Décisions | Chambre de surveillance
DAS/69/2025 du 31.03.2025 sur DTAE/8171/2024 ( PAE ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
republique et | canton de geneve | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/16941/2024-CS DAS/69/2025 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU LUNDI 31 MARS 2025 |
Recours (C/16941/2024-CS) formé en date du 26 novembre 2024 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève).
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Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 8 avril 2025 à :
- Madame A______
______, ______.
- Madame B______
Monsieur C______
OFFICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.
- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT.
A. a. A______, née le ______ 1956, de nationalité suisse, sans enfant, a fait l'objet d'un signalement à l'attention du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) par D______, assistante sociale auprès de la commune de E______ [GE], en date du 17 juillet 2024.
Le Service de la cohésion sociale de la Commune de E______ avait été sollicité par le cousin de A______ au mois de juin 2024, alors que l'époux de A______ était hospitalisé; il était décédé le ______ juin 2024. Ce Service accompagnait A______ dans certaines démarches administratives, notamment celles liées au décès de son époux. Du temps de la vie commune, ce dernier s'occupait des tâches administratives. A______ peinait à comprendre les courriers qui lui étaient adressés et à y répondre. Elle sollicitait le Service social plusieurs fois par semaine et n'était pas autonome. Elle vivait désormais seule et disait se sentir isolée, hormis les contacts téléphoniques qu'elle entretenait avec son cousin et sa cousine, domiciliés à F______ [NE]. Elle était suivie par le Dr G______, lequel soutenait la demande de mesure de protection et par l'IMAD, qui l'aidait deux fois par semaine pour se doucher et se laver les cheveux. Elle percevait par ailleurs une rente AVS de 2'305 fr. par mois et des prestations complémentaires en 1'455 fr. Le Service social de la Commune de E______ n'était pas en mesure d'apporter à A______ l'aide dont elle avait besoin. Elle avait été informée de la démarche accomplie par le Service social auprès du Tribunal de protection, mais il n'était pas certain qu'elle en ait réellement compris le sens.
b. Par certificat médical du 18 juillet 2024, le Dr G______ a certifié que l'état de santé psychique (troubles du comportement anciens avec retard mental) et physique de A______ imposait l'instauration d'une mesure de curatelle de portée générale.
Dans un second certificat du 30 août 2024, le Dr G______ a certifié que l'état de santé de A______ était totalement et définitivement incompatible avec la gestion quotidienne de ses affaires administratives et financières. Elle souffrait, depuis sa naissance, d'un déficit mental léger, dont elle s'accommodait très bien jusqu'au décès de son époux, qui s'occupait seul de la gestion du foyer. En 2022, après une chute dans les escaliers, elle avait souffert d'un traumatisme crânien sévère, ce qui avait altéré davantage ses capacités mentales; elle pouvait néanmoins être entendue par le Tribunal, étant habituellement calme et collaborante. Elle avait besoin d'un accompagnement régulier et bénéficiait en l'état de l'aide d'une assistante sociale et d'un encadrement par l'IMAD pour l'ensemble du champ médical. Elle allait probablement devoir, dans un proche avenir, être placée dans un établissement médico-social (EMS).
c. L'Office des poursuites a indiqué que A______ ne faisait l'objet d'aucune poursuite, ni acte de défaut de biens.
d. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 8 octobre 2024, à laquelle A______ ne s'est pas présentée.
Auparavant, soit le 12 septembre 2024, A______ avait adressé un courrier au Tribunal de protection dans lequel elle remettait en cause une procuration qu'elle avait signée le 15 juillet 2024 en faveur de D______ "pour la transmission d'un certificat médical relatif à une demande de curatelle", alléguant avoir été "incitée" à la signer.
D______ a été entendue par le Tribunal de protection et a confirmé son signalement. Elle continuait de voir A______ à raison d'une fois par semaine et s'était rendue à son domicile le ______ juin 2024. L'appartement était très encombré et poussiéreux; il était toutefois possible de s'y mouvoir. A______ était très demandeuse d'aide et avait de grandes difficultés de compréhension. Elle appelait quotidiennement le Service social; la veille par exemple, elle avait appelé à huit reprises. Lorsqu'elle appelait sa banque en présence de D______, elle parlait très fort et menaçait parfois d'appeler la police parce qu'elle n'avait pas compris les explications données. La Commune de E______ n'employait que deux assistantes sociales à 60%, qui ne pouvaient pas effectuer un suivi autre que ponctuel, de sorte que le suivi de A______ excédait les capacités du Service. Le courrier adressé au Tribunal de protection par A______ le 12 septembre 2024 a été soumis à D______: celle-ci doutait que A______ l'ait écrit seule. L'intéressée lui avait par ailleurs dit avoir peur de se présenter à l'audience du Tribunal de protection, ne sachant pas de quoi elle était accusée; elle n'avait pas compris l'objet de l'audience. D______ avait effectué des démarches dans le cadre de la succession de l'époux de l'intéressée. La déclaration fiscale 2023 n'avait pas encore été établie. A______ se rendait à La Poste pour effectuer ses paiements, mais D______ avait dû intervenir plusieurs fois en raison des problèmes de compréhension de A______, qui menaçait d'appeler la police. Les cousins qui vivaient à F______ [NE] étaient très âgés; quant à la famille de feu H______, qui vivait en France, elle avait catégoriquement exclu de s'impliquer dans la situation.
Au terme de l'audience, la cause a été gardée à délibérer.
e. Par courriel adressé le 5 février 2025 au Tribunal de protection, D______ précisait que A______ avait reçu un rappel relatif à la déclaration fiscale 2024. En raison des difficultés rencontrées par A______, le Service social n'était pas en mesure de réunir les documents nécessaires pour établir ladite déclaration, qui concernait tant A______ que feu son époux. La fiduciaire, qui s'occupait des affaires du couple, avait clôturé le dossier, dans la mesure où elle faisait face aux mêmes difficultés pour obtenir la documentation nécessaire.
Dans un second courriel du 5 février 2025, D______ indiquait que [la banque] K______ risquait de bloquer de manière imminente le compte bancaire utilisé par A______. D______ l'avait aidée à remplir un formulaire (qu'elle avait déjà rempli à plusieurs reprises) et lui avait expliqué qu'elle devait se rendre à la banque le plus rapidement possible.
B. Par ordonnance DTAE/8171/2024 du 8 octobre 2024, le Tribunal de protection a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______ (chiffre 1 du dispositif), désigné B______ et I______, intervenantes en protection de l'adulte, aux fonctions de curatrices, l'une pouvant se substituer à l'autre dans l'exercice de leur mandat (ch. 2), confié aux curatrices les tâches suivantes: représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques; gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes; veiller à son bien-être social et la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre; veiller à son état de santé et mettre en place les soins nécessaires (ch. 3), autorisé les curatrices à domicilier les rentes perçues par la personne concernée auprès du Service de protection de l'adulte (SPAd) (ch. 4), autorisé les curatrices à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat et avec la faculté de la faire réexpédier à l'adresse de leur choix et, si nécessaire, à pénétrer dans le logement de la personne concernée (ch. 5) et laissé les frais judiciaires à la charge de l'Etat (ch. 6).
En substance, le Tribunal de protection a considéré que A______ souffrait de troubles psychiques qui l'empêchaient d'assurer seule la sauvegarde de ses intérêts. L'aide apportée initialement par son époux, puis par le Service social de la commune de E______, avait atteint ses limites et compte tenu du soutien quotidien important dont avait besoin l'intéressée, il se justifiait d'instituer en sa faveur une mesure de curatelle de représentation et de gestion en matière administrative, juridique, financière, sociale et dans le domaine de l'assistance personnelle, de manière à veiller également à son suivi médical régulier.
Cette décision a été reçue le 19 novembre 2024 par A______.
C. a. Par pli du 26 novembre 2024 adressé au Tribunal de protection et transmis à la Chambre de surveillance de la Cour de justice le 2 décembre 2024 pour raisons de compétence, A______ a "contesté la demande des curateurs et des curatrices suite au domiciles (sic) où j'habite. Je désire de (sic) rester comme je suis. Je vois une fois par semaine l'assistance (sic) sociale Mme D______ ceci doit rester sous le sceau du secret administratif. Si toutefois ma demande n'était pas respectée j'en ferai part à Mme J______ qui est la supérieure hiérarchique de Mme D______".
b. Le Tribunal de protection n'a pas souhaité reconsidérer sa décision du 8 octobre 2024.
c. Par avis du 26 mars 2025 du greffe de la Chambre de surveillance, A______ a été informée de ce que la cause était gardée à juger.
1. 1.1.1 La décision entreprise ayant été communiquée avant le 1er janvier 2025, la présente procédure de recours demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.
1.1.2 Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de leur notification (art. 450b al. 1 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).
Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).
La motivation du recours doit être suffisamment explicite pour que l'instance de recours puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). Cette obligation s'applique tant aux griefs de violation du droit que de constatation inexacte des faits (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; ACJC/1313/2011 du 17 octobre 2011 consid. 3).
La motivation est une condition de recevabilité du recours prévue par la loi, qui doit être examinée d'office (arrêts du Tribunal fédéral 5A_438/2012 du 27 août 2012 consid. 2.2 et 2.4; 4A_651/2012 du 7 février 2013 consid. 4.2; 4A_659/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3).
1.2 En l'espèce, le recours, intégralement repris sous considérant C.a ci-dessus, est insuffisamment motivé. En effet, la recourante n'indique pas sur quels points elle considère l'ordonnance litigieuse erronée, en fait et/ou en droit; quant à ses références au "domiciles où j'habite" et à l'assistante sociale ainsi qu'au "sceau du secret administratif", elles sont confuses et sans lien direct avec la décision attaquée.
Au vu de ce qui précède, le recours apparaît irrecevable.
Le serait-il qu'il devrait être rejeté pour les raisons qui vont suivre.
2. 2.1 Les mesures prises par l'autorité de protection de l'adulte garantissent l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible leur autonomie (art. 388 al. 2 CC).
L'autorité de protection de l'adulte ordonne une mesure lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par les services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).
Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).
L'art. 389 al. 1 CC exprime le principe de la subsidiarité (…): des mesures ne peuvent être ordonnées par l'autorité que lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par des services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (ch. 1). Cela signifie que lorsqu'elle reçoit un avis de mise en danger, l'autorité doit procéder à une instruction complète et différenciée lui permettant de déterminer si une mesure s'impose et, dans l'affirmative, quelle mesure en particulier (HÄFELI, CommFam Protection de l'adulte, ad art. 389 CC, n. 10 et 11).
Selon l'art. 390 CC, l'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle, notamment lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).
L'autorité de protection de l'adulte détermine, en fonction des besoins de la personne concernée, les tâches à accomplir dans le cadre de la curatelle (art. 391 al. 1 CC). Ces tâches concernent l'assistance personnelle, la gestion du patrimoine et les rapports juridiques avec les tiers (art. 391 al. 2 CC).
Une curatelle de représentation est instituée lorsque la personne qui a besoin d'aide ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée (art. 394 al. 1 CC).
2.2 En l'espèce, il ressort de la procédure et en particulier des certificats médicaux du Dr G______ que la recourante souffre, depuis sa naissance, d'un retard mental, aggravé par un traumatisme crânien dont elle a été victime en 2022 à la suite d'une chute. La recourante n'a pas contesté ces faits et n'a apporté à la procédure aucun élément concret qui permettrait de mettre en doute les constatations du Dr G______. Il est également établi que la recourante n'est pas en mesure de gérer seule ses affaires et de veiller à la sauvegarde de ses intérêts. Du vivant de son époux, ce dernier s'occupait en effet de la gestion du ménage et depuis son décès, la recourante a fait appel au Service social de sa commune, qui a accompli un certain nombre de démarches en sa faveur. A nouveau, la recourante n'a pas contesté ces faits. C'est dès lors à juste titre que le Tribunal de protection a retenu que la recourante n'était pas en mesure de gérer ses affaires et d'assurer la défense de ses intérêts.
Hormis deux cousins domiciliés à F______ [NE], apparemment âgés, la recourante n'a pas de famille susceptible de lui venir en aide. Elle a certes pu compter sur l'appui du Service social de E______, en la personne de D______. Celle-ci a toutefois expliqué que ledit Service disposait de moyens limités et n'était en mesure d'assurer qu'une aide ponctuelle. Or, il appert que la recourante nécessite davantage qu'un soutien ponctuel, puisqu'elle paraît non seulement incapable de gérer elle-même ses affaires mais également de faire parvenir aux services sociaux et à sa fiduciaire les documents indispensables réclamés notamment par l'administration fiscale. Il en résulte qu'en l'état la situation de la recourante vis-à-vis de cette administration n'est pas à jour. Toujours en raison de sa mauvaise compréhension des démarches à effectuer, elle risque en outre le blocage de son compte bancaire.
Il résulte enfin du dossier, ce qui n'a pas davantage été contesté par la recourante, qu'elle a besoin d'aide non seulement pour la gestion de ses affaires, mais également pour sa vie personnelle, étant relevé qu'elle bénéficie d'ores et déjà de l'aide de l'IMAD, dont il n'est toutefois pas certain qu'elle soit suffisante, ce qu'il appartiendra aux curatrices de s'assurer.
Au vu de ce qui précède, la décision attaquée doit être confirmée.
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 400 fr. (art. 67A et 67B RTFMC), seront mis à la charge de la recourante, qui succombe. Ils seront compensés avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 106 al. 1 CPC).
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La Chambre de surveillance :
Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par A______ contre l'ordonnance DTAE/8171/2024 rendue le 8 octobre 2024 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/16941/2024.
Arrête les frais judiciaires à 400 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.
Siégeant :
Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Monsieur
Cédric-Laurent MICHEL et Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges;
Madame Carmen FRAGA, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.