Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/982/2024 du 03.10.2024 ( LVD ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 3 octobre 2024
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dans la cause
Madame A______, assistée de sa conseil, Me Andreia RIBEIRO, avocate, avec élection de domicile
contre
Madame B______
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Par décision du 30 septembre 2024, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de dix jours à l'encontre de Madame A______, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de son épouse, Madame B______, située C______ 1______, D______, et de contacter ou de s'approcher de celle-ci.
2. Selon cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0) et indiquant notamment que Mme A______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'une des associations dont les coordonnées étaient mentionnées afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 ; LVD – F 1 30), était motivée comme suit :
« Description des dernières violences :
Un conflit est survenu au domicile conjugal durant lequel Mme B______ aurait injurié et menacé Mme A______. Cette dernière a expliqué que son épouse, Mme A______ lui aurait fait un croche-pied et l'aurait fait tomber au sol.
Description des violences précédentes :
Plusieurs conflits entre Mme B______ et Mme A______. Des plaintes pour injures, menaces, voies de fait ont été déposées à l'encontre de Mme A______. Cette dernière a quant à elle déposé plainte pour calomnie, contrainte, injure et voies de faits contre Mme B______ ».
3. Mme A______ a fait immédiatement opposition à cette mesure auprès du commissaire de police.
4. Il résulte des rapports de renseignements et d'interpellation du 30 septembre 2024 que la veille, à 20h11, la Centrale d'engagement, de coordination et d'alarme (CECAL) avait requis une patrouille au C______ 1______, D______ suite à un conflit entre deux femmes. Il ressortait de leur intervention que Mme A______, épouse de Mme B______, avait poussé cette dernière qui était tombée au sol.
Une plainte avait été enregistrée à Mme B______ dont il ressortait que la situation familiale de cette dernière n'avait pas évolué depuis sa dernière audition à la police le 19 août 2024. Elle se préparait à partir et cherchait une chemise particulière, sans la trouver. Mme A______ était montée dans la chambre pour voir ce qu'elle faisait. Mme B______ avait décidé de sortir de la chambre et, à ce moment-là, Mme A______ lui avait fait un croche-pied. Mme B______ était tombée au sol. Le fils de celle-ci, E______, avait vu le croche-pied. Mme B______ ne souhaitait plus poursuivre sa relation avec Mme A______ et demandait une mesure d'éloignement.
Entendue en qualité de prévenue, Mme A______ n'avait pas reconnu les faits lui étant reprochés. Mme B______ l'avait insultée en la traitant de « salope » et « va te faire foutre ». Cette dernière l'avait en outre menacée en lui disant « je vais te tuer ». Mme B______ s'était jetée au sol volontairement et était allée s'enfermer dans la salle de bain avec son fils, lequel avait fait appel à la police sur instructions de sa mère. Elle avait elle-même contacté la police pour l'informer de la situation. Elle avait déposé plainte contre Mme B______ pour injure, menaces et calomnie.
Entendue en qualité de prévenue, Mme B______ avait contesté les faits lui étant reprochés.
Il ressortait de l'outil informatique que la police était intervenue au domicile conjugal à deux reprises suite à des conflits et que les plaintes suivantes avaient été déposées :
- le 18 août 2024, intervention au domicile, 2______, rapport de renseignements sans mesure d'éloignement. Plaintes de Mme B______ et de Mme A______ pour voies de fait et injure ;
- le 16 septembre 2024, 3______, Mme B______ s'est rendue au poste de F______ pour déposer plainte pour injure et menaces. Mme A______ a été convoquée et auditionnée. Mme A______ a déposé plainte pour calomnie et contrainte ;
- le 29 septembre 2024, intervention au domicile, soit la présente procédure.
L'Unité mobile d'urgence sociales (UMUS) avait été contactée afin que Mme A______ soit prise en charge.
5. Les intéressées ont été entendues le 30 septembre 2024 à 00h30 :
Mme B______ a déclaré qu'elle avait rencontré sa compagne sur Internet fin 2022. Cette dernière vivait au Brésil. Elle s'y était rendue pour faire sa connaissance en janvier 2023, puis à deux autres reprises entre février 2023 et juillet 2023. Elles avaient convenu que c'était Mme A______ qui viendrait vivre en Suisse. Elle lui avait acheté son billet d'avion en septembre 2023. Elles avaient commencé à habiter ensemble à ce moment-là. Elles s'étaient mariées en avril 2024. Elle avait deux enfants d'une précédente union, G______ 16 ans et E______ 12 ans. Ils vivaient avec elle et voyaient leur père de temps en temps. Mme A______ n'avait pas d'enfant.
Le 29 septembre 2024, aux environs de 19h30, alors qu'elle se préparait afin de sortir avec des copines, elle cherchait une chemise spécifique qui se trouvait dans l'armoire de la chambre matrimoniale. Elle ne dormait plus dans la chambre matrimoniale depuis le 18 août 2024, mais sur le canapé du salon. Alors qu'elle cherchait son vêtement dans l'armoire de la chambre, son épouse était montée (le couple vivait dans un duplex) pour voir ce qu'elle faisait. Elle lui avait simplement dit qu'elle cherchait sa chemise, mais qu'elle ne la trouvait pas. Elle s'était dirigée vers la commande, mais sa chemise ne s'y trouvait pas non plus. Pour éviter un énième conflit, elle avait fait le tour du lit pour sortir de la chambre. Son épouse lui avait alors fait un croche-pied volontaire pour la faire tomber. Dès lors qu'elle ne s'y attendait pas, elle était effectivement tombée au sol. Son fils E______ était resté devant la chambre matrimoniale et avait donc vu le croche-pied. Elle l'avait rassuré et lui disant qu'elle allait bien. Elle s'était relevée et dirigée vers la salle de bain pour s'y enfermer. Son fils était entré dans la salle de bain afin de lui parler. Il lui avait dit qu'il allait faire appel à la police. Elle lui avait répondu de ne pas le faire car elle en avait marre de déposer plainte et qu'il n'y ait pas de suite pour éloigner sa femme. Son fils avait appelé sa sœur G______ qui n'était pas présente. Lors de cette conversation, G______ avait dit à son frère de faire appel à la police. De ce fait, E______ avait appelé les services de police. Son épouse ne l'avait pas menacée cette fois-ci. Elle ne l'avait pas non plus insultée. Ce n'était pas la première fois que cela arrivait. Il n'y avait pas de suite possible avec sa femme. Elle souhaitait vivement divorcer et que cette dernière quitte son domicile. Elle avait déjà entamé une procédure en annulation du mariage et du titre de séjour B de son épouse. Elle lui avait proposé plusieurs solutions comme : un billet d'avion pour retourner au Brésil, une chambre à Genève dont elle s'était engagée à payer le loyer, des démarches auprès d'un foyer pour qu'elle puisse se loger provisoirement. Son épouse avait refusé toutes ces solutions. Désormais, elle était fatiguée et à bout car rien ne bougeait. Elle souhaitait que son épouse soit éloignée du domicile. Elle avait sollicité cette mesure à chaque fois qu'elle avait déposé plainte, mais rien n'avait été fait.
Egalement entendue, Mme A______ a déclaré qu'elle avait déposé plainte contre son épouse le 19 août 2024. Sa relation avec elle n'avait pas changé depuis son précédent dépôt de plainte. Elle avait rencontré son épouse sur les réseaux sociaux à la fin de l'année 2022. Elle avait perdu sa maman une année auparavant et ne se sentait pas très bien, vulnérable. A l'époque, elle vivait encore au Brésil. Après avoir échangé quelques mois sur les réseaux sociaux, B______ était venue la voir au Brésil en janvier 2023. Elles s'étaient bien entendues et avaient entamé une relation amoureuse. B______ était revenue la voir en mars 2023 au Brésil pour son anniversaire. Elles avaient continué leur relation à distance jusqu'au mois de juillet 2023 au cours duquel B_____ l'avait demandée en mariage.
Le 29 septembre 2024, aux environs de 19h30, elle était au téléphone avec un collègue professionnel brésilien. Elle téléphonait depuis l'extérieur, car son épouse lui interdisait de téléphoner à l'intérieur de leur domicile. B______avait ouvert la porte d'entrée en l'accusant d'avoir volé l'un de ses vêtements. Elle lui avait répondu qu'elle n'avait rien volé et qu'elle ne savait pas de quoi elle parlait. Elle avait essayé d'entrer, mais son épouse l'avait repoussée avec la porte d'entrée en la blessant à l'orteil droit et au pied gauche. Elle avait finalement lâché la porte et était montée à l'étage dans la chambre matrimoniale. B______ était très énervée. Elle l'avait suivie car elle avait eu peur que cette dernière lui casse ses affaires, notamment son ordinateur. Le fils de B______ se trouvait dans le salon. B______ avait commencé à l'insulter de « salope ». Elle lui avait en outre dit qu'elle devait immédiatement sortir de chez elle, d'aller « se faire foutre », tout en l'accusant d'être une voleuse suite à la disparition de son vêtement. Son épouse avait sorti toutes ses affaires qui se trouvaient dans la commode. Elle l'avait en outre menacée de mort en lui disant qu'elle « allait la tuer ». Ce n'était pas la première fois qu'elle lui disait cela. Depuis le jugement suite aux plaintes du 19 août 2024, son épouse lui avait dit que lorsqu'elle retournerait au Brésil, elle serait tuée. Elle lui avait demandé d'arrêter et de lui dire quelle pièce de vêtement elle cherchait. Au moment où son épouse était passée à côté d'elle, elle s'était jetée au sol. E______ avait vu sa mère au sol. Il lui avait demandé ce qu'il s'était passé et elle lui avait répondu qu'elle n'avait rien fait. Son épouse s'était relevée et avait demandé à son fils de l'accompagner dans la salle de bain. L'enfant avait alors appelé la police en suivant les instructions de sa mère. Elle était désespérée. Elle avait également appelé la police. Comme elle ne parlait pas le français, on lui avait passé quelqu'un qui parlait le portugais. Elle lui avait expliqué la situation qu'elle subissait. Après l'appel à la police, elle avait demandé à sa femme de déverrouiller la porte d'entrée car la police était en train d'arriver. Entre-temps, sa femme et le fils de celle-ci étaient descendus au salon. Peu de temps après, la fille de sa femme était arrivée en déverrouillant la porte. En attendant l'arrivée de la patrouille, sa femme lui avait dit qu'elle allait avoir des problèmes, qu'elle allait être mise en garde à vue car elle n'était rien du tout et qu'elle était suissesse. Les policiers étaient arrivés par la suite et avaient calmé la situation.
Sur questions des policiers, elle a précisé que le fils de B______ n'était pas présent lorsque celle-ci s'était jetée au sol. Il n'était arrivé qu'après qu'elle était tombée. B______ était en outre alcoolisée au moment de leur conflit. Elle n'avait ni frappé ni injurié son épouse. Leur relation était terminée. Son épouse avait d'ailleurs trouvé quelqu'un d'autre, une autre Brésilienne vivant à H______. Elle n'avait rien fait. Elle avait essayé de trouver une solution. Sa femme voulait lui porter préjudice. Si elle avait un endroit où aller, elle ne s'opposerait à la mesure d'éloignement qui pourrait être ordonnée à son encontre.
S'agissant de sa situation personnelle, elle a expliqué être arrivée en Suisse en septembre 2023. Elle n'avait pas de titre de séjour actuellement. Elle était dans l'attente d'un retour de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) pour l'obtenir. Elle n'avait pas d'autre famille en Suisse. Elle avait tout perdu au Brésil, elle n'avait plus rien. Elle avait accepté de venir en Suisse. Elle essayait de s'intégrer. Elle apprenait le français dans le but de pouvoir ensuite exercer sa profession de comptable. Elle était actuellement sans emploi ni revenu.
A l'issue de son audition en qualité de prévenue, Mme A______ a déposé plainte pénale à l'encontre de Mme B______ des chefs d'injure, menaces et calomnie.
Entendue suite à ce dépôt de plainte, Mme B______ a contesté les faits lui étant reprochés.
6. Par courriel du 30 septembre 2024, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a sollicité, auprès de la représentante du commissaire de police, copie des extraits du casier judiciaire suisse de Mmes A______ et B______ dès lors que ces documents ne figuraient pas dans le dossier qui lui avait été transmis.
7. Par retour de courriel du même jour, ces documents ont été transmis au tribunal. Il en ressort que :
- Mmes A______ n'a pas d'antécédent. Est inscrite la procédure en cours P/4______auprès du Ministère public pour injure (art. 177 CP) ;
- Mme B______ a été condamnée le 4 mai 2023 pour non-restitution de permis ou de plaques de contrôle non valables ou retirés selon la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (RS − 741.01) (art. 97 al. 1 let. b LCR). Est également inscrite la procédure en cours P/4______ auprès du Ministère public pour injure (art. 177 CP).
8. Par courrier du 30 septembre 2024, dont l'envoi a été anticipé par courriel, le tribunal a sollicité du Ministère public du canton de Genève que lui soient adressées copies des éventuelles décisions rendues dans le cadre de la procédure P/4_______.
9. Par retour de courriel du même jour, le Ministère public a adressé copies des décisions qu'il a rendues le 12 septembre 2024, soit :
- une ordonnance de non-entrée en matière partielle en faveur de Mme A______, retenant, en substance, qu'à défaut de prévention pénale suffisante vu les déclarations contradictoires des parties, il n'était pas possible de retenir que celle-ci s'était rendue coupable de l'infraction d'injure (art. 177 al. 1 CP) le 18 août 2024 et que les faits qu'elle avait admis, qui auraient pu être qualifiés de voies de fait (art. 126 al. 1 CP) à l'égard de son épouse en octobre 2023, ne pouvaient être poursuivis, dès lors qu'il existait un empêchement de procéder, aucune plainte n'ayant été déposée dans le délai de trois mois ;
- une ordonnance pénale à l'encontre de Mme A______ pour voies de fait (art. 126 al. 1 CP), la condamnant à une amende de CHF 300.- ;
- une ordonnance de non-entrée en matière partielle en faveur de Mme B______, retenant, en substance, qu'à défaut de prévention pénale suffisante vu les déclarations contradictoires des parties, il n'était pas possible de retenir que celle-ci s'était rendue coupable des infractions d'injure (art. 177 al. 1 CP) et de menaces (art. 180 al. 1 et 2 let. a CP) le 18 août 2024 ;
- une ordonnance pénale à l'encontre de Mme B______ pour lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 al. 3 CP), pour avoir le 18 août 2024, blessé son épouse au cours de leur altercation, constat médical à l'appui, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 60.-, sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement, sursis à l'exécution de la peine et délai d'épreuve de trois ans.
10. A l'audience du 2 octobre 2024 devant le tribunal, Mme A______ a confirmé son opposition à la mesure d’éloignement ordonnée à son encontre. Elle a confirmé ses premières déclarations à la police. Les faits ne s'étaient pas passés de la façon dont cela avait été présenté. Sa femme était très énervée. Elle avait essayé d’entrer dans la maison, mais sa femme l’avait repoussée avec la porte. Elle avait essayé une nouvelle fois d’entrer, ce qu'elle était parvenue à faire. Sa femme était montée à l’étage. Elle l’avait dénigrée et insultée en la traitant de « salope » et « va te faire foutre ». Elle l’avait aussi menacée de la tuer. Cela avait continué dans la chambre. Elle l’a menacée d’ouvrir les valises pour voir si son vêtement était à l’intérieur. Elle avait pris ses vêtements dans la commode et les avait éparpillés dans la chambre. Elle lui avait dit qu’elle ne voulait plus la voir chez elle. Elle avait tout fait pour qu'elle sorte. Elle était ensuite passée vers elle et elle s’était jetée par terre. Son fils était arrivé. Il avait été effrayé et elle aussi. Elle n'avait pas compris. Mme B______ s'était relevée, avait pris son fils et enfermée dans la salle de bain avec lui. Elle n’avait pas compris ce qu’ils se disaient car ils parlaient en français, mais elle avait eu l’impression que sa femme avait donné des instructions à son fils. Elle avait entendu le mot « police ». Effrayée, elle avait également appelé la police.
S'agissant de sa situation personnelle, elle a également confirmé ses premières déclarations, ajoutant qu'elle n'avait pas d’aide financière ni de travail. Elle avait déjà demandé à maintes reprises à sa femme qu’elle lui laisse le temps de s’organiser. Elle cherchait activement du travail pour qu'elle puisse quitter le domicile et continuer sa vie. Elle en avait parlé de façon amicale à son épouse. En retour, elle avait toujours reçu des réactions comme des injures, des menaces et de la calomnie.
Sur question du tribunal, elle a indiqué que son épouse lui avait effectivement proposé, après « la première situation d’agression », de lui acheter un billet à destination du Brésil pour le 26 septembre 2024. Sa situation n'était pas aussi simple. Elle avait abandonné toute sa vie au Brésil, ses biens matériels et sa carrière pour un projet de famille avec son épouse en Suisse. A cela s'ajoutait cette « situation » aauprès du Ministère public. Elle n'avait donc pas pu sortir du pays. Par la suite, sa femme lui avait proposé une chambre. Elle ne s'y était pas opposée. Elle lui avait demandé une garantie écrite s'agissant du paiement de la location de cette chambre afin qu'elle puisse organiser sa vie.
Avec l’aide de son conseil, elle a indiqué qu'elle avait formé opposition à l’ordonnance pénale du 12 septembre 2024. Elle a remis une copie de son courrier d'opposition au tribunal.
Sur question du tribunal, elle a indiqué qu'elle ne pouvait répondre à la question de savoir si elle entendait reprendre la vie commune car elle était confuse en raison des évènements relatés plus tôt.
Mme B______ a également confirmé les déclarations qu'elle avait faites à la police. Mme A______ lui avait fait un croche-pied devant son fils. Elle était tombée, sans conséquence. A ce moment-là, son fils avait crié. Il avait dit à Mme A______ « qu’est-ce que tu as fait ? ». Elle avait essayé de le calmer. Il était exact qu'ils s'étaient enfermés dans la salle de bain. Il avait voulu appeler la police et elle lui avait demandé de ne pas le faire, car à chaque fois qu'elle l'avait appelée, la police n’avait rien fait. Il avait alors appelé sa sœur qui lui avait dit de ne pas écouter leur mère et d’appeler la police, ce qu’il avait fait. Ils étaient ensuite redescendus au salon. Elle avait calmé son fils. Elle était sortie sur la terrasse fumer une cigarette et sa fille était arrivée avec sa belle-mère, soit la maman de sa copine, laquelle était au courant de toute la situation. Elle a encore précisé que le soir du 29 septembre 2024, elle s'apprêtait à sortir avec ses copines. Depuis qu'elle était séparée de Mme A______, cette dernière dormait dans la chambre et elle, dans le salon. Cela étant, ses affaires se trouvaient toujours dans la chambre. Mme A______ se trouvait effectivement à l'extérieur de la maison lorsqu'elle lui avait demandé si elle avait vu sa blouse, ce à quoi elle avait répondu par la négative. Il était déjà arrivé que Mme A______ lui prenne ses affaires, notamment pour « ses histoires de sorcellerie ». Elle ne l'avait pas insultée. Elle lui avait dit qu'elle en avait marre de cette situation et qu’elle devait quitter le domicile. Mme A______ lui avait fait un croche-pied alors qu'elle s'apprêtait à sortir de la chambre. Elle était tombée.
Sur question du tribunal, Mme B______ a indiqué qu'elle et son épouse étaient séparées depuis le deuxième « évènement d’agression », le 18 août 2024, ce qu'a confirmé Mme A______.
Elle avait également formé opposition à l'ordonnance pénale du 12 septembre 2024. Contrairement à ce qu’avait déclaré Mme A______, elle lui avait proposé plusieurs solutions, notamment de lui payer le loyer d’une chambre qu'elle lui avait trouvée. A ce stade, elle n'était cependant plus d'accord de fournir à son épouse la garantie que cette dernière avait sollicité. Elle n'envisageait pas de reprendre la vie commune. Elle a encore précisé avoir déposé une demande au tribunal civil en vue de l'annulation du mariage. Mme A______ avait refusé de signer le divorce. La première « agression » remontait en octobre 2023, sa compagne était ivre au moment des faits. Elle voulait désormais vivre en paix avec ses enfants.
Sur question du tribunal, Mme A______ a déclaré qu'elle n'avait pas encore pris contact avec l'une des institutions habilitées à l'entretien thérapeutique. Sur question de son conseil, elle a indiqué s'être rendue à la I______ après les faits du 18 août 2024. Elle avait été hébergée dans un foyer durant une semaine. Elle avait également pris contact avec l'Hospice général. On lui avait indiqué que tant qu'elle était mariée, elle ne pourrait bénéficier d'aucune prestation.
Mme B______ a conclu à la confirmation de la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de son épouse.
La représentante du commissaire de police a conclu à la confirmation de la mesure d'éloignement ordonnée.
Mme A______, par l'intermédiaire de son conseil, a plaidé et conclu à l'annulation de cette mesure.
11. Sur demande du tribunal de ce jour, le Centre de psychothérapie de recherche et de prévention de la violence (ci-après : VIRES) lui a transmis copie de l'attestation délivrée suite à la participation ce jour de Mme A______ à un entretien socio-thérapeutique.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).
2. Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, l'opposition est recevable au sens de l'art. 11 al. 1 LVD.
3. La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
4. La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).
Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).
Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).
Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.
Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de
a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;
b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.
La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).
Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).
Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.
5. En l'espèce, même si les déclarations des épouses sont pour l'essentiel contradictoires, il ressort néanmoins clairement de ces dernières que la situation au sein du couple est conflictuelle, et ce, visiblement depuis le début de leur vie commune, ce qui a conduit Mme B______ à saisir le Tribunal de première instance d'une demande en annulation du mariage. Mme A______ conteste avoir fait un croche-pied à son épouse, expliquant que cette dernière s'est volontairement jetée au sol. Ses déclarations sont contredites par celles de Mme B______ qui explique être tombée, surprise par le croche-pied de son épouse auquel elle ne s'attendait pas. Toutes deux ont cependant confirmé qu'il y a eu une dispute et que le fils mineur de Mme B______ était présent au domicile conjugal au moment des faits et qu'il a vu sa mère au sol avant d'appeler la police alors qu'il était enfermé dans la salle de bain avec sa mère. Par ailleurs, il ressort des pièces au dossier que cette dispute n'est pas la première et qu'une altercation violente a déjà eu lieu entre les protagonistes en octobre 2023, soit un mois environ après leur emménagement. La police est en outre intervenue le 18 août 2024 au domicile des intéressées. Toutes deux ont porté plainte notamment pour des violences réciproques. Elles ont été condamnées en raison de ces faits par ordonnances pénales du Ministère public du 12 septembre 2024 pour voies de fait, respectivement lésions corporelles simples, ces décisions n'étant toutefois pas entrées en force dès lors qu'elles sont toutes deux frappées d'oppositions. A cela s'ajoute qu'une nouvelle intervention de police a eu lieu le 16 septembre 2024 au domicile conjugal pour des faits similaires. Les épouses ont par ailleurs toutes deux confirmé, tant à la police qu'au tribunal, que les altercations des 16 septembre 2024 et 29 septembre 2024 sont survenues alors qu'elles sont séparées depuis le 19 août 2024, bien qu'elles partagent encore le domicile commun.
Dès lors, le tribunal retient que, bien que les faits du 29 septembre 2024 dénoncés par Mme B______ soient contestés par Mme A______, les éléments rappelés ci-dessus permettent de retenir que ces faits, qui s'inscrivent par ailleurs dans un contexte de violences domestiques répétées et établi, correspondent sans conteste à la notion de violence domestique, au sens défini plus haut. Dans ces circonstances, la question n'est pas de savoir laquelle des intéressées est plus responsable que l'autre de la situation, ce qui est d'ailleurs bien souvent difficile à établir. L'essentiel est de séparer les conjointes en étant au moins à peu près certain que celle qui est éloignée du domicile conjugal est elle aussi l'auteure de violences, lesquelles peuvent également être psychologiques. Il sera au surplus tenu compte de la présence au domicile conjugal des deux enfants mineurs de Mme B______ qui sont de fait impliqués dans les disputes et altercations récurrentes du couple.
Dans ce contexte, vu en particulier le caractère répétitif des violences, de la situation visiblement très conflictuelle dans laquelle les deux intéressées se trouvent, de la volonté clairement exprimée par ces dernières de ne pas poursuivre en l'état leur vie commune et de la présence de deux enfants mineurs au domicile conjugal, la perspective qu'elles se retrouvent immédiatement sous le même toit apparaît inopportune, quand bien même il est évident qu'une mesure d'éloignement administrative ne permettra pas, à elle seule, de régler la situation.
Par conséquent, étant rappelé, comme précisé plus haut, que les mesures d'éloignement n'impliquent pas un degré de preuve, mais une présomption suffisante des violences, de la personne, et de leur auteur, le tribunal confirmera, en l'espèce, la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de Mme A______. Prise pour une durée de dix jours – soit jusqu'au 10 octobre 2024 − soit la durée la plus courte prévue par la loi, cette mesure apparaît d'emblée proportionnée. Dans ces conditions, l'atteinte à la liberté personnelle résultant de la décision entreprise, qui apparaît nécessaire et opportune, demeure acceptable, étant observé qu'aucune autre mesure moins incisive ne serait envisageable pour atteindre le but fixé par la LVD.
6. Ainsi, l'opposition à la mesure sera rejetée et la mesure d'éloignement confirmée dans son principe et sa durée.
7. Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).
8. Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable l'opposition formée le 30 septembre 2024 par Madame A______ contre la mesure d’éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le 30 septembre 2024 pour une durée de dix jours ;
2. la rejette ;
3. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;
4. dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Laetitia MEIER DROZ
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties et au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour information.
Genève, le 3 octobre 2024 |
| Le greffier |