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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3169/2023

DCSO/603/2024 du 29.11.2024 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3169/2023-CS DCSO/603/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 28 NOVEMBRE 2024

Causes jointes A/3169/2023-CS, A/3257/2023-CS et A/287/2024-CS formées en date des 25 septembre 2023, 3 octobre 2023 et 26 janvier 2024 par A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE, représenté par Me Stéphanie NUNEZ, avocate.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE

c/o Me NUNEZ Stéphanie

REGO AVOCATS

Esplanade de Pont-Rouge 4

Case postale

1212 Genève 26.

- B______

c/o Me TZORTZIS Dimitri

NOMOS Avocats

Boulevard des Tranchées 4

1205 Genève.

- C______

c/o Me PETROZ Pascal

De Boccard Associés SA

Rue du Mont-Blanc 3

1201 Genève.

- Confédération suisse

DFF - AFC - DPR
Division Encaissement, TVA
Schwarztorstrasse 50
3007 Bern.

- D______
E______

c/o Me NEPHTALI Laurent
Rue du Mont-de-Sion 8
1206 Genève.

- F______ et G______
H______
I______
J______
K______ et L______

c/o Me Cyril AELLEN
AAA Avocats SA
Rue du Rhône 118
1204 Genève.

- M______

c/o Me Guy ZWAHLEN
Rue Monnier 1
Case postale 205
1211 Genève 12.

 

- N______ et O______
P______
Q______
R______
S______

T______ et U______
c/o Me DROZ Gaétan
MBLD Associés
Rue Joseph-Girard 20
Case postale 1611
1227 Carouge.

- V______ et W______

c/o Me GILLIOZ Fabien
OA Legal SA
Place de Longemalle 1
1204 Genève.


 

- X______

c/o Me ADJADJ Malek
AAA Avocats SA
Rue du Rhône 118
1204 Genève.

- Y______ et Z______
AA_____
AB_____

c/o Me DESSIMOZ Marie-Flore
DESSIMOZ AVOCATS
Chemin du Grand-Puits 42
1217 Meyrin.

- AC_____
AD_____

c/o Me REYMOND Alec
@lex Avocats
Rue de Contamines 6
1206 Genève.

- AE_____ et AF_____
Y______ et AH_____
AI_____
AJ_____
c/o Me FABJAN Andreas
Muller & Fabjan
Rue Ferdinand-Hodler 13
1207 Genève.

- AK_____

c/o Me DE RHAM-RUDLOFF
BELLON & DE RHAM
Rue Pierre-Fatio 12
Case postale 3055
1211 Genève 3.

- AL_____ et AM_____

c/o Me MULLER Mark
Muller & Fabjan
Rue Ferdinand-Hodler 13
1207 Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. C______, fait l'objet de nombreuses poursuites.

b. Dans le cadre des séries de poursuites nos 1______, 2______ et 3______ dirigées à son encontre, l'Office cantonal des poursuites
(ci-après : l'Office) a notamment procédé à la saisie des actifs suivants :

-          créance en mains de AN_____, notaire, pour un montant total de 2'358'398 fr. 67;

-          créance en mains de la [banque] AO_____ pour un montant de 963'752 fr.;

-          créance en mains des Services financiers du Pouvoir judiciaire pour un montant total de 2'976'602 fr. 46;

-          les immeubles dont il était propriétaire au Registre foncier, estimés à un montant total de 15'921'253 fr.

Ces biens saisis par l'Office ont été séquestrés par les autorités pénales dans le cadre de la procédure P/4______/2013 dirigée contre C______ et AP_____.

c. En avril 2022, A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE, a indiqué revendiquer une partie des actifs saisis et pénalement séquestrés.

Ces revendications ont été mentionnées dans les procès-verbaux de saisie
n° 1______ établi le 22 août 2023, n° 2______ du 25 août 2023 et n° 3______ du 14 novembre 2023.

d. Dans plusieurs courriers adressés à l'Office, A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE a soutenu que la procédure de revendication prévue par les art. 106 ss LP devait être suspendue jusqu'à ce que la question de la propriété ou de la titularité des actifs saisis, séquestrés pénalement et revendiqués par elle soit tranchée dans le cadre de la procédure pénale en cours. Elle sollicitait, subsidiairement, l'application de l'art. 108 LP, ses droits étant plus vraisemblables que ceux du poursuivi.

e. Le 28 septembre 2023, l'Office a adressé aux créanciers participant aux saisies exécutées sur les avoirs de C______ une circulaire leur donnant diverses informations sur l'état d'avancement des poursuites en cours.

Il a par ailleurs précisé la portée des revendications formulées par A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE, lesquelles portaient uniquement sur les créances suivantes :

-          en mains de Me AN_____ :

100057 bis Solde AQ_____ 509 fr. 90

140124 quinquies AR_____ ½ de 92'999 fr. 95

1401124 septies AR_____ ½ de 194'499 fr. 06

140124 sexies AR_____ ½ de 138'630 fr. 08

140251 bis 444 AS_____ 115'813 fr. 35

150071 bis AT_____ 718'487 fr. 43

150139 ter AU_____ ½ de 2'542'389 fr. 99

soit la somme totale 2'319'070 fr. 22;

-          en mains des Services financiers du Pouvoir judiciaire (précédemment en mains de Me AV_____) : 844'047 fr. 15 (vente AW_____)

-          en mains des Services financiers du Pouvoir judiciaire (précédemment en en mains de AX_____ AG) : 509'259 fr.

L'Office a par ailleurs informé les créanciers ayant contesté ces revendications qu'ils avaient la possibilité de consulter les déterminations et moyens de preuve produits par cette dernière pour appuyer sa revendication et leur a imparti un délai au 13 octobre 2023 pour se déterminer à nouveau s'ils le souhaitaient, un silence de leur part étant interprété comme une confirmation de leur contestation de la revendication. L'Office indiquait en outre dans cette circulaire avoir l'intention, au terme du délai imparti et sur la base des éléments dont il disposait, d'octroyer à A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE, en application de l'art. 107 al. 5 LP, un délai pour saisi le juge compétent d'une action en constatation de son droit.

f. Par avis du 19 janvier 2024, l'Office a fixé un délai de vingt jours à A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE pour ouvrir action en constatation de son droit à l'encontre des créanciers des séries de poursuites nos 1______, 2______ et 3______ ayant contesté ses revendications, en application de l'art. 107 al. 5 LP.

g. Dans le cadre de la procédure pénale P/4______/2013 dirigée notamment contre C______, le Tribunal correctionnel a, par jugement rendu le 25 octobre 2021, notamment débouté A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE de ses conclusions tendant à la levée des séquestres et à la restitution en sa faveur de différents montants. Il a retenu que les terrains vendus en cours d'instruction appartenaient à AP_____ et C______ à titre personnel, que A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE ne pouvait faire valoir aucun droit sur ces terrains ni, partant, sur le produit de leur vente, et qu'enfin, le fait que certains montants provenant de ventes de terrains aient été intégrés à la comptabilité de la Sàrl n'était pas suffisant pour que celle-ci puisse revendiquer un quelconque montant.

Le 17 janvier 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision a rejeté l'appel formé par A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE contre ce jugement. Elle a en particulier relevé que les états financiers de la société ne suffisaient pas, à eux seuls et compte tenu des réserves émises à plusieurs reprises par le Ministère public quant à leur exactitude, à considérer que les actifs qu'elle revendiquait lui appartenaient.

Par arrêt du 16 mars 2023, le Tribunal fédéral a annulé cet arrêt pour des motifs procéduraux et renvoyé la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.

B. a. Par courriers adressés le 25 septembre 2023 à l'Office et transmis à la Chambre de surveillance le 2 octobre 2023, A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE a conclu à ce que la procédure de revendication soit suspendue tant que la saisissabilité des actifs revendiqués n'avait pas été définitivement tranchée dans le cadre de la procédure pénale P/4______/2013, subsidiairement à ce qu'il soit ordonné à l'Office de procéder par le biais de l'art. 108 LP en cas de contestation de sa revendication et, en tant que de besoin, à rectifier les procès-verbaux de saisie, séries 5______, 1______ et 2______ et tous autres procès-verbaux de saisie subséquents.

A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE a sollicité la rectification de diverses inexactitudes entachant à son sens les procès-verbaux de saisie, soit une désignation inexacte des actifs revendiqués par elle ainsi que la mention de l'art. 107 LP, selon elle fausse et en tout état prématurée. Elle estimait que la procédure de revendication prévue par les art. 106 ss. LP ne devait pas être ouverte en l'état, dès lors que les juridictions pénales seraient appelées à trancher la question de la propriété ou de la titularité des actifs saisis dans le cadre des procédures pénales en cours, et qu'en tout état, si une procédure de revendication devait être ouverte, c'est l'art. 108 LP qui devait s'appliquer dès lors que sa prétention sur les droits saisis paraissait mieux fondée que celle du poursuivi.

b. Sa requête en octroi de l'effet suspensif à plainte, tendant à la suspension des procès-verbaux de saisie, à leur rectification et à ce qu'il soit fait interdiction à l'Office d'adresser une lettre circulaire aux créanciers, a été rejetée par décision de la Chambre de céans du 9 octobre 2023.

c. Dans son rapport établi le 30 octobre 2023, l'Office s'en est rapporté à justice sur la recevabilité de la plainte et conclut à son rejet. Il a relevé que la procédure en revendication au sens du droit des poursuites portait sur la seule question de savoir si la chose saisie pouvait être, dans la poursuite exercée par le créancier, réalisée en sa faveur ou si le tiers pouvait faire valoir sur les objets ou droits saisis un droit excluant la saisie. Le fait que les autorités pénales seraient amenées à trancher la question de la restitution des actifs séquestrés au pénal n'empêchait donc pas le juge civil de trancher la question du droit du créancier de soumettre la chose à la procédure d'exécution forcée. L'Office considérait par ailleurs que les droits du débiteur sur les actifs revendiqués étaient plus vraisemblables que ceux de la plaignante au regard des décisions rendues par les juridictions pénales de première et de deuxième instances quant aux prétentions en revendication formulées par la plaignante, de sorte que son intention de faire application de l'article 107 al. 5 LP lui apparaissait difficilement critiquable, l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 17 janvier 2023 n'ayant été annulé par le Tribunal fédéral que pour des questions de procédure.

d. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de cause A/3169/2023.

C. a. Par courrier du 3 octobre 2023 adressé à l'Office et transmis à la Chambre de surveillance le 6 octobre 2023, A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE a conclu à l'annulation, subsidiairement au complément de la circulaire adressée le 28 septembre 2023 par l'Office aux créanciers. Elle a relevé que le texte de celle-ci donnait une image inexacte et tronquée, voire trompeuse, de la situation et de ses arguments en ce qu'il n'était pas fait mention de l'arrêt du Tribunal fédéral du 26 mars 2023 annulant deux décisions de la Chambre pénale d'appel et de révision, de la requête en suspension de la procédure de revendication jusqu'à droit jugé par les autorités pénales sur la saisissabilité des actifs revendiqués, et des plaintes dont elle a saisi la Chambre de surveillance.

b. Sa requête, tendant à la suspension de la circulaire litigieuse, notamment en tant qu'elle impartissait aux créanciers un délai au 13 octobre 2023 pour se déterminer une nouvelle fois sur les revendications formulées par A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE, a été rejetée par la Chambre de surveillance par ordonnance du 10 octobre 2023.

c. Dans son rapport du 30 octobre 2023, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte, arguant de ce que les griefs soulevés par la plaignante à l'encontre de la lettre circulaire ne constituaient pas une mesure sujette à plainte, dans la mesure où les griefs soulevés contre cette circulaire ne portent pas sur la désignation des actifs revendiqués, qu'elle avait elle-même demandée, mais sur les informations et arguments communiqués en lien avec l'intention manifestée de faire application de l'art. 107 al. 5 LP.

d. A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE a répliqué, persistant dans les conclusions de sa plainte.

e. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de cause A/3257/2023.

D. a. Par acte expédié à la Chambre de surveillance le 26 janvier 2024, A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre les trois avis de fixation de délai pour ouvrir action en constatation en vertu de l'article 107 al. 5 LP dans le cadre des séries de poursuites nos 1______, 2______ et 3______, concluant à leur annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'Office de procéder conformément à l'art. 108 LP et de fixer aux créanciers concernés par ces séries de poursuites un délai pour ouvrir action en contestation de la revendication.

Elle soutient que son droit sur les actifs revendiqués était mieux fondé que celui du débiteur poursuivi, se prévalant de ce que les montants saisis en mains de AN_____ et des Services financiers du Pouvoir judiciaire, à l'exception du montant de 509'259 fr., figuraient dans ses états financiers révisés pour les exercices 2014 à 2019, signés par C______ et AP_____. En outre, C______ avait confirmé sa propriété des actifs concernés durant la procédure concordataire et devant le Tribunal correctionnel.

Elle a, à titre préalable, sollicité la jonction de cette procédure avec les procédures A/3169/2023 et A/3257/2023.

b. Sa requête tendant à l'octroi de l'effet suspensif à sa plainte a été admise par ordonnance du 29 janvier 2024.

c. Dans son rapport établi le 20 février 2024, l'Office a indiqué ne pas s'opposer à la jonction requise et a conclu au rejet de la plainte sur le fond.

Il a indiqué avoir estimé que les droits du débiteur sur les actifs revendiqués étaient plus vraisemblables que ceux de A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE au regard des décisions rendues par les autorités pénales, qui avaient débouté cette dernière de ses conclusions en revendication. La Chambre pénale d'appel et de révision avait ainsi notamment considéré que A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE n'était pas fondée à revendiquer ces créances au motif qu'elles étaient issues de la vente de biens immobiliers appartenant à C______ et AP_____, qu'elles avaient été frappées d'un séquestre pénal, empêchant toute cession en faveur de la société et que les états financiers dont se prévalait la société ne permettaient pas, compte tenu notamment des réserves émises par le Ministère public, de considérer que les actifs litigieux appartenaient à la société.

d. AL_____, AM_____, AF_____, AE_____, AG_____, AH_____, AI_____ et AJ_____ s'en sont rapportés à justice sur la jonction requise et ont conclu au rejet de la plainte.

e. AK_____, T______, U______, S______, R______, P______, N______, O______, Q______, G______, F______, H______, I______, L______, K______, J______, X______ et M______ ont conclu au rejet de la plainte.

f. C______, débiteur poursuivi, ainsi que AD_____, AC_____, B______, W______ et V______, créanciers poursuivants, s'en sont rapportés à justice quant à la plainte.

g. A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE a répliqué, persistant dans les conclusions de sa plainte.

h. Cette procédure a été enrôlée sous le numéro de cause A/287/2024.

EN DROIT

1. Les causes A/3169/2023, A/3257/2023 et A/287/2024 relevant du même contexte factuel et posant des questions litigieuses similaires, elles seront jointes sous le numéro de cause A/3169/2023 (art. 70 LPA, applicable à la procédure devant la Chambre de surveillance en vertu des articles 9 al. 4 LaLP et 20a al. 3 LP).

2. 2.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3).

Par "mesure" de l'office au sens de l'art. 17 LP, il faut entendre tout acte d'autorité accompli par l'office ou par un organe de la poursuite en exécution d'une mission officielle dans une affaire concrète. L'acte de poursuite doit être de nature à créer, modifier ou supprimer une situation du droit de l'exécution forcée dans l'affaire en question. En d'autres termes, il doit s'agir d'un acte matériel qui a pour but la continuation ou l'achèvement de la procédure d'exécution forcée et qui produit des effets externes (ATF 142 III 643 consid. 3.1 et les arrêts cités; arrêts du Tribunal fédéral 5A_727/2017 et 5A_728/2017 du 8 janvier 2018, destinés à la publication, consid. 4.2.1). Ne constituent en conséquence pas des mesures sujettes à plainte la simple confirmation d'une décision déjà prise, une communication de l'Office sur ses intentions ou un avis (Erard, in CR LP, 2005, n° 10 ad art. 17 LP).

2.2.1 En l'espèce, dans sa plainte du 25 septembre 2023, la plaignante requiert que la procédure de revendication soit suspendue tant que la saisissabilité des actifs revendiqués n'a pas été définitivement tranchée par les autorités pénales, subsidiairement à ce qu'il soit ordonné à l'Office de procéder par le biais de l'art. 108 LP. Dans sa plainte du 3 octobre 2023 contre la lettre circulaire adressée par l'Office aux créanciers le 28 septembre 2023, la plaignante, sans remettre en cause la désignation des actifs qu'elle revendique, se limite à critiquer les éléments présentés par l'Office en annonçant son intention d'organiser la procédure de revendication en application de l'art. 107 al. 5 LP.

Ses deux plaintes ne visent ainsi aucune mesure de l'Office ayant créé, modifié ou supprimé une situation du droit de l'exécution forcée. Elles sont en conséquence irrecevables.

2.2.2 Il en va différemment de sa plainte contre les trois avis de fixation de délai pour ouvrir action en constatation au sens de l'art. 107 al. 5 LP du 19 janvier 2024, qui constituent une mesure ayant pour effet de faire avancer la procédure d'exécution.

Déposée dans les formes et délai prescrit et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts, la plainte formée le 26 janvier 2024 est recevable.

3. La plaignante reproche à l'Office d'avoir fixé le rôle des parties dans la procédure en revendication en application de l'art. 107 al. 5 LP.

3.1 Le but de la procédure de revendication consiste à déterminer si, dans une poursuite donnée, un droit patrimonial doit être considéré comme entrant dans le patrimoine du débiteur et pouvant donc être réalisé pour satisfaire le ou les créanciers poursuivant (ATF 44 III 205 cons. 2; Rohner, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, N 2 ad art. 106 LP).

Cette procédure comporte deux phases. La première est de nature administrative; elle permet aux intéressés d'annoncer leurs prétentions et à l'office des poursuites de fixer la position procédurale des parties. L'office doit impartir un délai de
20 jours ou bien au tiers pour ouvrir action en constatation de son droit (art. 107 LP) ou bien au créancier/débiteur pour ouvrir action en contestation de la prétention du tiers (art. 108 LP), selon la personne qui est en possession du droit. La seconde est de nature judiciaire; elle permet au juge de trancher le conflit au fond (CR LP - Tschumy, n° 9 ad Intro art. 106 à 109 LP).

Si le bien revendiqué est dans la possession du débiteur, c'est au tiers revendiquant qu'un délai pour ouvrir action doit être imparti (art. 106 et 107 al. 1 LP) alors que, s'il est en la possession du tiers revendiquant, le délai doit être imparti au créancier saisissant (art. 108 LP). Si le bien ne se trouve en la possession ni du débiteur ni du tiers revendiquant mais en celle d'une quatrième personne – le quart détenteur -, le rôle des parties dépend de la question de savoir pour le compte de qui cette personne possède : si c'est pour le compte exclusif du débiteur, il incombe au tiers revendiquant d'ouvrir action; si le quart détenteur possède pour son propre compte, ou conjointement avec le débiteur, ou encore pour le compte du tiers revendiquant et du débiteur, il incombe au créancier d'agir (ATF 123 III 367 consid. 3b).

Dans l'application des art. 106 ss LP, l'office n'a pas à vérifier le bien-fondé de la revendication; il doit uniquement trancher la question du meilleur droit apparent, soit de savoir qui peut disposer matériellement de la chose, sans avoir à se demander si l'état de fait est ou non conforme au droit (ATF 144 III 198 consid. 5.1.2.2; 123 III 367 consid. 3b; 120 III 83 consid. 3b; arrêts 5A_697/2008 du 6 mai 2009 consid. 2.2; 5A_638/2008 du 5 décembre 2008 consid. 5.2

3.2 En l'espèce, l'Office a estimé que les droits du débiteur poursuivi sur les actifs revendiqués par la plaignante étaient plus vraisemblables au regard des décisions rendues par les juridictions pénales sur les prétentions en restitution formulées par cette dernière.

Il ressort en effet des éléments au dossier que les créances revendiquées par la plaignante en mains de Me AN_____ à hauteur de 2'319'070 fr. 22, et en mains des Services financiers du Pouvoir judiciaire à hauteur de 844'047 fr. 15, précédemment en mains de Me AV_____, provenaient de la vente de terrains appartenant à C______ et à AP_____ à titre personnel. Dans ces circonstances, l'Office a, à raison, retenu que le droit du débiteur poursuivi était plus vraisemblable que celui de la plaignante, étant ici précisé que le montant de 509'259 fr. en mains des Services financiers du Pouvoir judiciaire précédemment en mains de AX_____ AG ne fait pas l'objet des saisies effectuées par l'Office dans le cadre des séries nos 1______, 2______ et 3______.

Les états financiers révisés des exercices 2014 à 2019, admis par le débiteur poursuivi, dont se prévaut la plaignante ne sont à cet égard pas d'une force probante suffisante pour retenir que son droit sur ces actifs serait plus vraisemblable que celui du débiteur poursuivi. La plaignante ne saurait en particulier être suivie lorsqu'elle se prévaut de l'arrêt 6B_1270/2021 du 2 juin 2022 pour soutenir que la force probante accrue de sa comptabilité était opposable à tous : la garantie spéciale de véracité de documents comptables retenu par le Tribunal fédéral dans cet arrêt pour qualifier un faux intellectuel ne conduit pas à retenir que de les états financiers de la plaignante suffisent à démontrer son droit de propriété sans tenir compte des autres éléments au dossier.

Enfin, le fait que le Tribunal fédéral a, par arrêt du 16 mars 2023, renvoyé la cause à la Chambre pénale d'appel et de révision pour nouvelle décision sur les prétentions de la plaignante en restitution des actifs revendiqués ne change pas l'appréciation des éléments effectuée ci-avant, conduisant à retenir que le droit du débiteur poursuivi sur les créances saisies en mains de Me AN_____ et des Services financiers du Pouvoir judiciaire est plus vraisemblable que celui de la plaignante au regard de la provenance des fonds.

C'est, partant, en conformité des articles 106 et suivants LP que l'Office a retenu que le débiteur poursuivi bénéficiait du meilleur droit apparent sur les actifs revendiqués par la plaignant, et qu'il a appliqué l'art. 107 LP plutôt que l'art. 108 LP en impartissant à la plaignante un délai pour agir en constatation de son droit.

La plainte sera donc rejetée et un nouveau délai imparti à la plaignante.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Préalablement :

Ordonne la jonction des causes A/3169/2023, A/3257/2023 et A/287/2024 sous numéro de cause A/3169/2023.

A la forme :

Déclare irrecevable la plainte formée par A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE le 25 septembre 2023, tendant à la suspension de la procédure de revendication tant que la saisissabilité des actifs revendiqués n'avait pas été définitivement tranchée dans le cadre de la procédure pénale P/4______/2013.

Déclare irrecevable la plainte formée le 3 octobre 2023 par A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE contre la lettre circulaire adressée par l'Office cantonal des poursuites aux créanciers des séries de poursuites dirigées contre C______ le 28 septembre 2023.

Déclare recevable la plainte formée le 26 janvier 2024 par A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE contre les trois avis de fixation de délai pour ouvrir action en contestation dans le cadre des séries nos 1______, 2______ et 3______.

Au fond :

Rejette cette plainte.

Invite l'Office cantonal des poursuites à fixer à A______ SÀRL, EN LIQUIDATION CONCORDATAIRE un nouveau délai de vingt jours pour agir en contestation au sens de l'art. 107 al. 5 LP.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Messieurs Luca MINOTTI et Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 


 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.