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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2463/2023

DCSO/123/2024 du 28.03.2024 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2463/2023-CS DCSO/123/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 28 MARS 2024

 

Plaintes 17 LP (A/2463/2023-CS et A/2464/2023-CS) formées en date du 28 juillet 2023 par l'ETAT DE GENEVE et la CONFEDERATION SUISSE.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- ETAT DE GENEVE, ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

Direction affaires juridiques

Attn: Mme A______

Rue du Stand 26

Case postale 3937

1211 Genève 3.

- B______

______

______ [BS].

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. C______, citoyen suisse né le ______ 1945, a, à une date indéterminée, transféré en qualité de settlor une partie de ses avoirs à un trust incorporé à l'Île de Man, le D______ TRUST. Ce dernier (ou plus exactement son ou ses trustee) est formellement propriétaire de la totalité du capital-actions de la société luxembourgeoise E______ HOLDING SA, laquelle est elle-même, directement ou indirectement, propriétaire de la totalité du capital-actions des sociétés E______ LTD, F______/1______ CORP et G______ LTD.

b. Le 28 mai 2019, l’Administration fiscale cantonale (ci-après : l’afc), agissant aussi bien pour la Confédération suisse que pour l’Etat de Genève, a remis à l’Office cantonal des poursuites (ci-après: l’Office) deux ordonnances de séquestre fiscal distinctes, datées du même jour, reposant sur deux demandes de sûretés séparées fondées sur les art. 169 à 170 LIFD et les dispositions cantonales correspondantes, et dirigées à l’encontre de C______, l’une (séquestre n° 2______) portant sur une créance fiscale alléguée de 154’318’856 fr. plus intérêts au taux de 5% l’an à compter du 29 mai 2019 de l’Etat de Genève, et l’autre (séquestre n° 3______) portant sur une créance fiscale alléguée de 3’431’615 fr. plus intérêts au taux de 3% l’an à compter du 29 mai 2019 de la Confédération.

Les deux ordonnances comportaient une liste identique des valeurs patrimoniales à séquestrer, comprenant notamment divers actifs (créances, valeurs mobilières et parts de fonds) déposés auprès de H______ au nom de C______ et de tiers. Etaient en particulier mentionnés parmi les actifs devant être séquestrés :

·         Le compte n° 4______ ouvert dans les livres de la banque I______ (aujourd'hui : H______; ci-après : la banque H______), dont la titulaire était F______/1______ CORP (ci-après : le compte n° 4______). Selon l'ordonnance de séquestre en effet, le véritable ayant droit économique des actifs déposés sur ce compte était le débiteur séquestré, C______, dès lors que "ce dernier peut disposer dans les faits des avoirs de D______ TRUST (Ile de Man) qui est elle-même titulaire de 100% du capital-actions de E______ HOLDING SA (Luxembourg), elle-même titulaire de 100% du capital-actions de F______/1______ CORP (Panama)".

·         Le compte n° 5______ ouvert dans les livres de la banque H______, dont la titulaire était G______ LTD (ci-après : le compte n° 5______). Selon l'ordonnance de séquestre, le véritable ayant droit économique des actifs déposés sur ce compte était là également C______, dès lors que "ce dernier peut disposer dans les faits des avoirs de D______ TRUST (Ile de Man) qui est elle-même titulaire de 100% du capital-actions de E______ HOLDING SA (Luxembourg), elle-même titulaire de 100% du capital-actions de F______/1______ CORP (Panama), elle-même titulaire de 100% du capital-actions de F______ HOLDING SA (Luxembourg), elle-même titulaire de 100% du capital-actions de G______ LTD (Londres)".

·         Le compte n° 6______ ouvert dans les livres de la banque H______, dont la titulaire était E______ LTD (ci-après : le compte n° 6______). Selon l'ordonnance de séquestre, le véritable ayant droit économique des actifs déposés sur ce compte était là encore C______, dès lors que "ce dernier peut disposer dans les faits des avoirs de D______ TRUST (Ile de Man) qui est elle-même titulaire de 100% du capital-actions de E______ HOLDING SA (Luxembourg), elle-même titulaire de 100% du capital-actions de E______ LTD (Bahamas)".

c. Les séquestres n° 2______ et 3______ ont été exécutés le 28 mai 2019 par l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office).

d. Dans les semaines qui ont suivi l'exécution des séquestres, plusieurs tiers se sont manifestés auprès de l'Office afin de revendiquer des actifs séquestrés.

En particulier, G______ LTD, par courrier de son conseil, Me J______, adressé le 11 juin 2019 à l'Office, a revendiqué la propriété des actifs déposés sur le compte n° 5______. Selon ce courrier, l'existence des séquestres frappant ledit compte avait été communiquée à G______ LTD par la banque H______.

G______ LTD a par ailleurs formé plaintes contre l'exécution des séquestres n° 2______ et 3______, à ses yeux nuls ou à tout le moins annulables dès lors que le débiteur, C______, n'était ni son organe ni son actionnaire et ne disposait d'aucun pouvoir sur ses actifs, dont le compte n° 5______. Ces plaintes ont été rejetées par décision de la Chambre de surveillance du 12 septembre 2019 (DCSO/392/2019 dans la cause A/2294/2019).

E______ LTD a pour sa part revendiqué la propriété des actifs déposés sur le compte n° 6______ par courrier de son conseil, Me K______, adressé le 2 octobre 2019 à l'Office, précisant avoir eu connaissance du séquestre le 6 juin 2019 par une communication de la banque H______.

F______/1______ CORP ne s'est en revanche, à ce stade, pas manifestée, que ce soit directement ou par l'intermédiaire d'un représentant.

e. Les procès-verbaux de séquestre ont été établis le 20 avril 2020 et adressés le même jour aux parties à la procédure de séquestre.

Ils mentionnent en page 15 les revendications formulées par, notamment, G______ LTD et E______ LTD. En page 16 des procès-verbaux, l'Office, faisant application de l'art. 108 LP, a imparti au débiteur (C______) et aux créanciers (l'Etat de Genève et la Confédération suisse) un délai de vingt jours pour ouvrir des actions en contestation des prétentions des tiers devant le juge compétent.

f. Le 29 avril 2020, l'Etat de Genève et la Confédération suisse ont formé des plaintes au sens de l'art. 17 LP contre les procès-verbaux de séquestre, contestant notamment – parmi d'autres griefs – l'application par l'Office de l'art. 108 LP plutôt que de l'art. 107 LP aux revendications de G______ LTD et de E______ LTD.

Par ordonnance du 1er mai 2020, les plaintes ont été jointes et l'effet suspensif leur a été octroyé.

G______ LTD, par l'intermédiaire de son conseil Me J______, a participé à la procédure de plainte, concluant dans ses écritures du 8 juin 2020 et du 24 août 2020 au rejet des plaintes.

En tant qu'elles visaient les revendications formées par G______ LTD et E______ LTD, les plaintes ont été rejetées par décision de la Chambre de surveillance du 3 décembre 2020 (DCSO/455/2020 dans la cause A/9______/2020). Il a toutefois été ordonné à l'Office de rectifier le procès-verbal en ce sens qu'il devait être précisé que la revendication de G______ LTD portait sur le compte n° 5______ et celle de E______ LTD sur le compte n° 6______.

Le recours interjeté le 14 décembre 2020 auprès du Tribunal fédéral contre cette décision par l'Etat de Genève et la Confédération suisse a été déclaré irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1042/2020 du 15 avril 2021).

g. Les séquestres n° 2______ et 3______ ont été validés par les poursuites en prestation de sûretés n° 7______ et 8______, dans le cadre desquelles l'Etat de Genève et la Confédération suisse ont déposé le 24 novembre 2020 des réquisitions de continuer la poursuite.

h. Entretemps, soit le 29 mai 2020, Me J______ avait adressé à l'Office un courriel par lequel, indiquant agir également pour le compte de F______/1______ CORP, de E______ LTD et de E______ HOLDING SA (alors même que ces deux dernières étaient simultanément représentées par Me K______ et que E______ HOLDING n'était apparemment titulaire d'aucun compte auprès de la banque H______), il avait invité l'Office à intervenir auprès de la banque H______ afin que celle-ci accepte de débloquer les avoirs séquestrés sur les comptes dont ces sociétés étaient titulaires dans la mesure où ils excédaient l'assiette du séquestre.


 

Ce message électronique comporte le paragraphe suivant :

"Mes mandantes, tiers-saisies qui sont des filiales de E______ HOLDING à 100%, maintiennent par ailleurs que les fonds saisis font l'objet de procédures en revendication qui suivent leur cours".

i. Par acte adressé le 3 septembre 2021 à la Chambre de surveillance, G______ LTD, représentée par Me J______, a formé une plainte contre une décision rendue le 24 août 2020 par l'Office relative au maintien du séquestre sur l'ensemble des actifs détenus auprès de la banque H______, faisant valoir que la valeur de ces actifs excédait l'assiette des séquestres.

Cette plainte a été admise par décision de la Chambre de céans du 3 décembre 2020 (DCSO/456/2020 dans la cause A/2657/2020).

j. En juin 2021, l'Office a décidé de transférer dans un autre établissement bancaire les actifs séquestrés en mains de la banque H______.

Par courrier du 18 juin 2021, il a transmis à la banque H______ des instructions en ce sens. Ce courrier ayant fait l'objet d'une plainte de la banque, l'Office a reconsidéré sa décision et, par courrier du 14 juillet 2021, émis de nouvelles instructions de transfert. La banque H______ a toutefois derechef contesté cette nouvelle décision par la voie de la plainte de l'art. 17 LP.

Par décision du 3 février 2022 (DCSO/47/2022 dans la cause A/2476/2021), la Chambre de surveillance a annulé la décision de l'Office du 14 juillet 2021 en tant qu'elle mettait à la charge de la banque H______ le choix des actifs devant être placés sous sa garde, invité l'Office à déterminer, conformément aux art. 275 et 95 LP, les actifs séquestrés puis, ceci fait, à compléter les procès-verbaux de séquestre par l'indication des biens séquestrés, de leur estimation ainsi que, le cas échéant, par la mention des actifs libérés, lesdits procès-verbaux complétés, de même que, le cas échéant, la décision relative aux choix des actifs séquestrés, devant être communiquée aux parties intéressées, et enfin, une fois les actifs séquestrés déterminés, à en réclamer la remise à la banque dépositaire.

k. Donnant partiellement suite à cette décision, l'Office a rendu le 19 mai 2022 une décision par laquelle il a déterminé quels actifs déposés auprès de la banque H______ demeureraient séquestrés afin de couvrir l'assiette des séquestres, les autres devant être libérés une fois les actifs séquestrés transférés en mains d'un tiers désigné par l'Office.

Il résulte de la motivation de cette décision (p. 3) qu'elle a été précédée de consultations avec les créanciers séquestrants ainsi qu'avec les représentants de certaines des sociétés formellement titulaires de comptes séquestrés, en particulier G______ LTD, F______/1______ CORP et E______ LTD. Conformément au dispositif de la décision de la Chambre de céans du 3 février 2022, l'Office avait fondé son choix sur les critères prévus par l'art. 95 LP et avait donc, dans la mesure du possible, maintenu les séquestres sur "les actifs les plus liquides et ceux non revendiqués" (p. 4); sur ce dernier point, l'Office a rappelé (p. 4) que G______ LTD avait déjà allégué un droit de propriété sur les actifs déposés sur le compte n° 5______; il n'a en revanche mentionné aucune revendication de la part de F______/1______ CORP sur le compte n° 4______.

Selon la teneur de cette décision, les séquestres devaient être maintenus, notamment, sur des titres déposés sur le compte n° 5______ dont G______ LTD était formellement titulaire ainsi que sur des titres (2'975'000 actions L______ et 84'810 titres M______) déposés sur le compte n° 4______ dont F______/1______ CORP était formellement titulaire.

La décision du 19 mai 2022 a été communiquée à Me J______ en sa qualité de conseil des sociétés G______ LTD et F______/1______ CORP. Elle n'a pas été contestée par la voie d'une plainte.

l. En raison de difficultés techniques liées au transfert en mains d'un tiers désigné par lui d'une partie des titres séquestrés (une partie des titres déposés sur le compte n° 5______ et une partie des titres déposés sur le compte n° 4______), l'Office a finalement renoncé, pour ces titres, à un tel transfert et les a donc laissés en mains de la banque H______.

Après que les autres actifs sur lesquels les séquestres avaient été maintenus eurent été transférés en mains du tiers désigné par l'Office, celui-ci, par courrier du 7 juin 2023, a informé la banque H______ de ce que les séquestres ne portaient plus dorénavant en ses mains que sur certains titres déposés sur le compte n° 5______ et certains titres déposés sur le compte n° 4______ (soit 2'975'000 actions L______), lesdits séquestres étant levés pour le surplus.

m. Par courrier adressé le 23 juin 2023 à l'Office, Me J______, agissant en sa qualité de conseil de F______/1______ CORP, a déclaré "confirmer" "en tant que de besoin" – se référant à son courriel du 29 mai 2020 (cf. let. A.h ci-dessus) – qu'elle revendiquait la propriété de l'intégralité des avoirs séquestrés sur le compte n° 4______ dont elle était formellement titulaire.

n. Par courriers du 24 juillet 2023, l'Office a communiqué aux parties de nouvelles versions des procès-verbaux des séquestres n° 2______ et 3______, réputés annuler et remplacer ceux établis le 20 avril 2020 (cf. let. A.e ci-dessus).

Les revendications formées par G______ LTD et E______ LTD, déjà mentionnées dans les procès-verbaux de séquestre dans leur version au 20 avril 2020, figurent en page 8 des nouvelles versions avec, sous une forme approximative, les rectifications requises par la décision DCSO/455/2020. S'y ajoute la revendication formée "le 23 juin 2023" par F______/1______ CORP sur les actifs déposés sur le compte n° 4______.

En relation avec ces trois revendications, un délai de vingt jours était imparti au débiteur poursuivi ainsi qu'aux créanciers séquestrants pour ouvrir devant le juge compétent une action en contestation de revendication, en application des art. 108 al. 1 et 109 LP.

B. a. Par actes déposés le 28 juillet 2023 au greffe de la Chambre de surveillance, l'Etat de Genève et la Confédération suisse ont formé deux plaintes au sens de l'art. 17 LP (causes n° A/2463/2023 et A/2464/2023) contre les procès-verbaux de séquestre modifiés, concluant à leur annulation, à ce qu'il soit ordonné à l'Office d'établir des procès-verbaux de saisie dans les poursuites n° 7______ et 8______ et à ce qu'il soit constaté que F______/1______ CORP était déchue de son droit de revendiquer les actifs déposés sur le compte n° 4______.

Selon les plaignantes, l'Office ne pouvait, alors que la continuation des poursuites n° 7______ et 8______ avait déjà été requise, établir et communiquer aux parties intéressées un nouveau procès-verbal de séquestre. La revendication formée le 23 juin 2023 par F______/1______ CORP était pour sa part manifestement tardive et abusive, de telle sorte qu'elle ne devait pas être prise en considération.

b. Par ordonnance du 2 août 2023, la Chambre de surveillance a octroyé l'effet suspensif aux plaintes et a joint les causes sous n° A/2464/2023.

c. Dans ses observations du 5 septembre 2023, l'Office a conclu au rejet des plaintes. Selon lui, les plaignantes devaient s'attendre à ce que F______/1______ CORP, qui faisait partie du même groupe de sociétés que G______ LTD, revendique elle aussi les actifs déposés sur le compte dont elle était la titulaire formelle. Dans la mesure où le procès-verbal de séquestre ne lui avait pas encore été notifié lors de la revendication, un retard ne pouvait lui être reproché.

Par ailleurs, au vu des nombreuses décisions de la Chambre de céans annulant partiellement les ordonnances de séquestre établies le 20 avril 2020, des circonstances nouvelles apparues depuis lors et du fait que les délais pour ouvrir action en contestation de revendication n'avaient toujours pas été impartis, il lui était "apparu raisonnable" de "ne pas considérer" les procès-verbaux dans leur première version.

d. Par détermination du 31 août 2023, F______/1______ CORP a conclu au rejet des plaintes.

Selon elle, sa revendication ne pouvait être considérée comme tardive : elle était intervenue une première fois dans le cadre de celle formée par sa société mère E______ HOLDING SA le 2 octobre 2019, puis par courriel de son conseil du 29 mai 2020, puis enfin par courrier du 23 juin 2023, avant l'établissement des procès-verbaux de séquestre modifiés. Même si seule cette dernière revendication devait être considérée, elle n'entraînerait aucun retard dans la distribution des deniers compte tenu des autres procédures en contestation de revendication devant être introduites par les plaignantes. Il ne pouvait enfin lui être reproché d'avoir tardé malicieusement ou par négligence grossière.

e. Par détermination du 31 août 2023, G______ LTD, toujours représentée par le même conseil que F______/1______ CORP, a elle aussi conclu au rejet des plaintes.

f. E______ LTD et E______ HOLDING SA en ont fait de même par détermination du 30 août 2023.

g. La banque H______ s'en est pour sa part rapportée à justice par courrier du 31 août 2023.

h. La cause a été gardée à juger le 11 octobre 2023.

EN DROIT

1. 1.1 Déposées en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par des parties lésées dans leurs intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), les plaintes sont recevables.

1.2 L'autorité de surveillance constate les faits d'office, apprécie librement les preuves et ne peut, sous réserve de l'art. 22 LP, aller au-delà des conclusions des parties (art. 20a al. 2 ch. 2 et 3 LP). Celles-ci ont néanmoins une obligation de collaborer (art. 20a al. 2 ch. 2 2ème phrase LP), qui implique en particulier qu'elles décrivent l'état de fait auquel elles se réfèrent et produisent les moyens de preuve dont elles disposent (ATF 112 III 79 consid. 2).

2. Les plaignantes considèrent qu'en lieu et place de nouvelles versions des procès-verbaux de séquestres, l'Office aurait dû établir des procès-verbaux de saisie.

2.1 Selon l'art. 276 al. 1 LP, il est dressé un procès-verbal de séquestre "au pied de l'ordonnance de séquestre". Ce procès-verbal doit notamment contenir la désignation des objets séquestrés et l'estimation de leur valeur.

Doivent également être mentionnés dans le procès-verbal de séquestre les opérations entreprises par l'office en vue de l'exécution du séquestre ainsi que les événements survenus postérieurement. Seront ainsi mentionnées les date et heure d'envoi des avis aux tiers débiteurs (art. 99 LP), les réponses reçues de ces derniers, les démarches effectuées par l'office en vue de la détermination des actifs sur lesquels le séquestre a porté, les revendications reçues, la détermination des parties à leur sujet et l'ouverture des délais des art. 107 et 108 LP, le refus de renseigner de certains tiers séquestrés, les raisons pour lesquelles un séquestre n'a pu être exécuté, etc.. Dans la mesure où ces éléments ne peuvent être connus rapidement de l'office, celui-ci doit établir et adresser aux parties, dans un premier temps, un procès-verbal de séquestre comprenant les premières mesures d'exécution et leur résultat. Cette version sera ensuite complétée au fur et à mesure des développements de la situation, et en particulier des déterminations des tiers séquestrés ainsi que des mesures prises par l'office (Ochsner, Exécution du séquestre, in JdT 2006 II pp. 77 ss., 115-117).

2.2 En l'occurrence, les procès-verbaux de séquestres du 20 avril 2020 ne peuvent être considérés comme définitifs, ne serait-ce que parce que les actifs sur lesquels les séquestres avaient effectivement porté – par opposition à ceux mentionnés dans les ordonnances de séquestres – n'y sont ni décrits ni estimés. Lesdits procès-verbaux initiaux étaient donc d'emblée appelés à être complétés et modifiés par la suite, de manière à prendre en considération les éléments d'information portés à la connaissance de l'Office par les tiers séquestrés après que le séquestre fut devenu définitif, les demandes des parties intéressées, les mesures de l'Office et les décisions de la Chambre de céans.

Contrairement à ce que paraissent considérer les plaignantes – et à ce que la formulation "annule et remplace" utilisée par l'Office pourrait laisser croire – les procès-verbaux de séquestre communiqués le 24 juillet 2023 ne sont donc pas nouveaux : il ne s'agit en réalité que d'une version des procès-verbaux initiaux complétée et modifiée pour tenir compte des nombreux développements intervenus entre avril 2020 et juillet 2023. Il est certes regrettable que, en violation des instructions de la Chambre de céans, l'Office ait tardé à mettre à jour le procès-verbal de séquestre, avec pour conséquence notable que, pendant cette période, aucun document ne donnait une image synthétique et actuelle sur la procédure d'exécution du séquestre; il n'en reste pas moins que l'établissement d'un procès-verbal final comportant, conformément à l'art. 276 al. 1 LP, une description précise des actifs séquestrés, l'indication de leur valeur estimée ainsi que, dans le cas d'espèce, les droits préférentiels invoqués et les délais fixés pour les faire valoir ou les contester, est indispensable.

La plainte doit donc être rejetée sur ce point.

3. 3.1 La procédure en revendication prévue aux art. 106 ss LP vise à déterminer les droits des tiers sur les objets saisis (ATF 119 III 22 consid. 4).

Aux termes de l'art. 106 LP, lorsqu'il est allégué qu'un tiers a sur le bien saisi un droit de propriété, de gage ou un autre droit qui s'oppose à la saisie ou qui doit être pris en considération dans la suite de la procédure d'exécution, l'office des poursuites mentionne la prétention du tiers dans le procès-verbal de saisie ou en informe les parties si la communication du procès-verbal a déjà eu lieu (al. 1). Le tiers peut annoncer sa prétention tant que le produit de la réalisation du bien saisi n'est pas distribué (al. 2). 

Une annonce valable est donc une condition préalable à l'ouverture par l'office des poursuites d'une procédure en revendication; le cas échéant, celui-ci peut y être contraint au moyen d'une plainte (art. 17LP; ATF 136 III 437 consid. 4.2). La déclaration de revendication, qui peut émaner du débiteur ou d'un tiers, n'est soumise à aucune forme. Elle doit désigner de manière précise la poursuite concernée, l'identité du revendiquant, l'élément patrimonial sur lequel elle porte et le droit invoqué (ATF 116 III 82 consid. 3; Staehelin/Strub, in BSK SchKG I, 3ème édition, N 20 ad art. 106 LP)

La LP ne fixe aucun délai pour former la déclaration de revendication des biens saisis ou séquestrés (art. 106 à 109 et 275 LP). Selon une jurisprudence constante, la déclaration en question peut ainsi intervenir, en principe, dès le moment où l'intéressé a eu connaissance de l'exécution valide de la saisie ou du séquestre jusqu'à la distribution des deniers (art. 106 al. 2 LP). Toutefois, une annonce tardive par le tiers de ses prétentions pouvant compromettre les droits du créancier - qui aura soit accompli des actes ou engagé des frais inutilement, soit perdu l'occasion d'obtenir d'autres actes d'exécution pour la couverture de sa créance -, la déclaration de revendication doit être opérée dans un délai bref et approprié aux circonstances, le tiers étant déchu de son droit s'il tarde malicieusement à la faire ou s'il commet une négligence grossière (ATF 120 III 123 consid. 2a et les références; arrêts 5C.209/2006 du 31 janvier 2007 consid. 4.1; 7B.190/2004 du 19 novembre 2004 consid. 4; 7B.18/2004 du 7 avril 2004 consid. 2.1). Une déclaration de revendication différée de plus de cinq mois doit en règle générale être considérée comme tardive (ATF 106 III 57 consid. 2; 104 III 42 consid. 5). En principe, le tiers revendiquant ne peut pas se voir opposer les informations dont disposait son représentant, à moins qu'il ait expressément chargé quelqu'un de sauvegarder ses intérêts et refuse tous rapports directs (ATF 114 III 92 consid. 1b; 106 III 57 consid. 3).

3.2.1 Dans le cas d'espèce, il n'est pas contesté que le courrier adressé le 23 juin 2023 par le conseil de F______/1______ CORP à l'Office constitue une déclaration de revendication valable en la forme, portant sur les actifs déposés sur le compte n° 4______. Avant d'examiner si cette déclaration est ou non tardive, il convient de déterminer si, comme le soutiennent F______/1______ CORP, G______ LTD, E______ LTD et E______ HOLDING SA, une telle déclaration aurait déjà été émise auparavant.

Ces sociétés font en premier lieu valoir que la déclaration de revendication adressée le 2 octobre 2019 à l'Office par E______ HOLDING SA, société mère de F______/1______ CORP, aurait également visé les actifs déposés au nom de celle-ci sur le compte n° 4______. La simple lecture dudit courrier de revendication démontre toutefois qu'il n'en est rien dès lors que F______/1______ CORP n'y est pas mentionnée et que les conclusions qui y sont prises (page 6) portent expressément sur un compte (initialement séquestré) dont E______ HOLDING SA était titulaire auprès d'une autre banque.

F______/1______ CORP soutient ensuite que le courriel que son conseil a adressé le 29 mai 2020 à l'Office vaudrait déclaration de revendication. La seule mention d'une revendication figurant dans ce courriel – dont l'essentiel est consacré à un autre sujet – réside dans une phrase selon laquelle les sociétés G______ LTD, F______/1______ CORP et E______ LTD seraient toutes des filiales de E______ HOLDING SA et que "les fonds saisis font l'objet de procédures en revendication qui suivent leur cours". Or une telle formulation ne pouvait être comprise par l'Office comme une déclaration de revendication sur le compte n° 4______, lequel n'est même pas mentionné, ce d'autant moins de la part d'un mandataire professionnel qui, dans un précédent courrier du 11 juin 2019, avait revendiqué de manière parfaitement claire le compte n° 5______ pour son autre mandante.

Aucune déclaration de revendication valable sur le compte n° 4______ avant celle du 23 juin 2023 ne résulte donc du dossier.

3.2.2 Il résulte du courriel de Me J______ du 29 mai 2020 que celui-ci s'est vu confier, au plus tard à cette date, le mandat de défendre les intérêts de F______/1______ CORP dans le cadre des séquestres litigieux. Cette dernière doit donc se voir imputer, à compter de cette date également, une connaissance des procédures d'exécution des séquestres semblable à celle de l'autre mandante de Me J______, G______ LTD. Cette connaissance portait notamment sur les ordonnances et procès-verbaux de séquestre, communiqués à Me J______ dans le cadre de la procédure de plainte A/9______/2020 : F______/1______ CORP était donc, à compter du 29 mai 2020, en mesure de former une déclaration de revendication.

Le fait qu'elle s'en soit abstenue jusqu'au 23 juin 2023 ne peut s'expliquer autrement que par une négligence grossière ou, plus vraisemblablement, par une intention malicieuse.

On comprend mal ainsi que le conseil de F______/1______ CORP, ayant déjà formé une revendication pour le compte de son autre cliente G______ LTD et ayant pris connaissance au plus tard à l'été 2020 des procès-verbaux de séquestres du 20 avril 2020 – lesquels ne mentionnaient aucune revendication de la part de F______/1______ CORP sur le compte n° 4______ – n'ait pas immédiatement, pour le compte de sa nouvelle cliente, informé l'Office d'une telle revendication.

La notification en décembre 2020 de la décision DCSO/455/2020 (cf. let. A.f ci-dessus), ordonnant la rectification des procès-verbaux de séquestre sur des points relatifs aux revendications, aurait pu et dû constituer une nouvelle occasion pour F______/1______ CORP d'annoncer ses droits prétendus.

Mais surtout, F______/1______ CORP, par l'entremise de son conseil, a participé aux discussions ayant précédé la décision de l'Office du 19 mai 2022, par laquelle celui-ci a sélectionné les actifs devant demeurer séquestrés. Or cette décision, communiquée au conseil commun de F______/1______ CORP et de G______ LTD, mentionne expressément que l'Office maintiendra en priorité le séquestre sur des actifs non revendiqués et, dans ce contexte, fait état de la revendication de G______ LTD mais non d'une quelconque revendication de la part de F______/1______ CORP : celle-ci ne pouvait donc ignorer à cette date que, pour l'Office, les actifs déposés sur le compte n° 4______ n'avaient fait l'objet d'aucune revendication.

Ce n'est toutefois qu'après que la décision du 19 mai 2022 ait pu être mise en œuvre, au début de l'année 2023, et que l'Office, par courrier du 7 juin 2023, eut définitivement levé le séquestre sur les autres actifs initialement séquestrés – et qu'il ne soit donc plus possible de revenir en arrière – que F______/1______ CORP s'est décidée à revendiquer les actifs déposés sur le compte n° 4______.

Ces motifs auraient dû conduire l'Office à écarter la revendication de F______/1______ CORP en raison de sa tardiveté. La plainte doit donc être admise sur ce point.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevables les plaintes formées le 28 juillet 2023 par l'Etat de Genève et la Confédération suisse contre les procès-verbaux de séquestre n° 2______ et 3______ communiqués le 24 juillet 2023.

Au fond :

L'admet partiellement.

Dit que la revendication formée le 23 juin 2023 par F______/1______ CORP est tardive.

Ordonne en conséquence à l'Office cantonal des poursuites de modifier les procès-verbaux de séquestres litigieux en ce sens que la revendication de F______/1______ CORP n'est pas prise en considération.

Rejette la plainte pour le surplus.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs ; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 


 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.