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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1500/2024

JTAPI/433/2024 du 08.05.2024 ( LVD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE;MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL);OPPOSITION(PROCÉDURE)
Normes : LVD.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1500/2024 LVD

JTAPI/433/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 mai 2024

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

Monsieur B______

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 6 mai 2024, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de dix jours à l'encontre de Madame A______, lui interdisant de s'approcher ou de contacter son concubin, Monsieur B______, et de pénétrer au domicile conjugal, sis 1______ C______. Le séquestre de tous les moyens donnant accès au domicile susmentionné était également ordonné.

Le fils mineur du couple, D______, né le ______ 2017, ainsi que les deux filles mineures de Mme A______, E______ et F______, issues d'une précédente union, âgées de respectivement 16 et 13 ans, ne sont pas concernés par cette mesure.

Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0), et indiquant notamment que Mme A______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'une des associations habilitées à l'entretien thérapeutique et juridique dont les coordonnées étaient mentionnées afin de convenir d'un entretien sociothérapeutique (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2055 ; LVC – F 1 30), était motivée comme suit :

« Description des dernières violences :

En date du 06.05.2024, un conflit a éclaté entre la concernée et son conjoint durant lequel elle l'a injurié, lui a arraché les cheveux et l'a mordu.

 Description des violences précédentes :

Injures, voies de fait, lésions corporelles simples

Mme A______ démontre par son comportement violent qu'il est nécessaire de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement administratif, afin d'écarter tout danger et empêcher toute réitération de tels actes. »

2.             Mme A______ a immédiatement fait opposition à cette décision devant le commissaire de police le 6 mai 2024, laquelle a été transmise au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

3.             Il ressort du rapport d'interpellation établi par la police le 6 mai 2024, auquel renvoie le rapport de renseignements, que le 6 mai 2024, aux environs de 02h10, la CECAL demandait l'intervention d'une patrouille à C______, suite à un conflit de couple. Sur place, les policiers avaient été mis en présence de M. B______, du fils mineur du couple, D______, âgé de 6 ans, et des filles mineures de Mme A______, E______ et F______. Les deux protagonistes présentaient des traces de coups. M. B______ avait informé les policiers que sa compagne se trouvait dans l'appartement des voisins faisant face au domicile conjugal. A l'arrivée des policiers au domicile de ces derniers, Madame H______ et Monsieur I______, Mme A______ était en pleurs. Questionnés, les voisins ont indiqué avoir constaté des échanges verbaux agressifs des deux protagonistes. M. B______ aurait notamment crié à plusieurs reprises « à l'aide » depuis l'intérieur de son logement. Constatant par la suite que Mme A______ se trouvait hors de l'appartement conjugal, ils lui avaient proposé d'entrer dans leur logis.

Les deux protagonistes présentaient des traces de coups. Sur les photographies annexées au rapport étaient visibles : une trace de morsure au niveau de l'épaule gauche, ainsi qu'une dermabrasion au niveau du ventre de M. B______. Les policiers avaient également photographié le poignet gauche de Mme A______ après que cette dernière leur avait indiqué que son concubin lui avait « tourné le poignet gauche » en le lui agrippant avant de la faire sortir de l'appartement. Ont en outre été photographiés : une touffe de cheveux sur le palier, ainsi que les dégâts constatés dans l'appartement du couple, soit des débris de verre jonchant le sol et de l'écran d'ordinateur endommagé. Un altère se trouvait au sol. M. B______ et Mme A______ ont été placés en arrestation provisoire à 02h30. Soumis à l'éthylotest à 02h51, sur les lieux de l'intervention, M. B______ présentait un taux d'alcoolémie de 0.23 mg/l. Mme A______ présentait, quant à elle, un taux d'alcoolémie de 0.78 mg/l. Tous deux ont été acheminés au poste de la Servette pour la suite de la procédure. Selon le fichier informatique de la police, aucune intervention n'a été recensée au domicile de la famille au cours des trente-six derniers mois. M. B______ et Mme A______ ont été entendus, d'abord, en qualité de personnes appelées à donner des renseignements, puis comme prévenus. Les enfants ont été laissés sous la supervision de la fille aînée de Mme A______.

4.             Entendu par la police le 6 mai 2024 en qualité de personne appelée à donner des renseignements, M. B______ a expliqué que cela faisait déjà deux jours que le couple faisait chambre à part et qu'il n'y avait pas eu de discussions, car sa compagne souhaitait qu'ils se séparent. La veille, il avait quitté le domicile vers 15h30 pour aller chercher son fils D______ qui avait dormi chez un copain. Sa compagne était en train de se préparer pour sortir. Il ignorait où et avec qui. Il avait passé l'après-midi avec son fils. Ils étaient rentrés vers 19h00. A leur arrivée, F______ était seule au domicile. E______ était à son cours de danse. Il avait couché son fils à 21h00. Lorsque E______ était rentrée de son cours vers 21h30, il avait laissé les trois enfants seuls au domicile et était parti à la recherche de sa compagne. A cette fin, il s'était rendu dans plusieurs bars dans lesquels ils avaient l'habitude de sortir ensemble. Il ne l'avait pas trouvée. Vers 23h30, il lui avait envoyé un message pour lui demander où elle était, l'informant que la situation le rendait triste et qu'il souhaitait être avec elle pour son anniversaire le 6 mai. Elle l'avait appelé vers 23h45 et l'avait informé qu'elle était chez J______, une amie du couple. Elle lui avait proposé de les rejoindre. A son arrivée, J______ lui avait proposé un verre de rhum pour trinquer pour l'anniversaire de sa compagne. Les deux femmes avaient déjà consommé passablement d'alcool ensemble avant son arrivée. Peu après, sa compagne s'était mise à pleurer, en lui disant que c'était de sa faute. Elle l'avait critiqué et jugé devant J______ sans qu'il n'ait eu la possibilité de répondre. Elle l'avait insulté en le traitant de « fils de pute » et « connard ». Il était sorti plusieurs fois sur le balcon fumer une cigarette pour ne pas envenimer les choses. Cela avait duré 1h30 – 1h45. Dans la voiture, sa compagne avait continué à lui dire qu'elle allait le quitter et le tromper.

Arrivés à leur domicile, sa compagne lui avait demandé de parler moins fort, car elle ne voulait pas que les enfants se réveillent. Il avait cependant continué à parler fort. Elle était venue au contact et avait essayé de le gifler à deux reprises. Il avait esquivé. Il lui avait ensuite saisi les bras et l'avait reculée. Sa compagne s'était ensuite saisie de son matériel informatique se trouvant sur le bureau dans le but de le jeter au sol. L'écran d'ordinateur était tombé, non au sol, mais sur le bureau. Il s'était néanmoins fissuré et ne fonctionnait plus. A partir de ce moment-là, il avait mis une chaise entre lui et sa compagne pour tenir cette dernière à distance. Sa compagne continuait à crier et à l'insulter. Elle voulait casser des choses. Elle voulait tirer la télévision pour la mettre par terre. Voyant cela, il l'avait saisie par les bras et l'avait poussée en arrière. Il l'avait poussée de manière à la faire reculer, mais elle avait perdu l'équilibre et était tombée légèrement par terre. Sa compagne s'était mise à tirer sur tout ce qu'elle trouvait pour essayer de le jeter sur la télévision et la casser. Il tentait tant bien que mal de l'en empêcher en lui saisissant les bras. Voyant qu'elle ne s'arrêterait pas, il avait appelé ses enfants pour qu'ils l'aident et voient ce qui était en train de se passer. Sa compagne était en transe. Sa compagne avait tenté de se saisir d'un altère de huit kilos. Il l'en avait directement empêchée en la bloquant contre le mur et en lui saisissant le cou. Dès qu'il avait pu, il l'avait lâchée et était sorti sur le palier demander de l'aide. Il voulait que les voisins voient ce qu'il se passait et que sa compagne n'était pas la victime, mais que c'était elle qui cassait tout dans l'appartement. Lorsque sa compagne l'avait rejointe sur le palier, elle lui avait tiré les cheveux et les avait arrachés. Au moment où il avait senti sa tête partir en arrière, il s'était retourné et l'avait mise en sol. En se retournant, il avait vu son fils D______ et avait regagné son appartement en fermant la porte et en laissant sa compagne sur le palier. Sa compagne lui avait mordu les lèvres. Elle l'avait également mordu en bas de l'épaule. Il avait une douleur à la main droite et une marque rouge sur le ventre, car sa compagne lui avait arraché sa chemise.

Ce n'était pas le premier conflit physique. La police était déjà intervenue deux ans plus tôt. Il n'envisageait pas très bien l'avenir avec sa compagne. Il souhaitait que le couple suive une thérapie. Il aurait préféré que sa compagne regagne leur domicile et qu'ils oublient ce qu'il s'était passé. Toutefois, il avait peur de la façon dont elle pourrait se comporter si elle rentrait. Il ne souhaitait pas son éloignement du domicile.

A l'issue de son audition, M. B______ n'a pas souhaité déposer plainte pénale contre sa compagne.

5.             Entendue en qualité de personne appelée à donner des renseignements le 6 mai 2024, Mme A______ a déclaré que le problème venait du fait que son compagnon ne voulait pas qu'elle le quitte. Il était agressif, la tapait et lui tirait les cheveux. Ils n'étaient pas mariés, mais vivaient sous le même toit depuis dix ans. Depuis toutes ces années, il lui avait promis de changer, ce qu'il n'avait pas fait. Leur relation n'était pas bonne. Il la traitait de « salope », « pute », « connasse » notamment. Elle ne l'avait pas encore quitté, car elle se disait qu'il l'aimait. Elle l'aimait aussi. Son fils était très proche de son père. Il y avait déjà eu de la violence. Elle avait été blessée par son compagnon à la main. Elle avait consulté un médecin qui avait pris des photographies. Elle ne se souvenait plus de la date. Elle avait été ouverte au niveau de la main, mais elle ne se souvenait plus comment son compagnon l'avait blessée. Il n'avait plus eu d'altercation depuis la dernière intervention de la police le 7 mars 2021, car elle avait laissé tomber, qu'elle avait dit oui à tout et tout laissé passer.

Cela faisait quatre jours qu'ils ne dormaient plus ensemble. Il pensait qu'elle le trompait, ce qui était faux. Il lui disait qu'elle était une « pute » et une « salope ». Le 1er mai 2024, il avait refusé qu'elle sorte avec des amies. Elle lui avait proposé de les accompagner. Ils étaient sortis ensemble et il s'était « bourré ». Elle lui avait demandé de laisser la voiture, car il n'était pas en état de conduire et elle ne voulait pas avoir un accident. Elle était finalement rentrée avec un HUBER. Dans la rue, à la hauteur de la rue de Stand, il avait hurlé « t'es où connasse? », « t'es où pute? ». C'était depuis cet événement qu'ils ne dormaient plus ensemble.

Le 5 mai 2024, elle était sortie, car son amie J______ l'avait invitée à manger. Elle s'amusait bien. Son compagnon n'arrêtait pas de l'appeler pour lui demander où elle était. Elle lui avait répondu. Il était alors venu la chercher. Ils étaient rentrés et une fois chez eux, elle lui avait dit qu'il était préférable qu'ils se quittent. Il s'était alors mis en colère et lui avait dit qu'elle était une « salope » et une « pute ». Elle lui avait dit de se taire, car les enfants dormaient. Il avait cassé des choses sous le coup de la colère, notamment des bougies. Alors qu'ils étaient dans le bureau, il lui avait saisi les cheveux par derrière et l'avait tirée à travers le logement pour la jeter dehors. Elle avait crié qu'elle allait appeler la police et il lui avait répondu qu'il allait l'appeler lui. Il l'avait tirée en la tenant par les cheveux sur trois mètres environ. Il avait fermé la porte alors qu'elle était sur le palier. Elle avait donc sonné encore et encore. Un voisin s'était inquiété de ses cris et elle lui avait demandé d'appeler la police. Elle l'avait sauf erreur mordu alors qu'il la tenait par les cheveux, mais elle ne savait pas où. Elle s'était évidemment défendue. Elle avait des douleurs à la paume de la main gauche. Son compagnon lui avait « tourné » le poignet. Il l'avait insultée, mais ne l'avait pas menacée. Son compagnon avait plusieurs fois crié « D______ debout ». Son fils s'était levé. Il avait vu son père la jeter dehors. Elle avait besoin de temps pour chercher un appartement et « sortir de là ». Elle souhaitait que son compagnon soit éloigné du domicile le temps qu'elle trouve un appartement. Elle ne voulait pas qu'il l'approche, car elle avait désormais peur de lui.

A l'issue de son audition, Mme A______ a déposé plainte pénale contre son concubin.

6.             Entendu dans la foulée en qualité de prévenu cette fois, il a confirmé ses premières déclarations. Il a en outre admis avoir traité sa compagne de « pute ». Il ne l'avait pas injuriée depuis leur dernière altercation le 7 mars 2021 à l'occasion de laquelle la police était intervenue. Il ne savait pas s'il avait tiré les cheveux de sa compagne. Son but était uniquement de la sortir de l'appartement pour éviter qu'elle ne casse tout. Il lui avait effectivement saisi les poignets, mais n'avait pas « tourné » le poignet gauche de sa compagne. Il ne s'était jamais montré violent à l'égard de sa compagne. Il ne comprendrait pas pourquoi il pourrait être éloigné du domicile, car c'était lui la victime.

7.             Egalement entendue comme prévenue, Mme A______ a confirmé ses premières déclarations. Elle a contesté avoir traité son compagnon de « fils de pute » et de « connard ». L'ordinateur était tombé sur la table alors que le couple se bousculait. Elle ne l'avait pas cassé. Elle lui avait effectivement tiré les cheveux pour qu'il arrête de lui tirer les siens. Elle l'avait mordu au niveau des lèvres et de l'épaule, car il ne lui lâchait pas les cheveux. Elle s'était uniquement défendue. Elle ne lui avait pas donné de coup au niveau du ventre.

8.             A l'audience du 7 mai 2024 devant le tribunal, Mme A______ a persisté dans son opposition. Elle a confirmé ses premières déclarations. La mesure d'éloignement était injuste. Elle avait des difficultés à s'exprimer en français. Son compagnon avait beaucoup menti. Il ne la laissait jamais sortir. Il l'insultait. Il l'avait déjà frappée par le passé. Le médecin qu'elle avait vu lui avait suggéré de déposer plainte. Elle ne l'avait pas fait. Elle ne le supportait plus. Ses filles ne l'aimaient plus. Il avait l'habitude de crier. Elle n'était plus intéressée par une thérapie de couple. Elle avait dit à son compagnon qu'elle arrêterait de sortir s'il arrêtait la marijuana. Il n'avait pas arrêté. Il fumait de la marijuana tout le temps et était de surcroît alcoolique. Elle ne souhaitait pas retourner au domicile et voulait trouver un appartement. Sur question du tribunal, elle ne s'était pas rendue dans l'une des institutions qui lui étaient proposées pour y fixer un entretien sociothérapeutique, car elle n'était pas bien.

M. B______ a également confirmé ses premières déclarations. Sa compagne passait plus de temps à l'extérieur qu'à la maison. En dix ans de vie commune, elle avait cassé sept de ses écrans d'ordinateur. La police était intervenue à quatre ou cinq reprises au total, y compris en mars 2021. Sa femme avait été blessée à une occasion lorsqu'il l'avait repoussée. Il ne l'avait jamais frappée. Il fumait deux joints par jour environ. Il n'était pas alcoolique.

Mme A______ était d'accord d'être éloignée du domicile jusqu'au 16 mai 2024, à condition qu'elle puisse néanmoins y pénétrer et y demeurer, en l'absence de son compagnon, pour s'occuper de ses enfants. En effet, c'était elle qui prenait en charge D______ et F______ à leur sortie de l'école.

M. B______ s'est déclaré en faveur d'une prise en charge des enfants par Mme A______ au domicile en son absence. Ils avaient tous deux le souhait de préserver au maximum les enfants de leur situation. Elle pourrait ainsi s'occuper de leur fils à midi et à sa sortie de l'école les lundis, mardis et jeudis. Il était également d'accord qu'elle passe le mercredi au domicile avec les enfants. D______ n'allait pas encore à l'école le mercredi. Il ne rentrerait pas au domicile à midi du lundi au jeudi, même si c'était parfois son habitude. En revanche, le vendredi était son jour de télétravail. Sa compagne travaillait par ailleurs le vendredi. Ils étaient tous deux d'accord de s'appeler et de s'écrire pour mettre en place cette organisation et assurer son suivi.

9.             La représentante du commissaire de police a conclu à la confirmation de la décision. Elle ne s'est pas opposée à l'accord mis en place d'entente entre les parties.

10.         Mme A______ a pris contact avec l'association L______. L'entretien sociothérapeutique a été fixé le 14 mai 2024 à 09h00.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, l'opposition est recevable au sens de l'art. 11 al. 1 LVD.

3.             La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

4.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

5.             En l'espèce, les faits dont M. B______ se plaint d'avoir été victime, correspondent à la notion de violences domestiques au sens de la loi. Les déclarations de M. B______, aussi bien à la police qu'en audience, bien que contredites par sa concubine, sont étayées par les photographies des lésions qu'il a subies le 6 mai 2024. Il résulte par ailleurs des pièces au dossier et des déclarations des parties, concordantes sur ce point, qu'au cours des dix ans de vie commune, la police est intervenue à quatre ou cinq reprises à leur domicile pour des faits similaires, la dernière fois le 7 mars 2021. Au vu de ce qui précède, il existe suffisamment d'éléments pour présumer la survenance de nouvelles violences domestiques et donc la nécessité d'éloigner Mme A______ du domicile pour une durée de dix jours.

Cela étant dit, le tribunal ne peut qu'encourager les parties dans leur souhait de préserver les enfants de leur conflit. Aussi, conformément à la volonté commune des parties, Mme A______ sera autorisée à pénétrer au domicile conjugal, en l'absence de M. B______, afin de prendre en charge les mineurs E______, F______ et D______, selon les modalités déterminées d’entente entre eux. L'interdiction de contact sera également levée dans la mesure nécessaire aux échanges entre les parties au sujet de l'organisation et du suivi de la prise en charge des enfants.

6.             Au vu de ce qui précède, le tribunal admet partiellement l'opposition formée par Mme A______ le 6 mai 2024 contre la mesure d'éloignement prononcée à son encontre pour une durée de 10 jours en ce qu'elle concerne l'interdiction de contacter M. B______ dans la mesure nécessaire aux échanges relatifs à l'organisation et au suivi de la prise en charge des enfants et de pénétrer au domicile conjugal les lundis, mardis et jeudis de 11h30 à 13h30 et de 16h00 à 17h30, ainsi que le mercredi toute la journée.

7.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

8.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 6 mai 2024 par Madame A______ contre la mesure d’éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le 6 mai 2024 pour une durée de dix jours ;

2.             l'admet partiellement au sens des considérants ;

3.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière