Décisions | Chambre de surveillance
DAS/205/2024 du 24.09.2024 sur DTAE/6504/2024 ( PAE ) , REJETE
En droit
republique et | canton de geneve | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/19628/2024-CS DAS/205/2024 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU MARDI 24 SEPTEMBRE 2024 |
Recours (C/19628/2024-CS) formé en date du 16 septembre 2024 par Monsieur A______, actuellement hospitalisé à la Clinique de B______, Unité C______, sise ______ (Genève).
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Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 24 septembre 2024 à :
- Monsieur A______
c/o Clinique de B______, Unité C______,
______, ______.
- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT.
Pour information, dispositif uniquement, à :
- Direction de la Clinique de B______
______, ______.
A. a. A______, né le ______ 1987, originaire de Genève, est célibataire, sans enfant. Il n’exerce aucune activité lucrative et vivait chez ses parents avant son hospitalisation.
b. Par décision du 24 août 2024 prise par un médecin des urgences psychiatriques des HUG, A______ a été placé à des fins d’assistance au sein de la Clinique de B______. La décision de placement fait état d’un épisode psychotique. Le patient souffrait depuis plusieurs mois de troubles du comportement, avec des idées de persécution et des probables hallucinations. Depuis trois semaines, il présentait une irritabilité croissante avec hétéro-agressivité verbale. Le médecin des urgences a relevé une attitude très méfiante, une « interprétativité », une attitude d’écoute et des stéréotypies. Le patient était anosognosique de son état et tenait un discours « plaqué », légèrement accéléré et désinhibé; il était par ailleurs rigide, peu accessible et présentait une tension interne. Une hospitalisation était nécessaire.
A______ a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection), lequel a ordonné une expertise, confiée à la Dre D______, médecin ______ de l’Unité de psychiatrie légale auprès du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML).
c. Les éléments suivants ressortent du rapport d’expertise du 27 août 2024 :
L’expertisé présentait une tension interne et se montrait méfiant. Des bizarreries du comportement ont été relevées; ainsi, l’expertisé souriait sans raison et toquait contre les accoudoirs en bois de son fauteuil. L’experte a également relevé une irritabilité fluctuante, ainsi que des idées délirantes paranoïaques.
A______ était persuadé que son frère, marié et vivant de manière autonome, voulait réintégrer son ancienne chambre au domicile parental, raison pour laquelle ledit frère l’avait fait hospitaliser. Il soutenait également avoir été hospitalisé du fait qu’il était noir et parce que la police en avait décidé ainsi.
L’experte a retenu le diagnostic de « autres troubles psychotiques primaires (première décompensation psychotique) versus schizophrénie ». Elle a relevé que l’intéressé avait débuté, en 2024, un suivi psychiatrique ambulatoire du fait de l’inquiétude de sa famille. Il avait toutefois mis un terme à son suivi en avril 2024. Son hospitalisation avait été motivée, selon sa famille, par le fait qu’il avait poussé son père à domicile, dans un contexte d’isolement social qui durait depuis plusieurs semaines, avec des bizarreries du comportement, dont une soliloquie et de l’irritabilité.
A______ refusait tout traitement, considérant ne pas en avoir besoin.
Selon l’experte, la poursuite de l’hospitalisation était nécessaire afin de pouvoir instaurer un traitement antipsychotique. En cas de retour à domicile précipité, une aggravation des symptômes psychotiques (irritabilité, idées délirantes, désorganisation du comportement) était à craindre, avec un risque d’hétéro-agressivité notamment à l’égard de sa famille.
d. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 3 septembre 2024.
A______ a contesté la nécessité de son hospitalisation. Il a par ailleurs invoqué un vice de procédure, dans la mesure où il était hospitalisé depuis plus de sept jours et aurait par conséquent dû sortir. Il était en pleine forme, se sentait calme et n’avait besoin d’aucun soin. Il n’avait par ailleurs agressé personne.
Le médecin de la Clinique de B______ présent à l’audience a indiqué qu’aucune amélioration de l’état de A______ n’avait été observée. Il était toujours irritable, présentait des bizarreries du comportement et des éléments paranoïaques avaient été observés, qui concernaient surtout les motifs et les circonstances de son hospitalisation. Il existait un risque hétéro-agressif, notamment à l’égard de la famille, laquelle était inquiète de la péjoration de l’état de santé de A______. Il était isolé, en retrait, avec des affects émoussés et totalement anosognosique de son état. L’hospitalisation était toujours nécessaire, afin d’évaluer les symptômes, poser un diagnostic et mettre en place un traitement.
Au terme de l’audience, la cause a été mise en délibération.
e. Par ordonnance DTAE/6328/2024 du 3 septembre 2024, le Tribunal de protection a rejeté le recours formé par A______ contre la décision médicale du 24 août 2024.
L’intéressé n’a pas formé recours contre cette ordonnance.
f. Le 6 septembre 2024, la Clinique de B______ a établi un plan de prise en soins concernant A______, qui prévoyait l’introduction d’un traitement antipsychotique, soit l’administration d’Olanzapine et de Lorezepam et, en cas de refus du patient, de l’Halopéridol.
A______ a refusé de prendre le traitement prescrit, considérant ne pas en avoir besoin et ne pas comprendre les raisons de son hospitalisation.
g. Le même jour, un médecin chef au sein de la Clinique de B______ a pris une décision de traitement sans consentement au sens de l’art. 434 CC, contre laquelle A______ a recouru auprès du Tribunal de protection, lequel a ordonné une nouvelle expertise. Celle-ci n’a toutefois pas pu être effectuée, en raison du refus de A______ de rencontrer l’expert.
h. Le Tribunal de protection a tenu une nouvelle audience le 12 septembre 2024, à laquelle A______ n’était pas présent.
Le Dr E______, médecin chef de clinique au sein de l’Unité C______ de la Clinique de B______, a expliqué que le patient était méfiant, réticent, en retrait. Il restait au lit toute la journée et fumait, alors que c’était interdit. Il ne présentait pas de troubles du comportement, mais se sentait persécuté. Un entretien avec la famille devait avoir lieu le lendemain. A______ en voulait toujours à son frère. Le Dr E______ avait constaté l’existence d’idées délirantes de persécution; durant l’échange verbal, le patient devenait de plus en plus tendu et présentait un risque hétéro-agressif; le médecin n’était jamais seul durant les échanges. A______ persistait à refuser tout traitement et demeurait anosognosique de son état. Le plan de soins lui avait été expliqué, mais il n’était pas en capacité de comprendre la nécessité de ceux-ci.
A l’issue de l’audience, la cause a été gardée à juger.
B. Par ordonnance DTAE/6504/2024 du 12 septembre 2024, le Tribunal de protection a rejeté le recours formé par A______ contre la décision médicale du 6 septembre 2024 ayant prescrit un traitement sans son consentement.
Le Tribunal de protection a retenu que la décision médicale était formellement valable. A______ présentait un trouble psychique au sens de la loi, dont découlaient des idées délirantes de persécution, ainsi que des comportements hétéro-agressifs. L’absence de traitement risquait de conduire à une dégradation psychique telle qu’elle pourrait mettre en péril la vie de l’intéressé ou son intégrité corporelle, respectivement celles d’autrui. Le traitement n’était pas accepté volontairement malgré l’environnement cadrant offert par le placement à des fins d’assistance.
C. a. Le 16 septembre 2024, A______ a formé recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (ci-après : la Chambre de surveillance) contre l’ordonnance du 12 septembre 2024.
b. Le juge délégué de la Chambre de surveillance a tenu une audience le 20 septembre 2020.
A______ a indiqué prendre désormais son traitement, tout en précisant qu’il y était contraint, car en cas de refus l’équipe médicale faisait appel à la sécurité et il recevait, de force, une injection. Le traitement provoquait de la fatigue et lui « bousillait » le cerveau; il était également inutile. Le recourant a précisé être poli et aimable avec tout le monde. Tout ce que les médecins lui disaient était incohérent et ceux-ci étaient « fous ». Ses parents étaient venus lui rendre visite, ainsi que son frère, qui s’était réconcilié avec lui. Le recourant, après avoir prétendu que c’était son frère qui aurait dû se trouver à sa place, a précisé ne pas lui en vouloir. Il a invoqué des vices de forme (non-respect d’un prétendu délai de sept jours et injection de force à son admission à la Clinique de B______).
