr. le 30 décembre 2024 ce qui avait permis de solder de nombreuses poursuites. B______ avait par ailleurs fait savoir qu'il avait introduit une action devant le Tribunal dans le cadre de laquelle il avait requis la suspension provisoire de la poursuite n° 1______, raison pour laquelle l'Office n'entendait pas fixer de vente des immeubles pour le moment. S'agissant des remarques relatives à la saisie, l'Office a rappelé que le procès-verbal de saisie du 16 mai 2024 était entré en force.

B. a. Par acte posté le 24 janvier 2025, A______ a formé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre le courrier de l'Office du 14 janvier 2025, qu'elle a reçu le 16 janvier 2025.

Elle reproche à l'Office d'avoir accordé un sursis à B______ sans la consulter préalablement et sans lui donner accès à la requête et aux pièces produites. De plus, la décision de l'Office violait les art. 122 et 123 LP. S'agissant de la saisie, elle avait le droit de requérir une saisie complémentaire au sens de l'art. 115 al. 2 LP. L'Office était invité à poursuivre ses investigations sur tous les revenus et biens de B______, à annuler le sursis octroyé et à poursuivre les démarches en vue de l'exécution de la vente de l'immeuble.

b. Par courrier du 24 février 2025, A______ a informé la Chambre de céans de ce que le Tribunal de première instance, saisi par B______, n'avait pas statué sur la requête de suspension provisoire de la poursuite au sens de l'art. 85a LP.

c. Dans son rapport du 14 mars 2025, l'Office a observé que le procès-verbal de saisie du 16 mai 2024 était entré en force, aucun créancier ne l'ayant contesté. Par ailleurs, si B______ avait bien requis un sursis au sens de l'art. 123 LP, celui-ci ne lui avait pas été accordé, l'Office ayant poursuivi les opérations de réalisation en communiquant aux personnes intéressées la valeur d'estimation des immeubles en date du 17 décembre 2024. En l'état, B______ ayant requis une nouvelle estimation des immeubles saisis au sens de l'art. 9 ORFI, la procédure de vente ne pouvait avancer.

d. Dans sa détermination du 17 mars 2025, B______ a conclu au rejet de la plainte. L'Office n'avait pas à consulter le créancier poursuivant avant de statuer sur une requête de sursis à la réalisation. Tout au plus, le créancier poursuivant pouvait spontanément présenter des observations. Les conditions à l'octroi d'un sursis étaient par ailleurs réalisées. Enfin, la renonciation provisoire à la réalisation était opportune, ce d'autant que l'Office avait imparti à B______ un délai au 17 janvier 2025 pour fournir le premier acompte. Enfin, l'Office n'avait aucunement violé l'art. 91 LP.

Selon les pièces fournies par B______, l'Office lui avait communiqué en date du 20 décembre 2024 un décompte du solde dû dans le cadre du dossier de vente n° 10______, qui s'élevait à 25'636 fr. Un premier acompte était fixé à 2'368 fr. et payable au 17 janvier 2025. Les mensualités suivantes, échelonnées sur 12 mois, s'élevaient à 2'168 fr. Par courriel du 9 janvier 2025, l'Office a informé B______ qu'il avait pris note du dépôt d'une requête en suspension provisoire de la poursuite n° 1______ et que, de ce fait, il n'entreprendrait aucune mesure avant le 31 janvier 2025, l'intéressé étant invité à informer l'Office de l'évolution de la procédure relative à cette procédure.

e. Par courrier du 25 mars 2025, les parties ont été avisées de ce que l'instruction de la plainte était close.

f. Par décision DCSO/313/2025 du 6 juin 2025, la Chambre de céans a déclaré irrecevable la requête en nouvelle expertise des immeubles saisis formée par B______, au motif que l'avance de frais requise n'a pas été payée dans le délai fixé.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 al. 1 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire.

