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Décisions | Chambre de surveillance

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C/29795/2018

DAS/266/2024 du 14.11.2024 sur DTAE/2636/2024 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29795/2018-CS DAS/266/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 14 NOVEMBRE 2024

 

Recours (C/29795/2018-CS) formé en date du 5 juillet 2024 par Monsieur A______, p.a. et représenté par Me B______, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 19 novembre 2024 à :

- Monsieur A______
c/o Me B______, avocat.
______, ______.

- Madame C______
Monsieur D
______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. Par décision apposée par timbre humide sur un courrier du curateur du 15 avril 2024 à lui-même, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a autorisé, le 18 avril 2024, le curateur à liquider le mobilier de ménage et à faire radier le droit d'habitation dont A______ est titulaire sur la parcelle sur laquelle est situé son ancien logement (DTAE/2636/2024). Cette décision a été déclarée immédiatement exécutoire nonobstant recours.

Le Tribunal de protection a fait siens les motifs du curateur qui exposait qu'un retour à domicile du protégé n'était pas envisageable.

Cette décision a été communiquée au protégé le 18 avril 2024. Le pli n'a pas été retiré.

B. Par recours déposé le 5 juillet 2024 au greffe de la Cour, A______ a contesté l'autorisation donnée et conclu à l'annulation de la décision.

En substance, il expose tout d'abord que la communication qui lui avait été adressée de la décision contestée n'était pas valable dans la mesure où il disposait d'un curateur de représentation pour la procédure, la décision devant être communiquée à ce dernier exclusivement. Ne l'ayant pas été, le délai de recours n'avait commencé à courir que le 2 juillet 2024, date de la remise effective de la décision en question. Sur le fond, il considère qu'il ne peut être retenu qu'il ne pourra pas rentrer chez lui. Il conteste en outre ne pas être capable de discernement pour déterminer son lieu de vie.

Par décision du 16 juillet 2024, le président ad interim de la Chambre de surveillance a restitué l'effet suspensif au recours.

Le 24 juillet 2024, le Tribunal de protection a fait savoir à la Cour qu'il n'entendait pas revoir sa décision.

Le Service de protection de l’adulte (SPAd) a répondu au recours en date du 21 août 2024, concluant à son rejet et à la confirmation de la décision attaquée. En particulier, il fait valoir qu'un retour du protégé à domicile n'est pas possible, d'une part, du fait de l'incapacité de celui-ci à déterminer son lieu de vie et du danger pour lui-même que son mode de vie entraîne et, d'autre part, du fait que sa maison a été rendue inhabitable par un incendie qu’il a provoqué. Par ailleurs, il est vraisemblable que le droit d'habitation en sa faveur n'existe même plus conformément au contrat de vente en viager conclu en son temps entre le protégé et les propriétaires actuels du bien.

Par réplique du 3 septembre 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions antérieures et produit une attestation du Registre foncier obtenue le 26 juillet 2024, selon laquelle la procédure de radiation du droit d'habitation avait été suspendue en l'attente de droit jugé. Le recours conservait dès lors son objet.

Le 20 septembre 2024, le SPAd a dupliqué persistant dans ses conclusions antérieures.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a) A______, né en 1952, est sous curatelle de gestion et de représentation du SPAd depuis le 12 mars 2019.

b) Il a fait à plusieurs reprises l'objet de mesures de placement à des fins d'assistance, la dernière fois en octobre 2024.

c) Il vivait dans une maison dont il était préalablement propriétaire au E______ [GE] jusqu'au 17 janvier 2023, date à laquelle ce logement a été détruit par un incendie provoqué par lui. Il a fait l'objet d'une condamnation pour incendie par négligence. Il avait déjà provoqué un incendie dans sa propre maison quelques années plus tôt.

Préalablement, par contrat de vente en viager du 23 novembre 2021, la parcelle avait été vendue à des tiers, moyennant réserve d'un droit d'habitation en sa faveur. Le contrat prévoit certaines dispositions permettant la suppression de ce droit de manière anticipée. De même prévoit-il que le titulaire du droit supporte tous les impôts dus (moyennant une participation du propriétaire), ainsi que les coûts d’entretien du bien durant la durée du droit.

d) Le 13 février 2023, B______ lui a été désigné curateur de représentation dans la procédure.

e) Par courrier d'avocat du 7 décembre 2023, les propriétaires de la bâtisse dans laquelle le recourant habitait ont fait savoir au SPAd qu'ils considéraient le droit d'habitation de celui-ci comme échu et sollicitaient du SPAd une déclaration permettant sa radiation au Registre foncier.

f) Suite à la destruction de son domicile, A______ a été hébergé dans divers hôpitaux et EMS, puis en dernier lieu à la Clinique de F______ sur la base d'un dernier placement à des fins d'assistance.

g) Dans le cadre des divers placements à des fins d'assistance prononcés, il a été médicalement relevé, soit par avis médicaux, soit par expertises, soit dans le cadre de déclarations de médecins en audience, que l'intéressé n'était pas capable de discernement dans le cadre de l'organisation future de son lieu de vie.

Par expertise du 13 mars 2023, il a été établi que le recourant présentait une dépendance à l'alcool et un trouble neurocognitif léger. Il ne pouvait rentrer à domicile, son ancien lieu de vie étant inhabitable.

Entendu par le Tribunal de protection dans le cadre d'un placement à des fins d'assistance le 14 mars 2023, le SPAd avait notamment déclaré que la maison était inhabitable, n'ayant plus de toit. Le médecin responsable de la clinique avait déclaré lors de la même audience que le recourant n'avait pas sa capacité de discernement pour choisir son lieu de vie en raison de son déni face à ses consommations d'alcool et leurs conséquences. Il avait confirmé ses déclarations lors d'une nouvelle audition postérieure par devant le Tribunal de protection.

Par complément d'expertise du 14 juin 2023, l'expert désigné a confirmé le diagnostic antérieur de dépendance à l'alcool et trouble neurocognitif léger. Il avait en outre exposé que le recourant avait pris conscience de l'impossibilité qu'il retourne à son domicile. L'expert mentionnait également que le recourant avait une capacité de discernement altérée relative à son lieu de vie et avait besoin d'assistance au quotidien.

Le 9 janvier 2024 a été dressé un nouveau bilan-diagnostic du recourant duquel il ressort que celui-ci présente un déficit cognitif moyen dû notamment à une origine vasculaire et dégénérative suite à un éthylisme chronique, aucun suivi ou traitement médicamenteux à visée cognitive n'étant cependant nécessaire.

En date du 4 juillet 2024, un médecin chef de clinique en psychiatrie des HUG a signalé à nouveau la situation du recourant au Tribunal de protection, estimant que du fait de ses pathologies, il était incapable de discernement "concernant ses difficultés médicales et pour se prononcer sur un lieu de vie".

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet, dans les trente jours, d'un recours devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et 450b CC; art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

1.2 En l'espèce, formé par la personne directement concernée par la décision entreprise, selon la forme prescrite par la loi, devant l’autorité compétente, le recours est de ce point de vue recevable.

Bien qu'introduit plusieurs mois après la première communication de la décision au recourant, le recours apparaît avoir été déposé dans le délai légal. En effet, alors qu'il bénéficiait d'un curateur de représentation dans la procédure, qui implique la notification des actes auprès de lui, la décision n'a pas été notifiée à ce dernier, qui n'en a pris connaissance que le 2 juillet 2024 en consultant le dossier de son protégé (art. 137 CPC; 31 al.1 lit d LaCC). Le recours a été interjeté immédiatement après (5 juillet 2024), de sorte qu’il est recevable de ce point de vue également.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2. 2.1 Lorsque le curateur agit au nom de la personne concernée, il doit requérir le consentement de l’autorité de protection de l’adulte pour liquider le ménage et résilier le contrat de bail du logement de la personne concernée (art. 416 al. 1 ch. 1 CC).

Selon l'art. 416 al. 1 ch. 4 CC, il en est de même lorsqu'il s'agit d'acquérir, d'aliéner ou de mettre en gage d'autres biens, ou de les grever d'usufruit si ces actes vont au-delà de l'administration ou de l'exploitation ordinaire. Selon la jurisprudence, cette disposition s'applique aux droits d'habitation dont bénéficie le protégé (ATF 126 III 309).

La liquidation du ménage, de même que la résiliation du bail (respectivement, la renonciation à un usufruit ou à un droit d'habitation) constituent des actes d'une importance déterminante pour la personne concernée. Il arrive souvent que la personne sous curatelle soit plus touchée, sur le plan rationnel et émotionnel, par cette décision que par la mesure elle-même (BIDERBOST, ComFam, Protection de l'adulte, no 23 ad art. 416 CC).

Selon l'art. 5 al. 1 lit d LACC, le juge du Tribunal de protection est compétent pour accorder le consentement aux actes du curateur.

2.2 En l'espèce, le recours porte exclusivement sur l'autorisation donnée par le Tribunal de protection aux curateurs du SPAd de requérir la radiation du droit d'habitation dont est titulaire le recourant sur la maison qu'il a vendue à des tiers en viager et dans laquelle il résidait antérieurement.

Tout d'abord, le fait que le Tribunal de protection se soit prononcé sur un tel sujet, dont l'impact juridique, comme l'impact psychologique potentiel sur le titulaire du droit, est important, par apposition d'un timbre humide sans que l'on discerne réellement ni les faits pertinents à la base de la décision, ni l'appréciation juridique effectuée, laisse songeur.

Cela étant, il ressort de la procédure et en particulier de l'état de fait retenu ci-dessus que, d'une part, la maison dans laquelle vivait le recourant a été rendue totalement inhabitable par l'incendie provoqué par lui en janvier 2023. Il ressort, d'autre part, du dossier que médicalement le recourant n'a plus la capacité de discernement pour décider de son lieu de vie et de prendre les mesures nécessaires à ce propos. Il s'agit par ailleurs de ne pas oublier que le recourant fait l'objet d'une mesure de curatelle de gestion et de représentation et que, dans ce cadre, il entre dans les prérogatives des curateurs de requérir, comme ils l'ont fait, la liquidation de l'ancien logement du protégé devant être placé en institution ou dont, pour une raison ou une autre, les perspectives d'un retour à domicile n'existent pas.

Dans le cas présent, la décision attaquée doit être confirmée pour plusieurs raisons.

D'une part, le logement dans lequel était domicilié le recourant est inhabitable, sans perspective raisonnable de remise en état à moyen terme, à teneur de dossier.

D'autre part, il ressort clairement des diverses expertises médicales, avis médicaux et déclarations de médecins concordants, que le recourant est incapable de discernement relatif à son lieu de vie et par ailleurs incapable sans une aide au quotidien de s'assumer sans se mettre en danger, respectivement possiblement mettre en danger des tiers.

Certes, contrairement à ce qui est le cas avec un bail, dont le loyer court et engendre des dépenses, l'existence d’un droit d'habitation n'entraîne pas de frais mensuels directs pour le titulaire. Cela étant, en l’espèce, les conditions d'exercice du droit, telles que prévues dans le contrat, laissent à la charge du titulaire dudit droit tous les impôts et charges annuels afférents audit droit, ainsi que les coûts des travaux d'entretien pendant la durée du droit. Il est dès lors dans l'intérêt manifeste du protégé, au vu des circonstances du cas rappelées plus haut, qu'il puisse se libérer de ces potentiels frais.

En l'absence de perspective de retour, il n'est dès lors ni disproportionné, ni contraire aux intérêts du recourant d'autoriser les curateurs à obtenir la radiation de ce droit.

Par conséquent, la décision entreprise sera confirmée.

3. Les frais seront mis à la charge du recourant, qui succombe, et fixés à 400 fr.
Ils seront compensés avec l’avance fournier, qui reste acquise à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC)

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 5 juillet 2024 par A______ contre l'ordonnance DTAE/2636/2024 rendue le 18 avril 2024 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/29795/2018.

Au fond :

Rejette le recours.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 400 fr., les met à charge de A______ qui en a fait l'avance, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.