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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3418/2024

JTAPI/1027/2024 du 18.10.2024 ( LVD ) , ADMIS

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE;MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL)
Normes : LVD.8; LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3418/2024 LVD

JTAPI/1027/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 18 octobre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

Madame B______, représentée par Me Maïssa FATTAL, avocate, avec élection de domicile

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Le 6 octobre 2024, Madame B______ a fait appel à la police suite à un conflit avec son mari, Monsieur A______, concernant le travail, à l’adresse chemin C______, D______. Elle est intervenue à 21h17.

Selon le rapport de renseignements de la police du 10 octobre 2024, la situation entre les deux époux s’était envenimée et M. A______ se serait montré violent envers sa femme, lui donnant des coups au niveau du haut du corps avec la main ouverte ; Mme B______ n’avait pas été en mesure d’expliquer le détail des coups. M. A______ avait quitté le logement avant l’arrivée de la police.

2.             Mme B______ a été entendue par la police le 10 octobre 2024.

Elle a expliqué que le couple avait deux enfants dont elle s’occupait, ainsi que du ménage et de la cuisine. Elle travaillait pour son mari depuis six ans, ce dernier étant indépendant dans le domaine de l’immobilier : elle s’occupait de la gestion administrative depuis la maison. Elle n’avait été déclarée pour son activité que pendant une année. Son mari lui donnait de temps en temps CHF 100.- ou CHF 200.- mais jamais régulièrement. Elle avait tenté à plusieurs reprises d’arrêter de travailler pour lui mais il l’obligeait. Il lui criait dessus et une fois il l’avait saisie par le bras et avait serré. Il la menaçait également de cesser de payer les factures si elle ne travaillait pas pour lui. Elle percevait les allocations familiales de ses deux enfants et devait acheter tout nécessaire pour elle et eux, son mari n’achetant que la nourriture.

Suite à une maladie, son mari avait changé : durant une période, il ne voulait plus travailler et restait enfermé dans sa chambre à lire le coran. Il avait été violent verbalement mais pas physiquement car elle avait évité la confrontation par peur. Après quelques mois, il avait commencé à se sentir mieux et lui avait dit qu’il ne se sentait plus contrôlé par une autre personne à l’intérieur de lui et qu’il avait repris le contrôle de son corps. Il était instable. Il avait commencé un traitement auprès d’un psychiatre qui l’avait diagnostiqué schizophrène. Avec les médicaments, il était bien et calme mais après quelques mois, soit en 2022, il avait arrêté, arguant qu’il n’était pas malade. Depuis là, il était devenu ingérable et agressif avec tout le monde : il parlait mal aux clients, rien n’allait dans leur vie, il était toujours au téléphone, ne respectait pas les règles éducatives qu’elle avait mises en place avec leurs enfants, si bien que leur fille était dans une classe intégrée et leur fils souffrait de mutisme sélectif et était TDH.

Elle avait tenté de demander le divorce à plusieurs reprises depuis 2023 : il lui avait toujours répondu que s’ils divorçaient il allait tous les tuer et se suicider par la suite. Elle avait tenté de proposer des solutions amiables mais il avait alors menacé de lui enlever les enfants pour les envoyer en Algérie.

En août 2024, suite à une énième dispute, son mari l’avait saisie avec sa main par le cou et l’avait plaquée contre le mur fort et ensuite relâchée en lui disant qu’elle avait de la chance d’être en Suisse.

Le 29 septembre 2024, elle s’était rendue au centre « E______ » et on lui avait conseillé d’aller voir le centre « F______ » : on lui avait également indiqué que si son mari recommençait ses agissements, elle devait faire appel à la police.

Le dimanche 6 octobre 2024, ils avaient eu une nouvelle dispute au sujet du travail car il lui avait demandé de travailler durant la nuit. Elle lui avait expliqué qu’elle voulait dormir car elle avait géré les enfants pendant toute la journée et qu’elle était fatiguée. Il lui avait répondu avec une autre intonation « Oui tu vas travailler ». Devant son refus, il avait commencé à crier et à l’insulter en la traitant en arabe de « pute » ainsi que d'autres insultes qu’elle n’avait pas retenues. Elle l’avait laissé crier et s’était réfugiée dans sa chambre – précisant qu’ils faisaient chambre à part depuis 2023. Il l'avait suivie jusqu'à sa chambre et l’avait rabaissée en lui disant des obscénités, soit « Tu n'es pas une femme », « Je peux voir les toilettes sales mais je ne peux pas voir ta gueule ». Elle lui avait demandé de baisser d'un ton car c'était l'heure du coucher des enfants. Elle avait tenté de quitter sa chambre et il l’avait saisie avec sa main droite et l’avait obligée à rester dans la même pièce que lui. Elle lui avait demandé une nouvelle fois le divorce et il lui avait répondu qu'il allait la tuer si elle répétait sa demande. Ensuite, il avait tenté de lui donner des coups au niveau du visage mais elle s’était protégée. Pour finir, il l’avait saisie au niveau du cou et l’avait plaquée contre le mur. Elle avait commencé à crier car elle avait peur et il l’avait relâchée : elle n’avait pas eu le souffle coupé. Les enfants avaient assisté à la scène. Par la suite, elle avait pris son téléphone pour appeler la police ; il avait tenté de l’en empêcher en la tirant par la main et par son pull mais en vain. Voyant qu’elle avait réussi à joindre la police, il avait rapidement quitté les lieux. Depuis cet énième épisode, il n’était plus revenu à la maison et avait envoyé son frère et sa mère pour tenter d’arranger la situation.

Son mari n’avait jamais frappé les enfants et elle-même n’avait pas été blessée ; elle n’avait pas de constat médical.

Elle a déposé plainte pénale.

3.             M. A______ a été convoqué par la police pour son audition le 10 octobre 2024.

Sa femme, dont il était marié depuis 2016, était son amour. Depuis cette date, tout se passait bien dans son couple ; comme dans tous les couples il y avait des hauts et des bas et il était choqué d’être devant la police, il pensait qu’il y avait un gros malentendu. Il était un excellent mari et père. Ils avaient des disputes plutôt verbales, mais très rarement.

Sa femme l’avait occasionnellement aidé dans des tâches administratives de son entreprise. Avant 2020 et le COVID, elle était déclarée pour une activité à 50% avec un salaire de CHF 2’500.- par mois. Suite au COVID, ils avaient décidé qu’elle arrêtait son activité et se mettait à 100% dans l’éduction des enfants et la gestion de leur famille. Par la suite, pour le dépanner, elle lui donnait des coups de main et il la rémunérait en lui donnant environ CHF 200.- par ci par là.

En septembre 2024, elle lui avait fait part qu’elle n’avait plus d’argent et il lui avait proposé de retravailler pour sa société ; ils s’étaient mis d’accord sur un 25% avec la liberté de faire les heures comme elle le voulait, de ce fait il l’avait payée CHF 1'250.- pour le mois de septembre. Il n’avait jamais refusé qu’elle arrête de travailler mais si elle arrêtait, ils devaient revoir leur train de vie, d’où le fait qu’il lui avait dit qu’il ne pourrait plus payer certaines choses qui n’étaient pas obligatoires ; il ne l’avait jamais touchée. Sa femme touchait actuellement les allocations familiales de CHF 600.- dont elle disposait comme elle voulait.

En 2021, il avait fait un burnout qui l’avait mis KO pendant environ deux ans, mais il n’avait jamais cessé de travailler pour prétendre à des aides ou assurances. Il était toutefois beaucoup resté à la maison pour travailler et lire le coran. Il avait pensé être ensorcelé et était persuadé que le coran allait l’aider. Il était allé voir, sur conseil de sa femme, un psychiatre, mais n’avait pas pris de médicaments.

Entre 2021 et 2023 il n’y avait jamais eu de violences verbales mais des échanges de couple. Sa femme ne lui avait jamais fait part de son envie de se divorcer.

En août 2024, il n’avait pas saisi sa femme par le cou ni plaquée contre le mur, elle était en vacances au Maroc avec les enfants et lui-même était à Genève. A Pâques 2024, il avait tout organisé pour partir en Algérie et la veille du départ elle avait dit qu’elle refusait de partir sans donner de motif et avait caché les passeports de ses enfants : il avait dû annuler le voyage.

Le 6 octobre 2024, il n’avait pas insulté sa femme. Lorsqu’il était sorti faire du vélo avec sa fille, il avait demandé à sa femme de mettre à jour quelques dossiers qu’il avait traité durant la journée. Le soir, en remontant après avoir déposé les poubelles, elle l’avait engueulé « comme un petit enfant », n’ayant rien à faire dans la cuisine suite à un verre cassé. Il lui avait répondu qu’il préférait se blesser que d’être traité et engueulé de la sorte. Il avait eu peur de son comportement. Il était alors parti dans le salon et elle l’y avait rejoint et jeté un billet de CHF 100.- en lui disant qu’elle était fatiguée, qu’elle n’allait pas travailler maintenant et qu’elle gérait son temps comme elle le voulait. Elle lui avait également dit qu’elle ne voulait plus l'aider dans son travail, car elle était débordée avec les enfants et la gestion familiale. Le touchant avec ses dires, il lui avait fait quand même la remarque qu'elle était sur ses réseaux sociaux 23h/24h et qu'elle pouvait se gérer différemment. Suite à cette remarque, elle était partie dans sa chambre - faisant chambre séparée depuis environ un an. Il l’avait rejointe pour comprendre la situation car il trouvait qu’elle cherchait les problèmes : elle lui avait alors annoncé qu’elle voulait divorcer. Il avait répondu que même un divorce se discutait et se négociait sans qu'ils se disputent et qu'elle l'engueule comme un enfant. De ce fait, elle lui avait dit qu’il la faisait « gerber » et la dégoutait : du tac au tac, il lui avait également répondu qu'elle le dégoutait, même s’il ne le pensait pas du tout. Le ton avait commencé à monter et les enfants étaient arrivés en pleurant. Elle avait commencé à hurler en disant qu'elle allait appeler la police et qu'elle ne voulait plus le voir à la maison. Il lui avait demandé d'arrêter son scandale pour ne pas déranger les voisins et avait essayé de lui prendre son téléphone, sans y parvenir. Il lui avait encore demandé si elle était sérieuse sur le fait qu'elle ne voulait plus de lui dans cette maison : lui confirmant ses dires, il était parti de l'appartement et était allé chez son frère et sa mère ici à D______. Il y était encore actuellement et pouvait y rester le temps qu’il voulait. Il ne lui avait jamais dit « Tu n'es pas une femme », « Je peux voir les toilettes sales mais je ne peux pas voir ta gueule ». Il ne lui avait pas pris la main, il avait juste essayé de lui prendre son téléphone. Il n’avait jamais menacé de la tuer, il voulait discuter pour trouver la meilleure solution pour leur famille et leurs enfants. En aucun cas il avait levé la main sur sa femme et ne le fera jamais. Suite au scandale fait par sa femme, il avait préféré quitter l’appartement pour calmer la situation : c’était elle qui le lui avait demandé, et il n’y était pas revenu et n’avait pas pris contact avec elle. Il pensait qu’elle l’avait bloqué, raison pour laquelle elle n’avait pas reçu ses messages du 8 octobre 2024.

Il respecterait toutes les décisions prises à son encontre, voulant juste pouvoir continuer à voir ses enfants.

4.             Par décision du 10 octobre 2024, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement du 10 octobre 2024 à 23h00 au 20 octobre 2024 à 17h00 à l'encontre de M. A______, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de MME B______, située au chemin C______, D______, et de contacter ou de s'approcher de celle-ci.

Selon cette décision, M. A______ était présumé avoir saisi sa femme au poignet sans engendrer de blessure, l’avoir saisie au cou en appui contre un mur sans étranglement, de l’avoir injuriée de « pute » et rabaissée verbalement, de lui voir donné un ou des coups à la tête, sans blessure, d’avoir menacé de la tuer en cas de procédure de divorce. Précédemment, il l’aurait saisie au poignet sans engendrer de blessure, saisie au cou avec intimidation sans étranglement, avoir menacé de la tuer, ainsi que les enfants en cas de procédure de divorce et d’avoir menacé de prendre les enfants et de partie en Algérie également en cas de procédure de divorce.

5.             M. A______ a fait opposition à cette décision par acte du 16 octobre 2024 et reçu par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 17 octobre 2024.

Rien en permettait de présumer que les violences alléguées par Mme B______ eussent effectivement eu lieu. La décision ne tenait absolument pas compte de l’ensemble des circonstances.

Lors de l’intervention de la police le 6 octobre, cette dernière n’avait constaté aucune blessure ou marque sur le corps de Mme B______ et l’appartement était en parfait état, il n’y avait aucun signe matériel de violence. Dans le cas contraire, la police aurait immédiatement ordonnée son arrestation.

Sa femme avait déposé plainte plus de quatre jours après et il avait été convoqué par téléphone. S’il avait existé un réel risque de prétendues violences, respectivement de réitération attestée par des éléments objectifs, la police aurait pris les mesures sans délai.

Sa femme prétendait avoir reçu un ou des coups à la tête. Or, en comparant sa corpulence et celle de sa femme, si réellement il lui avait donné des coups à la tête, elle aurait souffert de blessures.

Rien ne permettait de retenir que le 6 octobre 2024 il aurait été pris d’un accès de colère allant jusqu’à asséner des soi-disant coups à la tête de sa femme et des menaces de mort. Il ne buvait pas d’alcool, ne consommait pas de substances et n’était pas mentalement instable. En près de huit ans de vie commune, il était évident que des situations aussi ordinaires, au cours desquelles sa femme s’était emportée pour des futilités, s’étaient produites des centaines de fois : c’était toutefois la première fois de sa vie qu’il était accusé de violences et il ne présentait aucun antécédent de la sorte. S’il avait été enclin à adopter un tel comportement, il était totalement invraisemblable qu’il ait attendu huit ans pour le faire et la plainte de sa femme ne serait pas la première.

Il rappelait deux événements, soit la planification de leur voyage en Algérie en février 2024 qu’il avait dû annuler et l’invitation par sa femme des deux sœurs de celle-ci pendant un mois chacune à leur domicile sans avoir probablement été informé. Ces circonstances démontraient un très grand calme de sa part face aux actions provocatrices de sa femme.

Il était exact que leur couple faisait face à des difficultés conjugales depuis un certain temps, en particulier depuis l’obtention par sa femme en juillet 2023 de son permis C, les poussant à faire chambre à part depuis un an : il avait accepté cette situation dans l’espoir de préserver le bien-être de leurs enfants.

Il n’avait aucune intention de regagner le domicile conjugal et était disposé à déposer une requête commune en divorce prenant en compte les besoins des enfants.

6.             Selon une attestation de VIRES, M. A______ s’était rendu à un entretien socio-thérapeutique et juridique auprès de cette institution le 15 octobre 2024.

7.             A l'audience du 18 octobre 2024 devant le tribunal, M. A______ a indiqué s'opposer à la mesure d'éloignement. Il a confirmé que lorsqu’il avait quitté le domicile conjugal il était allé habiter chez son frère à la rue G______ à D______. Il était locataire d'un appartement à la rue H______, qui était en sous-location, mais il avait résilié le contrat de bail de sous-location et il pourra y emménager à la fin du mois. Il a confirmé avoir voulu, le 6 octobre 2024, prendre le téléphone des mains de son épouse pour qu'elle arrête son scandale : il lui avait en fait demandé de lui donner son téléphone mais il n’avait pas tenté de le prendre. Il a confirmé ne pas avoir du tout touché son épouse. Le 8 octobre 2024, il était convenu qu'il aille chercher son fils à l'école à 15h00 pour aller l'amener chez le psychologue : il s'agissait d'une de ses tâches découlant de leur planning d'organisation familial. Lorsqu’il était arrivé, sa femme était déjà venue le chercher. Il avait pu le voir à 16h00 alors que sa femme voulait faire en sorte qu’il ne puisse pas le voir. Il n’avait pu voir ses enfants depuis l'évènement du 8 octobre que de loin lorsqu'ils étaient à la récréation. Il a confirmé qu’il n’avait pas l'intention de revenir au domicile conjugal à la fin de la mesure. Il avait pris contact avec la maison de la médiation du Pouvoir Judiciaire ainsi qu'avec le SPMi, notamment en ce qui concernait son droit de visite sur ses enfants. Si son épouse souhaitait divorcer il ne s'y opposerait pas mais il était nécessaire qu’ils en discutent. Il n’avait pas de problèmes psychologiques, il était allé voir un psychiatre jusqu'à mi 2023 suite à son burnout. Il pensait que sa femme manipulait les enfants contre lui, elle les utilisait dans leur conflit, sa fille lui ayant par exemple dit hier qu'elle ne voulait pas qu’il les emmène en Algérie alors qu’il n’avait jamais eu cette intention. Il pensait que le but de sa femme était de la vengeance et de le punir en l'éloignant de ses enfants. Il a indiqué qu’il n’avait pas utilisé son droit à se faire accompagner par la police chez lui afin de récupérer des affaires car il voulait « les laisser tranquilles », cette période de dix jours d'éloignement permettant d'apaiser les choses. Il souffrait de ne pas voir ses enfants. Il n'était pas opposé à s'éloigner de sa femme pendant dix jours mais c’était les motifs et les faits retenus contre lui dans la décision qui l’avaient motivé, avec l'appui d'un conseil, à faire opposition. Il était ouvert à discuter du divorce, il était quelqu'un de pacifique.

Mme B______ a indiqué qu’elle n’avait jamais fait de constats médicaux concernant les coups reçus de la part de son mari. Lors de l'altercation du 6 octobre 2024, son mari avait essayé de lui donner des coups sur la tête avec ses mains mais elle avait mis ses bras en avant pour se protéger et elle n’avait reçu qu'un seul coup. En 2023, son mari lui avait une fois saisi le poignet et plaquée contre un mur en la prenant par le cou. Il en avait fait de même le 6 octobre 2024. Elle a confirmé que son époux n'avait pas tenté d'entrer en contact avec elle depuis le prononcé de la mesure. Comme elle ne savait pas si c'était son mari qui venait chercher leur fils à l'école le 8 octobre, c'était elle qui y était allée. Elle a contesté avoir fait en sorte que son mari ne puisse pas voir leur fils. Elle ne voulait pas que son mari parle avec leur fils de ce qui s'était passé le 6 octobre. Elle souhaitait divorcer, elle en avait plusieurs fois parlé avec son mari mais à chaque fois il l'avait menacée. Ses enfants avaient été atteints psychologiquement par les évènements du 6 octobre. Elle était d'accord que son mari voie les enfants mais elle souhaitait aussi pouvoir discuter avec ses enfants à ce propos.

Les parties ont indiqué qu’ils avaient déménagé au chemin C______ à D______ il y a environ deux ans. Ils avaient fait les démarches auprès de l'OCPM. Ils ont indiqué ne pas avoir d'amis communs qui pourraient permettre que les enfants voient leur papa avant la fin de la mesure dans l'hypothèse où celle-ci serait confirmée.

Le conseil de Mme B______ a demandé que la mesure allant jusqu'au 20 octobre 2024 à 23h00 soit confirmée et a pris note que le délai pour déposer une demande de prolongation était échu.

8.             La représentante du commissaire de police a indiqué que le mesure devait d’étendre jusqu’à 23h00 le 20 octobre 2024 et non 17h00 comme mentionné et a conclu au rejet de l’opposition et au maintien de la décision.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, l'opposition est recevable au sens de l'art. 11 al. 1 LVD.

3.             La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

4.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

5.             En l'espèce, il ressort du dossier qu’une altercation a eu lieu entre les époux le 6 octobre 2024 à leur domicile. Les déclarations des parties sur le déroulement de faits sont en partie contradictoire : tandis que Mme B______ indique avoir reçu un coup sur la tête, et avoir été saisie au cou et à la main droite par son mari, M. A______ explique avoir seulement voulu prendre le téléphone des mains de son épouse sans toutefois l’avoir touchée. Il conteste toute forme de violence envers sa femme.

Aucun constat médical n’a été établi sur les éventuelles lésions consécutives aux violences que Mme B______ indique avoir subies lors de cet évènement ; cette dernière reconnait elle-même ne pas avoir de trace des blessures. Elle n’avait pas non plus fait établir d’attestation médicale sur les violences qu’elle a indiquées avoir subies en août 2024.

Il apparait que M. A______, afin d’apaiser la situation, a quitté le domicile conjugal immédiatement après l’altercation du 6 octobre 2024 pour se rendre chez son frère ; il n’était alors, de sa propre initiative, plus revenu au domicile conjugal depuis cette date ni n’avait plus eu de contacts avec son épouse, sauf le 8 octobre 2024 au moment de venir chercher son fils à l’école, ce que sa femme a confirmé en audience.

Les époux n’ont été convoqués par la police pour leur audition que le 10 octobre 2024, soit quatre jours après les faits, et ce n’est qu’à ce moment-là que Mme B______ a déposé plainte pénale contre son époux.

Au vu de ce qui précède, le tribunal estime qu’aucun élément du dossier ne permet de retenir que M. A______ ait fait preuve à l’encontre de son épouse de violence physique ou psychologique d’une gravité permettant de retenir qu’il s’agit d’actes correspondent à la notion de violence domestique, au sens défini plus haut. Si certes il y a eu une forte altercation entre les époux le 6 octobre dernier, elle n’a ainsi pas atteint le degré de gravité permettant le prononcé d’une mesure d’éloignement. De plus, le tribunal relèvera qu’entre le 6 et le 10 octobre 2024, M. A______ est resté éloigné du domicile conjugal de sa propre initiative afin d’apaiser la situation, et qu’ainsi, le 10 octobre 2024, au moment du prononcé de la mesure, aucun indice ne permettait de retenir un quelconque risque de réitération d’actes de violence de la part de M. A______ à l’encontre de son épouse, pour autant qu’il y en ait effectivement eu précédemment.

6.             Au vu de ce qui précède, l’opposition sera admise et la mesure d’éloignement annulée.

7.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

8.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 16 octobre 2024 par Monsieur A______ contre la mesure d’éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le 10 octobre 2024 pour une durée de dix jours ;

2.             l'admet ;

3.             annule la mesure d’éloignement prononcée le 10 octobre 2024 à l’encontre de M. A______ ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière