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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2448/2023

DCSO/127/2024 du 28.03.2024 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2448/2023-CS DCSO/127/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 28 MARS 2024

 

Plainte 17 LP (A/2448/2023-CS) formée en date du 25 juillet 2023 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 8 avril 2024
à :

-       A______

______

______ [GE].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ fait l'objet de plusieurs poursuites.

b. Six d'entre elles, émanant toutes de l'ETAT DE GENEVE, pour un total dû de 8'150 fr., parvenues au stade de la saisie, ont participé à la série n° 1______. La saisie exécutée dans cette série portait sur le salaire du débiteur et était prévue de 29 août 2022 au 29 août 2023. L'Office a imposé en dernier lieu une retenue mensuelle à son employeur de toute somme supérieure à 3'256 fr. versée à titre de salaires, primes, gratifications ou treizième salaire du 11 novembre 2022 au 29 août 2023.

c. La quotité saisissable des revenus du débiteur a été calculée sur la base des éléments suivants :

c.a A______ perçoit un salaire mensuel net de 3'551 fr. 85 d'un emploi à 80 % auprès de la B______.

c.b L'Office a retenu des charges incompressibles mensuelles pour un total de 3'255 fr. 60 composées du montant de base d'entretien pour une personne vivant seule (1'200 fr.), des frais de repas pris à l'extérieur (193 fr. 60), des frais de transport (70 fr.) et du loyer (1'792 fr.). Les primes d'assurance-maladie n'étant pas payées, elles n'ont pas été retenues. La quotité saisissable du débiteur a ainsi été déterminée à 296 fr. 25 par mois (3'551 fr. 85 – 3'255 fr. 60) et à tout autre montant dépassant le minimum vital mensuel de 3'255 fr. 60.

d. A______ a informé le ______ 2023 l'Office d'un changement de sa situation consistant dans la naissance, le jour-même d'un enfant, C______, avec les frais et charges que cela impliquait. Il s'étonnait par ailleurs que la saisie ait également porté sur la prime de 1'035 fr. 25 versée en janvier 2023 par son employeur, l'ETAT DE GENEVE, pour compenser l'augmentation du coût de la vie en 2022.

e. L'Office a répondu qu'il n'était pas en mesure de restituer la prime de compensation de l'augmentation du coût de la vie et demandé divers renseignements complémentaires (acte de naissance de l'enfant, sa prime d'assurance-maladie et la preuve de son paiement ainsi qu'un document officiel attestant de l'attribution de la garde de l'enfant).

f. A______ a peu à peu réuni les documents requis et finalement remis, le 1er juin 2023, une convention sous seing privé conclue avec la mère de l'enfant – dont il était séparé – à teneur de laquelle ils pratiquaient la garde alternée de l'enfant une semaine sur deux et partageaient ses frais par moitié.

g. L'Office a informé le 9 juin 2023 A______ qu'il ne pouvait accepter ce dernier document, seul une décision d'un organisme étatique faisant foi.

h. N'ayant pas reçu une telle décision, l'Office a émis, le 13 juillet 2023, un nouveau procès-verbal de saisie dans la série n° 1______ intégrant les charges nouvelles justifiées par la naissance de l'enfant et documentées, ainsi que d'autres modifications intervenues.

L'Office a ainsi retenu que A______ prenait en charge l'enfant trois jours par semaines dans le cadre d'un droit de visite, pour lequel il a consenti des frais d'entretien de l'enfant de 160 fr. par mois. Il a réduit les frais de logement à 1'192 fr. par mois, une tierce personne logeant avec le débiteur et participant au loyer de 1'792 fr. à hauteur de 600 fr. Il a finalement retenu la moitié de la prime d'assurance-maladie de l'enfant en 59 fr. 75. Il parvenait désormais à un total de charges incompressibles de 2'875 fr. 35 (1'200 fr. de montant de base d'entretien, 160 fr. d'entretien de l'enfant, 1'192 fr. de frais de logement, 59 fr. 75 d'assurance-maladie de l'enfant, 70 fr. de frais de transport). Le montant saisissable des ressources du débiteur a par conséquent été déterminé à toute somme supérieure à 2'876 fr. par mois pour la fin de la période de saisie, du 13 juillet au 29 août 2023.

h. L'Office a tenté de notifier ce procès-verbal de modification de la saisie au débiteur à l'adresse dont il disposait. Le pli recommandé lui a toutefois été retourné par LA POSTE avec la mention non-réclamé.

B. a. Par acte expédié le 25 juillet 2023, A______ a néanmoins formé une plainte contre le procès-verbal de saisie du 13 juillet 2023.

Il souhaitait que la notion de garde partagée soit retenue et non pas un droit de visite de trois jours par semaine pour calculer le son minimum vital. Il demandait également que les frais d'installation de l'enfant chez lui soient "remboursés" sur la saisie (matelas, lit, couverture, poussette trio, biberons, chauffe-lait, etc.). A cet égard, il mentionnait à nouveau la restitution de la prime versée en janvier 2023 par son employeur pour compenser l'augmentation du coût de la vie. Finalement, il annonçait son déménagement en août 2022 et souhaitait que le calcul de son minimum vital tienne compte de son nouveau loyer.

b. A______ a communiqué le 14 août 2023 à l'Office les documents relatifs à son nouveau logement dont le loyer était de 2'088 fr.

L'Office a également enquêté, début septembre 2023, auprès de la mère de l'enfant C______, pour obtenir confirmation du régime de garde instauré par les parents.

c. Dans ses observations du 11 septembre 2023, l'Office a annoncé qu'il avait modifié le procès-verbal entrepris le jour-même, tenant compte de la garde alternée de l'enfant C______ et du nouveau loyer annoncé par le débiteur, de sorte que la plainte devenait sans objet sur ces points.

S'agissant des frais liés à la naissance de l'enfant, l'Office a exposé avoir déjà restitué au plaignant la prime de naissance touchée de son employeur, de sorte qu'il ne se justifiait pas de libérer encore la prime destinée à compenser le renchérissement ou de rembourser d'autres frais sur présentation des factures.

En définitive, l'Office a fixé le minimum vital du débiteur à 3'811 fr. 35, comprenant le montant de base mensuel pour un débiteur vivant seul (1'200 fr.), la moitié du montant de base pour un enfant de moins de 10 ans en garde alternée (200 fr.), les frais de logement (2'088 fr.), les frais de repas à l'extérieur (193 fr.) 60, les frais de transport (70 fr.) et la moitié de la prime d'assurance-maladie de l'enfant (59 fr. 75).

L'Office précisait que, bien que la saisie dans la série n° 1______ s'achevait le 29 août 2023, la plainte conservait un intérêt puisqu'une nouvelle saisie prenait immédiatement le relai, dans le cadre d'une autre série.

d. Les parties ont été informée par avis du 27 septembre 2023 de la Chambre de surveillance que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. En cas de plainte, l'office peut procéder à un nouvel examen de la décision attaquée et la modifier jusqu’à l’envoi à l'autorité de surveillance de sa réponse à la plainte; si l'office prend une nouvelle mesure, il la notifie sans délai aux parties et en donne connaissance à l’autorité de surveillance (art. 17 al. 4 LP).

Si l'Office a reconsidéré sa décision alors qu'une plainte était pendante, l'autorité de surveillance déclarera la plainte sans objet si le plaignant a obtenu le plein des conclusions formulées dans la plainte par la nouvelle décision de l'Office. Si tel n'est pas le cas, l'autorité de surveillance reste saisie dans la mesure où le plaignant n'a pas obtenu satisfaction par la nouvelle décision de l'Office
(ATF 126 III 85, SJ 2000 I 449; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 60, 61, 64 à 66 ad art. 17 LP).

En l'espèce, l'Office a fait partiellement droit à la plainte en admettant l'existence d'une garde alternée et en tenant compte du nouveau loyer du plaignant. Elle est par conséquent devenue dans objet sur ces deux points.

En revanche, l'Office a refusé de libérer la prime allouée au plaignant par son employeur pour compenser le renchérissement en 2022 et de rembourser les achats du débiteur occasionné par la naissance de son enfant, de sorte que la plainte garde un objet à cet égard.

3. 3.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, les menace dans leur vie ou leur santé ou leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2; 108 III 60 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2018 consid. 3.1).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; ATF 112 III 79 consid. 2) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (ci-après conférence des préposés; BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises :
RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

3.1.2 La notion de "salaire" saisissable doit être prise dans son acception large et comprend non seulement le salaire mensuel de base mais également le treizième salaire, les gratifications et les primes (OCHSNER, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 20 ad art. 93 LP).

3.1.3 Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge, les soins corporels, l'entretien du logement, les frais culturels, la téléphonie et la connectivité, l'éclairage, l'électricité, le gaz, les assurances privées, etc. (art. I NI; OCHSNER, Le minimum vital, op. cit., p. 128). La base mensuelle d'entretien est fixée sous forme de forfaits attribués au débiteur et aux membres de sa famille en fonction de la composition du groupe familial. Pour un débiteur vivant seul il s'élève à 1'200 fr., pour un débiteur monoparental à 1'350 fr., pour un couple marié, deux personnes vivant en partenariat enregistré ou un couple avec enfants à 1'700 fr., pour les enfants, par enfant, à 400 fr. jusqu'à l'âge de 10 ans et 600 fr. après 10 ans (art. 1 NI), sous déduction des allocations familiales (Ochsner, Le minimum vital, op. cit., p. 132).

3.1.4 D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI), les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI), les contributions d'entretien dues en vertu de la loi (art. II.5 NI) ou les frais de formation des enfants (art. II.6 NI), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (OCHSNER, Commentaire Romand, op. cit., n° 82 ad art. 93 LP). Les impôts ne sont pas pris en compte dans le calcul du minimum vital (art. III NI et jurisprudence citée).

3.2.1 En l'espèce, la prime versée par son employeur au débiteur pour compenser le renchérissement correspondant à du salaire au sens de l'art. 93 LP. Elle est saisissable et le plaignant ne développe aucune argumentation permettant de soutenir le contraire.

3.2.2 Par ailleurs, l'Office ayant déjà laissé à la libre disposition du débiteur l'indemnité de naissance versée par son employeur – dont le montant n'est certes pas allégué mais certainement suffisant pour affronter les premiers frais liés à la prise en charge d'un enfant – le plaignant ne justifie pas de frais supplémentaires indispensables qui ne seraient pas couverts, étant précisé que les besoins courants de l'enfant sont couverts par le montant de base alloué pour ce dernier. La plainte n'est par conséquent pas fondée non plus en tant qu'elle vise à ce que l'Office libère des fonds saisis pour des frais liés à la naissance de l'enfant du débiteur et sa prise en charge dans le cadre d'une garde alternée.

3.3 En conclusion, la plainte est rejetée dans la mesure où elle avait encore un objet.

4. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 25 juillet 2023 par A______ contre le procès-verbal de saisie du 13 juillet 2023 dans le cadre de la série n° 1______.

Au fond :

La rejette dans la mesure où elle a encore un objet.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs ; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.