Le Dr E______ a été entendu. L’évolution du recourant était progressivement positive. Le traitement sans consentement avait été décidé en raison du refus du patient de prendre le traitement prescrit et de l’absence d’évolution clinique de son état. Le recourant prenait son traitement depuis le 13 septembre 2024 et avait accepté, le matin même, une prise de sang. L’amélioration clinique constatée après l’introduction du traitement était encore fragile. Le contact avec le recourant s’était amélioré; il était moins méfiant et commençait à participer aux activités thérapeutiques. Il était toutefois encore trop tôt pour travailler sur un projet social. Pour cela, il convenait d’attendre la stabilisation clinique de l’état du recourant. En cas de suspension du traitement, il existait un risque de décompensation psychique avec une persistance des symptômes, notamment le sentiment de persécution, ainsi qu’un risque hétéro-agressif.
Au terme de l’audience, la cause a été gardée à juger.
1. 1.1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC).
1.1.2 En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de dix jours et devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC). Il est donc recevable à la forme.
1.2 La Chambre de surveillance jouit d’un pouvoir de cognition complet (art. 450a al. 1 CC).
2. Le recourant a soulevé des vices de forme qui auraient, selon lui, affecté la procédure de placement. Il ne sera pas entré en matière sur ces griefs dans le présent arrêt, dans la mesure où ils auraient dû être soulevés dans un recours formé contre l’ordonnance du Tribunal de protection du 3 septembre 2024, ordonnance que le recourant n’a toutefois pas contestée.
3. 3.1 Lorsqu’une personne est placée dans une institution pour y subir un traitement en raison de troubles psychiques, le médecin traitant établit un plan de traitement écrit avec elle (art. 433 al. 1 CC). Le plan de traitement est soumis au consentement de la personne concernée (art. 433 al. 3 première phrase CC).
Si le consentement de la personne concernée fait défaut, le médecin-chef du service concerné peut prescrire par écrit les soins médicaux prévus par le plan de traitement lorsque le défaut de traitement met gravement en péril la santé de la personne concernée ou la vie ou l’intégrité corporelle d’autrui (al. 434 al. 1 ch. 1 CC); la personne concernée n’a pas la capacité de discernement requise pour saisir la nécessité du traitement (ch. 2); il n’existe pas de mesures appropriées moins rigoureuses (ch. 3).
3.2 En l’espèce, il ressort de la procédure et en particulier de l’expertise psychiatrique du 27 août 2024 que le recourant, bien qu’il le conteste, souffre de troubles psychiatriques et présentait de ce fait, au moment de son placement à la Clinique de B______, une tension interne, de la méfiance, des idées délirantes paranoïaques ainsi que de l’irritabilité. Il présentait de ce fait un risque hétéro-agressif, notamment à l’égard de sa famille, qu’il rendait responsable, en particulier son frère, de son hospitalisation.
Les médecins de la Clinique de B______ ont préconisé l’administration d’un traitement médicamenteux au recourant, qui celui-ci a refusé. Jusqu’au 6 septembre 2024, aucune amélioration de son état n’a été constatée, raison pour laquelle la décision de traitement sans son consentement a été prononcée.
Il résulte de la procédure que cette décision était fondée. Elle a été prise après plus de dix jours d’hospitalisation, pendant lesquels il a été constaté que l’état clinique du recourant n’évoluait pas positivement et qu’il présentait un risque hétéro-agressif. Il est également établi que le recourant, totalement anosognosique de son état, n’était pas en mesure de comprendre la nécessité du traitement prescrit, qu’il persistait à refuser, de sorte que celui-ci ne pouvait lui être administré que par la contrainte. Il sera également relevé que ce traitement est encore nécessaire à ce jour, puisque l’état du recourant, bien qu’il ait commencé à s’améliorer, n’est pas encore stabilisé. En cas de suspension dudit traitement, il y aurait par conséquent tout lieu de craindre une nouvelle décompensation de l’état du recourant à la résurgence de ses symptômes, en particulier l’hétéro-agressivité.
Infondé, le recours sera par conséquent rejeté.
4. La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).
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PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé par A______ contre l’ordonnance DTAE/6504/2024 rendue le 12 septembre 2024 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/19628/2024.
Au fond :
Le rejette.
Dit que la procédure est gratuite.
Siégeant :
Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.