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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2538/2023

JTAPI/647/2024 du 24.06.2024 ( ICC ) , REJETE

Descripteurs : ACTION(PAPIER-VALEUR);VALEUR FISCALE;IMPÔT SUR LA FORTUNE;CALCUL
Normes : LHID.13.al1; LHID.14.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2538/2023 ICC

JTAPI/647/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 juin 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Philippe MANTEL, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE


 

EN FAIT

1.             Le présent litige concerne les impôts cantonaux et communaux (ICC) 2017 de Monsieur A______ (ci-après : le contribuable).

2.             M. A______ est l’unique associé gérant de B______ SARL (ci-après : la SARL), dont il détient l’intégralité du capital-social se composant de 200 parts d’une valeur nominale de CHF 100.-.

3.             Inscrite le ______ 2013 au registre du commerce, cette société avait, jusqu’au ______ 2020, pour but social : conseils auprès de diverses sociétés, détention de participations, d’actions ou d’options dans différentes sociétés dans le respect des prescriptions de la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41).

4.             La SARL détient une participation minoritaire à 30% dans la société irlandaise C______ LTD et une participation majoritaire (75%) dans la société D______ SA (ci-après : la SA), dont le contribuable est l’administrateur.

5.             Dans sa déclaration fiscale 2017 du 20 août 2018, le contribuable a déclaré exercer une activité dépendante pour la SA, à raison de 100%, moyennant un revenu annuel brut de CHF 32’560.-, et pour C______ LTD, à raison de 5%, pour un revenu annuel brut de CHF 7’500.-.

Il a aussi déclaré détenir, sous le feuillet F3-F4, 200 parts de la SARL pour une valeur imposable de CHF 459’600.-. Aucun compte bancaire n’était déclaré dans l’état des titres (feuillet F1). Sous le feuillet F2, un relevé fiscal E______
(n° 1______) pour une valeur imposable de CHF 172’992.- était mentionné.

Le contribuable a joint à sa déclaration le relevé de fortune au 31 décembre 2017 y relatif et le certificat de salaire établi par la SA.

6.             Par demande de renseignements du 23 octobre puis rappel du 3 décembre 2018, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a demandé au contribuable de lui remettre une copie de la convention de vente concernant l’aliénation en 2017 des participations de la SA ainsi que les soldes des comptes bancaires de la SA et de la SARL au 31 décembre 2017.

7.             Le 3 janvier 2019, le contribuable a indiqué, s’agissant de sa participation auprès de la SA, qu’il s’agissait d’une erreur de sa part et que les titres appartenaient en réalité à la SARL selon le registre des actions qu’il joignait en annexe. À teneur de ce document, la cession des actions était intervenue le 1er juillet 2013.

Au 31 décembre 2017, les comptes courants de la SARL présentaient des soldes d’EUR 298’036,16 et de CHF 141’667,52. Le compte courant actionnaire chez la SA était de CHF 90’726,03.

Aucun relevé de compte n’était annexé.

8.             Par demande de renseignements du 25 janvier 2019 puis rappel du 7 mars 2019, l’AFC-GE a demandé au contribuable une copie de la convention de cession des actions de la SA à la SARL.

9.             Le 8 mars 2019, le contribuable a remis à l’AFC-GE un document intitulé « Cession d’actions de D______ SA » daté du 1er juillet 2013.

À teneur de ce dernier, il confirmait céder 7’500 actions au porteur de la SA, qui représentaient 75% du capital-actions, à la société B______. Il était précisé que « le changement de propriété [...] suppose la confirmation de l’enregistrement de la B______ SARL, attendue pour ______ 2013 ».

10.         Par demande de renseignements du 29 mars 2019, l’AFC-GE a prié le contribuable de lui transmettre une copie de la convention de cession avec mention du prix de cession.

11.         Le 8 avril 2019, le contribuable a répondu qu’il n’y avait pas eu de documentation écrite, peut-être à tort, et que le transfert avait été exécuté à la valeur nominale des actions.

12.         Le 8 décembre 2020, le contribuable a déposé une nouvelle déclaration fiscale 2017.

Dans l’état des titres, sous le feuillet F1, il a déclaré quatre comptes bancaires auprès de H______, I______, J______ et K______ pour un montant total de CHF 425’769.- au 31 décembre 2017.

Sa fortune mobilière, participations de la SARL (CHF 459’600.-) et relevé fiscal E______ inclus (CHF 172’992.-), s’élevait à un montant total de CHF 1’058’361.

Aucune annexe n’était jointe.

13.         Le 18 janvier 2021, l’AFC-GE a prié le contribuable de lui remettre notamment le certificat de salaire 2017 établi par C______ LTD, un calendrier annuel détaillé attesté par C______ LTD indiquant pour chaque jour de travail effectué le pays de présence du contribuable, une copie des comptes bancaires de la SA et de la SARL en CHF et EUR, une copie des décomptes mensuels 2017 des comptes bancaires H______ et J______ et toute pièce probante permettant de déterminer l’augmentation du compte K______ d’un montant de CHF 141’625.- en comparaison avec l’année précédente.

14.         Le 12 février 2021, le contribuable a indiqué qu’il n’était pas salarié de la société C______ LTD, mais membre du conseil d’administration.

En annexes, il a transmis le certificat de salaire 2017 établi par C______ LTD, la copie des mouvements annuels de deux comptes bancaires de la SA et de deux comptes bancaires de la SARL auprès d’E______, dont l’un était en EUR, et un relevé annuel de J______.

15.         Par demande de renseignements du 20 avril 2022 puis deux rappels des 1er juin et 13 juillet 2022, l’AFC-GE a demandé au contribuable diverses pièces.

16.         Celui-ci a transmis diverses pièces les 28 avril et 7 juin 2022.

17.         Par bordereau et avis de taxation ICC 2017 du 3 février 2023, l’AFC-GE a taxé le contribuable. Elle a retenu que la fortune mobilière s’élevait à CHF 6’241’100.-, dont une valeur de CHF 5’061’200.- correspondant à la valeur de ses titres dans la SARL calculée conformément aux instructions concernant l’estimation des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune, en application de la circulaire n° 28 de la Conférence suisse des impôts du 28 août 2008 (ci-après : la circulaire n° 28).

18.         Le 7 mars 2023, sous la plume d’un conseil, le contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ce bordereau. En substance, il contestait la méthode d’estimation des titres de la SARL, une société holding pure, effectuée par l’AFC-GE. Selon la circulaire n° 28, la valeur de l’entreprise devait correspondre à sa valeur substantielle. Celle-ci s’élevant à CHF 1’772’882.-, seule cette valeur devait être prise en considération dans la taxation litigieuse.

Il a joint des nouvelles pièces.

19.         Par décision sur réclamation du 5 juillet 2023, l’AFC-GE a rejeté la réclamation et maintenu la taxation.

La valeur des parts sociales de la SARL avait été estimée conformément aux art. 47 let. b et 49 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) ainsi qu’à la circulaire n° 28. La valeur de CHF 5’061’200.- retenue postnumerando, pour l’entier du capital, résultait de la moyenne des trois derniers résultats 2015 à 2017, pondérée une fois, et de la valeur des fonds propres 2017, pondérée une fois. À la lecture des comptes 2015 à 2017, la nature du chiffre d’affaires confirmait que la méthode d’estimation dite moyenne, soit pondérée, était justifiée. Dans le cadre de la prise en compte du résultat 2017 de CHF 825’521.-, aucun indice ne permettait de mettre en évidence que le produit des participations était unique et/ou démesuré et qu’il devrait dès lors être déduit du résultat (produit extraordinaire).

20.         Par acte du 9 août 2023, sous la plume de son conseil, le contribuable a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal) contre cette décision, concluant à son annulation et au renvoi de l’affaire à
l’AFC-GE pour nouvel examen, avec suite de frais et dépens.

La SARL était une société holding pure, comme sa raison de commerce l’indiquait, et sa valeur devait ainsi correspondre, conformément à la circulaire n° 28, à sa valeur substantielle. La SARL avait encaissé des honoraires de consultations de C______ LTD, dans laquelle elle détenait une participation minoritaire. Cette forme de rémunération consistait toutefois en réalité en des « managements fees » proposés par l’actionnaire majoritaire de C______ LTD et ayant une vocation essentiellement fiscale, soit de permettre la déduction des dividendes du bénéfice imposable en Irlande. Les honoraires encaissés étaient désormais contestés par l’actionnaire majoritaire. Dans ce contexte, des commandements de payer avaient été notifiés à la SARL, en 2020. L’actionnaire majoritaire s’était ensuite efforcé d’évincer la SARL, par diverses augmentations de capital n’ayant d’autres fins que la dilution de celle-ci. Dans ces circonstances, seule la valeur intrinsèque de la SARL s’élevant à CHF 1’772’882.- à fin 2017 devrait être prise en considération, quand bien même elle était supérieure à la valeur réelle.

À titre subsidiaire, si contre toute attente il était confirmé que la SARL devait bien être évaluée conformément à la « méthode des praticiens » prévue dans la circulaire n° 28, il conviendrait de retraiter la valeur de rendement en tenant compte du caractère exceptionnel du bénéfice 2017. Le résultat 2017 était le double des années précédentes. Or, la SARL faisait aujourd’hui l’objet de poursuites en lien avec les honoraires perçus et sa valeur ne dépendait que de C______ LTD. Depuis 2018, la SARL n’était plus profitable. Un auditeur diligent aurait pris la précaution de comptabiliser une provision pour litiges, annulant tous les bénéfices 2017, ce qui n’avait pas été le cas. La SARL n’aurait pas pu obtenir la moindre proposition raisonnable de rachat de ses parts dans C______ LTD. Dans ces circonstances, la valeur de rendement par capitalisation du bénéfice 2017 conduisait à un résultat arbitraire et à une imposition confiscatoire.

Plus subsidiairement, dès lors que les produits de la SARL provenaient exclusivement de sa participation minoritaire dans C______ LTD, il sollicitait l’application de la déduction forfaitaire de 30% à la valorisation obtenue, prévue dans la circulaire n° 28.

Le recourant a joint un chargé de pièces, dont les comptes commerciaux de la SARL 2013-2014, 2017, 2018, 2020, 2021 et 2022, un courrier de contestation du 26 novembre 2019 contre l’estimation des titres de la SARL effectuée par l’AFC-GE, un courrier du 14 mai 2020 du mandataire de C______ LTD adressé parallèlement à la SARL et à la SA aux termes duquel ses manquements en ses qualités de directeur général de la SARL et de membre non exécutif du conseil d’administration de C______ LTD avaient entraîné des dommages significatifs estimés à un minimum de EUR 2’232’305.- et de CHF 92’900.-, des commandements de payer notifiés à la SARL à la requête de C______ LTD et M______ SARL, entre les mois de juin et de juillet 2020.

21.         Dans ses observations du 13 octobre 2023, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Le recourant faisait valoir que la SARL constituait une holding pure de sorte qu’une valorisation selon la valeur intrinsèque était applicable. L’autorité fiscale devait cependant, de manière générale, se fonder sur l’activité effective d’une société pour déterminer son mode d’estimation. Or, il ressortait des comptes commerciaux que la SARL avait encaissé des honoraires de consultations de 2015 jusqu’à fin 2018. De par la nature de ce produit, son caractère périodique - vu sa comptabilisation régulière dans les comptes 2015 à 2018 - et son montant élevé, le fonctionnement de la SARL ne pouvait pas être assimilé à une société holding pure qui se limiterait à la détention de participations. L’importance des honoraires encaissés par rapport au chiffre d’affaires devait également être mis en évidence. Ceux-ci constituaient la plus grande partie du chiffre d’affaires en 2015 et en 2016 et presque la moitié de celui-ci en 2017 (CHF 448’281,53) et 2018 (CHF 352’881,64), pour un chiffre d’affaires de CHF 971’057,42 (2017) et CHF 697’635,33 (2018). La SARL avait d’ailleurs pour but - en plus de la détention de participations - le « conseils auprès de diverses sociétés ».

Les circonstances particulières dont se prévalait le recourant pour revendiquer une estimation des participations de la SARL à la valeur intrinsèque, notamment le fait que les honoraires de consultations proviendraient de C______ LTD qu’il requalifiait de « management fees », et l’existence d’un litige entre la SARL et C______ LTD survenu au cours de l’année 2018, n’étaient pas relevantes. A cet égard, les « honoraires de consultations » étaient bien inscrits en tant que tels dans les comptes de la société et non pas en tant que « frais de gestion » [trad. « management fees »], étant rappelé qu’une société était liée par les écritures enregistrées dans les comptes qu’elle remettait avec sa déclaration fiscale. La requalification des « honoraires de consultations » en « management fees » tombait donc à faux. Pour le reste, les pièces versées lors de la procédure de taxation ne permettaient pas d’étayer la thèse du recourant de manière convaincante. Le mode de calcul retenu pour la valorisation des participations de la SARL devait dès lors être confirmé.

Subsidiairement, le recourant revendiquait le retraitement de la valeur de rendement en tenant compte du caractère exceptionnel du bénéfice 2017, dans l’hypothèse où il serait confirmé que la SARL devait bien être évaluée conformément à la méthode d’estimation générale prévue dans la circulaire n° 28. Un tel retraitement n’était toutefois possible qu’en cas de « situations exceptionnelles ». Dans la mesure où les honoraires de consultations avaient été perçus de 2015 jusqu’à fin 2018, tel n’était manifestement pas le cas ici et les circonstances avancées par le recourant (notamment la non-comptabilisation à tort d’une provision pour litiges, l’impossibilité de rachat de ses parts C______ LTD) ne constituaient pas des « situations exceptionnelles » au sens de la circulaire n° 28. La requête subsidiaire devait donc être rejetée.

La conclusion plus subsidiaire tendant à l’application de la déduction forfaitaire de 30% à la valorisation obtenue, dès lors que les produits de la SARL proviendraient exclusivement de sa participation minoritaire dans C______ LTD, devait également être rejetée. La circulaire n° 28 prévoyait en effet expressément qu’aucune déduction forfaitaire supplémentaire ne pouvait être appliquée lorsqu’une pondération simple de la valeur de rendement et de la valeur de substance avait déjà été appliquée, ce qui était le cas en l’espèce.

22.         Dans le délai prolongé au 7 décembre 2023 pour sa réplique, le recourant a contesté la position de l’AFC-GE, persistant dans ses conclusions. Il relevait au surplus avoir répondu à sa demande de renseignements.

23.         Par duplique du 22 décembre 2023, l’AFC-GE a confirmé que le recourant avait effectivement répondu à ses demandes de renseignements. Dans la mesure où ces pièces ne concernaient pas l’objet du litige, elle les produirait que si le tribunal lui en faisait la demande. Elle persistait dans les conclusions et considérants de sa réponse, tout en relevant avoir finalement été en mesure, sur la base de pièces nouvelles reçues (pièces B, C et D couvertes par le secret fiscal), de calculer la valorisation de C______ LTD. Il ressortait de cette estimation que chaque part sociale de cette société équivalait à une valeur fiscale net de CHF 130’317.-, soit une valeur vénale totale de CHF 4’179’510.- pour une détention de 30 participations (pièce E couverte par le secret fiscal). Elle avait donc recalculé la valorisation de la SARL, détenue intégralement par le contribuable, en intégrant les réserves latentes de C______ LTD et la nouvelle estimation conduisait à une valorisation de la SARL de CHF 6’693’000.- (pièce F couverte par le secret fiscal), en lieu et place d’une valorisation de CHF 5’061’200.- (pièce A couverte par le secret fiscal).

Elle s’en rapportait à justice quant à l’opportunité d’une reformatio in peius par le tribunal, à cet égard. Néanmoins, si le tribunal devait conclure à l’application d’une valorisation de la SARL selon la valeur intrinsèque, la nouvelle valorisation du 19 octobre 2023, comprenant la réserve latente de C______ LTD, devrait être prise en compte pour le calcul de l’impôt sur la fortune du contribuable.

24.         Cette écriture a été transmise au recourant, pour information.

25.         Les griefs et arguments formulés par les parties, ainsi que les éléments résultant des pièces versées à la procédure, seront repris et discutés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » ci-dessous (cf. à cet égard arrêt du Tribunal fédéral 2C_831/2019 du 8 juin 2020 consid. 2.1 et les références citées).

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l’art. 49 LPFisc.

3.             Le recourant conteste l’évaluation de la participation qu’il détient dans la SARL.

4.             Selon l’art. 13 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), l’impôt sur la fortune a pour objet l’ensemble de la fortune nette. Selon l’art. 14 al. 1 LHID, la fortune est estimée à la valeur vénale. Toutefois, la valeur de rendement peut être prise en considération de façon appropriée.

La valeur vénale est la valeur marchande objective d’un actif à un moment donné. Il s’agit de la valeur qu’un acheteur paierait normalement dans des circonstances normales (arrêt du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.1 ; ATA/261/2024 du 27 février 2024 consid. 3.1).

5.             Dans le canton de Genève, la LIPP prévoit également que l’impôt sur la fortune a pour objet l’ensemble de la fortune nette après déductions sociales (art. 46 LIPP), qui comprend notamment les actions, les obligations et les valeurs mobilières de toute nature (art. 47 let. b LIPP).

Selon l’art. 49 LIPP, l’état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l’année pour laquelle l’impôt est dû (al. 1). La fortune est estimée en général à la valeur vénale (al. 2).

6.             L’évaluation des titres non cotés a fait l’objet de la circulaire n° 28. La Conférence suisse des impôts édite annuellement un commentaire (ci-après : commentaire) en lien avec cette circulaire pour refléter la pratique et tenir compte de la jurisprudence.

7.             La circulaire n° 28, qui a rencontré l’approbation du Tribunal fédéral
(arrêts 2C_59/2022 du 15 septembre 2022 ; 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 ; 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.1.2, non publié in ATF 147 II 155 et les arrêts cités), a pour objectif l’estimation uniforme en Suisse, pour l’impôt sur la fortune, des titres nationaux et étrangers qui ne sont négociés dans aucune bourse.

Les principes d’estimation doivent être choisis de manière à ce que le résultat se rapproche au mieux de la réalité économique, la circulaire n° 28 contenant des instructions à cet égard, auxquelles il peut être dérogé, pour des motifs d’égalité de traitement, lorsque leur application se révélerait contraire au droit ou si la valeur vénale d’un titre peut être ainsi mieux évaluée (commentaire, p. 2).

8.             Selon la circulaire n° 28, l’activité effective d’une société détermine son mode d’estimation (ch. 6), les titres et participations cotés en bourse doivent figurer au cours de clôture du dernier jour de bourse de la période fiscale correspondante (ch. 23 al. 1) et les titres et participations non cotés sont estimés selon les présentes Instructions, mais au minimum à leur valeur comptable. On peut s’écarter de cette règle dans des cas justifiés (ch. 24 al. 1).

C’est ainsi l’approche « technique » ou « juridique » qui est déterminante pour la détermination de la valeur vénale et non une approche « économique » subjective. Ainsi, le contribuable concerné ne peut pas soutenir une valeur patrimoniale qui se baserait sur des circonstances individuelles (par exemple suite à la présentation d’une convention d’actionnaires) (décision de la commission cantonale de recours en matière d’impôts du canton de Zurich du 21 octobre 2015 en la cause 1 ST.2015.35 ; commentaire, p. 3).

9.             La circulaire n° 28 stipule que les titres d’une société holding pure sont estimés selon la valeur substantielle de la société (ch. 38). Les titres et participations détenus par la société sont estimés selon les chiffres 23 et 24 (ch. 39).

À teneur du commentaire, sont réputées sociétés de financement pures seules les sociétés dont l’activité commerciale se limite à la mise à disposition du capital à l’intérieur du groupe ou à des sociétés apparentées. Lesdites sociétés sont estimées sur la base de leur valeur intrinsèque. Sont considérées comme des sociétés de gérance de fortune celles qui se limitent à la gestion de leur propre patrimoine. Sont également considérées comme telles, les sociétés qui fournissent des services à des tiers si les services fournis n’ont qu’une importance secondaire par rapport au propre patrimoine géré. Lesdites sociétés sont estimées sur la base de leur valeur intrinsèque. Tant les sociétés de financement que les sociétés de gérance de fortune dont l’activité commerciale consiste dans la fourniture de prestations de service à des tiers indépendants et qui sont de ce fait actives sur le plan opérationnel sont estimées conformément au ch. 34 s de la circulaire n° 28 (p. 50).

10.         S’agissant de l’évaluation des sociétés commerciales, industrielles et de services, le ch. 34 de la circulaire n° 28 prescrit que la valeur de l’entreprise résulte de la moyenne pondérée entre la valeur de rendement (ch. 7 à 10) qui est doublée, d’une part, et la valeur substantielle (ch. 11 à 14) déterminée selon le principe de continuation de l’exploitation, d’autre part. Des événements exceptionnels, déjà prévisibles le jour déterminant - par exemple des restructurations avec des conséquences durables sur la valeur de rendement -, peuvent être pris en compte de manière appropriée lors de l’établissement de la valeur de rendement (ch. 8 par. 3).

Le commentaire précise que même si elles sont importantes, des fluctuations de rendement ne justifient pas de déroger à la circulaire n° 28, car des oscillations conjoncturelles sont à considérer comme immanentes au système économique, avec des effets qui profitent tantôt au fisc, tantôt au contribuable (p. 46 et la référence citée).

En outre, le commentaire admet que dans des cas exceptionnels, une entreprise ne peut, être aliénée ou difficilement aliénable à la valeur de rendement, par exemple lorsque son rendement repose exclusivement ou presque exclusivement sur la performance d’une personne unique détenant la totalité ou la majorité des droits de participation de celle-ci (participations > 50%). Si la création de valeur de l’entreprise est obtenue uniquement par le détenteur d’une participation majoritaire et si l’entreprise n’emploie pas d’autres personnes, hormis quelques personnes occupées à des tâches d’administration et de logistique, l’autorité d’estimation peut, sur demande de l’entreprise, prendre en considération cette situation par une pondération simple de la valeur de rendement (c’est-à-dire non doublée) et de la valeur de substance. Une fois déterminée de cette manière, la valeur de l’entreprise est appliquée à tous les titres émis, notamment pour les actionnaires minoritaires. Il ne peut être appliqué aucune déduction forfaitaire supplémentaire (p. 10).

Enfin, la perspective certaine d’une augmentation de l’impôt spécial sur l’activité économique privée ne suffit pas à réduire la valeur de rendement. Une telle perspective n’est pas une des situations exceptionnelles visées par les Instructions. En réalité, de petits changements influençant les conditions-cadres de l’économie ont lieu presque quotidiennement. On peut évoquer à cet égard les fluctuations de taux de change, l’évolution incertaine du prix du pétrole ou des intérêts. Tous ces facteurs peuvent largement modifier la rentabilité d’une entreprise, mais ne suffisent pas à justifier une réduction de la valeur de rendement (commentaire, p. 14).

11.         La valeur substantielle de l’entreprise se détermine comme suit :

Le ch. 11 prévoit que l’appréciation de la valeur substantielle se base sur les comptes annuels (n) (al. 1). Si la société estimée ne clôture pas son exercice commercial à la fin de l’année civile et qu’un dividende est distribué entre la clôture des comptes (n) et le 31 décembre (n), ce dividende doit par conséquent être déduit de la valeur substantielle (al. 2).

Les actifs et passifs doivent être pris en considération dans leur intégralité (ch. 12). Seul le capital social versé est pris en considération pour l’estimation (ch. 13). Enfin, les passifs doivent être subdivisés en fonds étrangers et en fonds propres. Les réserves de crise, de réévaluation et de remplacement, les provisions à des fins de remplacement, les réserves latentes imposées ainsi que les réserves comptabilisées sous le poste créancier sont également considérées comme des fonds propres (ch. 14).

12.         Selon le principe de l’autorité du bilan commercial, qui est déterminant en droit fiscal, les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques. Selon ce principe, le contribuable est lié par la situation patrimoniale de la période fiscale, telle qu’elle ressort des livres de compte régulièrement établis. Le principe de déterminance formel implique que le contribuable est lié par les écritures enregistrées dans les comptes qu’il remet avec sa déclaration fiscale. Il ne peut, sous réserve de dispositions légales spécifiques du droit fiscal ou de l’application du principe de la bonne foi, se prévaloir d’une réalité autre que celle ressortant des comptes commerciaux (ATF 137 II 353 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_911/2013 du 26 août 2014 consid. 6.1.1 ; 2C_787/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.2 ; 2C_29/2012 du 16 août 2012 consid. 2.1,
in RF 67/2012 p. 756).

13.         En matière fiscale, il appartient à l’autorité fiscale de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve (ATF 133 II 153 consid. 4.3).

En particulier, si l’estimation est effectuée sur la base de la circulaire n° 28, il convient alors de supposer que l’estimation aboutit à une valeur vénale correcte et que, par ce calcul, le fisc a apporté une preuve suffisante. Si un contribuable est d’un avis contraire, il lui appartient d’apporter ses propres preuves (décision de la commission cantonale de recours en matière d’impôts du canton de Zurich du 22 avril 2015 en la cause 1 ST.2014.46 ; commentaire, p. 2-3).

14.         En l’espèce, force est pour le tribunal de constater que la SARL ne constitue ni une holding pure ni une société de gérance de fortune fournissant des services qui n’ont qu’une importance secondaire par rapport au propre patrimoine géré. Il résulte en effet des comptes commerciaux que la SARL a encaissé non seulement des produits de participations, mais également des honoraires de consultations lors des années 2015 à 2018, donc aussi au cours de l’année litigieuse, qui étaient soit supérieurs aux produits de participation, soit légèrement inférieurs, et qui constituaient environ la moitié du chiffre d’affaires total, ainsi qu’il ressort du tableau suivant :

 

2015

2016

2017

2018

produit de participation

275’199,11

260’513,13

463’577,07

329’543,95

honoraire de consultation

422’554,20

368’057,30

448’281,53

352’881,64

chiffre d’affaires total

742’747,31

636’536,23

971’057,42

657’635,33

Il convient aussi de relever que le but de la SARL ne consiste pas uniquement à détenir des participations, mais également à fournier des conseils auprès de diverses sociétés. Il faut par ailleurs écarter l’argument selon lequel les honoraires de consul-tations versés par C______ LTD seraient en réalité des « managements fees » dans la mesure où cela contreviendrait au principe de déterminance formel. Dans ces circonstances, vu la nature des honoraires de consultations de la SARL, leur importance - qui ne permet pas de les considérer comme secondaire - et leur caractère périodique, le tribunal ne peut admettre que la SARL puisse être qualifiée, malgré sa raison sociale, de société de financement pure. Partant, il n’y a pas lieu de calculer sa valorisation selon la seule valeur intrinsèque.

Le tribunal ne peut pas non plus suivre le recourant lorsqu’il soutient qu’il faudrait retraiter la valeur de rendement vu le caractère exceptionnel du bénéfice 2017. Certes, la circulaire n° 28 rend possible un tel retraitement en cas de situations exceptionnelles, mais ni le bénéfice important réalisé 2017 ni les circonstances avancées par le recourant, soit la non-comptabilisation à tort d’une provision pour litiges et l’impossibilité de rachat de ses parts, ne constituent, en soi, des situations exceptionnelles. À ce sujet, le tribunal tient à relever qu’il importe peu que la SARL ait connu des pertes après 2017, cela n’étant pertinent que pour évaluer sa valeur postérieure à l’année en question. De même, le fait que le résultat 2017 soit le double des années précédentes est sans pertinence car des fluctuations de rendement - même importantes - ne justifient pas de déroger à la circulaire n° 28 dans la mesure où des oscillations conjoncturelles sont à considérer comme immanentes au système économique. Dans la même veine, aucun bénéfice intermédiaire
extra-ordinaire ne résulte des comptes ; au contraire, les honoraires de consultations ont été perçus de 2015 jusqu’à fin 2018. Ainsi, de telles circonstances ne peuvent pas être qualifiées d’exceptionnelles. Le recourant ne démontre par ailleurs pas à satisfaction de droit l’existence d’un litige survenu en 2018 entre la SARL respectivement lui-même et C______ LTD, lequel aurait eu, pu voire dû avoir un impact sur les comptes 2017 de la SARL. Les commandements de payer notifiés au recourant sur requête de C______ LTD ont pour fondement « dommage résultant des honoraires de consultant encourus en raison de la campagne de diffamation menée par A______ » et « remboursement des dépenses personnelles de A______ payées indûment avec la carte de crédit de [C______] », donc a priori aucun motif en lien à la SARL. Quant au commandement de payer ayant pour fondement « indemnité de congé maladie due à L______ en raison du comportement de A______ (…) », il n’a pas été notifié sur requête de C______ LTD, mais de M______ SARL. Au demeurant, ces documents ne permettent pas de déterminer la date de naissance du litige invoqué par le recourant. En tout état, les éventuels effets d’un tel litige n’ont nullement été reporté dans les comptes 2017 de la SARL, qui font foi pour estimer la valeur des titres en cause lors de l’année fiscale litigieuse. À nouveau, le principe de déterminance formel interdit de prendre en considération des éléments qui ne ressortent pas des comptes produits avec la déclaration fiscale. Partant, peu importe qu’un « auditeur diligent » aurait pris la précaution de comptabiliser une provision pour litiges qui aurait annulé tous les bénéfices 2017, hypothèse qui ne s’est pas réalisée. À défaut d’élément plus concret de la part du recourant, il pourrait être retenu que l’auditeur a correctement effectué son analyse et considéré qu’il n’y avait pas lieu de comptabiliser une quelconque provision pour litiges. Enfin, comme déjà mentionné, la requalification des « honoraires de consultations » en « management fees » tombe à faux.

Ces griefs seront donc rejetés.

15.         En dernier lieu, le recourant revendique l’application d’une déduction forfaitaire de 30% à la valorisation obtenue au motif que les produits de la SARL proviendraient exclusivement de sa participation minoritaire dans C______ LTD.

16.         La commentaire (p. 10) prévoit qu’aucune déduction forfaitaire supplémentaire ne peut être appliquée lorsqu’une pondération simple de la valeur de rendement et de la valeur de substance a déjà été appliquée.

17.         En l’espèce, dans la mesure où l’estimation de la SARL a été effectuée en pondérant une fois la valeur de rendement et une fois la valeur de substance, aucune déduction forfaitaire supplémentaire ne peut être accordée.

Ce grief sera donc écarté.

18.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

19.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 août 2023 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 5 juillet 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Philippe FONTAINE et Pascal DE LUCIA, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier