Décisions | Chambre de surveillance
DAS/136/2025 du 11.07.2025 sur DTAE/3591/2025 ( PAE ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
republique et | canton de geneve | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/25697/2024-CS DAS/136/2025 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU VENDREDI 11 JUILLET 2025 |
Recours (C/25697/2024-CS) formé en date du 6 juin 2025 par Madame A______, domiciliée c/o B______, ______ (Genève), représentée par Me C______, avocat.
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Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 24 juillet 2025 à :
- Madame A______
c/o Me C______, avocat,
______, ______.
- Madame D______
Monsieur E______
OFFICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.
- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT.
A. a) A______ est née le ______ 2006. Elle est la fille de F______ et de G______.
Durant la minorité de A______, le Service de protection des mineurs a exercé un mandat de curatelle d'assistance éducative.
Le 25 octobre 2024, le Service de protection des mineurs a rendu un rapport final à l'attention du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection), A______ ayant atteint la majorité le ______ 2024. Les éléments pertinents suivants ressortent de ce rapport: jusqu'en juin 2024, l'intéressée avait été scolarisée à l'école H______, dans le cadre du programme de "remobilisation des parcours individualisés" (sic). A la fin de l'année 2023, les professionnels avaient pu observer une détérioration de la situation de la mineure, le peu de stabilité de son environnement familial, étant relevé qu'elle avait vécu au K______, de même que sa mère et son père. La santé de A______ semblait par ailleurs s'altérer: elle souffrait de diabète, l'école avait remarqué des traces d'automutilation et son psychiatre lui avait prescrit un antidépresseur, qu'elle ne prenait pas régulièrement. Selon sa psychologue, elle souffrait "d'un trouble anxieux dépressif avec une personnalité instable". Elle avait fait état d'idées suicidaires, mais avait refusé d'être à nouveau hospitalisée; les HUG la connaissaient, car elle avait été inscrite dans différents dispositifs, sans avancée majeure. En mai 2024, la famille avait pu emménager dans un appartement en sous-location et F______ devait donner naissance à un autre enfant à la fin de l'année. A______ avait été orientée vers Point jeunes pour envisager son avenir post majorité. Elle avait de grandes difficultés à investir un suivi ou une orientation professionnelle sur le long terme. L'intéressée estimait ne pas avoir besoin d'une mesure de protection.
Il ressort par ailleurs du dossier que la famille reçoit des prestations de l'Hospice général.
b) Par décision du 4 mars 2025, le Tribunal de protection a désigné Me C______ en qualité de curateur d'office de A______, son mandat étant limité à la représenter dans la procédure pendante devant ce même Tribunal.
c) Il ressort d'un extrait du Registre des poursuites du 7 mars 2025 que F______ fait l'objet de nombreuses poursuites. Durant les vingt dernières années, cent quarante-quatre actes de défaut de biens ont été délivrés la concernant, pour un total de 186'709 fr. 68.
G______, qui vit séparé de F______, fait également l'objet de poursuites et de cinquante actes de défaut de biens, ces derniers pour un total de 77'398 fr. 58.
d) A______ a été suivie ponctuellement par une psychiatre du 14 avril 2023 au 31 mai 2024.
Elle a également consulté une psychologue, mais a interrompu son suivi en décembre 2023.
e) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 27 mars 2025. A la question du Tribunal de savoir si elle pensait avoir besoin d'aide pour la gestion de ses affaires, A______ a répondu qu'elle "ne savait pas trop" et avait de la peine à se déterminer à ce sujet. Elle vivait avec sa mère et sa petite sœur de quatre mois et tout se passait bien. Elle fréquentait un établissement au I______, soit J______ SARL, dont le but était la réinsertion professionnelle. Elle était régulière dans sa fréquentation, son but étant de trouver un apprentissage par la suite; elle était intéressée par la "conservation des dépouilles", avait fait une demande de stage et était dans l'attente d'une réponse. Elle n'avait pas de suivi psychiatrique et consultait un médecin traitant, ainsi que les HUG pour son diabète. Ses factures étaient gérées par sa mère; lorsqu'elle avait besoin d'argent, elle en demandait à son père ou à sa mère; elle n'était pas très dépensière et ne procédait pas à des commandes sur internet. Elle pensait faire l'objet de poursuites pour des amendes TPG non payées. Elle était beaucoup plus régulière qu'auparavant dans la prise de ses traitements antidiabétiques. Pour une raison que A______ n'a pas indiquée, elle ne portait plus le capteur qui lui permettait de contrôler sa glycémie et devait par conséquent se piquer les doigts, ce qu'elle avait de la peine à faire; elle envisageait de remettre le capteur. Elle avait eu un rendez-vous aux HUG en janvier 2025 et le suivant était prévu pour le mois d'avril 2025. Elle pensait qu'un nouveau suivi psychiatrique lui serait favorable.
A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.
f) Selon un extrait du Registre des poursuites du 31 mars 2025, A______ ne faisait l'objet d'aucune poursuite.
B. Par ordonnance DTAE/3591/2025 du 27 mars 2025, le Tribunal de protection a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______ (chiffre 1 du dispositif), désigné E______ et D______, respectivement intervenant en protection de l'adulte et cheffe de secteur auprès de l'Office de protection de l'adulte, aux fonctions de curateurs, l'un pouvant se substituer à l'autre (ch. 2), confié aux curateurs les tâches suivantes: représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques; gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes; veiller à son bien-être social et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre; veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d'incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical (ch. 3), autorisé les curateurs à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat et avec la faculté de la faire réexpédier à l'adresse de leur choix et, si nécessaire, à pénétrer dans le logement de la personne concernée (ch. 4) et laissé les frais judiciaires à la charge de l'Etat (ch. 5).
En substance, le Tribunal de protection a considéré qu'il ressortait de l'instruction que A______ souffrait notamment d'un trouble anxieux dépressif et qu'elle présentait une personnalité instable et dépendante, ce qui était constitutif d'un trouble psychique au sens de la loi; elle avait en outre des problèmes de santé physiques, ayant nécessité des suivis rapprochés durant son adolescence et l'introduction d'un traitement antidépresseur. Dans ce contexte, elle n'était pas en mesure de veiller de manière adéquate à la sauvegarde de ses intérêts au sens large, peinant notamment à se mobiliser utilement pour s'inscrire, sans aide extérieure, dans une formation professionnelle et/ou dans une profession sur le long terme. Elle avait en outre délaissé la gestion de ses affaires administratives et financières et ne semblait pas en mesure d'organiser seule son quotidien et de suivre avec régularité son traitement antidiabétique; elle ne bénéficiait plus d'aucun suivi psychiatrique, malgré ses besoins. Compte tenu de ces circonstances, du jeune âge de l'intéressée, de son inexpérience et de son besoin de protection global, il se justifiait d'instaurer une curatelle de représentation et de gestion étendue à l'assistance personnelle et au domaine médical. Aucun proche ne pouvant fonctionner en tant que curateur, des collaborateurs de l'Office de protection de l'adulte devaient être désignés.
C. a) Le 6 juin 2025, A______ a formé recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (ci-après: la Chambre de surveillance) contre cette ordonnance, reçue le 7 mai 2025, concluant à l'annulation des chiffres 1 à 4 de son dispositif et à ce qu'il soit dit qu'il n'y a pas lieu d'instituer une mesure de protection en sa faveur. Préalablement, la recourante a sollicité sa propre audition, celle de F______, ainsi que celle de l'assistante sociale de cette dernière; elle a également conclu à ce qu'un rapport soit sollicité de l'assistante sociale de F______ auprès de l'Hospice général au sujet de la situation de cette dernière et de celle de la recourante, en l'invitant à se prononcer sur la capacité de F______ à gérer ses propres affaires administratives et financières et celles de sa fille.
La recourante a allégué que sa situation était globalement stable, même si sa vie était rythmée par des hauts et des bas en raison de ses troubles psychiques, ce dont elle était consciente. Elle poursuivait les cours dont il avait été question devant le Tribunal de protection, à raison d'un jour et demi par semaine. Les cours lui plaisaient et il lui arrivait de passer plus de temps que prévu au sein de cette structure, vers laquelle elle pouvait par ailleurs se tourner en cas de questions de nature administrative. Elle avait fait une demande de stage dans le domaine de la thanatopraxie et attendait une réponse. Sur le plan médical, elle avait régulièrement consulté, en mai et au début du mois de juin 2025, un médecin au sein du Centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrées (CAPPI); elle avait en outre trouvé une psychologue qui assurerait son suivi à compter du 26 juin 2025. Elle avait toujours un médecin traitant et consultait les HUG pour son diabète. Elle ne percevait aucun revenu, ses charges étant comprises dans celles de sa mère, qui recevait des prestations de l'Hospice général. Sa mère, qui ne faisait l'objet d'aucune mesure de protection, assumait la gestion de ses affaires financières et administratives et la recourante l'accompagnait parfois à ses entretiens avec l'assistante sociale.
En substance, la recourante a fait grief au Tribunal de protection d'avoir constaté les faits de manière incomplète et d'avoir rendu sa décision sans instruire la question de la capacité de sa mère à pouvoir l'aider dans la gestion de ses affaires administratives et financières. Le fait que sa mère fasse l'objet de poursuites, qui s'expliquaient par de multiples raisons qui n'étaient plus d'actualité désormais, ne signifiait pas pour autant qu'elle n'était pas en mesure de gérer ses affaires et celles de sa fille. En ce qui la concernait, étant une jeune majeure, il était normal qu'elle ne soit pas encore totalement autonome dans ces domaines. Elle déployait toutefois les efforts qui pouvaient être attendus de sa part, lesquels devaient être appréciés en fonction de ses troubles et de sa situation personnelle, et ne voyait pas quelle aide un curateur serait susceptible de lui apporter. L'absence de toute poursuite à son encontre démontrait que ses affaires n'étaient pas négligées.
b) Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l'ordonnance attaquée.
c) Par avis du greffe de la Chambre de surveillance du 3 juillet 2025, la recourante a été informée de ce que la cause était gardée à juger.
1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).
Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).
1.2 Interjeté en temps utile et selon la forme prescrite, par la personne directement concernée par la mesure, le recours est recevable.
2. La Chambre de céans établit les faits d'office, applique le droit d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC).
Les faits, tels que retenus par le Tribunal de protection, ont été complétés par la Chambre de céans dans toute la mesure utile, de sorte que le grief de la recourante relatif à la constatation incomplète des faits ne sera pas examiné plus avant.
3. 3.1 En principe, il n'y a pas de débats devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice, sauf en matière de placement à des fins d'assistance (art. 53 al. 5 LaCC).
3.2 En l'espèce et pour les raisons qui vont suivre, la Chambre de surveillance se considère suffisamment renseignée sur les faits de la cause sans qu'il soit nécessaire d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées par la recourante.
4. 4.1.1 Les mesures prises par l'autorité de protection de l'adulte garantissent l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible leur autonomie (art. 388 al. 2 CC).
L'autorité de protection de l'adulte ordonne une mesure lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par les services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).
Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).
L'art. 389 al. 1 CC exprime le principe de la subsidiarité (…): des mesures ne peuvent être ordonnées par l'autorité que lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par des services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (ch. 1). Cela signifie que lorsqu'elle reçoit un avis de mise en danger, l'autorité doit procéder à une instruction complète et différenciée lui permettant de déterminer si une mesure s'impose et, dans l'affirmative, quelle mesure en particulier (HÄFELI, CommFam Protection de l'adulte, ad art. 389 CC, n. 10 et 11).
4.1.2 Selon l'art. 390 CC, l'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle, notamment lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).
Une curatelle de représentation est instituée lorsque la personne qui a besoin d'aide ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée (art. 394 al. 1 CC).
4.2 En l'espèce, la recourante a atteint la majorité le ______ 2024, soit depuis une année. Elle vit encore avec sa mère et ne perçoit aucun revenu. Il ressort certes du dossier que la recourante souffre de troubles tant psychiques que physiques, qu'elle admet; il est également établi que son parcours scolaire n'a pas été linéaire, qu'elle ne suit pas d'études et qu'elle n'a entrepris, pour l'heure, aucune formation professionnelle, ces éléments étant source d'inquiétude pour son avenir.
Cela étant, il est également vrai que la recourante ne fait l'objet d'aucune poursuite et que dans la mesure où elle ne perçoit pas de revenus, il n'existe en l'état aucun avoir à gérer. Dans la mesure où elle vit encore avec sa mère, elle n'a, selon toute vraisemblance, que peu de factures personnelles. Elle a par ailleurs été en mesure, seule ou avec une aide extérieure qu'elle a su trouver, de s'inscrire au sein de l'institution J______ SARL, dans l'intention de débuter ensuite un apprentissage. Elle a également consulté récemment le CAPPI et a trouvé une psychologue qui devrait assurer son suivi; il n'est enfin pas démontré qu'elle négligerait ses contrôles en diabétologie.
Au vu de ce qui précède, le prononcé d'une mesure de curatelle, qui plus est aussi large que celle contestée, apparaît prématuré. Elle prive la recourante de toute autonomie, alors qu'elle n'est qu'au début de l'âge adulte et qu'il conviendrait au contraire de la responsabiliser et de l'inciter à acquérir une indépendance totale dans la gestion de ses affaires. Une mesure de protection ne se justifiera que s'il devait s'avérer, à l'avenir, que la recourante n'est effectivement pas en capacité de gérer ses affaires seule ou avec l'aide de sa mère, ce qui, en l'état, n'est pas établi.
Au vu de ce qui précède, les chiffres 1 à 4 du dispositif de l'ordonnance attaquée seront annulés.
5. Compte tenu de l'issue de la procédure, les frais judiciaires, en 400 fr., seront laissés à la charge de l'Etat de Genève.
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé par A______ contre l'ordonnance DTAE/3591/2025 rendue le 27 mars 2025 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/25697/2024.
Au fond :
L'admet.
Annule les chiffres 1 à 4 du dispositif de l'ordonnance attaquée.
Laisse les frais judiciaires de la procédure de recours à la charge de l'Etat de Genève.
Siégeant :
Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente ad interim ; Madame Sylvie DROIN et Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.