Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1267/2024 du 19.12.2024 ( LVD ) , ADMIS PARTIELLEMENT
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 19 décembre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Guillaume CHOFFAT, avocat, avec élection de domicile
contre
Madame B______
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Par décision du 11 décembre 2024, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement courant du 11 décembre 2024 à 16h00 au 23 décembre 2024 à 16h00, soit d'une durée de treize jours à l'encontre de Monsieur A______, lui interdisant de s'approcher et de contacter Madame B______ et de pénétrer à son adresse privée située ______[GE].
Le séquestre de tous les moyens donnant accès au domicile susmentionné était également ordonné.
Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que M. A______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'association C______, dont les coordonnées étaient mentionnées, afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 ; LVD - F 1 30) était motivée comme suit :
" Description des dernières violences : Aurait saisi sa femme par les bras, lui aurait donné des coups dans les tissus mous, lui aurait pris les clés du domicile.
Description des violences précédentes : conflits verbaux.
M. A______ démontrait par son comportement violent qu'il était nécessaire de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement administratif, afin d'écarter tout danger et empêcher toute réitération de tels actes.
2. M. A______, sous la plume de son conseil, a fait opposition à cette décision par acte reçu par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 16 décembre 2024.
Il contestait fermement avoir fait usage de quelconques violences à l'égard de son épouse. Il s'agissait en réalité d'un signalement instrumentalisé de la part de cette dernière. Il reconnaissait qu'ils avaient eu une dispute mais il n'y avait jamais eu de fait de violence. En réalité, depuis plusieurs mois, son épouse lui faisait vivre l'enfer, le menaçait régulièrement de plainte pénale le mettant ainsi sous une pression constante dans le but de l'effrayer pour qu'il quitte le domicile conjugal. Il se réservait d'ailleurs de déposer plainte pénale pour menaces, contrainte et dénonciation calomnieuse. La stratégie de son épouse s'inscrivait dans le cadre d'un litige conjugal qui durait depuis plusieurs mois, les époux étant en train d'essayer de se séparer.
La dispute qui avait donné lieu à l'éloignement portait sur une problématique financière. Son épouse avait amené la voiture chez le garagiste pour faire des réparations et elle avait engagé sa signature pour qu'il paye la facture du garagiste, alors qu'il n'était pas d'accord. Face à son refus de payer les frais, elle s'était mise à le menacer d'appeler la police et à inventer des faits de violences à son encontre. Elle n'avait d'ailleurs fourni aucun certificat médical.
Les difficultés conjugales rencontrées tenaient surtout au fait que depuis le mois de février 2024, sa femme entretenait une liaison avec un autre homme rencontré à son cours de karaté et que depuis le mois d'août 2024, elle faisait des aller-retour entre le domicile conjugal et celui de son nouveau compagnon chez qui elle vivait pratiquement constamment.
Alors qu'il travaillait à 100 %, il s'était ainsi injustement retrouvé à devoir quitter le domicile conjugal pour aller vivre dans un sordide appart hôtel à D______ devant ainsi engager des dépenses qu'il ne pouvait pas se permettre à long terme alors que son épouse avait une solution de relogement chez son compagnon dès lors qu'elle ne vivait quasiment plus au domicile conjugal et qu'il était le seul à s'occuper quotidiennement de leurs trois enfants âgés de 2, 4 et 7 ans. Il amenait ses enfants et allait les chercher tous les jours à l'école, au parascolaire et chez la maman de jour où ils allaient les lundis, mardis, jeudis et vendredis de 8h00 à 18h00. Le mercredi, ils étaient gardés par leur mère qui avait congé ce jour-là. Celle-ci ne dormait ensuite pas au domicile conjugal, mais chez son nouveau compagnon. Il s'occupait en outre de tous les repas, des commissions, de l'intendance à domicile et de tous les rendez-vous médicaux des enfants également. Enfin, il était également le seul à contribuer aux dépenses familiales par ses revenus.
Son épouse travaillait à E______(VD), à 60 %, pour un salaire de CHF 1'800.- net par mois. Elle aurait de plus retiré environ CHF 18'000. – de son compte bancaire en mai 2024, somme dont il ne savait pas à quelles dépenses familiales elle avait été affectée.
Il était choqué de la situation et de la manière dont son épouse était en train de tenter de construire un dossier de prétendues violences contre lui aux fins d'obtenir la garde de leurs trois enfants et de se voir attribuer la jouissance de l'ancien domicile conjugal, ainsi que des pensions alimentaires. Quant à lui, il souhaitait pouvoir retrouver sa vie d'avant et s'occuper de ses enfants comme il avait toujours fait.
3. Selon le rapport de renseignements du 11 décembre 2024, Mme B______ s'est présentée le même jour au poste de police accompagnée de ses trois enfants mineurs, afin de déposer plainte contre son mari, pour des violences domestiques. En substance, il apparaissait que le couple était en instance de séparation et vivait ensemble dans le nouvel appartement de l'épouse, dont le bail était aux deux noms. De son audition, il ressortait qu'elle avait dénoncé divers faits de violence au cours des quatre dernières années. Elle s'était fait saisir par les bras à plusieurs reprises, ainsi qu'une fois par les cheveux. Elle évoquait plusieurs coups de poings reçus dans les tissus mous, afin de ne pas laisser de traces. Elle évoquait également des menaces à son égard ainsi qu'un nouvel homme qu'elle fréquentait. Le matin même, son mari lui aurait confisqué la clé de son appartement.
M. A______ avait quant à lui nié tous les faits de violence, précisé avoir versé beaucoup d'argent à sa future ex-épouse et ne pas être opposé à l'actuelle procédure de séparation.
Concernant les antécédents des trois dernières années, quatre interventions des services de police au domicile du couple étaient relevées, à chaque fois pour du bruit. Sur place, aucune trace de blessure n'avait été constatée, les protagonistes évoquant exclusivement des conflits verbaux.
4. Lors de son audition, Mme B______ a déclaré qu'elle avait rencontré son mari à F______(Espagne) en 2014. Ils avaient commencé à habiter ensemble dans cette ville en 2015. Elle était ensuite partie travailler en Russie et son mari était resté vivre avec sa grand-mère à F______(Espagne) pendant environ une année. En 2017, elle était retournée à F______(Espagne) car elle était enceinte de son premier enfant G______, née le ______ 2017. Ils s'étaient mariés le ______ 2018 à F______(Espagne). En 2019, ils étaient partis vivre à H______(Irlande) où était né leur deuxième enfant, I______, le ______ 2020. En août 2020, ils étaient venus vivre à Genève en raison du travail de son mari. Le ______ 2022, elle avait accouché de leur dernier enfant, P______.
Les difficultés avaient commencé en 2020 au début du covid, lorsqu'elle avait arrêté de travailler. Ils habitaient alors à J______(GE). Son mari avait commencé à la menacer en lui disant que si elle voulait se faire vacciner « cela allait mal se passer ». Ils avaient convenu qu'elle resterait à la maison pour s'occuper des trois enfants et que lui travaillerait. Les rôles avaient été inversés car en Espagne, c'était elle qui travaillait et qui subvenait aux besoins de leur famille alors que son mari finalisait son Master.
En octobre 2022, ils avaient déménagé à K______(GE). Lorsqu'elle lui avait dit qu'elle voulait reprendre ses cours de karaté, il avait « pété un câble ». Lorsqu'ils étaient en Irlande, elle ne connaissait personne. Du coup, elle ne sortait jamais de la maison. Ici, elle avait commencé à aller au fitness, au karaté, elle avait des amis qu'elle voyait de temps en temps. Son mari avait commencé à devenir très autoritaire et ils avaient commencé à entrer en perpétuel conflit. Du coup, il ne lui donnait jamais d'argent et lui interdisait d'avoir accès au compte bancaire. Parfois, il refusait de lui donner de l'argent pour qu'elle puisse aller boire un café par exemple. Il lui faisait comme une sorte de chantage. C'était sa manière d'avoir un contrôle malsain sur elle. Il lui était même arrivé de lui interdire de sortir avec qui que ce soit. Il était maladivement jaloux. Elle devait lui envoyer des photos pour qu'il voit avec qui elle était et il contrôlait absolument tous ses faits et gestes. Après, il avait commencé à l'espionner même en regardant dans son téléphone portable les gens qu'elle appelait et il allait regarder dans Google à qui appartenaient les numéros de téléphone. Il avait aussi mis une caméra dans la voiture pour écouter toutes les conversations qu'elle pouvait avoir. Parfois, il lui confisquait également son ordinateur. Finalement, en octobre 2024, ils s'étaient séparés et ils étaient partis vivre à L______(GE) avec les trois enfants. Ils avaient signé une demande de divorce en novembre de cette année. Elle devait vivre seule avec les enfants à L______(GE) et lui devait se trouver un appartement mais il n'avait jamais fait le nécessaire et il était encore actuellement avec eux à L______(GE).
Le premier épisode de violence physique avait eu lieu dans leur appartement de J______(GE), fin 2020 ou début 2021. Ils étaient tous à la maison et ils avaient commencé à se disputer. Il lui avait ensuite saisi le bras en serrant fort et en lui interdisant de partir voir sa mère en Espagne. Il l'avait aussi prise par les cheveux et il l'avait poussée et secouée. Elle était tombée par terre. Elle ne savait plus si ce jour-là, il lui avait donné des coups. Elle s'était alors énervée car il lui avait fait mal au bras et sa réaction avait été de lancer un couteau de cuisine sur la porte d'entrée car il l'a tenait et ne la laissait pas partir de la maison. Elle n'était pas allée chez le médecin car elle n'avait pas de réelle blessure. Tout s'était déroulé devant les trois enfants qui étaient en pleurs. Ceux-ci lui avaient fait des câlins après mais ils ne s'étaient pas interposés, ils étaient trop petits.
Dans l'appartement de K______(GE), il n'y avait eu que des violences verbales. Les autres actes de violence avaient eu lieu dans leur appartement à L______(GE). Il y avait eu environ trois épisodes de violence physique. Le premier, au mois de novembre 2024. Elle l'avait poussé en premier et en réaction, il lui avait donné un coup de poing au niveau de l'estomac. Elle avait eu très peur et les voisins avaient appelé la police car il hurlait contre elle. Il était ensuite parti et quand la police était arrivée, elle était seule avec les enfants et elle n'avait pas dit la vérité aux policiers car elle avait peur de ses menaces. Il lui disait toujours « je fais en sorte de ne pas laisser de marques comme ça tu ne peux pas aller te plaindre auprès de la police ». Le deuxième acte de violence avait eu lieu une ou deux semaines après, toujours au mois de novembre. Il avait voulu avoir une relation sexuelle avec elle qu'elle ne voulait pas. Ils étaient séparés depuis le mois de mars et depuis faisaient chambre séparée. Elle lui avait alors dit « non », mais il avait insisté et utilisé la force pour essayer de la contraindre. Elle avait crié et l'avait poussé. Finalement, il avait arrêté de lui-même et la police était arrivée car les voisins avaient encore une fois appelé le 117. Ce jour-là, les enfants n'avaient pas assisté à la scène mais avaient dû entendre les cris. À cette occasion, elle avait dit aux policiers qu'il s'agissait uniquement d'un conflit verbal mais qu'elle ne souhaitait pas porter plainte. Le dernier acte de violence s'était déroulé la veille vers 7h00. Son mari ne voulait pas qu'elle parle au téléphone avec son professeur de karaté qui était également son copain depuis trois mois. Son mari le savait très bien et la menaçait sans arrêt. Mais elle ne devait plus rien à son mari, ils étaient désormais séparés mais il ne l'acceptait pas du tout. Du coup, il s'était encore une fois disputé et il lui avait fait du chantage concernant le divorce. Il lui avait donné un gros coup de poing dans le ventre après qu'elle lui avait dit qu'elle allait le dénoncer à la police pour tout raconter. Elle avait eu très mal au ventre et était tombée par terre. Il était parti directement après cela.
Les trois enfants avaient assisté à la scène. G______ avait d'ailleurs pleuré et crié à son père en lui disant « tu fait toujours pleurer maman ». La police n'était pas venue chez eux la veille. Lors des conflits, son mari l'insultait tout le temps de « pute » parce qu'elle se maquillait. Il estimait qu'une femme devait rester à la maison pour cuisiner et surtout, elle ne devait ni se maquiller ni se faire belle. Concernant les menaces, il lui avait dit plusieurs fois qu'il allait tuer M______ ou elle, en les égorgeant devant leurs enfants respectifs s'ils restaient ensemble. Il l'avait même dit devant G______ ce qui avait énormément traumatisé cette dernière. Elle n'avait aucun constat médical attestant de ses blessures car elle n'avait jamais eu de blessures visibles. Elle avait eu des douleurs, mais rien de plus.
Son mari n'avait jamais été réellement violent envers ses enfants physiquement, par contre, il avait une emprise psychologique sur eux. Quant à elle, elle avait peur de lui et surtout parce qu'il la menaçait d'enlever les enfants et de les emmener dans un pays étranger. Ce n'était pas un bon père, il ne savait pas comment s'occuper des enfants. Il ne l'avait jamais réellement fait. C'était elle qui avait toujours géré les enfants. D'ailleurs, l'aînée âgée de 7 ans désormais refusait de rester seule avec lui.
À la question : son mari avait-t-il été violent sexuellement à son encontre, elle a répondu par la négative. La seule fois où il avait tenté, elle ne s'était pas laissée faire et il avait abandonné. S'il avait voulu, il aurait pu mais il s'était raisonné ou avait eu peur des représailles, elle ne savait pas. A part les enfants, personne n'était témoin des mauvais traitements de son mari à son encontre. Son mari lui avait pris la clé de la maison qu'il ne voulait pas lui rendre. Il l'empêchait également d'utiliser la voiture pour aller travailler alors que lui avait une Maserati rien que pour lui. Elle ne savait pas comment elle pourrait se rendre au travail le lendemain.
5. Entendu le 11 décembre 2024, M. A______ a expliqué que la relation avec sa femme n'était pas bonne et qu'ils étaient en train de se séparer. Ils s'étaient mariés en avril 2019 et ils étaient heureux. Leur relation s'était dégradée lorsqu'en février–mars 2024, elle avait commencé le karaté. Elle s'était rapprochée de son professeur et ils avaient eu une relation. Cette relation se poursuivait.
Il habitait actuellement chez son épouse. Après avoir découvert sa relation, elle lui avait dit que c'était une erreur et qu'elle voulait rester avec lui. Ils avaient alors essayé et ça avait presque fonctionné.
En juin 2024, elle était partie en Espagne avec les enfants pour les vacances. Il était resté en Suisse. Il avait eu le temps de réfléchir aux mensonges de son épouse et il avait perdu totalement confiance en elle. La dernière semaine du mois de juillet 2024, son épouse lui avait demandé de venir chercher les enfants en Espagne car elle voulait passer une semaine de vacances toute seule, ce qu'il avait fait.
Pour prouver combien il avait alors confiance en elle, au mois de juin 2024, il lui avait laissé transférer sur un compte à son nom la somme de CHF 16'000.-, soit toutes les économies qu'il avait sur son compte privé et auquel elle avait accès. Après les vacances, ils avaient encore discuté de leur séparation et ils avaient décidé qu'elle reste en Suisse pour le bien des enfants. Sa femme n'avait pas de profession et s'ils se séparaient, elle ne pourrait pas assumer les enfants. Dès lors, il lui avait proposé de la soutenir financièrement, jusqu'à ce qu'elle devienne indépendante. En septembre–octobre 2024, elle avait obtenu une place de travail en qualité de responsable dans un restaurant. Il ne pouvait en dire plus. Elle travaillait à 40 %. Au mois de novembre 2024, elle était passée à 60 %. Ils avaient déménagé à L______(GE), car ils voulaient quatre chambres à coucher pour avoir chacun sa chambre. L'idée était qu'il reste avec eux jusqu'à ce qu'il trouve un appartement. Cependant ce n'était pas facile d'en trouver un. De plus, ce n'était pas facile d'avoir des gardes fixes pour les enfants, car sa femme avait des horaires irréguliers. C'était aussi pour cela qu'il n'était pas parti de l'appartement.
En septembre–octobre 2024, sa femme avait contacté un avocat afin d'entamer une procédure de divorce à l'amiable, ce qui coûterait moins cher. Autour du 6 novembre 2024, ils étaient allés chez l'avocat pour signer les documents du divorce à l'amiable. Il ne s'était jamais opposé à ce divorce. Il n'avait même pas pris d'avocat. Pour prouver à quel point il avait été correct, il lui avait donné la totalité de son troisième pilier, soit CHF 30'000.-. Ils étaient dans l'attente du jugement de divorce car elle avait demandé encore beaucoup de changements concernant leur accord. Par exemple, il avait accepté de payer le leasing complet de la voiture qu'elle utiliserait.
Il avait une très bonne relation avec les enfants. C'était lui qui les amenait à l'école vu que son épouse avait des horaires irréguliers. Il n'avait jamais été violent avec ses enfants. Il lui était arrivé de leur crier dessus, pas plus.
Le 10 décembre 2024, il était parti très tôt à son travail et sa femme était venue à l'appartement s'occuper des enfants et elle les avait amenés à l'école. Selon leur accord, il s'occupait des enfants ce jour-là. Pour répondre à la question des policiers, cela faisait une semaine qu'elle ne venait plus à la maison. Par la suite, il avait récupéré les enfants l'après-midi et ils étaient rentrés à la maison, vers 18 h30. Il n'y avait personne à la maison et il avait passé la soirée tranquillement avec les enfants. C'était seulement ce matin vers 8h00 que sa femme était venue garder les enfants car elle ne travaillait pas. Il contestait s'être disputé avec son épouse. Il précisait avoir eu une discussion avec elle concernant la facture des réparations de la voiture. En effet, normalement elle aurait dû payer cette facture car c'était elle qui utilisait cette voiture. Seulement, c'était à lui de le faire. Du coup, elle n'avait pas été contente car il n'avait pas payé cette facture tout de suite. Il a précisé que sa femme s'était permise de prendre contact avec le garage sans sa permission et de lui dire qu'il devait envoyer la facture avec un bulletin de versement chez lui. C'était la seule chose qui s'était passée entre la veille et ce matin. Il contestait des actes de violence par le passé. Il n'y avait eu que des disputes verbales. Il contestait avoir été violent ce jour, huit heures avec son épouse.
À la question de savoir pourquoi son épouse avait déclaré qu'il lui avait mis un coup de poing dans le ventre et l'avait fait tomber ce matin à leur domicile, il a répondu qu'il avait coupé tout contact avec elle depuis la semaine passée afin d'éviter des disputes. Il pensait qu'elle n'avait pas aimé ça parce qu'elle n'aimait pas quand il la contrariait et aussi parce qu'il n'avait pas voulu payer les réparations de la voiture. Il contestait avoir pris les clés de l'appartement. Sa femme avait une clé. Ce matin, elle était restée à la maison avec les enfants.
6. A l'audience du 18 décembre 2024 devant le tribunal, M. A______ a indiqué qu'il persistait dans son opposition.
Mme B______ a indiqué, après avoir pris connaissance de l'opposition formulée par son mari, qu'elle n'était pas du tout d'accord avec la version de la situation de son mari. Ils avaient pris la décision de se séparer en mars 2024, alors qu'ils habitaient encore à K______(GE). Depuis, elle avait déménagé à L______(GE) et son mari vivait encore dans l'appartement dans l'attente de trouver un plus petit logement également à L______(GE). Son mari lui faisait subir des violences psychologiques depuis mars 2024 et économiques depuis le mois de juillet de cette année. Lors de leur mariage, elle avait déposé ses économies sur un compte commun, à savoir EUR 30'000.-, dont EUR 10'000.- avaient été utilisés par son mari pour l'acquisition d'une voiture. Depuis le mois de juillet, elle avait utilisé ce compte pour ses dépenses personnelles ainsi que celles des enfants. Elle a confirmé que son mari l'avait frappée le mardi 10 décembre 2024. Elle a produit un constat médical ainsi que l'arrêt de travail qui avait été prononcé. Elle a transmis également une clé USB comprenant des photographies faites par le médecin.
Le conseil de M. A______ a fait observer que le certificat médical daté du 13 décembre 2024 faisait état de coups de poing infligés le 11 décembre 2024, alors que la soi-disant dispute avait eu lieu le 10 décembre 2024.
Mme B______ a avoué qu'elle était confuse dans les dates, mais c'était tous les jours qu'il se disputaient. Elle ne savait dès lors plus si c'était le 10 ou le 11 décembre. Elle a répété qu'ils se disputaient tous les jours. Son mari l'insultait systématiquement et même devant les enfants, lui reprochant par exemple son maquillage et la traitant de "pute". Elle avait essayé de lui trouver un appartement, mais son mari ne prenait pas la peine de venir les visiter. Il était exact que pour éviter ces disputes, elle quittait le plus possible la maison.
Elle a confirmé ses déclarations à la police, notamment concernant le contrôle que son mari opérait sur elle. Par exemple, lorsqu'il payait ses factures de téléphone, il ne manquait de contrôler chaque conversation pour lui demander de qui il s'agissait.
M. A______ a exposé qu'ils n'étaient pas séparés depuis le mois de mars 2024, mais que c'était à ce moment qu'il avait découvert que sa femme avait une liaison avec son professeur de karaté. À ce sujet, il a précisé qu'il lui avait payé des cours de karaté depuis novembre 2023. Ils avaient décidé de se séparer en août 2024 à leur retour de vacances.
Jusqu'en février 2024, il avait un seul compte à la Banque N______ à son nom et son épouse y avait accès. Elle avait une carte de débit pour ce compte et aussi accès à sa carte de crédit avec une limite de CHF 20'000.-. Il a contesté catégoriquement toute violence économique envers sa femme et a contesté s'opposer à ce que sa femme travaille. Concernant la voiture, ils en avaient une que sa femme utilisait pour aller travailler. S'agissant de la Maserati évoquée, il s'agissait d'une voiture qu'il avait louée par faire des activités avec les enfants. Sa femme l'avait menacé à plusieurs reprises de déposer plainte contre lui pour des violences, moyennant sa signature pour une procédure de divorce à l'amiable. Il était d'accord avec le divorce mais il n'était pas d'accord avec les termes de la convention, qu'il s'était senti contraint de signer. Il avait d'ailleurs donné son accord à des clauses qui étaient totalement en sa défaveur.
Il reconnaissait que le fait que de se retrouver son épouse et lui sous le même toit n'était pas forcément idéal en ce moment pour l'ensemble de la famille.
Mme B______ a indiqué qu'elle n'avait pas les moyens de payer un autre appartement.
Le conseil de M. A______ a mentionné que, selon un mail de Mme B______, qu'il a produit à la procédure, celle-ci avait indiqué à l'entreprise de la maman de jour, qu'elle louait une chambre trois jours par semaine lorsqu'elle allait travailler à 5h30 du matin.
Mme B______ a admis qu'elle pouvait utiliser une chambre que lui louait son ami, professeur de karaté, contre son aide pour des cours de karaté. Cette chambre se trouvait à O______ dans l'appartement de son ami.
M. A______ a indiqué que depuis le début de la mesure, il n'avait pas pu voir ses enfants, ce dont il souffrait beaucoup. Comme il n'avait pas le droit de contacter son épouse, son avocat avait essayé de contacter l'avocate de celle-ci, qu'il n'avait malheureusement pas pu joindre.
Mme B______ a exposé qu'elle n'était absolument pas opposée à ce que son mari voit ses enfants. Son avocate, Me Lucie BEN HAMZA-NOIR la défendait dans le cadre de la procédure de divorce. Elle avait toutefois des difficultés à la contacter. Elle était d'accord de respecter le calendrier qu'ils avaient établi, son mari et elle, concernant la garde des enfants. D'après ce calendrier, son mari pourrait prendre les enfants dès aujourd'hui jusqu'au 24 décembre 2024. Elle les reprendrait le 25 décembre 2024 jusqu'au 27 décembre 2024. Elle était d'accord avec une levée de la mesure d'éloignement dès aujourd'hui. Cela signifiait que son mari pourrait revenir à la maison dès ce soir, puis se rendrait avec les enfants en Espagne chez sa mère vendredi 20 décembre 2024 après l'école. Quant à elle, elle irait loger ce soir dans la chambre qu'elle louait à O______. Elle avait également prévu de se rendre en Espagne où elle reprendrait les enfants selon leur accord.
M. A______ a indiqué que pour sa part, il était d'accord de retirer son opposition en ce qu'elle visait la mesure prononcée le 11 décembre 2024 dès 16h00 jusqu'à ce jour à 17h00. Par ailleurs, jusqu'au 23 décembre 2024 à 16h00, il s'engageait à ne pas contacter d'aucune manière son épouse.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).
2. Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, l'opposition est recevable au sens de l'art. 11 al. 1 LVD.
3. La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
4. La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).
Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).
Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).
Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.
Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de
a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;
b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.
La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).
Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).
Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.
5. En l'espèce, les faits dont Mme B______ se plaint d'avoir été victime, notamment le 10 décembre 2024, correspondent à la notion de violences domestiques au sens défini par la loi.
Si M. A______ conteste toute forme de violence à l'encontre de son épouse, il admet que le couple traverse une période de crise, en particulier depuis mars 2024. Le tribunal a pu constater la tension palpable régnant entre les époux. M. A______ a d'ailleurs reconnu qu'il ne serait pas souhaitable que les époux se retrouvent sous le même toit dans l'intérêt des enfants.
Cela étant, Mme B______ a indiqué en audience qu'elle n'était pas opposée à ce que son mari voit ses enfants et qu'elle était d'accord de respecter le calendrier qu'ils avaient établi concernant la garde des enfants. De sorte que d'après ce calendrier, son mari pourrait prendre les enfants dès aujourd'hui jusqu'au 24 décembre 2024. Elle les reprendrait le 25 décembre 2024 jusqu'au 27 décembre 2024. Elle était ainsi d'accord avec une levée de la mesure d'éloignement dès aujourd'hui. Cela signifiait que son mari pourrait revenir à la maison dès ce soir, puis qu'il se rendrait avec les enfants en Espagne, chez sa mère, le vendredi 20 décembre 2024 après l'école. Quant à elle, elle irait loger ce soir dans la chambre qu'elle louait à O______. Elle avait également prévu de se rendre en Espagne où elle reprendrait les enfants selon leur accord.
M. A______ a ajouté que pour sa part, il était d'accord de retirer son opposition en ce qu'elle visait la mesure prononcée le 11 décembre 2024 dès 16h00 jusqu'au 18 décembre 2024 à 17h00. Par ailleurs, jusqu'au 23 décembre 2024 à 16h00, il s'engageait à ne pas contacter d'aucune manière son épouse.
Dans ces circonstances et vu l’accord des parties, le tribunal confirmera la mesure d'éloignement prononcée le 11 décembre 2024 à 16h00 jusqu'au 18 décembre 2024 à 17h00 et la lèvera pour le surplus.
6. Par conséquent, l'opposition sera partiellement admise et la mesure d'éloignement confirmée dans son principe mais réduite au 18 décembre 2024 à 17h00.
7. Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).
8. Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable l'opposition formée le 16 décembre 2024 par Monsieur A______ contre la mesure d’éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le 11 décembre 2024 pour une durée de treize jours ;
2. l'admet partiellement au sens des considérants ;
3. dit qu'il n'est pas perçu d'émoluments ni alloué d'indemnité ;
4. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;
5. dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties et au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour information.
Genève, le |
| La greffière |