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

Le créancier est avisé de l'octroi du sursis à la réalisation et peut former plainte (Suter/Reinau, BSK SchKG, n° 27 ad 123 LP).

1.2 En l'espèce, il est admis que le poursuivi a requis de l'Office un sursis à la réalisation des immeubles. Quand bien même l'Office a indiqué dans son rapport qu'il n'a pas octroyé de sursis, il a cela étant indiqué dans son courrier à la plaignante du 14 janvier 2025 qu'il n'entendait pas poursuivre les démarches en vue de la réalisation des immeubles, ce qui s'apparente à une mesure de sursis. Par ailleurs, la procédure en nouvelle expertise étant terminée, la plaignante conserve un intérêt à ce qu'il soit statué sur sa plainte. Enfin, l'Office a refusé de procéder à une saisie complémentaire. Le courrier de l'Office est ainsi une décision sujette à plainte, attaquée en temps utile devant l'autorité compétente. La plainte est donc recevable.

2. 2.1.2 Aux termes de l'art. 123 LP, applicable aussi à la réalisation des immeubles (art. 143a LP), si le débiteur rend vraisemblable qu'il peut acquitter sa dette par acomptes, et s'il s'engage à verser à l'office des poursuites des acomptes réguliers et appropriés, le préposé peut renvoyer la réalisation de douze mois au plus, une fois le premier versement effectué.

Le préposé fixe le montant des acomptes et la date des versements; ce faisant, il tient compte tant de la situation du débiteur que de celle du créancier.

2.1.2 Le poursuivant ne dispose pas d'un droit à être entendu mais peut présenter des observations dont l'office doit tenir compte dans le cadre de l'examen prévu à l'alinéa 3 (Bettschart, CR LP, n° 15 ad art. 123 LP; Suter/Reinau, op. cit., n° 27 ad 123 LP). Dans tous les cas, le sursis à la réalisation est communiqué ultérieurement au créancier au moyen de la formule n° 29 (cf. Suter/Reinau, op. cit., n° 27 ad 123 LP), laquelle mentionne que le premier acompte a été versé et indique l'échéancier des versements ultérieurs.

2.2 En l'espèce, c'est à tort que la plaignante reproche à l'Office une violation de son droit d'être entendue, dans la mesure où elle ne dispose pas d'un droit d'être consultée avant que l'Office statue sur une requête du débiteur tendant au sursis à la réalisation.

En revanche, l'Office ne pouvait pas sursoir à la réalisation, sans examiner si les conditions de l'art. 123 LP étaient réunies et sans fixer au débiteur un échéancier de paiement, qu'il devait ensuite communiquer à la plaignante, une fois le premier versement effectué. Le dépôt par le débiteur d'une requête en suspension de la poursuite devant le juge ne justifie pas en soi que l'Office ajourne les démarches tendant à la réalisation, la décision de suspension appartenant au Tribunal et non pas à l'Office. Par ailleurs, la procédure en nouvelle expertise est désormais terminée, de sorte que l'Office est tenu de poursuivre les opérations de réalisation, pour autant que le Tribunal n'ait pas ordonné la suspension de la poursuite dans l'intervalle. Dans cette mesure, la plainte sera admise.

3. 3.1.1 Lorsque le débiteur est sujet à la poursuite par voie de saisie, l'Office, après réception de la réquisition de continuer la poursuite, procède sans retard à la saisie (art. 89 LP). Le fonctionnaire fait l'estimation des objets qu'il saisit; il ne saisit que les biens nécessaires pour satisfaire les créanciers saisissants en capital, intérêts et frais (art. 97 LP).

L'estimation des objets saisis doit être énoncée dans le procès-verbal de saisie (art. 112 al. 1 LP), lequel mentionnera si lesdits objets ne sont pas suffisants pour satisfaire les poursuivants qui participent à la série (art. 112 al. 3 LP; Gilliéron, Commentaire de la LP, n° 6 ad art. 97 LP). Le créancier peut former plainte contre l'estimation (Jent-Sørensen, BSK SchKG, n° 12 ad art. 115 LP).

3.1.2 En cas d'insuffisance des biens saisis, l'Office peut être appelé à procéder à une saisie complémentaire. Il y a lieu de distinguer entre la saisie complémentaire sur requête de l'art. 115 al. 3 LP et la saisie complémentaire d'office au sens de l'art. 145 al. 1 LP (ou "reprise de saisie"; cf. Gilliéron, op. cit. n. 15 ad art. 145 LP). L’art. 115 al. 2 LP prévoit que le procès-verbal de saisie tient lieu d'acte de défaut de biens provisoire et confère au créancier les droits mentionnés aux art. 271 ch. 5 et 285 LP lorsque les biens saisissables sont insuffisants d'après l'estimation. L'alinéa 3 de cette disposition ajoute que l'acte de défaut de biens provisoire confère au créancier le droit d'exiger, dans le délai d'une année prévu à l'art. 88 al. 2 LP, la saisie de biens nouvellement découverts. Cette saisie complémentaire, qui fait suite à un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens provisoire reposant sur l'estimation de l'Office (élaborée avant la réalisation), n'est effectuée que sur requête.

L’art. 115 al. 3 LP présuppose la délivrance d’un acte de défaut de biens provisoire (Jent-Sørensen, op. cit., n° 17 ad art. 115 LP). Les créanciers en ont le droit lorsque la copie du procès-verbal de saisie qui leur est communiquée porte l'observation que "les biens saisis sont insuffisants", même si l'office des poursuites n'a pas précisé que le procès-verbal de saisie "tient lieu d'acte de défaut de biens provisoire" (Gilliéron, op. cit., n° 38 ad art. 115 LP; cf. aussi ATF 55 III 34).

Quant à l'art. 145 al. 1 LP, il dispose que, lorsque le produit de la réalisation ne suffit pas à désintéresser les créanciers, l'Office exécute aussitôt une saisie complémentaire et réalise les biens saisis le plus rapidement possible. Une autre réquisition d'un créancier n'est pas nécessaire et l'Office n'est pas tenu de respecter les délais ordinaires. Ce dernier y procède d'office lorsque, après la réalisation, une saisie qui avait paru offrir une garantie suffisante d'après l'estimation ne permet pas, en fait, de satisfaire tous les créanciers (ATF 70 III 43 consid. 2; Schöniger, BSK SchKG, n. 5 ad art. 145 LP).

3.2 En l'espèce, le procès-verbal de saisie du 16 mai 2024 ne constate pas que les actifs saisis seraient insuffisants pour solder les poursuites qui participent à la saisie et ne vaut donc pas acte de défaut de biens provisoire au sens de l'art. 115 al. 2 LP. La plaignante n'a du reste pas porté plainte contre le procès-verbal de saisie du 16 mai 2024 et n'a en particulier pas contesté l'estimation des actifs effectuée par l'Office ou le fait que ce dernier les a considérés comme suffisants. La plaignante, qui a requis la vente des biens saisis, ne soutient d'ailleurs pas que leur valeur ne suffirait pas à régler la poursuite considérée. Les biens immobiliers saisis étant suffisants, il n'y a pas de place pour une saisie complémentaire au sens de l'art. 115 al. 3 LP. Quant à l'art. 145 LP, il ne trouve application que dans l'hypothèse où le produit de réalisation est insuffisant soit une fois que les biens saisis ont été réalisés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Aussi, il n'y a pas de place pour une saisie complémentaire, de sorte que la plainte s'avère sur ce point mal fondée.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 24 janvier 2025 par A______ contre la décision de l'Office cantonal des poursuites du 14 janvier 2025.

Au fond :

L'admet partiellement.

Ordonne à l'Office cantonal des poursuites de poursuivre les opérations de réalisation des actifs saisis dans le sens du considérant 2.2 de la présente décision.

Rejette la plainte pour le surplus.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.