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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1515/2007

DCSO/274/2007 du 14.06.2007 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : Concordat par abandon d'actif. Inventaire. Cession des droits de la masse. Récusation.
Normes : LP.5; LP.221; LP.260; LP. 299.1; LP.325
Résumé : La seule hypothèse reconnue par la jurisprudence permettant à l'Office de refuser d'inventorier un droit est l'incessibilité manifeste, absolument patente dudit droit. Une prétention en responsabilité pour les actes relevant des organes visés par l'art. 5 LP ne constitue pas un droit de la masse susceptible d'être cédé conformément à l'art. 260 LP. Les liquidateurs d'un concordat par abandon d'actif sont soumis à l'art. 10 LP (récusation).
En fait
En droit

 

DÉCISION

DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

DES OFFICES DES POURSUITES ET DES FAILLITES

SIÉGEANT EN SECTION

DU JEUDI 14 JUIN 2007

Cause A/1515/2007, plainte 17 LP formée le 13 avril 2007 par M. A______, élisant domicile en l’étude de Me Vincent JEANNERET, avocat, à Genève.

 

Décision communiquée à :

- M. A______

domicile élu : Etude de Me Vincent JEANNERET, avocat
15bis, rue des Alpes
Case postale 2088
1211 Genève 1

- la société A______ SA Générale d’Entreprises en liquidation concordataire, soit pour elle ses liquidateurs M. B______ et M. K______

domicile élu : Etude de Me Bernard ZIEGLER, avocat
14, Cours des Bastions
Case postale 401
1211 Genève 12


 

EN FAIT

A.a. M. A______ a exploité une entreprise individuelle active notamment dans le génie civil et le bâtiment, qu’il a transformée, en juin 1989, en société anonyme sous la raison sociale A______ SA Générale d’Entreprises, dont il est devenu l’administrateur unique avec signature individuelle. Le capital social, entièrement libéré, de 5'000'000 fr. était divisé en 50'000 actions nominatives d’une valeur de 100 fr. chacune. Dès 1990, l’intégralité du capital-actions de la société A______ SA (ci-après : société A______ SA) a été détenue par le groupe H______ SA (ci-après : H______ SA), créée en 1990, actuellement en liquidation concordataire, dont le conseil d’administration était constitué de M. A______, M. B______, M. F______ et M. R______.

A.b. La société fiduciaire R______ SA (ci-après : fiduciaire R______ SA), nommée comme organe de révision de la société A______ SA par décision de l’assemblée générale extraordinaire du 4 juin 1992, a assuré la révision des comptes des exercices comptables dès 1991. Elle a parallèlement été en charge de la révision des comptes d’autres sociétés du groupe H______ SA ou de certaines filiales de la société A______ SA.

B.a. Le 23 avril 1997, le conseil d’administration de H______ SA a chargé la société S______ SA (ci-après : S______ SA) « d’établir un diagnostic organisationnel et fonctionnel de l’ensemble du groupe, afin d’identifier ses forces et ses faiblesses, de même que des actions à entreprendre pour renforcer sa position dans son marché ». M. B______, associé de S______ SA, ingénieur et responsable du conseil d’entreprise pour la Suisse romande, a été responsable de l’exécution du mandat.

Par l’intermédiaire de M. B______, un rapprochement du groupe H______ SA a été envisagé avec la société Z______ SA, dans le cadre défini par une lettre d’intention du 14 juillet 1997 qui a prévu un assainissement préalable des sociétés à apporter à la « joint venture » à créer.

Le mandat initial de S______ SA s’est achevé par le dépôt, le 26 août 1997, d’un diagnostic du groupe H______ SA et d’un projet d’assainissement, établi à la date du 15 septembre 1997, qui constatait que le groupe n’avait pas de viabilité assurée à court et à moyen terme sans la mise en place d’un plan d'assainissement drastique couvrant tous les domaines d’activité (immobilier, production et entreprise générale) et intégrant non seulement les diverses sociétés du groupe, mais également les partenaires bancaires, dès lors que, sans un effort substantiel de ces derniers, les diverses sociétés en situation de surendettement au 31 décembre 1996, dont la société A______ SA, devraient déposer le bilan.

Dans son rapport daté du 8 septembre 1997, S______ SA a également relevé que la société A______ SA était surendettée et tombait sous le coup de l’art. 725 al. 2 CO. Le conseil d’administration, en accord avec S______ SA, a toutefois renoncé à aviser le juge du surendettement, eu égard aux restructurations en cours et à la perspective d’un rapprochement avec la société Z______ SA. L’intervention de S______ SA et la solution industrielle que les représentants de S______ SA devaient réaliser constituaient une mesure d’assainissement suffisante.

C’est ainsi que sur la base du projet d’assainissement établi par S______ SA et de la lettre d’intention du 14 juillet 1997, le conseil d’administration de H______ SA a poursuivi les négociations, durant le second semestre 1997 et le début de l’année 1998, avec Z______ SA et les établissements bancaires, qui avaient accepté les principes d’assainissement préconisés par S______ SA.

Entre le 15 décembre 1997 et le 15 janvier 1998, S______ SA a établi un business plan 1997-2000. Un état provisoire et intermédiaire relatif à l’exercice 1997 a mis en évidence une aggravation de la situation. Selon le business plan, les besoins de trésorerie de H______ SA étaient alors de l’ordre de 18'000'000 fr.

Z______ SA n’a plus entendu poursuivre les discussions dans l’esprit de la lettre d’intention et a proposé, le 25 février 1998, une solution qui impliquait un nouvel effort substantiel de la part des banques, qui n’ont toutefois pas souhaité s’engager davantage. Toutes négociations relatives au « joint venture » avec Z______ SA ont été interrompues le 11 mars 1998.

Constatant l’échec des négociations avec Z______ SA, le conseil d’administration de H______ SA a décidé, lors d’une séance tenue le 12 mars 1998, de déposer une requête de sursis concordataire pour toutes les sociétés du groupe, à l’exception de A______ SA et I______ SA. Lors de la même séance, M. B______ avait notamment indiqué que le dividende en cas de sursis concordataire pouvait être estimé entre 15 % et 20 %, tandis qu’en cas de faillite, il se situerait entre 0 % et 5 % sur un total de créances d’environ 70'000'000 fr.

S______ SA a facturé des honoraires de 453'052 fr. 75 pour la période allant de sa mise en œuvre à la demande de sursis concordataire. Dans le cadre du concordat par abandon d’actif de A______ SA (cf. let. B.b. ci-dessous), S______ SA a produit une créance de 170'551 fr. 25, qui a été admise, en troisième classe et à due concurrence, à l’état de collocation dressé le 23 février 2001 (collocation n° 180).

En 1999, suite à une fusion selon l’art. 748 aCO, P______ SA a repris les actifs et passifs de S______ SA par succession universelle.

B.b. Par requête du 16 mars 1998, le conseil d’administration a avisé le juge de l’état de surendettement de A______ SA et a sollicité l’octroi d’un sursis concordataire en vue de l’établissement d’un concordat par abandon d’actif. Il a proposé que M. B______ et M. K______ deviennent commissaires au sursis.

Le 20 mars 1998, le Tribunal de première instance a donné suite à la requête de A______ SA, lui a accordé un sursis concordataire jusqu'au 18 septembre 1998 pour proposer un concordat par abandon d’actif et a désigné M. B______ et M. K______ en qualité de commissaires au sursis.

La durée du sursis a été prolongée jusqu’au 18 février 1999 par jugement du Tribunal de première instance du 8 octobre 1998, qui a confirmé M. B______ et M. K______ dans leurs fonctions.

Le 14 décembre 1998, la majorité des créanciers a adhéré au projet de concordat par abandon d’actif et à la proposition de désigner M. B______ et M. K______ aux fonctions de liquidateurs, ainsi que M. O______, M. P______ et M. R______, en qualité de membres de la commission des créanciers ; M. O______ et M. P______ présenteront leur démission par la suite.

Par jugement du 22 juin 1999, le Tribunal de première instance a homologué le concordat par abandon d’actif de A______ SA, a arrêté le cours des intérêts au 20 mars 1998 et a nommé M. B______ et M. K______ aux fonctions de liquidateurs ; M. A______ est demeuré administrateur, sans signature. Le Tribunal a désigné les membres de la commission des créanciers.

Les liquidateurs ont dressé l’état de collocation de A______ SA le 23 février 2001 ; M. A______ y est inscrit en troisième classe pour une créance de 436'211 fr. 66.

C.a. Alors que le principe d’une expertise contradictoire portant sur les exercices comptables 1993 à 1998 avait été admis lors d’une réunion du 25 mai 2000 entre la commission des créanciers et les liquidateurs, ces derniers, en accord avec la commission des créanciers, ont, le 27 septembre 2000, mandaté la fiduciaire E______ pour déterminer le moment du surendettement de A______ SA et établir son évolution, en limitant cependant la mission au 31 décembre 1996, voire jusqu’au 31 décembre 1997.

Le 17 juin 2002, la fiduciaire E______ a rendu un rapport intitulé « A______ SA, synthèse de la fiduciaire E______ pour les éléments essentiels de l’expertise juin 2002 », après avoir déposé, le 18 janvier 2002, un rapport intermédiaire sous forme de questions aux organes de A______ SA.

Le rapport du 17 juin 2002 conclut que, sur la base des comptes 1994 à nouveau déficitaires et du budget 1995, certes équilibré, mais ne produisant pas un cash flow suffisant pour combler le déficit de trésorerie creusé les années précédentes, il eût fallu, au printemps 1995, procéder à un assainissement avec une augmentation suffisante des fonds propres ou établir un bilan aux valeurs de liquidation et prendre les mesures prévues par l’art. 725 CO. Il a relevé que s’il existait, selon les organes, une disposition de l’actionnaire à assurer le financement minimum nécessaire à la continuation de l’exploitation, elle ne s’était pas concrétisée de façon suffisante pour A______ SA.

Au 31 décembre 2002, les liquidateurs ont inscrit au bilan de A______ SA une prétention de 15'748'000 fr. contre les organes de A______ SA, correspondant à l’aggravation du surendettement de la société entre le 31 décembre 1994 et le 31 décembre 1996.

C.b. Par acte déposé en vue de conciliation le 26 mars 2004, A______ SA a formé contre M. A______ et S______ SA une demande en paiement de 15'748'000 fr., plus intérêts à 5% dès le 1er janvier 1996.

A______ SA a allégué s’être trouvée dès l’hiver 1994 / 1995 dans un état de surendettement « absolument catastrophique » puisqu’il s’élevait déjà à 157'000 fr. au 31 décembre 1994 alors même que la totalité des réserves latentes avait été dissoute lors de l’exercice précédent, de sorte que le bilan aurait dû être déposé au printemps 1995. Pour calculer le dommage, A______ SA a pris la différence entre les fonds propres publiés au passif des bilans révisés en 1994 et en 1996, corrigés selon le rapport de la fiduciaire E______ du 17 juin 2002 au titre de surévaluations (fonds propres retraités: 157'000 fr. au 31.12.1994 et 14'405'000 fr. au 31.12.1996), à laquelle elle a ajouté les « délimitations » (valeur des travaux en cours) de 1'500'000 fr. pour les besoins du bouclement de l’exercice 1996, selon une note personnelle et confidentielle du 31 mars 1997 de M. G______, directeur financier de A______ SA, rédigée à l’attention de M. A______.

Par assignations du 21 octobre 2004, M. A______ et S______ SA ont appelé en cause M. G______, prétendant à ce qu’il les relève de toutes sommes qu’ils pourraient être condamnés à payer à A______ SA.

Statuant sans mesures probatoires, le Tribunal de première instance, selon jugement du 7 septembre 2005, a débouté A______ SA de ses conclusions (ch. 4), la condamnant aux dépens de l’instance, comprenant des indemnités de procédure de 200'000 fr. à titre de participation aux honoraires des avocats respectifs de M. A______ et de S______ SA (ch. 5) et déboutant les parties de toutes autres conclusions (ch. 6). Sur appels en cause, après avoir ordonné la jonction des procédures à la demande principale, le Tribunal les a déclarés irrecevables (ch. 1), a condamné solidairement M. A______ et S______ SA aux dépens, dont une unique indemnité de 200'000 fr. à titre de participation aux honoraires de l’avocat de M. G______ (ch. 2) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3).

Par arrêt du 11 mai 2007, la Cour de justice a annulé les chiffres 1, 2 et 3 du jugement du Tribunal de première instance du 7 septembre 2005, a admis les appels en cause de M. G______ formés par M. A______ et S______ SA, les a déclaré sans objet, condamné A______ SA aux dépens des appels en cause, comprenant une indemnité de procédure de 5'400 fr. en faveur de l’avocat de M. G______, confirmé le jugement du Tribunal de première instance dans les chiffres 4, 5 et 6 de son dispositif et condamné A______ SA aux dépens de l’appel principal et des appels incidents, qui comprennent des indemnités de procédure de 50'000 fr. à titre de participation aux honoraires des avocats respectifs de M. A______ et de S______ SA et de 4'000 fr. à titre de participation aux honoraires de l’avocat de M. G______. Dans des observations déposées dans une cause parallèle (A/2001/2007 ; cf. let. D.f. ci-dessous), A______ SA a indiqué qu’elle n’entendait pas recourir au Tribunal fédéral contre l’arrêt de la Cour de justice précité.

C.c. Antérieurement, par une écriture commune du 11 juin 2003, M. A______ et S______ SA avaient formé auprès de la Commission de céans une dénonciation à l’encontre de M. B______ et M. K______.

Ils y ont allégué que M. B______ et S______ SA avaient une parfaite connaissance de A______ SA dès mai 1997 pour en avoir analysé les comptes et les capacités financières et avoir négocié avec Z______ SA et les banques, et que M. B______ en était même un organe de fait. Dans leur dénonciation, M. A______ et S______ SA ont imputé aux liquidateurs de A______ SA et à S______ SA une détérioration de la situation de A______ SA au cours du sursis concordataire et de la liquidation, qui aurait été menée trop lentement, avec la conclusion d’un deal mal négocié avec Z______ SA et même renégocié par la suite, au détriment des créanciers de A______ SA et avec complaisance à l’égard dudit groupe.

Ils leur ont fait grief, en substance, de n’avoir pas mis la comptabilité à jour, d’avoir négligé le recouvrement des créances auprès des débiteurs, de n’avoir pas surveillé les chantiers, d’avoir vendu un terrain de façon précipitée et économiquement injustifiée, en bradant du matériel et des machines, d’avoir favorisé Z______ SA pour la reprise du chantier en Valais, d’avoir vendu A______ SA à un prix dérisoire à une personne à laquelle a en plus été donné le mandat lucratif de vendre des actifs immobilisés de H______ SA, d’avoir payé intégralement des sous-traitants après l’octroi du sursis concordataire en violation du principe d’égalité des créanciers, d’avoir fait des confusions entre les sociétés de H______ SA, et d’avoir fait montre d’incompétence.

A titre de conclusions, les dénonciateurs ont demandé à la Commission de céans d’examiner leur dénonciation de façon approfondie, d’analyser de manière détaillée l’activité de M. B______ et M. K______ en tant que commissaires au sursis puis liquidateurs de A______ SA et mettre à jour l’ensemble des dysfonctionnements et violations de devoirs de fonction survenus durant leur activité, de prendre les mesures qui s’imposent pour remédier à ces dysfonctionnements et violations de devoirs de fonction, de constater la nullité des mesures affectées de nullité, de donner préavis au Tribunal de première instance afin que les liquidateurs soient destitués de leurs fonctions si la Commission de céans estimait n'avoir pas la compétence de les destituer directement et prendre toute autre mesure disciplinaire qui se révélerait appropriée, et d’informer les auteurs de la dénonciation des développements entrepris par la Commission de céans.

Par décision du 30 novembre 2006 dans la cause A/958/2003, la Commission de céans a dit qu’elle n’avait pas matière à intervenir dans le cadre de la liquidation du concordat par abandon d’actif de A______ SA à la suite de la dénonciation de M. A______ et de S______ SA et a déclaré la cause close.

Par courrier du 8 février 2007, les conseils de M. A______ et de S______ SA ont interpellé la Présidente de la Commission de céans, considérant que la décision rendue le 30 novembre 2006 ne traiterait « que de manière partielle les sérieux manquements [que leurs clients] ont mis à jour » et contiendrait « de nombreuses erreurs et imprécisions ». Fort d’une liste des points restant selon eux en suspens, lesdits conseils ont indiqué que leurs clients estimaient que la procédure A/958/2003 n’était pas close.

Par courrier du 16 février 2007, la Commission de céans a répondu aux conseils précités qu’elle n’entendait pas revenir sur cette affaire et s’est référée, pour le surplus, au dispositif de sa décision du 30 novembre 2006.

D.a. Le 5 mars 2007, M. A______ a demandé aux liquidateurs de A______ SA d’inventorier sans attendre une prétention de nature contractuelle en faveur de A______ SA à l’encontre de P______ SA (anciennement S______ SA ; cf. let. B.a. in fine ci-dessus) et d’interrompre immédiatement la prescription contre la société d’audit précitée. Il indiquait que « pour le cas où un commandement de payer devait être envoyé à la société d’audit aux fins d’interrompre la prescription, il conviendrait de calculer de manière approximative le dommage causé par la société, quitte à affiner et diminuer ce montant provisoire par la suite ».

Par le même courrier, M. A______ demandait encore qu’une prétention fondée sur l’art. 5 LP soit inventoriée en faveur de A______ SA à l’encontre de l’Etat de Genève, « en raison de la gestion déficitaire du concordat par les commissaires au sursis, respectivement liquidateurs » et ce pour un montant de 15'194'214 fr. 60, « soit la différence entre le dividende de 20 % annoncé par M. B______ en mars 1998, et celui qui sera versé, soit 0 % ».

M. A______ indiquait par ailleurs que M. B______ et M. K______ devraient, dans le traitement de ces prétentions, se récuser au vu de la nature et de l’origine desdites prétentions et ajoutait enfin que si par impossible les liquidateurs (ou leurs substituts) ou la commission des créanciers devaient renoncer à recouvrer ces créances ou même à interrompre leur prescription, il comptait en demander la cession conformément aux art. 325 et 260 LP.

N’ayant pas reçu de réponse à son courrier du 5 mars 2007, M. A______ a relancé les liquidateurs de A______ SA en date du 14 mars 2007. Par le même courrier, il indiquait avoir envoyé une réquisition de poursuite à l’encontre de l’Etat de Genève pour un montant de 436'211 fr. 66 (recte : 87'242 fr. 33 ; cf. let. D.d. ci-dessous), « correspondant à sa prétention directe contre l’Etat en raison de la liquidation calamiteuse d’A______ SA ».

Par décision du 2 avril 2007, les liquidateurs de A______ SA, sous la plume de M. B______ ont rejeté « la demande de monsieur (sic) M. A______ de porter à l’inventaire une prétention contractuelle contre S______ SA, de même qu’une prétention contre le canton de Genève en raison de prétendus agissements illicites de la Commission de surveillance des Offices des poursuites et des faillites ainsi que des commissaires au sursis et des liquidateurs ». Par la même décision, les liquidateurs de A______ SA indiquaient encore que « dans la mesure où ces prétentions ne constituent pas un actif de la masse en liquidation, elles ne peuvent pas être cédées à Monsieur M. A______ ».

A l’appui de leur décision, les liquidateurs ont annexé un avis de droit caviardé aux termes notamment duquel « les liquidateurs doivent refuser de porter à l’inventaire une prétention contre S______ SA et/ou encore contre P______ AG [respectivement contre les commissaires au sursis, les liquidateurs et la Commission de surveillance] au motif que ce n’est ni un droit patrimonial d’A______ SA existant au moment de l’homologation du concordat ni un droit qui lui échoit avant la clôture de la liquidation (art. 197, 221 et 299 LP) et encore moins une prétention dont la masse passive est titulaire (art. 200 LP) ».

D.b. Par acte déposé au greffe de la Commission de céans le 13 avril 2007, M. A______ a formé plainte, avec demande d’effet suspensif et requête de mesures provisionnelles, contre la décision des liquidateurs de A______ SA du 2 avril 2007. La plainte a été enregistrée sous le numéro de cause A/1515/2007.

A l’appui de sa plainte, M. A______ indique que la liquidation de A______ SA n’est toujours pas achevée et qu’ « à ce jour, il apparaît que le dividende sera, pour les créanciers de troisième classe, de 0 % » au vu de l’état patrimonial « catastrophique » de la masse. A cet égard, il indique, se basant en cela sur le rapport d’activité des liquidateurs de A______ SA pour les exercices 2004 à 2006 produit en annexe à sa plainte, qu’ « au 31 décembre 2006, le solde de l’actif net était de CHF 2'049'447.-, ce y compris une prétention hasardeuse contre les organes d’A______ SA comptabilisée à hauteur de CHF 6'000'000.- » et qu’« abstraction faite de cette prétention, l’actif net est négatif de CHF –3'950'553 », alors qu’il « était de CHF 4'421'600 fr. au 31 décembre 2003 ». Il allègue que les dettes de la masse ne sont pas couvertes et que « la liquidation coûte (…) bien plus qu’elle ne rapporte ».

Il expose que la prétention contre P______ SA (anciennement S______ SA), dont il demande l’inventaire, est fondée « sur la mauvaise exécution par M. B______, respectivement S______ SA, du mandat confié par A______ SA, entre avril 1997 et mars 1998 ». Il indique que cette prétention devrait être portée à l’inventaire à hauteur de la somme de 15'194'214 fr. 60 correspondant à la différence entre le dividende de 20% « qui selon les propos de S______ SA en mars 1998 devait revenir aux créanciers de troisième classe d’A______ SA, et le montant qui leur sera finalement versé (0%) ».

M. A______ relève que M. B______« aurait dû se récuser », dans la mesure où (i) « à tout le moins entre avril 1997 et mars 1998, [il] était partner de S______ SA », (ii) qu’il est devenu « partner » de P______ SA suite à la fusion en 1999 de S______ SA avec cette société, (iii) qu’il « a exécuté personnellement, pour la plus grande partie, le mandat confié par A______ SA à S______ SA d’avril 1997 à mars 1998 ».

S’agissant de la prétention contre l’Etat de Genève, M. A______ indique qu’elle « est fondée sur la gestion calamiteuse d’A______ SA par les commissaires au sursis, respectivement liquidateurs, soit MM. K______ et B______ ». Il indique que cette prétention doit être inventoriée à hauteur de 15'194'214 fr. 60.

M. A______ conclut, principalement, à l’annulation, respectivement à la constatation de la nullité de la décision des liquidateurs de A______ SA du 2 avril 2007, à ce qu’il soit ordonné à M. B______ et M. K______ de se récuser pour toute matière concernant (i) les prétentions à inventorier contre P______ SA et (ii) les prétentions à inventorier contre l’Etat de Genève en raison des activités de M. B______ et M. K______ en tant que liquidateurs, respectivement commissaires, à ce qu’il soit ordonné de porter à l’inventaire les prétentions de A______ SA contre P______ SA, à hauteur de 15'194'214 fr. 60 et contre l’Etat de Genève en raison des activités de M. B______ et M. K______ en tant que liquidateurs, respectivement commissaires au sursis, à hauteur de 15'194'214 fr. 60, à ce qu’il soit ordonné l’interruption de prescription des prétentions à l’encontre de P______ SA et à l’encontre de l’Etat de Genève, à ce qu’il soit ordonné que les prétentions de A______ SA contre P______ SA et contre l’Etat de Genève en raison des activités de M. B______ et M. K______ en tant que liquidateurs respectivement commissaires soient offertes en cession aux créanciers selon les art. 325 et 260 LP à défaut d’exercice des prétentions par la masse, et, subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée à des autorités de poursuite non tenues en l’espèce à récusation pour que nouvelle décision soit prise.

D.c. Par ordonnance du 16 avril 2007, la Commission de céans a rejeté la demande d’effet suspensif et la requête de mesures provisionnelles tendant à « l’envoi d’un commandement de payer à l’encontre de P______ SA à hauteur de 15'194'214 fr. 60 et d’un commandement de payer à l’encontre de l’Etat de Genève à hauteur de 15'194'214 fr. 60 aux fins d’interrompre la prescription des prétentions dont il a demandé qu’elles soient inventoriées », assortissant la plainte de M. A______ du 13 avril 2007.

D.d. Sur réquisition de M. A______ du 13 mars 2007, l’Office des poursuites a, dans le cadre de la poursuite n° 07 xxxx05 G, notifié le 4 mai 2007 à l’Etat de Genève un commandement de payer la somme de 87'242 fr. 33 avec intérêts à 5% l’an dès le 20 mars 1998. Le commandement de payer indique sous la rubrique « titre et date de la créance, cause de l’obligation » : « Responsabilité de l’Etat selon l’article 5 LP [suite] à la gestion calamiteuse de MM. B______ et K______ en tant que commissaires au sursis puis de liquidateurs, de la liquidation d’A______ SA Générale d’Entreprises. M. A______ est colloqué en tant que créancier de 3e classe à raison de CHF 436'211, 66 et demande le 20% de ce montant, soit la différence entre le dividende prévu au moment de l’octroi du sursis concordataire (20%) et celui définitivement accordé (0%). »

Cet acte a été frappé d’opposition.

D.e. Dans ses observations du 21 mai 2007, A______ SA a conclu, sous suite de dépens, au rejet de la plainte de M. A______.

A l’appui de ses conclusions, A______ SA expose, en substance, que la prétention contre P______ SA (anciennement S______ SA), de même que celle à l’encontre de l’Etat de Genève ne seraient ni des droits patrimoniaux de A______ SA existant au moment de l’homologation du concordat ni des droits qui lui écheraient avant la clôture de la liquidation ni même des prétentions dont la masse seraient titulaire. Ces prétentions ne seraient ainsi, de par leur nature, pas constitutives d’actifs de la masse pouvant être cédés à M. A______. Ce serait donc à bon droit que les liquidateurs ont refusé de les porter à l’inventaire.

D.f. Par courrier du 21 mai 2007, le conseil de M. A______ a produit un chargé de pièces complémentaires, soit une copie de l’arrêt de la Cour de justice du 11 mai 2007 (cf. let. C.b. ci-dessus), ainsi que la situation patrimoniale de A______ SA au 31 décembre 2000.

Par le même courrier, ledit conseil a encore dénoncé un certain nombre de faits afférents à la liquidation concordataire. Cette dénonciation a été complétée par un courrier subséquent du 29 mai 2007. Au vu desdits courriers, la Commission de céans a ouvert une procédure de dénonciation indépendante de la présente procédure de plainte et portant le numéro de cause A/2001/2007. C’est dans le cadre de cette cause, actuellement pendante, que les faits dénoncés dans les courriers précités sont examinés, dans la mesure où ils ne l’ont pas d’ores et déjà été dans la cause A/958/2003 (cf. let. C.c. ci-dessus).

 

EN DROIT

1. Les décisions du ou des liquidateur(s) d’un concordat par abandon d’actif peuvent être déférées, suivant leur nature, soit à la commission des créanciers par la voie du recours interne de l’art. 320 al. 2 LP, soit à la Commission de céans par la voie de la plainte au sens de l’art. 17 LP (Dominique Junod Moser / Louis Gaillard, in CR-LP, ad art. 317 n° 20 ; ATF 130 III 769 consid. 1, JdT 2007 II 137). La voie du recours interne à la commission des créanciers est toutefois limitée aux décisions des liquidateurs relatives à la réalisation des actifs (Dominique Junod Moser / Louis Gaillard, in CR-LP, ad art. 320 n° 13 s. ; BlSchK 1997 p. 232)

Dirigée contre une décision des liquidateurs refusant l’inventorisation d’une créance, la Commission de céans est compétente pour connaître de la plainte. Cette dernière a, pour le surplus, été déposée en temps utile par une personne ayant qualité pour agir par cette voie et dans les formes prescrites (art. 17 al. 2 LP ; art. 10 al. 1 et 13 LaLP).

Elle est donc recevable.

2.a. Aux termes de l’art. 299 al. 1 LP, aussitôt après sa nomination, le commissaire au sursis dresse l’inventaire des biens du débiteur et procède à leur estimation. Les dispositions régissant l’établissement de l’inventaire dans la faillite (art. 197 et 221 LP ; 25 ss OAOF) sont applicables par analogie dans le cadre d’un concordat par abandon d’actif (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 299 n° 10 et 12 ; Lucien Gani, in CR-LP, ad art. 299 n° 3 ; Carl Jaeger / Hans Ulrich Walder / Thomas M. Kull / Martin Kottmann, in SchKG III, ad art. 299 n° 3 s. et 6).

2.b. En cas de faillite, l’Office inventorie tous les biens qui se trouvent chez le failli (art. 221 LP), y compris, en particulier, les créances du failli contre des tiers, qu’elles soient contestées ou non, ainsi que les droits et prétentions de la masse, telles que les prétentions en responsabilité contre un organe du failli et les prétentions révocatoires (François Vouilloz, in CR-LP ad art. 221 n° 4 ss, spéc. 11 et 12 et les références citées ; Walter A. Stoffel, Voies d’exécution, § 11 n° 55).

En revanche, selon la jurisprudence de l’ancienne Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral, une prétention en dommages-intérêts contre l’administration de la faillite en raison de sa responsabilité pour les actes relevant de ses tâches n’est pas un droit existant en faveur de la masse qui doit être porté à l’inventaire (ATF 114 III 21 consid. 5, JdT 1990 II 43 ; ATF 43 III 281, JdT 1918 II 13). Une telle prétention ne tombe pas dans la masse car ce n’est ni un droit patrimonial du failli existant au moment de l’ouverture de la faillite ni un droit qui lui échoit avant la clôture de la faillite. Il ne s’agit pas non plus d’un droit spécifique dont la masse est titulaire en tant que telle, comme les prétentions révocatoires, ou qu’elle a seule qualité pour exercer. Il s’agit bien plutôt d’une prétention commune de la communauté des créanciers contre certains de ses organes légaux, les créanciers composant la masse passive en étant les créanciers collectifs (note de bas de page n° 3 ad JdT 1990 II 46 ; ATF 43 III 281, 285 s., JdT 1918 II 13, 17).

2.c. Pour dresser l’inventaire, l’Office se fonde, notamment, sur les livres comptables et les papiers d’affaires qu’il a pris sous sa garde (art. 223 al. 2 LP), l’interrogatoire du failli (art. 37 let. a OAOF), les envois postaux adressés au failli ou expédiés par lui (art. 38 OAOF), les allégations des créanciers, sans égard à l’opinion qu’il peut avoir sur l’appartenance du droit patrimonial à la masse active (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 221 n° 11 ss et ad art. 242 n° 9 ; cf. ég. François Vouilloz, in CR-LP, ad art. 221 n° 3 et n° 16 ss). Lorsque l’existence d’un droit ou son appartenance à la masse est litigieuse, l’Office doit s’en tenir aux allégations des créanciers et inventorier le droit dans la masse (ATF 104 III 23 consid. 2, JdT 1980 II 30 ; cf. ég. ARGVP 2000, p. 114 ; REP 1999, p. 287 ; PKG 1997, p. 127 consid. 2 ; ZGGVP 1995, p. 84 consid. 1b) ; BJM 1994, p. 144 consid. 2). Il reviendra ensuite à la masse de décider de faire valoir la prétention ou y renoncer. En cas de renonciation, les créanciers qui le demanderont obtiendront qu’il leur soit fait cession de la prétention de façon à pouvoir poursuivre la réalisation du droit litigieux en lieu et place de la masse (art. 260 al. 1 LP ; ATF 104 III 23 précité). Dans l’hypothèse d’un concordat par abandon d’actif, la compétence de la décision de renonciation appartient aux liquidateurs et à la commission de créanciers (art. 325 LP ; PKG 1999, p. 27 consid. 4 ; Dominique Junod Moser / Louis Gaillard, in CR-LP, ad art. 325 n° 7 et les références citées ; Daniel Hunkeler, Das Nachlassverfahren nach revidiertem SchKG, Fribourg 1996, n° 1121, p. 291 s. ; Jean-Luc Tschumy, Quelques réflexions à propos de la cession des droits de la masse au sens de l’art. 260 LP, in JdT 1999 II 34 ss, note 27 ad p. 39).

La seule hypothèse reconnue par la jurisprudence permettant à l’Office de refuser d’inventorier un droit est l’incessibilité manifeste, absolument patente, dudit droit (ATF 81 III 122, 123, JdT 1956 II 25 ; ATF 58 III 113, JdT 1933 II 11 ; Isabelle Romy, in CR-LP ad art. 197 n° 4).

L’inventaire, même reconnu et signé par le failli (art. 228 LP ; art. 29 et 30 OAOF), peut être rouvert et complété jusqu’à la clôture de la faillite (DCSO/458/03 du 27 octobre 2003 consid. 3 et 5.b ; DCSO/78/2005 du 2 février 2005 consid. 3.a).

2.d. Peuvent faire l’objet d’une cession au sens de l’art. 260 LP (applicable au concordat par abandon d’actif par renvoi de l’art. 325 LP), tous les droits appartenant au failli à l’ouverture de la faillite ou qui lui échoient plus tard mais avant la clôture de la faillite ou encore dont la masse est elle-même titulaire, à la condition que ces droits soient litigieux ou douteux et susceptibles d’aboutir à un accroissement du patrimoine de la masse ainsi qu’à une réalisation (Jean-Luc Tschumy, op. cit., in JdT 1999 II 36 ; cf. ég. Pierre-Robert Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, n° 2045 s., p. 381).

Conformément à la jurisprudence de l’ancienne Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral, une prétention en responsabilité pour les actes relevant des organes visés par l’art. 5 LP ne constitue en revanche pas un droit de la masse susceptible d’être cédé conformément à l’art. 260 LP. Cette prétention est un droit qui appartient à chaque créancier dans la mesure du préjudice subi par lui (ATF 114 III 21 consid. 5b) et c), JdT 1990 II 43, 46 s. ; ATF 43 III 281, 285 s., JdT 1918 II 13, 17 ; ATF 44 III 106, JdT 1918 II 125, 127 s. ; ZR 18/1919 n° 101 consid. 3 ; apparemment contra : arrêt de la IIème Cour civile du Tribunal fédéral du 30 octobre 1980 publié aux ATF 106 II 320 consid. 4, JdT 1982 II 115).

3.a. En l’espèce, il convient, à teneur de la jurisprudence susrappelée, de déterminer si les prétentions que le plaignant entend voir inventorier sont susceptibles de faire l’objet d’une cession ou sont, au contraire, manifestement incessibles.

3.b. S’agissant, premièrement, de la prétention contre P______ SA (anciennement S______ SA), le plaignant considère qu’elle fait partie de la masse de A______ SA dans la mesure où elle découle de la violation d’un contrat de mandat donné par cette dernière à S______ SA. Le plaignant conteste en cela la position de A______ SA consistant à dire que ledit mandat a été conféré non pas par elle mais par H______ SA. Aux fins d’établir la conclusion du mandat avec A______ SA, le plaignant allègue et prouve que S______ SA a produit sa créance d’honoraires non pas dans le concordat de H______ SA, mais dans celui de A______ SA.

Comme elle l’a retenu dans la partie « EN FAIT » ci-dessus, suivant en cela l’arrêt de la Cour de justice du 11 mai 2007, force est d’admettre que S______ SA a été mandatée par H______ SA et non par A______ SA. La pièce n° 4 produite par le plaignant porte en effet, en deuxième page, la contre-signature de deux représentants de H______ SA et ne fait aucune mention de A______ SA mais bien plutôt du « Groupe A______ ».

N’étant pas formellement partie au contrat de mandat en cause, la qualité de A______ SA pour faire valoir d’éventuelles prétentions contractuelles à l’encontre de S______ SA apparaît douteuse. Reste toutefois que A______ SA était détenue à 100 % par H______ SA et que S______ SA a produit sa créance d’honoraires découlant de l’exécution dudit mandat dans le concordat de A______ SA. Ces deux éléments empêchent la Commission de céans de considérer, dans la mesure de son pouvoir de cognition, que la prétention que le plaignant entend voir inventorier à l’encontre du successeur de S______ SA ne constitue pas, de manière absolument évidente, un actif de la masse de A______ SA susceptible d’être cédé. Le degré de certitude requis par la jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée au considérant 2.c. quant au caractère manifestement incessible de la prétention en cause n’apparaît dès lors pas atteint.

Dans ces conditions, c’est à tort que les liquidateurs ont refusé de donner suite à la demande de M. A______ d’inventorier une prétention à l’encontre de S______ SA. La plainte doit donc être admise sur ce point.

S’agissant du montant à inventorier à ce titre, lequel n’était pas précisé dans la demande précitée, il y a lieu de retenir celui de 15'194'214 fr. 60 indiqué dans la plainte, dans la mesure où, au stade de l’établissement ou du complètement de l’inventaire, il suffit de se fonder sur les allégations des créanciers (consid. 2.c. ci-dessus ; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 221 n° 11 ss et ad art. 242 n° 9).

3.c. En ce qui concerne, deuxièmement, la prétention contre l’Etat de Genève, le plaignant la fonde sur les nombreux manquements qu’auraient commis les commissaires puis les liquidateurs dans le cadre du concordat par abandon d’actif de A______ SA et qu’il a d’ores et déjà dénoncés à la Commission de céans, aux côtés de S______ SA, dans la cause A/958/2003, aujourd’hui close. Selon le plaignant, lesdits manquements seraient de nature à entraîner la responsabilité de l’Etat de Genève au sens de l’art. 5 LP.

Dirigée contre des organes officiels chargés de la procédure concordataire, force est d’admettre que c’est à bon droit que les liquidateurs ont refusé de porter ladite prétention à l’inventaire. Le Tribunal fédéral a en effet clairement retenu que, de par sa nature, une telle prétention ne constitue pas un avoir de la masse en faillite. N’étant en soi pas cessible, elle ne peut être inventoriée (ATF 114 III 21 consid. 5b) et c)). Le caractère manifestement incessible de la prétention contre l’Etat de Genève que le plaignant entend faire inventorier conduit à rejeter sa plainte, mal fondée sur ce point.

C’est le lieu de rappeler que l’action en dommages-intérêts de l’art. 5 LP appartient au créancier lésé en propre (BlSchK 1952, p. 75) et que la voie de la plainte ne saurait être utilisée pour préparer celle-ci (cf. p. ex. DCSO/634/2006 du 2 novembre 2006 consid. 6 ; BlSchK 1978, p. 110). S’il s’y estime fondé, le plaignant doit saisir le Tribunal de première instance, seul compétent pour connaître de ses conclusions en responsabilité contre les organes du concordat (art. 40A LaLP ; cf. ATF 114 III 21 consid. 5b)). Au reste, force est de constater que le plaignant est parfaitement conscient des principes susrappelés dans la mesure où, avant même que les liquidateurs refusent d’inventorier la prétention considérée, il a accompli les premières démarches liées à la procédure qu’il entend manifestement intenter à l’Etat de Genève en requérant une poursuite à son encontre.

4.a. La plainte a un effet dévolutif, en ce sens que la mesure attaquée devient de la compétence de la Commission de céans, qui peut soit l’annuler, soit encore astreindre l’autorité de poursuite à accomplir l’acte refusé (Pauline Erard, in CR-LP, ad art. 17 n° 60 et ad art. 21 n° 3 ss).

4.b. En l’espèce, les liquidateurs seront invités à donner suite à la requête du plaignant du 5 mars 2007 tendant à ce qu’une prétention à l’encontre de P______ SA (anciennement S______ SA) soit portée à l’inventaire de A______ SA en liquidation concordataire (consid. 3.b. ci-dessus). Dans cette mesure, les liquidateurs n’ayant qu’à déférer à l’injonction qui leur est ainsi faite, la conclusion du plaignant tendant à leur récusation s’agissant de l’inventorisation de la prétention considérée est devenue sans objet.

Le plaignant conclut toutefois à ce que les liquidateurs se récusent « pour toute matière » concernant ladite prétention. Or, comme il a été relevé plus haut, les liquidateurs et la commission des créanciers doivent encore prendre une décision relativement à la renonciation à la faire valoir. Conformément au texte allemand de l’art. 325 LP, cette décision n’est pas d’abord prise par les liquidateurs, puis, à la suite d’un recours de l’art. 320 al. 2 LP, par la commission des créanciers, mais bien plutôt par ces deux organes en même temps (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 325 n° 8 ; Dominique Junod Moser / Louis Gaillard, in CR-LP, ad art. 325 n° 7 et les références citées). Il convient dès lors d’examiner si les liquidateurs devront ou non se récuser s’agissant de la décision qu’ils sont censés prendre aux côtés de la commission des créanciers conformément à l’art. 325 LP (cf. consid. 5 ci-dessous).

C’est ici encore le lieu de relever que les questions relatives tant à la récusation qu’à la cession des droits sont devenues sans objet au vu du sort réservé aux conclusions du plaignant tendant à l’inventorisation d’une prétention à l’encontre de l’Etat de Genève (cf. consid. 3.c. ci-dessus).

5.a. Les liquidateurs d’un concordat par abandon d’actif sont soumis à l’art. 10 LP par renvoi de l’art. 320 al. 3 LP (Louis Dallèves, in CR-LP, ad art. 10 n° 4 ; Dominique Junod Moser / Louis Gaillard, in CR-LP, ad art. 320 n° 22).

L’art. 10 LP prévoit une récusation obligatoire dans les cas énumérés à son alinéa 1 chiffres 1 à 4, notamment lorsque les propres intérêts de l’organe visé sont en jeu (ch. 1) ou lorsque ce dernier pourrait avoir une opinion préconçue dans l’affaire (ch. 4). Il s’agit notamment d’assurer une activité objective des organes de poursuite et, plus particulièrement, d’éviter les conflits d’intérêts (cf. ATF 104 III 1, JdT 1980 II 19). Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de l’organe en cause. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 10 n° 40). En d’autres termes, la seule apparence d’un possible conflit d’intérêts suffit sans qu’il soit nécessaire de le prouver (Louis Dallèves, in CR-LP, ad art. 10 n° 8).

La récusation peut être requise par tout intéressé par le biais d’une plainte à l’autorité de surveillance (Louis Dallèves, in CR-LP, ad art. 10 n° 9). Ladite autorité est en particulier compétente pour connaître des différends relatifs au devoir de récusation des liquidateurs d’un concordat par abandon d’actif (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 10 n° 21). Elle peut récuser l’organe visé non seulement s’agissant de l’acte querellé, mais également pour la suite de la procédure (Louis Dallèves, in CR-LP, ad art. 10 n° 11 s.)

5.b. En l’espèce, tous les griefs du plaignant se focalisent sur la personne de M. B______. Il n’allègue aucun fait pouvant faire douter, même au stade de la vraisemblance, de l’impartialité de M. K______. Dans ces conditions, seule la question de la récusation de M. B______ sera examinée ci-après.

M. B______ a été associé de S______ SA, ingénieur et responsable du conseil d’entreprise pour la Suisse romande. Il a été responsable de l’exécution du mandat confié en 1997 par H______ SA, au titre duquel le plaignant entend précisément se voir céder les droits de la masse. De ce simple fait, il apparaît évident que M. B______ est au centre d’un conflit d’intérêts qui l’empêche de décider, de manière objective et impartiale, sur toutes questions relatives à la prétention inventoriée contre P______ SA (anciennement S______ SA), soit notamment sur le sort de la demande de cession du plaignant.

Il y a donc lieu, à cet égard, d’inviter M. B______ à se récuser.

6.a. L’administration de la faillite – respectivement les liquidateurs – est tenue de prendre dès l’ouverture la faillite – respectivement dès l’homologation du concordat – les mesures nécessaires pour sauvegarder les intérêts de la masse (art. 240 LP). L’une de ces mesures consiste à interrompre en temps utile la prescription des créances inventoriées. Les créanciers peuvent exiger de l’administration – ou des liquidateurs – qu’elle interrompe la prescription (ATF 116 II 158 consid. 5, JdT 1991 I 58 et JdT 1992 II 180).

6.b. En l’espèce, le plaignant conclut à ce qu’il soit ordonné d’interrompre la prescription des prétentions à l’encontre de P______ SA et de l’Etat de Genève.

Dans la mesure où il a été retenu ci-dessus que la prétention contre l’Etat de Genève ne constitue pas un actif de la masse à inventorier, la conclusion du plaignant susrappelée est devenue sans objet. Quoi qu’il en soit, la Commission de céans constate que, dès avant le dépôt de sa plainte, le plaignant avait interrompu la prescription par le biais de la poursuite qu’il a lui-même requise à l’encontre de l’Etat de Genève le 13 mars 2007.

S’agissant de la prétention contre P______ SA (anciennement S______ SA), force est d’admettre que la question de l’interruption de la prescription est directement liée au point de savoir si M. K______ et la commission des créanciers décideront de faire valoir ou non ladite prétention, respectivement décideront de faire droit ou non à la demande de cession du plaignant. Les précités seront donc invités à rendre une décision à cet égard. Ladite décision devra être rendue à brève échéance, en tenant compte du délai de prescription s’appliquant aux créances contractuelles, étant rappelé que S______ SA a œuvré d’avril 1997 à mars 1998 et que son mandat initial s’est achevé le 26 août 1997 (cf. partie « En fait », let. B.a.). S’il devait être renoncé à faire valoir la prétention considérée, la cession devra être opérée aux conditions des art. 325 et 260 LP en faveur du plaignant, lequel sera alors en mesure d’entreprendre les démarches propres à interrompre la prescription. En cas contraire, M. K______ et la commission des créanciers devront entreprendre toutes démarches utiles propres à recouvrer la prétention en cause en ayant gare au délai de prescription qui lui est applicable.

Dans ces conditions, la conclusion 4 du plaignant doit être rejetée.

7. Il est statué sans frais ni dépens (art. 20a al. 2 ch. 5 LP, 61 al. 2 let. a, 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,

LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

SIÉGEANT EN SECTION :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 13 avril 2007 par M. A______ contre la décision des liquidateurs d’A______ SA Générale d’Entreprises en liquidation concordataire rendue le 2 avril 2007.

Au fond :

1. L’admet partiellement.

2. Invite les liquidateurs d’A______ SA Générale d’Entreprises en liquidation concordataire à porter à l’inventaire une prétention contre P______ SA (anciennement S______ SA) à concurrence de 15'194'214 fr. 60.

3. Dit que M. B______ doit se récuser s’agissant de toutes décisions relatives à la prétention visée sous chiffre 1 ci-dessus.

4. Invite M. K______ et la commission des créanciers d’A______ SA Générale d’Entreprises en liquidation concordataire à statuer, dans le sens des considérants, sur la demande de cession faite par M. A______ relativement à la prétention visée sous chiffre 1 ci-dessus.

5. Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

Siégeant : M. Grégory BOVEY, président ; M. Philipp GANZONI, juge assesseur ; M. Yves DE COULON, juge assesseur suppléant.

Au nom de la Commission de surveillance :

Marisa BATISTA Grégory BOVEY

Greffière : Président :

 

 

La présente décision est communiquée par courrier recommandé aux parties par la greffière le